Daedr'Aventures

Chapitre 2 : L'Azur des Daedras

Chapitre final

8280 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 27/08/2022 21:33

 [L’Azur des Daedras]

 

Cette fanfiction participe au Défi d’écriture du forum Fanfictions .fr : Mots et maux estivaux - (juillet août 2022).

 

Le calme régnait depuis quelques mois dans le royaume du Crépuscule éternel, le domaine de la puissante princesse daedra, Nocturne. La nuit étendait son éternité sombre, bien que l’après-midi fût loin de toucher à son terme. Elle ne s’ennuyait guère, veillant sur ses mortels dévoués, les Rossignols, mais n’avait pas pu faire preuve de son autorité depuis bien longtemps. Pas un d’entre eux n’avait tenté de dérober son Capuchon ou la Clé squelette, ainsi ne rencontrait-elle aucune raison valable de les punir. Malgré sa nature daedrique, Nocturne se montrait parfois certes cruelle, mais toujours juste : ceux qui subissaient son châtiment le méritaient, tous sans exception.

Alors que la reine de la nuit s’en retournait avec un soupir en Ombre Périlleuse, un autre de ses plans en Oblivion, ses sens aiguisés perçurent l’arrivée d’une présence étrangère dans le Crépuscule éternel. Mais, même dénué de sens aiguisés, voire simplement de sens, n’importe qui aurait pu deviner que Nocturne avait désormais quelqu’un d’autre avec elle.

« Ah mais… C’est pas possible ça… Non mais ! Fichus portails, pourquoi mes cornes se retrouvent toujours recouvertes de soie d’araignée lors de mes voyages ? Ah, bien évidemment, ça n’arrive qu’à moi ! Quoique, il faudra que je demande à Clavicus si ses cornes subissent le même traitement… Si c’est pas un coup de Méphala, ça encore ! »

La bouche de Nocturne se fendit en une demi-lune d’un sourire très amusé. Le pas lourd et peu discret, les réflexions à haute voix, tout ça ne laissait planer aucun doute sur l’identité de son visiteur. Elle n’eut qu’à suivre ses grognements pour le retrouver, et comme elle l’avait deviné avec aisance, il s’agissait effectivement de Sanghin. Prince daedra du vice, aussi appelé le Dépravé, il préférait toutefois être dénommé prince daedra des plaisirs. Il ne semblait pas l’être au premier abord, mais Sanghin pouvait avoir ses moments de susceptibilité, de temps à autre.

« Ah, divine Nocturne ! J’ai atterri dans le bon domaine du premier coup ! Quel chanceux je suis parfois.

– Certainement davantage qu’avec les toiles d’araignée, hm ? Dis-moi tout, qu’est-ce qui te mène ici… »

Elle s’interrompit un instant, reniflant le fumet désagréable émanant du prince des plaisirs.

« Oh Sanghin… D’où sors-tu encore ? Un de tes plans, une de tes poches de plaisir comme tu aimes les appeler ? Tu empestes l’alcool, c’est pire qu’un horqueur qui serait victime de son mauvais transit…

– La nuit dernière, j’ai simplement fait un petit concours de boisson en compagnie de Rajhin… Tu es trop maternelle Nocturne, pour une daedra censée avoir un sacré tempérament, froid et mystérieux ! Tu vas faire quoi après, vérifier si je n’ai pas les dents sales, si j’arrose bien ma Rose pour qu’elle ne fane pas ? Non certes, elle ne peut pas faner… Mais... Mais tu ne peux même pas m’en vouloir, Nocturne !

– Je suis mystérieuse, tu es tout simplement trop lourd pour en saisir la-… Laisse tomber. Pourquoi ne devrais-je pas t’en vouloir ?

– Parce que j’ai gagné.

– Prévisible, fit-elle en haussant les épaules, ricanant sous la capuche assombrissant son visage. Rajhin ne tient sa puissance que de celle de Méridia et de la mienne. Sans l’anneau du Khajiit et sans ma volonté, il ne serait pas ce qu’il est à présent.

– Mouais, peut-être. Mais il reste un super compétiteur de beuverie. »

Nocturne lui jeta un regard brumeux que Sanghin ne pouvait pas percevoir, ses yeux dissimulés par la capuche qu’elle venait de réajuster. Elle accueillit un immense corbeau se posant sur son épaule quand elle reprit, ignorant la dernière phrase de son compagnon :

« J’allais te demander, une nouvelle fois, la réelle raison de ta venue puisque tu n’as pas encore daigné me le préciser, mais je ressens une douce présence parmi nous désormais.

– Ah, Dame Azura est enfin arrivée ! Je n’ai rien entendu, comment as-tu fait ?

– Tout le monde n’est pas aussi bruyant que toi. Peut-être qu’en ignorant ta question, tu parviendras enfin à comprendre que le mystère n’est pas une part de mon tempérament mais bien la définition même de ma personne. Je n’ai aucune idée de ce que tu faisais avec ma sœur, mais d’elle je sais au moins que je pourrai obtenir des réponses claires. »

Le sourire qu’elle esquissa, se creusant au coin de sa bouche, ne put être distingué par Sanghin dans la pénombre ambiante, tandis que la reine de la nuit lui passa devant afin de rejoindre Azura. La princesse daedra de l’aube et du crépuscule rendait souvent visite à sa sœur, mais jamais n’était-elle encore venue en compagnie de Sanghin. Elles se saluèrent chaudement, et Azura adressa à Sanghin un regard amusé avant de lancer :

« J’ai comme l’impression que tu ne sais rien de ce que Sanghin est venu t’expliquer, alors je crois que je vais tout faire moi-même ! Il est arrivé sur le palier de mon temple dans mon plan, en Ombre de lune, gesticulant de toute part et dansant avec sa Rose, à moitié saoul. Ou bien il ne l’était pas, mais avec Sanghin, il est parfois complexe de distinguer les moments où il est sobre…

– Je ne te permets pas !

