La Fiole Blanche
Calyndra poussa la porte de l’apothicaire avec soulagement. À son entrée, un vent sifflant et glacial s’engouffra dans son dos et elle dût batailler pour refermer la porte derrière elle.
- Par la barbe de Shalidor, quel temps à décoiffer Kyne en personne ! s’exclama-t-elle en époussetant son manteau et en arrangeant sa robe qui était de travers.
La chaleur de la pièce l’enveloppa, lui provoquant d’agréables frissons, comme si elle venait de plonger dans un grand bain chaud et vaporeux. En regardant autour d’elle, elle constata que rien n’avait changé depuis sa dernière visite qui remontait à il y a environ sept ans.
La petite boutique surchargée était toujours dans le même désordre organisé, que seul le maître des lieux pouvait en saisir la logique. Les étagères débordaient de fioles, de bocaux et de récipients de toutes sortes, contenant des liquides aux teintes diverses. Suspendues au plafond, un assortiment de fleurs et d’herbes séchées exhalaient un mélange de parfums entêtant, ce qui forçait les visiteurs à prendre quelques minutes afin de s’accoutumer à ce choc olfactif soudain.
On pouvait trouver en ce lieu, des ingrédients communs comme des pinces et de la chitine de Vasards, du sel de feu, des branches de Spriggans ou des dents de Spectres des Glaces, mais aussi des raretés que seuls les experts en alchimie pouvaient identifier. Calyndra sentit en elle de l’apaisement à se retrouver en ce lieu familier après avoir passé de longs mois à arpenter les routes glacées de Bordeciel.
En voyant la couche de neige éparse qu’elle avait faite tomber sur le tapis en entrant, elle s’excusa en direction de l’homme qui se tenait derrière le comptoir. Il lui tournait le dos et elle se rendit compte qu’il ne s’était même pas aperçut de sa présence. En s’approchant, elle l’entendit murmurer :
- … le cours des évènements semble échapper à tout contrôle, serait-ce vraiment préjudiciable d’intervenir ?
Elle se pencha sur le côté pour apercevoir à qui l’homme s’adressait. Mais il n'y avait personne. Pensant qu’il devait se parler à lui-même, Calyndra se racla la gorge suffisamment fort pour qu’il l’entende.
Le vendeur eut l’air de sortir de sa rêverie et se retourna. C’était un Bréton de haute taille, aux épaules voûtées et aux chevaux mi-longs coiffés en catogan.
- Bonsoir, désolée de vous… déranger, dit-elle en l’observant d’un air intrigué. J’aimerais m’entretenir avec S’ieur Eddling, s’il vous plaît.
Le Bréton ne sembla pas gêné d’avoir été surpris en plein monologue et lui répondit d’une voix neutre.
- Navré, mais il n’est pas disponible aujourd’hui.
Le sourire aimable de la jeune femme s’effaça.
- Pour quelle raison ?
Il souleva un volume imposant qu’il déposa avec précaution à l’intérieur d’un placard élégamment décoré.
- Je doute que cela vous concerne… Mais Eddling est souffrant. Il a besoin de repos et non d’une présence… perturbante.
Il avait prononcé ces derniers mots en lui lançant un regard dédaigneux.
- Eddling… souffrant ? S’étonna Calyndra à voix haute tant cela semblait incongru. Mais ce vieux grincheux est plus coriace qu’un Cagouti enragé !
Dans les souvenirs de son dernier passage, le vieil homme malgré son âge avancé, était tout aussi nerveux et plein d’énergie qu’à son habitude. En effet, jamais elle n’avait vu le vieil alchimiste se reposer un seul instant. Il était toujours plongé dans son atelier à préparer des potions et des mixtures ou à battre la campagne à la recherche d’ingrédients.
- Je dois le voir, dit la jeune femme avec fermeté. Une soudaine inquiétude avait fait place à la surprise.
L’homme secoua la tête avec agacement.
- Je vous ai dit que ce n’était pas possible. Maintenant, si vous ne souhaitez rien acheter, je dois retourner à mon travail.
Il ferma à clef le placard d’un geste sec avant de lui tourner le dos.
Les jointures de la main droite de Calyndra, qui tenait un long bâton d’ébène, blanchirent tant elle le serra avec force et elle dût réprimer l’envie de lancer un sort à la tête de fouine du vendeur.
