Les enfants de Bordeciel
Disclaimer habituel : les lieux, personnages, et situations que vous reconnaîtrez des jeux TES ne sont pas à moi, vous connaissez la chanson.
Bonne lecture ^^
Chapitre 1 - Libération
Le vent glacial fouettait le visage de Hunfen, arrachant un gémissement au jeune garçon. Il tenta de se recroqueviller malgré ses mains liées, cherchant désespérément à se protéger du froid mordant. Ses vêtements de cuir, autrefois ajustés avec soin à sa taille, étaient désormais trop serrés, témoins silencieux des quelques mois de croissance qui avaient transformé ce garçon de onze ans. Le cuir, bien que modeste, avait été soigneusement travaillé par son père pour lui offrir une protection, témoignage silencieux de son amour et de son souci pour la sécurité de son fils. Hunfen avait toujours été un enfant curieux, observant discrètement les merveilles de Bordeciel, fasciné par ses paysages, mais conscient des dangers qui rôdaient. Jusqu’à ce jour, il avait su se cacher et rester à l’abri, mais la chance semblait l’avoir abandonné.
La charrette cahotait violemment sur la route, secouant Hunfen et le réveillant progressivement de son engourdissement. Ses derniers souvenirs étaient confus : il s’était faufilé pour observer une bataille entre les soldats impériaux et les rebelles Sombrages. Les bruits des épées qui s’entrechoquaient, les cris des combattants, puis le visage impitoyable d’une capitaine impériale avant que tout ne sombre dans le noir. Feignant l’inconscience, il ouvrit légèrement les yeux, scrutant discrètement les autres prisonniers autour de lui.
À sa droite se trouvait un homme imposant, drapé dans un grand manteau de fourrure. Hunfen crut reconnaître le Jarl de Vendeaume, que son père lui avait autrefois montré lors d’un bref passage dans la cité. Face à lui se trouvaient deux autres prisonniers : un guerrier blond portant l’uniforme des Sombrages, et un autre, plus modeste, au visage sale, qui semblait bien loin d’avoir la carrure d’un combattant. Ses vêtements simples trahissaient une vie plus humble.
Le grondement sourd des roues sur les cailloux étouffait presque les voix des prisonniers, rendant leurs échanges difficiles à comprendre. Néanmoins, Hunfen tendit l’oreille, cherchant à saisir la situation. L’homme brun, qui semblait répondre au nom de Lokir, se lamentait de son sort, pestant contre les Sombrages qu’il rendait responsables de ses malheurs.
« Maudits Sombrages ! Tout allait bien en Bordeciel avant votre rébellion. L’Empire était calme et nonchalant. Si vous n’aviez pas été là, j’aurais pu voler ce cheval et je serai déjà arrivé à Lenclume. Je ne devrais pas être ici, et ce gamin non plus ! »
Le blond, Ralof, répliqua d’un ton amer : « Nous sommes tous frères et sœurs enchaînés maintenant, voleur.
— Silence là-derrière ! » gronda le soldat impérial qui conduisait la charrette, mais Lokir, indifférent à l’avertissement, continua : « Et lui, qu’est-ce qui cloche chez lui ? » demanda-t-il en désignant l’homme en fourrure, bâillonné et silencieux.
Ralof répondit sèchement : « Surveille tes paroles ! Tu parles à Ulfric Sombrage, le véritable Haut-Roi ! »
Hunfen dut lutter pour garder son calme. Il se trouvait donc bien à côté du légendaire Jarl de Vendeaume ! On racontait que sa voix était aussi mortelle que son épée, qu’il avait tué le Haut-Roi Torryg d’un simple cri. Mais, naturellement, les Impériaux avaient jugé bon de le bâillonner. La situation devenait de plus en plus inquiétante.
« Ulfric ? Le Jarl de Vendeaume ? C’est vous, le chef de la rébellion !, s’exclama Lokir, sa voix trahissant une panique croissante. Mais si vous avez été capturé… Par les Dieux, où nous emmènent-ils ?
— Je ne sais pas où nous allons, répondit Ralof d’un ton résigné, mais Sovngarde nous attend au bout du chemin. »
Le cœur de Hunfen s’emballa, la peur s’insinuant en lui comme un poison. Était-il vraiment destiné à être exécuté aux côtés de ces hommes ? Il fit de son mieux pour continuer à feindre le sommeil, espérant passer inaperçu, comme lorsqu’il se dissimulait dans les forêts, attendant patiemment que les animaux l’ignorent, jusqu’à ce qu’il soit prêt à décocher une flèche, garantissant un bon repas.