– Oh, mais je me permets quand même, ne t’inquiète pas, fit-elle en lui adressant un clin d’œil espiègle. Il est venu à moi se plaindre que la saison chaude dominait le climat de Tamriel, et que de fait, les mortels étaient bien moins intéressés par ses propositions de débauche. Il les a décrits comme mous et fatigués, grognait son ennui au point que les roses de mon temple en avaient les pétales qui frémissaient. Il m’a alors proposé de faire comme certains mortels, qu’il aurait vus dans ce monde ainsi que dans d’autres à travers ses voyages : se détendre. »

Un long silence plana alors entre les trois entités immuables. Nocturne, d’une voix monocorde et sombre, le rompit tout à coup :

« Qu’entendez-vous par là, s’il vous plaît ? Jusqu’ici, c’est encore très abstrait.

– Le problème, c’est que je n’ai pas tout à fait assimilé toute la complexité de ses désirs… »

Sanghin s’avança d’un pas en râlant théâtralement :

« Eh bien voilà, mesdames les reine et princesse me prennent de haut, mais sans mes explications tout de suite, c’est moins drôle ! »

Exécutant une représentation des plus saugrenues, fidèle à lui-même, Sanghin projeta dans les airs sa Rose, tourbillonna sur lui-même avec une grâce sortie du plus profond des plans d’Oblivion, puis la réceptionna en un geste d’une précision réelle.

« Laissez-moi donc vous expliquer mes idées qui vont faire tournoyer vos esprits ! »

Deux paires d’yeux, des rouges surpris et tout arrondis – les yeux d’Azura, la mère des Dunmers –, et des gris blasés qu’il ne distinguait qu’à peine, se posèrent sur lui.

« J’ai beaucoup voyagé vous savez. Que ce soit sur Nirn ou dans d’autres espaces-temps. Je suis sûrement le daedra le plus au contact des mortels, et je vois ce qu’ils font l’été ! Après tout, je pense qu’on est bien d’accord là-dessus, on s’ennuie un peu en ce moment, hm ? Oblivion connaît ses grandes périodes de combats, de mouvements, mais là même Dagon donne l’impression qu’il se tourne les pouces. Voilà ce que je vous propose, mes amies : nous allons créer un plan magnifique, avec du sable, de l’herbe et de l’eau à perte de vue. Les mortels aiment passer du bon temps comme ça, et de ce que j’ai pu voir, ils s’amusent bien. On a tous envie de s’amuser, n’est-ce pas ?

– Oh, ça m’a l’air rempli de potentiel, c’est vrai ! Charmante idée, s’enthousiasma Azura. Seulement, cela me paraît être un travail de grande ampleur, penses-tu en avoir les capacités ?

– Je l’ai déjà fait, souvenez-vous. Cela risque d’être encore plus rapide ici, car plus simple. J’avais dû travailler l’ancien avec une attention particulière ! Là, je pense que je ne devrais rencontrer aucune difficulté. Mais puis-je compter sur votre aide pour réaliser cette… ce… projet ? 

– Peut-être faudrait-il commencer par le nommer, répondit la taciturne Nocturne. Toi qui sembles prétexter le moindre moment de calme pour nous réunir et t’amuser, tu devrais bien être capable de lui trouver un nom.

– Bien entendu, chère amie des ombres ! L’étendue de l’eau et le ciel infini revêtent un bleu clair parfait… Je serais d’avis que ce plan soit appelé « L’Azur », afin de porter hommage à ta sœur qui m’a l’air tout à fait enthousiasmée par mon idée ! »

Les regards de Nocturne et d’Azura se dirigèrent simultanément vers les bras de cette dernière, dévoilant sa peau gris-noir tandis que les grands iris rouges de la mère des Dunmers s’étaient révélés totalement, écarquillés de surprise. Sur un ton d’un cynisme qu’elle employait aussi souvent qu’elle échangeait avec Sanghin, Nocturne commenta :

« Hm, tu as de l’esprit. Ce sont sûrement ses cheveux noirs qui t’ont inspiré ?

– Non, du tout !, répondit Sanghin n’ayant pas saisi le sarcasme de la daedra, arborant un fier sourire. C’est son élégante robe d’un bleu aussi apaisant que celui d’un ciel d’aurore ! Enfin, un truc du genre, je suis pas très poète dans l’âme, j’ai toujours préféré le théâtre moi.

– Pourquoi n’y avais-je donc pas pensé… », retorqua Nocturne, roulant des yeux.

Si elles omettaient l’incongruité du nom suggéré, les propositions du Prince de la débauche semblaient appréciables. Elles ne trouvèrent en elles aucune raison de refuser cette invitation.

« Haha j’étais certain de pouvoir compter sur vous mesdames !

– Comment allons-nous nous organiser ? s’intéressa Azura.

– Si jamais Nocturne est d’accord, commença-t-il en se tournant vers cette dernière, à l’aide de tes multiples compagnons ailés, j’apprécierais que tu ailles réunir tous les autres. La dernière fois, j’avais dû tout faire seul. Et je vous raconte pas la galère ! Entre la réunion, le discours, la création du plan, et le fait de convaincre Molag, j’étais presque fatigué ! Azura, si tu le veux bien, il nous faut encore faire quelques repérages quant aux habitudes des mortels de tous les mondes pour tenter de mieux s’imprégner de leurs habitudes, parfois originales.

– Et si jamais ils refusent, s’inquiéta la Princesse de l’aube et du crépuscule, faut-il les convaincre ?