- Il se trouve que je suis une très vieille amie et l’une de ses meilleures clientes… Poursuivit-elle sur un ton qui se voulait de plus en plus glacial. J’ignore depuis quand vous êtes à son service, mais à votre place j’éviterais de me brouiller avec moi. J’ai fait beaucoup de routes pour arriver jusque-ici !
Le Bréton était resté sans rien dire, un sourire se dessinant sur ses lèvres.
Calyndra ne sût s’il se moquait d’elle, ce qui ne fit qu’accroître sa contrariété.
- Votre loyauté est louable, finit-il par dire en l’observant attentivement, mais inutile si elle ne passe pas l’épreuve des faits. Nous verrons bien si votre présence apporte vraiment quelque chose à Eddling.
Elle voulut répliquer à ces paroles énigmatiques, mais des pas descendant précipitamment un escalier de bois l’interrompirent et un jeune adolescent apparu.
- Caly, c’est toi ?
Comme souvent, elle fût frappée par les changements que le temps avait eu en son absence. Il n’était qu’un petit garçonnet à sa dernière visite et à présent, il était autant grand qu’elle, avec ses cheveux auburn qui retombaient en mèches bouclées sur son front et non plus sur ses épaules. Une fine barbe encadrait son visage qui avait perdu ses rondeurs enfantines. Mais le changement le plus troublant était dans ses yeux bleus. Disparues la candeur et la douce innocence, Calyndra y lut la tristesse et la fatigue d’une responsabilité trop grande pour lui.
- Bien sûr, tête de nœuds ! Et toi qui es-tu et qu’as-tu fait d’Ag ? La dernière fois que je l’ai vu, sa tête ne dépassait pas du comptoir, dit-elle d’un ton léger en essayant de chasser l’agacement que le Bréton avait fait naître en elle.
Agmund eut un éclat de rire qui même s'il dérailla un peu sur la fin, (à cause du fait qu’il commençait à muer), rassura Calyndra. C’était au moins une chose qui n’avait pas complètement changée chez lui.
- Je me disais bien avoir reconnu ton timbre de voix quand tu es contrariée ! C’est le même que tu utilisais pour me réprimander, fit-il en la prenant dans ses bras.
Une toux leur parvint alors à l’étage du dessus et leurs sourires s’effacèrent. Sans un mot ni un regard envers le Bréton qui ignorait superbement leurs retrouvailles, ils montèrent les marches et traversèrent un couloir tout aussi encombré que le magasin. Zigzagant entre des caisses de bois remplies de récipients en verre vides, Agmund la conduisit jusqu’à une chambre plongée dans la pénombre. Calyndra s’approcha lentement en essayant de refouler le malaise qui grandissait à chaque pas qui la rapprochaient de la silhouette étendue dans le lit. À la lumière vacillante de la chandelle sur la table de nuit, elle vit un visage méconnaissable. Celui d’un vieillard aux trait sillonnés de rides et au teint blafard. Pendant une effroyable seconde, elle crut qu’il était mort, mais les paupières s’ouvrirent pour poser sur elle un regard laiteux, lointain.
- Agmund… Qui est avec toi ? J’avais pourtant dit ne vouloir voir personne !
Sa voix familière au ton autoritaire, était accompagnée d’un sifflement douloureux.
- Oui mon oncle, mais c’est Calyndra qui est venue nous rendre visite ! Répondit l’adolescent d’un air réjouit.
- Oh, par la barbe de Talos, enfin une excellente nouvelle ! Approche mon enfant, comme tu vois, ma vue n’est plus ce qu’elle était, comme tout le reste…
Calyndra appuya son bâton contre le mur près de la porte, avant de s’accroupir au pied du lit. Lentement, elle souleva sa capuche qui laissa échapper une cascade de cheveux blonds. Elle repoussa une de ses mèches derrière son oreille au bout pointu. Eddling la regarda longuement en hochant la tête.
- Aaah…Ton sang d’elfe a préservé ta beauté, tu n’as pas changé d’un poil de Khajiit !
Des larmes naissait dans les yeux verts de la jeune Haute-Elfe qui posa une main douce et chaude sur celle glacée et rachitique d’Eddling.