La charrette franchit les portes d’Helgen. Comme pour confirmer ses craintes, Hunfen entendit un soldat impérial crier : « Général Tullius, chef ! Le bourreau attend ! » Les prisonniers se turent, et l’enfant, en proie à une peur grandissante, tenta de percevoir les alentours à travers ses paupières mi-closes. À côté, Lokir, la voix tremblante, implorait les Divins. Ralof, quant à lui, gronda amèrement :
« Regardez-le, le général Tullius ! On dirait que les Thalmor sont avec lui. Maudits elfes ! Je suis sûr qu’ils ont quelque chose à voir avec tout ça ! »
Les pensées de Hunfen étaient en ébullition, balançant entre la terreur et l’émerveillement. Le général Tullius, ici, en personne ? Le commandant des légions impériales en Bordeciel ? Une part de lui voulait se redresser pour mieux voir cet homme, mais la crainte l’en empêchait. Tandis que les charrettes avançaient dans la rue, un garçon dans la foule demanda à son père :
« Que font ces gens dans les charrettes, papa ? Tu as vu, il y a un garçon avec eux !
— Rentre, fiston, immédiatement !, ordonna le père d’un ton sec.
— Pourquoi ? Je veux voir les soldats, moi !
— À la maison, maintenant ! » tonna le père, ne laissant aucune place à la discussion.
Cette réaction convainquit Hunfen de rester immobile. Il était évident que, malgré ses efforts pour se faire oublier, il ne passait pas inaperçu.
oOo
Enfin, le convoi s’arrêta. Hunfen entendit les autres prisonniers descendre un à un de la charrette, mais personne ne semblait prêter attention à lui. Peut-être pourrait-il encore s’éclipser ? Son espoir fut cependant anéanti lorsqu’un soldat impérial l’attrapa sans ménagement et le jeta hors du chariot.
Il se releva péniblement, son souffle coupé par la violence du geste. Il tenta de dissimuler sa peur derrière un masque de neutralité, mais ses yeux trahissaient son angoisse. Devant lui, les autres prisonniers étaient alignés, face à la capitaine impériale qui l’avait capturé, et un autre soldat, tenant une liste de noms. La capitaine, au teint hâlé, aux yeux sombres, et aux cheveux bruns typiques des Impériaux, contrastait avec l’autre soldat, un Nordique à la carrure imposante, dont l’uniforme impeccable et la posture droite trahissaient une discipline rigoureuse. Ses cheveux châtains étaient longs pour un soldat impérial, et son regard déterminé semblait cacher une pointe de compassion.
« Hadvar… » murmura Ralof en fixant le soldat avec une douleur mêlée de colère. Hadvar soutint son regard un instant avant de dérouler le parchemin qu’il tenait.
« Ulfric Sombrage, Jarl de Vendeaume », appela-t-il d’une voix forte.
Ulfric s’avança et, suivant l’indication muette de la capitaine, se dirigea sur le côté, en direction du billot. Hunfen l’observa un instant faire face au général Tullius. Voir ainsi ces deux illustres chefs donnait au moment une solennité qui n’échappa pas même au jeune garçon. Le Jarl fit encore quelque pas et s’arrêta à une dizaine de mètres du bourreau.
Hadvar poursuivit : « Ralof de Rivebois. »
Une légère hésitation sembla assombrir la détermination du soldat, mais il continua. Hunfen se demanda à quel point les deux hommes se connaissaient. Mais il n’eut guère le temps d’y réfléchir, car Hadvar reprit l’appel des noms.
« Lokir de Rorikbourg. »
À l’annonce de son nom, Lokir s’agita, criant : « Je ne suis pas un Sombrage ! Vous faites erreur ! Vous n’avez pas le droit ! » Il tenta de fuir, mais une flèche impériale mit fin à sa tentative, le fauchant sur le coup.
Hunfen sursauta, son estomac se nouant de peur en voyant le corps sans vie de Lokir. Il prit conscience, avec une horreur grandissante, de la gravité de leur situation. La flèche ou la hache, il ne pouvait espérer s’échapper. La capitaine, un rictus méprisant sur les lèvres, ajouta :
« Alors, plus personne n’a envie de s’enfuir ? »
Hadvar allait appeler le prochain prisonnier lorsque son regard croisa celui de Hunfen, empli de panique. Fronçant les sourcils, il s’adressa à la capitaine :
« Et cet enfant ? Que devons-nous faire de lui ? »
Hunfen les regardait tour à tour, pétrifié, incapable de prononcer la moindre parole, malgré son désir de crier son innocence. Son corps tremblait de plus en plus, lorsqu’un autre regard, celui du général Tullius, se posa sur lui. Les traits sévères et marqués par les années du chef militaire semblèrent soudain adoucis par une pointe de compassion, rassurant un peu l’enfant.