– On ne force personne, c’est pas l’état d’esprit de Sanghin ça Dame Azura ! Non, non… Tout le monde est venu pour le Bal, tant mieux ! Mais si tu ne parviens pas à réunir tous ces rigolos, Nocturne, ne t’en fais pas ! Ne te laisse pas avoir par les soupirs de Namira, elle aime faire sa garce même si je suis certain qu’elle viendra. Tu verras ! On s’amusera tout de même. »

Après un hochement de tête approbatif des dernières paroles de Sanghin, Azura créa immédiatement un portail maintenant un lien entre Oblivion et le monde des mortels. Il y a des centaines d’années déjà, elle avait rompu toutes les routes permettant aux mortels d’accéder à Ombre de lune depuis Nirn. Seulement, elle n’avait jamais expliqué la raison de cette fracture soudaine à quiconque.

« Bien ! Il ne nous reste plus qu’à trouver un déguisement correct, et nous pouvons y aller ! »

Sanghin étant un grand adepte des déguisements, lui servant à se dissimuler au cœur des ruelles des mortels, seule une seconde lui fut nécessaire pour les transformer tous deux. Nocturne pouffa malicieusement d’un rire silencieux, se satisfaisant de l’amusement procuré par la vision qu’ils lui offraient. Le Prince de la débauche dessina alors un portail face à eux, comme pour faire fi de ses gentilles moqueries.

« Bon, on peut te laisser Nocturne, tu es prête ? Tu leur dis qu’ils ont une semaine pour se préparer, comme la dernière fois ! Normalement ça ne devrait pas trop râler. Enfin, si, mais pas plus que ce dont nous avons l’habitude.

– Prête à réunir tous nos collègues afin de leur annoncer la nouvelle ? Cela ne devrait pas me poser de difficultés. En revanche, parvenir à maintenir le calme une fois qu’ils seront tous devant moi… Finalement, tu risques de l’obtenir, la guerre d’Oblivion dont tu parlais tout à l’heure.

– Mais non, mais non, pas du tout ! Allez, aies foi en eux, rien qu’un peu ! Ce qui changera pas mal pour notre cher Péryite, haha, hahaha, HAHAHAHA ! Que quelqu’un croie en Péryite ! Eh, vous avez saisi la blague ? », demanda Sanghin, hoquetant de rire. 

Laissées pantoises par l’humour de Sanghin, les deux sœurs ne prononcèrent un seul mot. Toutefois d’aucuns auraient pu, avec une perception d’une précision qui concurrencerait les flèches d’Hircine, distinguer le sourire amusé étirant les lèvres de Nocturne. Se moquer ouvertement du très faible culte que les mortels vouaient à leur collègue Péryite était certes un peu bas, mais cette mesquinerie se trouvait être au goût de l’humour de la reine des ombres.

« Ah, qu’est-ce qu’on s’amuse ici ! Nocturne, s’il te plaît, précise bien qu’ils se trouvent une tenue pour aller dans l’eau… ou pas, mais c’est leur souci. Les mortels leur donnent un nom spécifique, ma mémoire me fait défaut, je l’ai encore oublié. Je n’avais pas pris de décision, mais dites-moi ce que vous en pensez, cette fois, les formes humaines n’ont pas à être de rigueur, n’est-ce-pas ?

– Tu sais très bien comment vont venir Barbas et Hermaeus si jamais tu autorises n’importe quelle forme…, ne put s’empêcher de commenter Nocturne.

– Barbas avait déjà dérogé à la règle, mais ça ne dérange pas puisqu’il prend l’apparence d’un chien ! Hermaeus… Brrr, rien que d’y penser, ça me file de sacrés frissons ! Berk. Dis-leur alors que toutes les formes sont autorisées, mais les yeux tentaculaires gluants et autres immondices de ce genre se verront renvoyés dans leur plan ! Allons-y, Azura. »

La réponse fournie par Sanghin ne déplut point à Nocturne qui caressa nonchalamment le corbeau perché sur son épaule, commençant à réfléchir quant à l’organisation de la réunion.

Les deux daedras, eux, pénétrèrent à travers un portail créé spécialement par Sanghin pour les mener dans un des mondes des mortels. Il y possédait ses repères, ainsi le voyage n’était pour lui qu’anecdotique. Azura, cependant, n’interagissait pas autant avec les mortels que son ami, ni ne se téléportait dans les autres mondes. De fait, c’est emplie de curiosité qu’elle se rendait à la rencontre de coutumes inconnues.

Dissimulés sous une couverture humaine relativement banale, bien que peu à leur goût, Azura et Sanghin ne se firent pas remarquer malgré leur téléportation. Peut-être était-ce également dû au fait qu’ils apparurent dans des cabines de toilettes publiques, fort heureusement vides.

« Sanghin… À quoi peut bien être dédié cet endroit ?

– J’en ai aucune idée, mais il y a une odeur qui repousserait même Namira ! Suis-moi, sortons, tu verras qu’on va bien s’amuser si on fait comme eux ! »

À peine Azura eut-elle foulé le sable chaud de son pied qu’elle ne put que s’émerveiller de la splendeur que lui offrait la vision maritime. Elle aurait volontiers apprécié rester là, à profiter et à humer les embruns. Immédiatement, Sanghin coupa l’élan de rêveries de la daedra.

« J’étais pareil que toi au début, mais on n’est pas là pour flâner ma belle ! Et si c’est moi qui te le dis, c’est que pour une fois c’est du sérieux, et j’y mets du mien. Maintenant, il faut qu’on observe. »

Très enthousiaste, Azura acquiesça. Ses pieds – qui étaient certes les siens bien qu’elle eût peine à les reconnaître – se plaisaient à plonger dans le sable sur lequel venait s’échouer la marée.

« Bon, il y a des arbres, du sable, de l’eau, ouais ça j’avais… Ah, j’en vois qui mangent là-bas. Oui ça pourrait être pas mal ! C’est vraiment un festival de couleurs et d’odeurs ici, c’est bien sympathique… Oh Azura, qu’est-ce qu’il t’arrive ?

– Rien de bien grave mon cher Sanghin ! J’étais malgré moi distraite par le chant de l’eau, et je me suis entaillé le talon en marchant sur cette espèce de coquille… Voilà, il n’y a plus rien.