- Oui mais c’est aussi une malédiction. Le temps m’a encore une fois trahi, car il s’est écoulé à mon insu pour s’en prendre à ceux qui me sont chers !
La vérité avait enfin fait surface et la douleur qui l’accompagnait menaçait de la submerger entièrement. La fatigue de ces dernières semaines de voyage, lui pesa tout à coup sur les épaules et elle dût contrôler ses membres qui étaient pris de tremblements.
- Ne t’en fait pas pour moi petite. La vieillesse et la mort sont des choses immuables et je peux m’estimer heureux d’avoir pu mener une vie pleine et enrichissante.
Il leva la main pour faire taire les excuses que la jeune femme voulait prononcer.
- Je ne souhaite pas à ce qu’on s’apitoie sur mon sort et à vrai dire, je ne veux pas en parler du tout, dit-il fermement. Il y a des choses importantes dont je dois te faire part ce soir. Ta venue est une bénédiction des Divins car ils ont guidé tes pas jusqu’à moi avant mon départ pour Sovngarde précisément au moment où j’avais le plus besoin de ton aide !
Calyndra, retrouva la maîtrise de son chagrin qu’elle refoula dans un coin pour se concentrer sur les paroles de son vieil ami.
- Que y a-t-il ?
Eddling lâcha un profond soupir et pendant quelques instants, il sembla perdu dans ses pensées ce qui plongea la petite chambre dans le silence. On entendait plus que le sifflement du vent et le léger tambourinement des branches d’un arbre dénudé contre les carreaux de la fenêtre.
- C’est une longue histoire qui remonte à il y a très longtemps, finit-il par dire, l’air hésitant.
Il essaya de se relever du lit et Agmund se précipita pour aider son oncle à se redresser afin qu’il soit en position assise, le dos appuyé contre le sommier.
- Merci, mon garçon, apporte-nous dont ce vieil hydromel dans le cellier veux-tu ? J’ai déjà le gosier tout sec et on a beaucoup à dire ce soir.
Agmund quitta la pièce et dévala les marches bruyamment.
- Par le sang de mes ancêtres, doucement mon garçon ! Cesse donc de te déplacer comme un mammouth ou tu vas passer à travers le plancher !
Eddling continua à grommeler dans sa barbe, ce qui redonna le sourire à la jeune femme à qui le tempérament irascible de son ancien mentor lui rappelait de bons souvenirs.
L’adolescent, toujours de son pas assourdissant, revint rapidement avec une bouteille poussiéreuse qu’il servit dans deux chopes en étain, puis amena un petit fauteuil pour Calyndra. Il débarrassa ensuite une pile de livres en équilibre sur un tabouret pour pouvoir s’y installer lui-même. Le vieux Nordique porta le breuvage à ses lèvres et sous le regard soucieux mais admiratif de la jeune Haute-Elfe, il en bu une grande rasade d’un coup. Avec un claquement de langue appréciateur, il lui fit un clin d’œil. Calyndra connaissait que trop bien cette boisson pour l’imiter et se contenta d’une minuscule gorgée. Le liquide lui brûla la gorge en descendant jusqu’à son estomac, mais elle ressentit rapidement une agréable chaleur l’envahir.
- Voilà qui est bien mieux, dit Eddling la voix moins enrouée. Comme je le disait, il s’agit d’une vieille histoire, qui commence par une découverte que j’ai fait un jour dans une grotte.
Il fit une pause pour réajuster la couverture sur ses jambes.
- J’y étais venu cueillir des champignons rares pour une concoction. Ce jour-là, je suis tombé sur un vieux livre racontant une ancienne légende nordique.
Agmund curieux, se pencha en avant.
- Une légende Nordique ?
- Oui. Au début, je n’y ai vu qu’un moyen de me distraire, répondit Eddling avec un sourire. Mais cela a piqué ma curiosité, car elle mentionnait un puissant artéfact. Plus je progressais dans mes recherches, plus je réalisais que ce n'était pas un conte pour enfant, mais quelque chose de bien réel et de très ancien.
Il croisa les bras sur sa poitrine, son regard se perdant dans le lointain.
- La légende parlait d’une fiole blanche.