« Pourquoi un enfant se trouve-t-il ici ? demanda-t-il sévèrement à ses subordonnés. D’où vient-il ?
— Je ne sais pas, mon général, répondit Hadvar avec une hésitation. Il était avec les autres prisonniers lorsqu’on les a trouvés.
— C’est moi qui l’ai capturé, mon général, intervint sèchement la capitaine. Il se trouvait près d’une escarmouche entre nos troupes et les rebelles. Il s’agit probablement d’un éclaireur. »
Le général Tullius plissa les yeux, scrutant Hunfen avec attantion. « Un enfant enrôlé par les Sombrages ? Vous ne croyez pas que vous allez un peu loin, capitaine ?
— Sauf votre respect, mon général, je n’ai jamais vu un enfant normal porter une armure de cuir, rétorqua la capitaine avec dédain. Ces traîtres sont capables de tout. Ils n’hésiteraient pas à utiliser un gamin pour leur cause. Il doit aller au billot, comme les autres. »
Le général soupira, son regard se posant à nouveau sur le jeune garçon, tandis que les murmures s’intensifiaient parmi les civils. Après un instant qui sembla durer une éternité, il rendit son verdict :
« Non, nous n’allons certainement pas exécuter un enfant sur la place publique. Enfermez-le pour le moment. Je déciderai de son sort plus tard. »
La capitaine serra les dents, visiblement frustrée par la décision de son supérieur, mais elle s’inclina. Hunfen, quant à lui, ressentit un mélange de soulagement et de crainte. Heureux de ne pas être immédiatement conduit au bourreau, il redoutait néanmoins ce que l’avenir lui réservait.
L’officier l’attrapa fermement par le bras et l’éloigna de la scène des exécutions. Les pensées du jeune garçon tourbillonnaient, la peur et l’incertitude l’envahissant à nouveau. Alors qu’ils approchaient du donjon, la poigne de la capitaine se resserra brusquement sur son bras, ses doigts s’enfonçant douloureusement dans sa chair.
« Sauvé par la foule, hein, Sombrage ? » cracha-t-elle d’un ton venimeux avant de le pousser violemment sur le côté, hors de la vue des autres. Hunfen trébucha et tomba à genoux, le souffle coupé par la surprise et la douleur.
La panique s’empara de lui, son cœur battant à tout rompre. Il leva les yeux vers la capitaine, dont le visage était déformé par la colère. Elle dégaina une dague, la lame brillant d’un éclat sinistre.
« Ici, rien ne te sauvera, ni Tullius, ni personne ! » siffla-t-elle, ses yeux brûlant de haine.
Submergé par la terreur, Hunfen sentit ses mains devenir moites et tremblantes. Dans un éclair de lucidité, il se souvint de son sort de flammes, celui qu’il utilisait pour allumer les feux de camp. Peut-être pourrait-il s’en servir pour se défendre ? Mais la magie demandait un temps de concentration dont il ne disposait plus en cet instant. Il ne pouvait que fixer la dague qui s’approchait dangereusement.
Il ferma les yeux, se préparant au pire. Soudain, un cri guttural déchira l’air, suivi d’une voix sinistre et inhumaine :
« Strun Bah Golz ! »
Le sol se mit à trembler violemment. La capitaine vacilla, perdant l’équilibre lâchant sa dague qui tomba au sol. Hunfen ouvrit les yeux, stupéfait par cette intervention inattendue.
Une pluie de pierres sur la ville. Des cris et des hurlements résonnaient de toutes parts alors qu’une odeur de brûlé emplissait l’air. Sidéré, l’enfant aperçut dans le ciel un immense dragon noir, bien plus grand que toutes les créatures qu’il avait vues lors de ses escapades en forêt. Chaque battement d’ailes du monstre provoquait une bourrasque au sol.
Une lourde pierre s’écrasa à côté de lui, ravivant la panique qui le tenaillait. Hunfen se mit à courir, cherchant désespérément un abri. Il aperçut des Sombrages se réfugiant dans une tour voisine et les suivit précipitamment.
L’intérieur de la tour était une simple pièce ronde avec un escalier en colimaçon menant aux étages supérieurs. Plusieurs soldats Sombrages s’y étaient réfugiés, Ulfric en tête. On lui avait retiré ses liens et son bâillon, et il reprenait le commandement de ses hommes, organisant la défense contre le dragon. Hunfen se sentit soulagé de ne plus être seul face à la menace. Les guerriers, trop occupés, ne prêtèrent pas attention à lui.
Soudain, un fracas retentit au sommet de l’escalier, le mur vola en éclats sous l’assaut du dragon, emportant avec lui un homme qui alla s’écraser de l’autre côté. À travers l’ouverture, Hunfen entrevit la tête du dragon qui recula pour prendre une profonde inspiration.