– Bahaha ! Sacrément pratique la régénération ! Ce ne sont pas de simples cailloux qui peuvent venir à bout des daedras. Déjà qu’ils ne peuvent pas venir à bout d’eux-mêmes entre eux… »

Quand Sanghin perçut des éclats de rire près de lui, il cessa de s’esclaffer lui-même. Une mère et son fils jouaient ensemble, les jambes partiellement immergées par l’eau salée. Elle lui fit remarquer en pouffant :

« Mon poussin ! Tu as mis ton maillot de bain à l’envers, je vois les cordons qui pendent dans ton dos ! »

Animé d’une énergie fulgurante, le prince des plaisirs effectuait des bonds sur le rivage, éclaboussant Azura à chacun de ses atterrissages. Il sautillait avec une vivacité telle qu’on pouvait croire à une injection du flux vital de Méridia, mais il n’en était rien de tel.

« Le voilà ! C’était donc ça, maillot de bain ! Il faut dire que c’est un mot farfelu…

– C’est amusant de t’entendre dire ça, toi particulièrement. »

Ignorant la remarque de la princesse daedra, Sanghin se remit à marcher pour, quelques secondes plus tard, lui adresser un petit coup d’épaule. Il lui dit tout bas :

« Hé, alors ... Tu as hâte de voir Molag en maillot de bain ?

– D’une part, je l’aime peu importe sa tenue. De l’autre, tu es un vilain daedra indiscret !

– Oh, ça y est, va que je me fais réprimander comme si j’avais volé une chèvre ! C’était bien plus drôle quand vous ne vous étiez pas avoué vos sentiments, le grand Molag ne faisait pas le fier ! Et pourtant, tu vois que je suis pas si vilain, c’est moi qui l’ai aidé à confesser ses doux sentiments ! »

Pour toute réponse, ce fut au tour d’Azura d’arroser Sanghin en lui projetant, d’un mouvement de pied, quelques gouttes sur le mollet. Leur rigolade passée, le prince invita son amie à s’en retourner en Oblivion afin d’entamer la réalisation de leur plan. Il lui expliqua, alors qu’ils effectuaient le trajet dans le sens inverse pour revenir aux cabines, que l’aménagement allait sans doute leur prendre relativement peu de temps et d’énergie, d’autant plus que Nocturne s’occupait de l’annonce. Ils bénéficieraient ainsi de quelques jours, peut-être, afin de préparer leurs tenues et de se reposer un peu. 

Une fois arrivés aux cabines, Sanghin fit discrètement pénétrer Azura dans une d’elles, qu’il s’empressa de rejoindre. Ils convinrent de se retrouver le lendemain pour commencer les travaux, Sanghin ayant prévu de passer la chercher en Ombre de lune. Le portail se referma sur eux, en une gerbe d’étincelles bleutées.

     

Ce fut à l’aide d’un petit indice que la maîtresse d’Ombre de lune fut avertie de l’arrivée de Sanghin en ces lieux. Il était, effectivement, difficile de douter de sa présence en entendant un tel grognement rompant le paisible silence du royaume au crépuscule éternel :

« Non mais… Vraiment c’est pas croyable ! Des branches de givreboises sur mes cornes, on aura tout vu ! Ce n’est même pas la saison, pas du tout… Mais elles sont mûres, saperlipopette, et délicieuses en plus de ça ! Si jamais Molag voyage sous sa forme cornue, peut-être que lui aussi a déjà rencontré de telles curiosités…

– Bonjour, mon ami.

– Ah, bien le bonjour douce amie ! Prête à commencer notre session d’architecture ?

– Complètement prête, c’est un plaisir de t’aider Sanghin. J’ai demandé à Nocturne si jamais elle voulait prendre part à la construction, mais elle m’a répondu qu’elle préférait conserver la surprise, pour qu’ainsi tu ne te retiennes pas de mettre ton style dans ta création.

– C’est à la fois très aimable et fort regrettable… Mais elle a vu juste, je suis grandement inspiré ! »

Sur ces quelques mots, les deux daedras s’en allèrent dans le plan repéré par Sanghin. Bien loin de ressembler à un terrain vide et neutre dont le ciel et le sol auraient eu un aspect noir et lisse, il s’agissait d’une vision totalement inverse. La terre, dont la surface était bosselée, accueillait des débris qui s’amoncelaient de toutes parts. Des troncs morts et desséchés, de la mousse, des herbes hautes et des ronces occupaient l’ensemble du terrain convoité par Sanghin. Cela constituait alors davantage de travail pour le prince qui, au cœur de ses projets, n’imaginait point devoir déblayer en premier lieu.

Les daedras consistaient certes en des créatures dotées d’une puissance pleinement capable de transformer intégralement un plan, mais elle ne leur procurait toutefois pas une énergie inépuisable. À deux, cependant, les obstacles devenaient davantage franchissables et cette multitude de débris n’allait pas leur barrer le chemin encore longtemps.

Bientôt, le terrain eut obtenu l’aspect tant désiré par les deux amis. Sanghin fut incapable, durant leur nettoyage, de se retenir d’amuser Azura avec ses blagues. Si elle y riait pour ne pas le peiner, ses plaisanteries n’amusaient guère l’ensemble des daedras, à l’exception de Shéogorath, Vaermina ainsi que Clavicus qui se voyaient tout à fait réceptifs à son humour.

« Bien ! Je pense qu’on a déjà fait la plus grosse partie !

– Disons que, nous avons au moins bâti les bases. Mais je suis charmée, vraiment ! Nous sommes parvenus à réaliser une copie relativement fidèle de ce que les mortels disposent. J’ose espérer que nos collègues et amis apprécieront !