Calyndra leva un sourcil, intriguée.
- Vous voulez dire… que la boutique porte ce nom à cause de cette fiole ?
Agmund intervint les yeux brillants.
- Moi qui pensait que c’était juste un nom tout bête pour que vos clients la gardent en mémoire.
Calyndra opina, ajoutant :
- Je ne m’étais jamais demandé son origine non plus… généralement, ce n’est que lorsque mes fioles sont vides que je pense à ta boutique. De plus, ajouta-elle, ce n’est pas les établissements aux noms loufoques qui manquent en Bordeciel…
- Comme l’auberge de la Cruche Percée à Faillaise ou du Smilodon Trébuchant à Aubétoile, fit Agmund avec un sourire. Mais ici à Vendeaume, les gens n’ont pas beaucoup d’humour… ajouta-il sombrement.
Le vieux Nordique sourit à leurs remarques mais reprit rapidement un ton sérieux.
- La Fiole Blanche est bien réelle, ou du moins je le crois. Elle aurait appartenu à Octavius Gallian, un alchimiste de la Première Ère.
Il marqua une pause pour boire une nouvelle gorgée avant de poursuivre.
- Il s’agirait d’un artéfact unique, capable de se remplir indéfiniment de tout liquide que son possesseur y verse. Une potion qui ne s’épuise jamais, en somme.
Agmund laissa échapper un sifflement d’admiration, mais le vieil alchimiste leva un index avant de poursuivre, l’air grave.
- Hermaeus Mora serait lié à cette légende.
Le visage de la jeune femme s’assombrit.
- Le Daedra gardien des savoirs interdits… chuchota-elle. Voilà qui complique les choses.
Eddling acquiesça, ses doigts osseux jouant avec le bord de sa chope. Il croisa le regard interrogateur de son neveu et ajouta :
- Hermaeus Mora intervint que très peu dans les affaires des mortels, préférant généralement en être juste le spectateur. Du moins, que lorsque certains sont suffisamment dotés de dons hors du commun pour capter son attention. Et il leurs accorde encore plus rarement des faveurs. Il passe le plus clair de son temps dans son royaume, à dévorer des livres que renferme sa bibliothèque qui, dit-on, n’a pas de fin. Selon les écrits, Mora aurait offert cette fiole à Octavius Gallian en récompense pour son génie et ses découvertes en alchimie. Mais comme toujours avec les Daedras, ce cadeau avait un prix.
Agmund, absorbé par les paroles de son oncle, demanda :
- Quel était le prix ?
- Le livre reste vague sur ce point, répondit Eddling en haussant légèrement les épaules. Mais il mentionne que Gallian a consacré le reste de sa vie à tenter de concevoir une potion capable de transcender les limites mortelles.
Calyndra se redressa, pensive.
- Une potion d’immortalité ?
- Pas exactement, plutôt une potion de rajeunissement. Un élixir pouvant repousser indéfiniment les effets du temps, précisa-t-il. Gallian pensait que s’il maîtrisait cette alchimie ultime, il pourrait utiliser la Fiole Blanche pour créer cette potion sans limite.
Il fût interrompu par une série de quinte de toux qui dura plusieurs minutes, sous le regard inquiet d’Agmund et de Calyndra. La crise passée, il reprit son récit, la voix encore vacillante.
- Mais personne ne sait s’il y est parvenu. À plusieurs reprises, le Daedra fit appel à ses services afin de retrouver des livres uniques renfermant des savoirs interdits. Mais on ne sut jamais si l’alchimiste arriva à inventer une telle potion. Peut-être a-t-il été dupé par Hermaeus Mora après avoir atteint son but ?
Agmund, les yeux brillants, demanda avec impatience :
- Et cette fiole, vous pensez qu’elle existe encore ?
Eddling hocha la tête.
- Je le crois. Et mieux encore, je pense avoir découvert sa localisation grâce aux dernières informations qu’on m’a rapportées.
- Quelqu’un vous a aidé ? Demanda Calyndra avec surprise.
Eddling eut un sourire malicieux.
- Avoir donné ce nom à ma boutique, n’était pas une décision anodine. En faisant ça, j’attirais ceux au courant de cette légende ou lançais sur la piste ceux étant intrigués par elle. C’est ainsi que j’ai rencontré deux personnes qui ont partagés mon désir de retrouver cet artéfact perdu.