« À terre ! » hurla Ulfric en se jetant au sol, immédiatement imité par ses hommes. L’enfant fit de même, protégeant instinctivement sa tête de ses mains. La voix inhumaine du dragon tonna à nouveau :
« Yol Toor Shul ! »
Une lumière aveuglante perça à travers ses paupières closes, tandis qu’il ressentit une intense chaleur sur son dos et ses jambes. Puis le dragon s’éloigna d’un battement d’ailes ; en haut de la tour, tout ce qui n’était pas en pierre avait été réduit en cendres.
Malgré l’horreur de la situation, Hunfen vit dans cette ouverture une chance de s’échapper. Gravissant précipitamment les escaliers, il aperçut en contrebas l’auberge dont le toit avait été soufflé, mais le vertige le prit en voyant la hauteur depuis laquelle il devait sauter. Il n’avait aucune chance de s’en sortir indemne. Ralof, qui l’avait suivi, le saisit soudainement et le souleva dans les airs.
« Tiens bon, petit ! lui cria le Sombrage. On va sortir de là ! »
Avant que Hunfen ne puisse réagir, Ralof le lança à travers l’ouverture. Le temps sembla ralentir alors que Hunfen traversait les airs, priant pour atterrir en sécurité. Il heurta un lit en contrebas, qui amortit sa chute. Mais sous l’impact, le plancher fragilisé céda, précipitant le lit et l’enfant jusqu’au rez-de-chaussée.
Hunfen toussa, tentant de reprendre son souffle. Il se releva rapidement, se hâtant de fuir l’auberge en ruines. Jetant un coup d’œil derrière lui, il ne vit aucun signe des guerriers Sombrages. Priant pour leur salut, il se rua hors des décombres.
Au bout de la rue, il aperçut un homme à terre, gravement blessé, et à ses côtés un enfant de son âge, pleurant, agenouillé. C’était le garçon qu’il avait entendu plus tôt, celui qui avait voulu voir les soldats. Malgré ses blessures, le père restait ferme : « Ne reste pas là, fiston. Fuis ! » ordonna-t-il, mais le garçon, paralysé par la peur, ne bougea pas. Un légionnaire saisit alors fermement l’enfant et l’éloigna. Un instant plus tard, le dragon rugit à nouveau, engloutissant le père dans un torrent de flammes.
Hunfen suivit l’impérial qui avait sauvé l’enfant et reconnut Hadvar. Celui-ci confia le garçon à un civil avant de poursuivre sa route. Après un bref moment d’hésitation, Hunfen décida de suivre Hadvar. Il n’avait nulle part où aller et se sentait plus en sécurité auprès du soldat. Alors qu’ils couraient à travers les rues dévastées, Hadvar se retourna et aperçut Hunfen.
« Toujours vivant ? Reste près de moi si tu tiens à le rester ! » lui cria-t-il avant de se remettre à courir. Hunfen accéléra, déterminé à ne pas le perdre de vue.
Enfin, ils débouchèrent sur la place du fort. Ralof s’y trouvait déjà, arme à la main. Hadvar s’arrêta brusquement, dégainant son épée à son tour. Les deux hommes se fixèrent un instant, prêts à en découdre.
« Ralof, espèce de traître ! s’écria Hadvar, furieux. Hors de mon chemin !
— On s’enfuit, Hadvar, vous ne nous arrêterez pas cette fois ! répliqua Ralof avec détermination.
— Très bien. J’espère que ce dragon vous enverra tous à Sovngarde ! » cracha le légionnaire, avant de tourner les talons et de se diriger vers la caserne du fort.
Hunfen les regarda s’éloigner, indécis. Les deux hommes l’avaient aidé, lui sauvant probablement la vie. Lequel devait-il suivre ? Alors qu’il hésitait, une pierre se détacha d’un mur en flammes, le poussant vers le guerrier Sombrage.
N’ayant plus d’autre choix, il emboîta le pas à Ralof, traversant les décombres et les flammes qui ravageaient la ville. Ils couraient, essoufflés, esquivant les attaques du dragon qui continuait de semer la destruction. Finalement, ils atteignirent l’entrée du fort, où le Sombrage s’arrêta pour reprendre son souffle.
« Par ici ! » lança-t-il à Hunfen avant de s’engouffrer dans l’obscurité du fort.
Le jeune Nordique le suivit, ses pas résonnant dans les ténèbres. Alors que l’urgence de la situation s’atténuait, l’épuisement le submergea. Où était son père ? Comment pourrait-il le retrouver ? Il ne parvenait déjà plus à se souvenir du nom de l’endroit où ils s’étaient arrêtés avant que cette terrible journée ne commence.