– T’inquiète pas pour ça ! Ils vont adorer. Dans les prochains jours il faudra qu’on s’occupe de ce que nous n’avons pas eu le temps de créer aujourd’hui. Là, on a le sable, l’herbe qui s’étend derrière lui… oh, tu l’as fleurie.

– Je n’ai pas pu m’en empêcher…

– C’est ton droit, et pis je dois avouer que c’est pas mal mignon ! On verra donc plus tard pour la création de la mer. Par ça j’entends notre étendue d’eau, c’est pas vraiment la mer, ici. Et il nous manque également tout le reste ! C’est un peu vide… Bon, on a encore pas mal de travail ! Mais pas pour demain, j’ai le dos qui me témoigne sa fatigue. Au moins, ça te laissera du temps pour te chercher un… un maillot de bain !

– J’espère bien que tu en auras un aussi !

– Bien entendu, je comptais rendre visite à Clavicus demain pour en discuter avec lui. Bon, ça, c’est s’il a le désir de venir nager avec nous … Mais le connaissant, ça me semble assez évident qu’il en sera en effet le cas. »

Les deux daedras se saluèrent avant de rejoindre leur propre plan afin de profiter d’un repos bien mérité.

Comme prévu, Sanghin rejoignit en effet Clavicus le lendemain pour évoquer les maillots de bain et toutes les possibilités qui tournaient autour de cette pièce vestimentaire. Ils n’en restèrent toutefois pas là, et dérivèrent jusqu’aux bouées et autres accessoires de plage que Sanghin avait pu apercevoir sur la plage des mortels.

De son côté, Azura avait également retrouvé, comme elle l’avait prévu, Nocturne ainsi que Méridia pour les mêmes raisons que Sanghin. Cependant, ne partageant pas exactement le même goût pour l’art vestimentaire, il était préférable que ces réunions se déroulent effectivement séparément. Elles épluchèrent une bonne partie du monde des maillots de bain qui s’offrait à elles. Finalement chacune y trouva son compte, en y prenant tout autant de plaisir que pour leurs robes de bal.

Chaque jour de la semaine fut ainsi rempli par toutes les occupations liées aux préparatifs de L’Azur. Lors de l’un d’eux, Azura et Sanghin rencontrèrent quelques difficultés quant à l’aménagement de leur plan. La confusion semblait être de la partie, tant et si bien qu’elle finit même par gagner le prince des vices, qui en était pourtant souvent le générateur lui-même.

« Azura, il y a un truc que je ne comprends pas là. J’étais certain de les avoir entendus parler de papillotes, seulement, quand je tente d’en créer… Regarde, je vais essayer ici, sur cette parcelle sablonneuse… »

À l’endroit indiqué par le daedra, une multitude de petits emballages colorés apparut et s’empila en un monticule irisé.

« Oh, le nom de ces petites choses multicolores est donc papillote ! C’est vrai que j’en avais vues dans les mains d’un jeune mortel. Regarde Sanghin, si tu tires dessus, ça s’ouvre ! J’ai comme l’impression que ça se mange, ça sent bon…

– Je suis franchement enchanté d’une telle découverte, toutefois c’est pas ce que j’entendais par papillote ! Moi j’pensais à la sorte de maison en bois qu’ils avaient sur leur plage !

– Oh, la petite maison ? s’étonna Azura, la bouche remplie d’un bonbon à la pomme. J’avais cru entendre qu’ils avaient dénommé ça paillote… Sur le panneau juste devant, c’est ce que j’avais lu, en tout cas.

– Mais qu’ils sont compliqués, les mortels et leurs noms qui se ressemblent trop ! Une paillote donc ? D’accord, ça devrait le faire cette fois. »

Effectivement, à son nouvel essai, ce fut bel et bien une jolie petite maison de bois qui se matérialisa devant eux, dont le toit agrémenté de paille ombrageait la surface qu’il recouvrait. Satisfait, sa contrariété ayant disparu grâce à l’aide de son amie, le daedra continua dans sa lancée et poursuivit la décoration de la maisonnette et ses alentours. Quand il eut fini, ce fut cette-fois Azura qui vint à lui, la mine déconfite.

« Dis, Sanghin, je voulais orner notre rivage de ces délicats cailloux m’ayant entaillé le talon lors de notre escapade. Seulement, je ne me rappelle pas avoir entendu le nom précis de ceux-ci… Le connais-tu, pour ma plus grande joie ?

– Oh mais bien sûr ! Tiens-toi prête, je vais en faire apparaître un ! Regarde-moi ce magnifique coquelicot. »

Dans le sable, la tige humidifiée par le remous des vagues, un fier coquelicot se présenta aux deux daedras interdits.

« D’accord, d’accord, ne me regarde pas comme ça ! Ce n’était peut-être pas ça. Attends, j’ai dû m’embrouiller, mais c’étaient sûrement des coquillettes ! Ou le coq Yette ? Non, non, impossible pas un coq, un caillou, attends… des cocotiers ? Des cokicinjaks ? Oh par la barbe de Shéogorath… »

L’ensemble des propositions émises par le prince des plaisirs prit forme face à eux, dont le coq Yette, pétrifié, qui peinait à saisir pourquoi donc avait-il bien pu être téléporté dans cet endroit face à cette créature loufoque.

« Pauvre petit Yette… renvoyons ce coq qui n’a rien demandé chez lui, et faisons disparaître tout cela. »

Une fois la plage débarrassée de l’amas d’erreurs créé par Sanghin, Azura lui souffla :

« En fait, ça m’est revenu durant ton énumération, mais je n’osais aucunement t’interrompre alors que tu semblais si enjoué. Je l’avais en effet entendu, ce sont des coquillages. »

Immédiatement, une ribambelle de coquillages aux aspects bien différents fit son apparition sur le sable ainsi que dans l’eau. Des conques, des bénitiers, des clypéastres et des couteaux, tous réhaussaient la finesse de la splendeur dégagée par la plage.