- Incroyable ! Donc vous savez où se trouve la fiole ? s’exclama Agmund, en bondissant d’excitation sur son tabouret.
Le vieil alchimiste hocha la tête et Calyndra revit à cet instant le même éclat de force et de détermination briller dans le regard de son ancien mentor.
- Mes amis ont découvert un vieux journal rédigé par un prêtre d’Arkay. Le prêtre, raconte sa découverte de fresques dans une crypte Nordique qui mentionnent qu’un artéfact Daedrique était enterré dans le tombeau d’un ancien Prêtre-Dragon.
Calyndra demanda, son intérêt piqué à vif.
- Où se trouve le tombeau ?
- Dans le Labyrinthe, répondit Eddling d’une voix grave.
Le silence tomba dans la pièce.
Agmund observa, mal à l’aise, l’expression soudainement sérieuse de son oncle et de la Haute-Elfe.
- Oui le labyrinthe, répéta Eddling en hochant la tête d’un air sinistre. Une ancienne ruine située dans la Châtellerie de Hjaalmarche, au Sud-Est de Mortal. Un lieu tristement célèbre pour ses dangers.
Calyndra acquiesça, croisant les bras sur sa poitrine.
- Je connais ce lieu. Les histoires qui en parlent ne manquaient pas à l’Académie de Forthiver, dont je faisais partie autrefois. À cette évocation, elle pinça les lèvres, son regard se durcissant.
Eddling esquissa un sourire triste.
- Oui, avant ton bannissement de l’Académie…
Agmund tourna brusquement la tête vers son amie et la dévisagea avec surprise.
- Tu ne me l’avais jamais dit ! Je veux dire… dit-il en s’empourprent. Je me doutais bien que tu avais étudié là-bas, mais pas que tu aies été renvoyée.
Calyndra releva le menton, le visage tout à coup dénué d’expression et s’adressa directement au vieil homme.
- Exacte. Ils n’étaient pas d’accord sur certaines de mes… méthodes. Enfin, ceci est une autre histoire que je ne tiens pas à évoquer ce soir.
Son ton glacial dissuada les deux hommes de poursuivre sur ce sujet.
- Durant la fin de l’Ère Première, raconta-elle. L’Archimage Shalidor, construisit au plus profond des ruines de Volunruud, le Labyrinthe. Qu’on surnomme aujourd’hui ; le Dédale de Shalidor. Afin de mettre à l’épreuve les aspirants Archimages, car il accordait autant de valeur au savoirs académique, qu’au pragmatisme. Peu ont survécu à ces épreuves, et ceux qui y sont parvenus, n’ont jamais révélé leurs secrets.
- Ce qui rend l’accès au tombeau extrêmement difficile, mais ce n’est pas tout, ajouta Eddling sombrement. Les prêtres d’Arkay qui avaient pour tâche de purifier l’endroit, ont rapporté que peu d’entre eux en sont revenus vivants. Mentionnant une puissance malfaisante qui hanterait les lieux.
Agmund impressionné demanda :
- Et vous pensez que cette puissance protège la Fiole Blanche ?
- Peut-être, répondit Eddling. Ce qui est certain, c’est qu’avant d’être chassé du sépulcre, le prêtre a eu le temps de faire une esquisse de l’une des fresques…
Le vieil homme sortit une lettre du tiroir de la table de nuit et la tendit à Calyndra et Agmund.
- J’ai reçu ce message, il y a quelques semaines, de la part de mes amis qui ont recopié une partie du dessin du journal du prêtre.
Calyndra prit la lettre et l’examina à la lumière tremblotante de la chandelle.
Cela ne peut vouloir dire qu’une chose, nous nous rapprochons enfin du but.
Nous vous attendrons à Fort-Ivar afin de planifier notre expédition.
J’espère que votre santé s’est améliorée (ainsi que votre sale caractère).
Votre fidèle amie à qui vous manquez,
Louve
Le dessin en dessous de la note griffonnée par Louve, représentait une fiole stylisée, ornée de runes complexes.