Passé ces quelques incompréhensions bien vite réglées, aux dépens du brave Yette, l’aménagement du plan se déroula sans accroc aucun, mais rempli des fous-rires des deux daedras.

Fiers de leur accomplissement, ils étaient désormais pleinement prêts à accueillir le reste de la troupe pour partager avec eux un peu de bon temps. Avant le grand jour, ils se permirent un peu de repos dans leur propre plan.

Quelques minutes avant l’heure dite du rendez-vous, Azura et Sanghin se réunirent pour effectuer les dernières vérifications. L’Azur, peaufiné d’une manière raffinée par le duo daedrique, présentait un aspect estival tout à fait charmant. L’étendue d’eau, semblable à la mer, invitait à la baignade et au rafraîchissement. Un vent agréable soulevait les feuilles des palmiers que Sanghin avait plantés çà et là, dans une désharmonie la plus totale qui, nonobstant, apportait une touche naturelle à la plage. Sous la paillote, quatre chaises dont deux longues avaient été disposées, ainsi qu’une table accueillant le pot de papillotes matérialisées par le prince. Derrière, sur l’herbe fleurie par les soins d’Azura, d’autres chaises avaient été disposées ainsi que quelques rectangles de tissus pour s’y asseoir ou s’y étendre. Au niveau du rivage, Sanghin avait disposé quelques éléments balnéaires fort utiles sur le sable. Ainsi, une bouée gonflée était accompagnée de ses deux brassards, juxtaposés à quelques seaux, pelles, râteaux et autres tubas ou masques de plongée. Bien évidemment, les deux daedras n’avaient guère oublié de peupler le fond de l’étendue d’une belle et diverse faune sauvage, au détail près qu’elle n’était qu’illusoire. Ils ne savaient jamais, dans un coup de folie, ce qui aurait pu leur arriver à cause de leurs collègues s’ils avaient été réels.

Alors que Sanghin s’en allait se poster derrière son bar, un portail s’ouvrit, laissant apparaître Nocturne dans sa tenue d’été. Ses longs cheveux ébène avaient soigneusement été remontés en un chignon bas, sur le côté droit, qui était retenu par un bâton duquel pendait à l'extrémité, via une chaînette, un petit corbeau. Sur son nez reposaient des lunettes rondes aux verres assombris, préservant ses yeux de la lumière et des regards d’autrui voulant percer le sien. Habillée d’un bikini noir agrémenté de volants, un très fin gilet de même couleur la recouvrait jusqu’à mi-mollet, dans le dos uniquement. Réajustant son chapeau, elle fit quelques pas sur le sable que la température du simili soleil avait chauffé et se tourna vers sa sœur et Sanghin :

« Je vois que vous n’avez pas la main d’un mortel. Enfin, je veux dire, la main morte, mais je crains que tu ne comprennes pas ma blague mon cher Sanghin. Je vois qu’Azura nous a bien conseillées sur la tenue à adopter, moi qui désirais garder ma robe d’ombre malgré tout. Cela change, et ce n’est guère désagréable.

– Tu es sublime, Nocturne !

– Et toi donc Azura ! Ça se voit que vous n’êtes pas sœurs pour rien ! »

Les cheveux noirs de la princesse étaient relâchés, et cascadaient le long de son dos. La daedra y avait accroché de nombreuses fleurs, aux pétales s’épanouissant généreusement. Elle avait revêtu un maillot de bain constitué d’une simple pièce, dont le dégradé passait des couleurs de l’aube à celles du crépuscule, créant un contraste éblouissant grâce à l’opposition avec sa peau gris-noir.

« Merci pour tes compliments, cher ami. Je ne peux que te féliciter des efforts que tu as mis dans l’Azur, tout comme tu l’avais fait la dernière fois.

– Merci à toi Nocturne, mais laisse-moi te demander quelque chose qui m’fait un peu tiquer : ces lunettes, c’est toi qui les as matérialisées ?

– Oh, non, c’est un cadeau d’Azura.

– Azura… Je les reconnais ces lunettes, j’ai failli marcher dessus lors de notre visite.

– Pardonne-moi, se confondait en excuses la daedra penaude. Je les croyais abandonnées, alors je voulais simplement lui en faire présent !

– Et après, c’est moi qu’on traite de chapardeur et autres termes peu aguicheurs ! »

L’instant suivant, un portail se matérialisa, laissant pénétrer deux silhouettes humanoïdes avant de se refermer sur lui-même.

« Chers amis ! s’enthousiasma Sanghin, je vois que les indications de Nocturne vous ont permis d’arriver en ce plan ! Bienvenue à l’Azur !

– Un grand merci pour ton accueil, mon très cher Sanghin, c’est un immense plaisir d’avoir une nouvelle fois été invités à une de tes fêtes.

– Je devrais peut-être t’inviter à celles que je fais dans les poches de plaisirs alors !

– Sanghin ! le réprimanda Nocturne, n’as-tu que ça à faire, d’embêter ainsi Méridia avec tes sottises alors qu’elle vient à peine d’arriver ? Ne prête pas attention à lui, ma belle. Tu es divine, nous avons vraiment fait de bons choix ! Oh, toi aussi Jyggalag, bien évidemment. »

Rougissant sous les compliments, Méridia sourit aux trois daedras organisateurs. Ses longs cheveux blonds avaient été nattés, puis ces derniers enroulés autour d’un chignon bas. Une charmante robe de plage l’habillait, de très fines paillettes faisant resplendir le vêtement blanc, jaune et or qui, face au soleil, révélait toute la subtilité de ses finesses, telle la princesse daedra elle-même. Jyggalag, quant à lui, était sobrement vêtu d’une chemise grise s’accordant avec ses cheveux, et d’un short de bain dans les mêmes tons.

« Laissez-moi vous accompagner, proposa Nocturne. Il y a de quoi s’asseoir confortablement sous la paillote, si cela vous convient.

– Je ne me verrai pas refuser une proposition si aimable, Nocturne ! Allons-y. »

À peine furent-ils installés qu’un autre portail s’ouvrit, suivi de plusieurs autres à quelques minutes d’intervalle. Tous les daedras arrivaient successivement. Malacath, Péryite, Boéthia, Mehrunes et même Namira avaient été conquis par le discours captivant et vendeur de la daedra des ombres. Si les deux derniers semblaient encore reclus et peu ouverts à la fête, Sanghin se doutait qu’avec ses cocktails, ils se détendraient relativement rapidement. Accueillis par Azura et Sanghin, tous finiraient par trouver leur place et profiter.

Un autre portail s’ouvrit, d’où surgirent cette fois-ci trois silhouettes, accompagnées d’une quatrième, canine. Immédiatement, elles se prirent les pieds entre elles et s’écroulèrent les unes sur les autres, formant un tas de daedras dans de beaux draps. À l’unisson, entassés, ils éclatèrent d’un grand rire effrayant.

Sanghin reconnut tout de suite ses trois idiots d’amis qui, bien évidemment, étaient incapables de faire leur entrée correctement. Il s’accouda au bar et les observa se relever en s’époussetant, tandis qu’il prononçait d’une voix qui ne lui ressemblait guère :

« Bonjour et bienvenue dans l’Azur, la température ambiante est d’environ chaud mais pas trop, l’eau est bonne, les corbeaux de Nocturne croassent et Oblivion est beau. Je vous sers un petit quelque chose ? 

– Ta spécialité !

– Très bien, tout de suite un San’Ghin tonic pour la grande Vaermina. »

Tandis que ladite Vaermina prenait déjà place à son siège au bar, Shéogorath et le Vil Clavicus suivis de Barbas, n’avaient pas pris le temps de saluer Sanghin autrement qu’avec un « Salut ! », bien trop occupés à se disputer les accessoires balnéaires. Clavicus, comme à l’accoutumée, se distinguait des autres avec un style bien à lui. Son maillot de bain, jaune fluorescent garni d’étoiles vertes, lui montait jusque sous les aisselles et recouvrait ses jambes jusqu’à la cheville. D’imposantes sandales aux teintes orange lui épousaient l’entièreté du pied, fermées par une bride.

« Hahaha, la bouée elle est à l’effigie de Péryite, tu as vu ça Shéo ?! Je veux le voir la porter, ça doit être hilarant ! Où est-il ? Il est arrivé avant nous ou il n’est pas encore là ?

– Non, passe-la-moi ! Avec tes cornes tu vas l’éclater, ce serait quand même dommage de percer Péryite ! »

Laissant Clavicus et Shéogorath à leurs enfantillages, Sanghin eut à accueillir un invité supplémentaire. Ses cheveux sapin attachés en une queue de cheval lui retombaient le long de la nuque. Il avait placé sur le bout de son nez ses petites lunettes rondes, et était sobrement habillé d’une chemisette blanche et d’un pantalon de lin d’un vert profond. Un livre sous le bras, le daedra se tourna vers Sanghin qui l’interpellait :

« Hé, content de te voir Herma ! T’as adopté la même apparence que l’autre fois, finalement !

– Bonjour Sanghin, je partage ta joie. Oui, en effet, mais il faut dire que tu ne m’as pas vraiment laissé le choix…

– Alors ça, c’est pas vrai, pas du tout ! Je peux pas te laisser dire ça Herma ! Tu pouvais venir sous la forme d’une grande femme aux cheveux roses par exemple, ou d’une vieille dame, tiens, tu vois comme Vaermina ! Aïe, hé coquine, ne me balance pas mes propres verres, en plus c’est Azura qui les a matérialisés. Vois-tu mon cher Hermaeus Morrrrra, j’ai même été sympathique et tolérant : tu aurais pu débarquer tel un canidé. Barbas ne constitue-t-il pas un bon exemple de mon ouverture d’esprit ? Oh et, si tu cherches Nocturne, elle discute au niveau de la paillote avec Jyg’ et Méridia.

– Je te remercie pour ton grand esprit et ce précieux savoir… »

Sans même se faire servir de cocktail par Sanghin, Hermaeus Mora quitta la compagnie de ce dernier pour se diriger vers les trois daedras. Il était difficile de ne pas comprendre que le prince du savoir se trouvait légèrement mal à l’aise dans ce genre de réunions. Lui préférait accumuler toujours plus de connaissances, en essorant chaque goutte de tous les livres qu’il lui était possible d’acquérir. Néanmoins, la compagnie de Nocturne semblait être capable de détendre cet être au sérieux aussi rigide que l’esprit du Thalmor. Finalement, Sanghin même comprenait davantage que lui pourquoi il les rejoignait. De son côté, il suivait simplement son instinct et ses envies, chose peu commune le concernant. Jyggalag et Méridia étaient attablés tandis qu’ils échangeaient joyeusement avec Nocturne, étendue sur un joli transat aux motifs de netchs.

« Bonjour vous tous, puis-je vous rejoindre ?

– Oh, cher Hermaeus, quel plaisir. Cette chaise longue vous était déjà réservée, d’une certaine manière. »

Qu’Akatosh acceptât de témoigner de cet évènement, les coins de la bouche du daedra parurent, lors d’une fraction de seconde, s’être courbées vers les cieux. Il prit alors place aux côtés de la reine de la nuit, son âme encore remuée par une attention telle.

La plupart des daedras avaient désormais fait leur entrée dans l’Azur, permettant à Azura de profiter à son tour de ce plan idyllique, bien qu’en Oblivion. Sur l’herbe, éloignés de Boéthia et Namira qui étaient étendus en profitant de la chaleur, Molag Bal et Azura profitaient de leur amour naissant, une glace à la main, assis de manière champêtre sur une nappe de pique-nique. Laissant échapper quelques éclats de rire, les deux daedras semblaient comblés.