- Cela pourrait correspondre, dit-elle en hochant la tête. Mais comment être sûr qu’il s’agît bien de la Fiole Blanche ? Les artéfacts Daedrique sont nombreux en Tamriel.
- C’est vrai, admit Eddling. Mais la description correspond à trop d’éléments spécifiques pour que ce soit une simple coïncidence.
Il fit une pause pour boire dans sa chope et poursuivit d’une voix plus grave.
- Mes amis, Louve et Mogrimm’dar, étaient censés m’attendre à Fort-Ivar… mais je n’ai plus de nouvelles d’eux depuis plusieurs jours.
- De vos amis, vous ne m’en avez jamais parlé… dit la jeune femme avec une pointe de reproche. Qui sont-ils ?
Le vieil homme eu un sourire d’excuse.
- Intrigués par le nom que portait ma boutique, ils sont passés pour me questionner à ce sujet et par la suite, m’ont apporté leur aide dans mes recherches. Avec le temps, cette simple collaboration s’est changée en amitié.
Il se redressa et fit craquer son dos ankylosé.
- Alors pour commencer, il y a un Khajiit venu des terres chaudes d’Elsweyr. Il s’appelle Mogrimm’dar et il a rejoint il y a longtemps Bordeciel pour fuir sa vie d’esclave. C’est un barde et un voleur talentueux. Louve est une archère Nordique, extrêmement habile. Ensemble, ils forment une équipe redoutable.
Agmund écoutait avec attention et demanda avec inquiétude :
- Vous pensez qui leur est arrivé quelque chose ?
- J’en ai bien peur, répondit Eddling. Et c’est pour ça que j’ai besoin de toi, Calyndra.
La Haute-Elfe qui avait toujours les yeux fixés sur la lettre, releva la tête, le regard brillant de détermination.
- Vous pouvez compter sur moi Eddling, je les retrouverai.
Le vieil alchimiste eut un sourire reconnaissant.
- Merci.
Calyndra lui prit la main et la serra dans la sienne.
- Très bien, dit la jeune femme avec sérieux. Je vais avoir besoin de plus d’informations. À quoi ressemblent-ils ?
Eddling réfléchit un moment, choisissant ses mots avec soin.
- Mogrimm’dar est semblable aux autres khajiits : un visage de félin sur un corps long et fin, recouvert d’un pelage noir rayé de gris. Il porte généralement des vêtements de cuirs sombres avec une capuche…
- Rien d’autre ? Pas de cicatrices ou de signes particulier ?
- Ah oui, j’oubliais, fit le vieil homme, son visage s’illuminant. Il porte cet anneau d’or ridicule. À l’oreille droite il me semble… mais pas de cicatrices, du moins, pas la dernière fois que je l’ai vu.
La Haute-Elfe hocha la tête en mémorisant les informations.
- Louve, quant à elle, a des yeux vert-olive, continua Eddling. Une cicatrice traverse sa pommette gauche à sa lèvre supérieure.
Pensif, il passait machinalement ses doigts dans sa barbe blanche.
- Des cheveux châtains, généralement rasés sur un côté, elle est de taille moyenne et est vêtue de peaux et de fourrure. Toujours armée de son arc long, évidemment.
- C’est parfait, Eddling, ça sera suffisant.
Calyndra se leva et regarda le ciel par les carreaux de la fenêtre. La position des deux lunes, Masser la grande rousse et Secunda la petite argentée, lui indiquèrent qu’il lui restait seulement quelques heures avant le lever du soleil. Mais au moins, la tempête s’était levée.
- Je pense qu’il est grand temps d’aller se coucher ! s’exclama Eddling à l’attention de son neveu qui avait laissé échapper un profond bâillement. Il y a bien longtemps que mes vieux os n’ont veillé aussi tard ! Au lit !
Agmund ne protesta pas et s’approcha de la jeune femme.
- Bonne nuit Caly, je te souhaite bonne chance pour demain… en espérant te revoir vite.
Le bleu-gris de ses yeux, semblable à l’éclat de l’acier, ne laissait pas transparaître de la tristesse. Mais une chose qu’elle ne sût définir.
Il l’étreignit brièvement, avant de quitter la pièce.