Clavicus et Shéogorath étaient sortis de l’eau, et avaient été rejoints par Vaermina et Sanghin. Ce dernier s’accordait un peu de répit dans le service pour lui aussi profiter. Ils avaient tous les quatre saisi pelles, seaux, râteaux et meule d’Eidar. Meule d’Eidar ?

« Qu’est-ce que tu fabriques avec ce fromage, Shéogorath ? Nous sommes sur une plage, il va être recouvert de sable et va fondre. Enfin, tout simplement, ce n’est pas le moment ! s’indigna Vaermina.

– C’est toujours le bon moment pour une savoureuse tranche d’Eidar. Tiens, elle s’accorderait parfaitement avec cette noix de coco tout juste tombée du ciel ! »

Si Shéogorath ne s’étonnait guère de la chute inopinée du fruit sphérique, ses trois autres compagnons levèrent les yeux vers le cocotier dont les feuilles filtraient les rayons lumineux. Là, au sommet du palmier, ce ne fut nul autre qu’Hircine qu’ils découvrirent, perché, des demi-noix de coco disposées sur ses bois, guettant l’horizon lointain. Lorsqu’il sentit les regards des daedras se poser sur lui telle une flèche atteignant sa cible, il leur adressa simplement :

« Pardon, je guette les poissons. Désolée pour la noix.

– Eh, pêches-en quelques-uns qu’on fera griller si ça te chante, mais ne vide pas l’eau non plus ! J’en connais une qui ne sera pas contente » renvoya Sanghin, s’amusant intérieurement, sachant que les créatures marines n’étaient qu’une illusion.

Une fois la meule d’Eidar mise de côté et le mystère d’Hircine éclairci, les quatre compagnons purent finalement accorder à nouveau leur attention sur la confection de leur château de sable. Sanghin, qui avait aperçu ce concept chez les mortels, et l’avait fortement apprécié, n’eut donc pas manqué de transmettre à ses amis son projet de royaume de sable. Tous remplissaient peu à peu leurs seaux, les renversaient, créant ainsi une armée de pâtés de sable.

« Si jamais je les invoque pour faire peur aux mortels qui voudraient profaner mon sanctuaire en Bordeciel, je suis certain que cela les ferait fuir. »

La réflexion du Vil Clavicus provoqua quelques réactions chez ses compagnons d’architecture éphémère :

« Tu as un sanctuaire en Bordeciel ? s’étonna Sanghin.

– Des mortels sont au courant de ton existence ? Ça alors…

– Il y en a parmi eux qui te vouent un culte, du coup ? Qu’ont-ils fait pour en arriver là ?

– Alors là, Shéogorath, je n’en ai aucune idée. Peut-être se sont-ils perdus lorsqu’ils ont découvert son autel ? renchérit Vaermina.

– Grrr, ah vous allez voir, rira bien qui rira le dernier. Vous n’êtes qu’une bande de riekelins mal léchés ! »

Pris d’une particulière frénésie, il se saisit du sable humide d’un des pâtés et le projeta en plein sur le faciès de Shéogorath. Sanghin qui s’était d’ores et déjà relevé afin de fuir l’envoi féroce de son ami, s’en reçut un qui colora son maillot de bain d’une couche granuleuse de sable.

Ce fut ainsi un élément extérieur qui tira le daedra de sa furie hilare. Un dernier portail se matérialisa, alors que tous s’étaient refermés depuis un moment déjà. Sanghin, en tant qu’hôte de qualité, effectua l’accueil de ce dernier invité.

« Eh bien, Méphala ! Je vois que tu es venue sous ta forme féminine aujourd’hui, très bien ! Quel plaisir de te voir ! Qu’est-ce qui t’a retardée, dis-moi ? Un ou une partenaire de plus dans ton lit ?

– Bonjour à toi aussi Sanghin, le plaisir est partagé. Non, pas de partenaire dans mon lit, une affaire, disons… familiale ?

– Familiale ? fit le prince des plaisirs en écho à la daedra des secrets.

– C’est charmant, vous avez effectué un travail impressionnant ! J’irai féliciter Azura, tout à l’heure, je vois qu’elle passe du bon temps en charmante compagnie. On perçoit aisément que tu as participé à la réalisation de ce plan Sanghin, tu as une pâte bien à toi…

– Hé, je suis un original moi, on ne me refait pas !

– Oh ça oui. C’est une pâte très originale… une pâte sablée, en l’occurrence.

– Ouais, en parlant de sable justement, on était en train de réaliser un château de sable. Enfin ça, c’était avant que Clavicus ne le détruise car on l’a légèrement persiflé à propos d’un de ses autels. Mais du coup, si ça te tente, je te sers à boire et tu nous aides ?

– Je suis bien tentée par le cocktail, merci de ta proposition. Concernant le château de sable, pourquoi pas… à condition qu’on remplace le château par une araignée. Une araignée de sable, ça devrait plaire à tout le monde !

– Je n’en suis pas persuadé Méphala, mais suis-moi, on va aller voir tout ça ensemble ».

Tandis que le quatuor sous la paillote se dirigeait désormais vers la plage afin de profiter d’une baignade ou simplement de tremper leurs pieds dans l’eau chaude, Azura et Molag Bal jouaient désormais à la raquette. Boéthia et Malacath accompagnaient Namira, Dagon et Péryite dans leur bain de soleil tandis que les cinq daedras architectes du sable tentaient, tant bien que mal, de réaliser un arachnide de leurs dix mains.

Installé au sommet de son palmier, Hircine lui, n’avait pas tardé à s’endormir, vraisemblablement confortablement, à cause de la douce chaleur.

La fête n’en était qu’à ses prémices, elle se poursuivit des heures durant, tout le petit groupe se réjouissant d’une entente si belle en un plan aussi radieux que l’était l’Azur…

 

 

 

 

 

 

 

 


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