- Bien ! Je ne vais pas t’accaparer plus longtemps que nécessaire, car il te faut te reposer, déclara Eddling. Tu peux te servir dans la boutique en ingrédients et potions ainsi que dans la cuisine pour tes vivres. Prend tout ce qui te sera utile. Avant que tu ne partes à Fort-Ivar, va faire un crochet aux écuries, ici à Vendeaume et dit au palefrenier Hilgar, que le moment est venu de payer sa dette. Il te donnera un cheval. Et veille à ce qu’il fasse partie de ses meilleurs ! Il me doit bien ça, j’ai sauvé son fils unique après qu’il est été attaqué par un Smilodon, lors d’une chasse qui a mal tourné.
Calyndra acquiesça, elle sentait ses yeux devenir lourds et avait grande hâte de regagner un lit douillet. Eddling ôta alors sa chevalière à sa main gauche. La jeune femme vit qu’un rubis était incrusté à l’anneau.
- Peux-tu me prêter ta dague, je te prie ? lui demanda-il.
Surprise, elle l’observa quelques secondes avec inquiétude, se demandant s’il n’avait pas perdu l’esprit. Mais il la gratifia d’un sourire rassurant et elle sortit du fourreau accroché à sa ceinture une fine dague de conception elfique et la lui tendit. Il la prit délicatement, admirant les reflets pourpres que la pierre taillée, posaient sur la lame effilée.
- Cette chevalière est enchantée. Elle te permettra de communiquer avec moi, dans une certaine mesure.
- Comment cela fonctionne-t-il ? demanda la jeune femme en observant le bijou.
- Après avoir payé le prix du sang, il te suffira de te concentrer et de prononcer mon nom. Je pourrai entendre ta voix et t’apporter des conseils.
- Payer le prix du sang ? répéta Calyndra, les sourcils froncés.
Il dirigea alors la pointe de la lame à son index et en perça le bout. Une goutte de sang perla, puis tomba sur le rubis qui l’absorba aussitôt. Il sembla à Calyndra que la pierre au sein du bijou, brillait plus intensément qu’auparavant et elle battit des paupières en se demandant si ses yeux fatigués ne lui avaient pas joué un tour. Eddling lui tendit la chevalière et elle l’approcha de son visage. Mais l’étrange lueur avait disparue.
- Cependant, fais-le avec parcimonie, dit Eddling d’un ton grave. Cela nous coûtera beaucoup d’énergie à tous les deux. Il te faudra choisir soigneusement quand l’utiliser...
Il reprit sur un ton plus détendu :
- Voilà, petite ! Tu peux dormir dans la chambre d’ami, je ne t’indique pas le chemin… je ne compte plus le nombre de fois où tu y as dormi ! Et surtout, passe une bonne nuit !
Elle passa la chevalière d’Eddling à son doigt et fût surprise par son poids. Elle était plus lourde qu’elle ne l’avait pensé. Puis, elle souhaita une bonne nuit à son vieil ami. Mais au moment où elle posa la main sur la poignée de la porte, elle s’immobilisa.
- Eddling… depuis toutes ces années que je vous connais… pourquoi ne m’avez-vous jamais parlé de tout cela avant ?
Le vieil homme soupira, son regard se perdant dans les ombres vacillantes de la pièce.
- Mon orgueil, j’en ai bien peur… On a tous le désir d’accomplir des exploits par soi-même. De plus, tu venais de quitter l’Académie et tu étais en colère. Je pensais que tu avais besoin de tracer ton propre chemin, sans que je ne t’entraine dans mes affaires.
Cette explication était loin d’être suffisante pour la Haute-Elfe, même si elle la rassura un peu. Les cachotteries de son ancien mentor l’avaient blessées et la laissaient perplexe. Il dût s’en rendre compte, mais elle le salua d’un geste avant de sortir dans le couloir où il lui sembla entendre vers la chambre d’Agmund, le grincement d’une porte qu’on referme discrètement. Elle s’arrêta un instant, l’oreille tendue. Ses pensées s’embrouillaient par la fatigue, mais elle n’entendit plus aucun bruit et finit par regagner la chambre d’ami en face des escaliers. Elle se contenta de déchausser ses bottes d’un coup de pied et de retirer sa cape et sa ceinture avant de s’écrouler sur le lit, où elle plongea presque instantanément dans un sommeil profond et sans rêves.