Daedr'Aventures

Chapitre 1 : Le Bal des Daedras

6656 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 27/04/2021 10:55

  S'ennuyant depuis plusieurs semaines en Oblivion, sans crime à commettre, sans personne à corrompre, le Daedra était d'humeur bougonne. Il fit la réflexion à lui-même :


« Eh bien! Quel calme pesant, depuis quand Oblivion est-il le lieu d'une telle sérénité? »


Molag se retourna afin de s'asseoir sur son trône aux reflets dorés, couvert d'un velours rouge, à l'aspect doux. C'est alors qu'il aperçut Sanghin, venant de pénétrer dans la salle.

 

« Cheeer ami !, s'exclama le seigneur du crime, dans un ton de demi-surprise. Que fais-tu donc en ces lieux ? »


  À ces mots, Sanghin lâcha un rire, un rire gras de sa voix rauque. Il tenait à la main un verre à demi rempli d'hydromel, à la couleur détonante, et dont l’odeur aurait effrayé des draugrs. Le Prince daedra de la domination, du viol et de l’esclavage avait alors sa tête reposant dans sa main. Il lança, sans un mot, un regard plein d’interrogations au Prince de la débauche, levant un sourcil afin d’exprimer son incompréhension. Égal à lui-même, Sanghin savait uniquement faire dans la démesure. C’est ainsi qu’il courut alors vers Molag Bal, et bondit pour atterrir sur ses genoux. Celui-ci n’eut pas le temps de réagir que Sanghin avait déjà déposé son verre dans la main du Prince et s’était à demi renversé. Tenant de sa main gauche sa Rose, il la plaça subitement sous son nez. Molag Bal, le regard fixe et froid, la repoussa d’une main avant de dire :

 

  « Cela ne m’amuse point, mon cher Sanghin. À présent, je te prie d’annoncer la raison de ta venue. Je n’ai pas tout ton temps !

– Allons, allons, Molag ! Ne fais pas ton grognon, tu sais bien que ça ne te sied pas, bwahaha ! », s’esclaffa Sanghin. 

 

  Reprenant son sérieux, le Prince se leva pour se placer face à Molag Bal, au visage toujours aussi fermé.

 

« Tu connais très bien la raison qui m’a poussé à venir à Havreglace. Moi, ici, à Havreglace ? Voyons il me fallait plus qu’un simple prétexte ! Enfin, bon, maintenant que je suis là… soupira-t-il en secouant la tête. Molag, rien n’est plus drôle ces derniers temps en Oblivion ! Je suis las, et je suis persuadé que les autres ressentent tout comme moi. Il faudrait faire quelque chose, organiser une petite farce, qu’importe ! Mais il en est assez de cette morosité en notre monde. Tu sais quoi Molag ? Je suis persuadé que sur Nirn, ils s’amusent plus que nous.

– Hmm, il est vrai que je partage ta pensée. Néanmoins, la farce n’est pas mon domaine. L’amusement non plus. Mais la situation est critique, et en usant de mes pouvoirs je suis conscient que je n’amènerais que plus de déprime qu’il n’y en a déjà. Et pour nos amis et collègue, je peux bien faire une fleur… »

 

  Molag Bal fermait les yeux, en profonde réflexion, quand son ami lui demanda :

 

« C’est-à-dire que tu es d’accord pour qu’on organise un truc sympa, sans mort ni rien ? Juste pour qu’on passe un bon moment, tous ensemble ?

– Hmm, tous ensemble, tu es au courant que cela se révèle complexe…

– Je le sais bien, ça fait une éternité que je vis ici …Ahem. Blague à part, si nous organisons un bon moment, c’est pour justement apaiser les tensions de sorte que tous les Princes et Princesses que nous sommes puissions faire une trêve.

– Et tu crois vraiment qu’ils seront tous d’accord ? Moi tu sais, peu importe. Pour ce qui est de convaincre nos collègues, comme Boéthia ou Méphala par exemple…

– Ne te préoccupe donc pas de ça, tu sais que tu peux me faire confiance sur ce point-là !

– Justement, quant à ça…

– Parfait, je savais que tu me vouais une confiance aveugle, je te remercie ! »

 

Sur ces mots, il laissa résonner un nouveau rire, et continua :

 

« Au final, que ferons-nous ? Nous réunir, c’est pas mal, mais il faudrait faire quelque chose.

– … J’ai bien une idée… Une stupidité de chez les humains qui, j’en suis certain, te ravira.

– Oooh, dis-moi tout, je suis plus surexcité qu’un nordique devant une bouteille d’hydromel !

– Allons, du calme. C’est une soirée durant laquelle on … danse ensemble, sur de la musique. Et apparemment, cela est censé être divertissant. Comme j’en suis l’organisateur, je compte bien la nommer à mon illustre image ! Appelons cette fête… un Bal.

– Tes chevilles vont-elles bien, ô seigneur tout puissant ? »

 

Sanghin exécuta une pirouette afin d’éviter le coup qu’allait lui asséner Molag Bal.

 

« Elles vont bien merci, rugit-il, et si tu n’es pas satisfait de mon idée, déguerpis ! J’ose te rappeler que tu es celui qui es venu vers moi, de plus, cette idée ne m’enchante pas vraiment !

– Bien, bien, je te taquinais seulement. Ton idée est charmante, plus que ton humeur ne l’est actuellement en tout cas. Je vais tenter d’organiser tout ça. Quant à toi, je te laisser t’occuper de la musique, n’est-ce pas DJ Molag ?

– … Pardon ? D… ?

– Oh, peu importe ! Fais en sorte que cette soirée soit resplendissante ! »

 

  Il s’approcha de l’oreille de Molag Bal, et murmura :

 

« N’hésite pas à insérer une musique douce, cela te permettra peut-être de te rapprocher de la belle Azura

– Mais… »

 

Un sourire en coin se dessina sur le visage de Sanghin. Ce dernier se pencha élégamment, ce qui lui prodigua un instant des airs de gentleman, qui rendaient un effet des plus surprenants sur lui. Il reprit son verre à Molag Bal, puis dessina un cercle dans les airs à l’aide de sa Rose, afin d’ouvrir un portail. Il se retourna vers le Prince, et lança :

 

« Mon cher ami, je m’en retourne en mon plan afin d’organiser cette sublime soirée. Je compte sur toi pour la musique, et autres choses dont nous pourrions avoir besoin. Sur ce, je te souhaite une agréable journée ! »

 

Et ainsi, Sanghin disparut, laissant derrière lui une légère fumée teintée de rouge, qui se dissipa en quelques instants. Ce fut le temps nécessaire à Molag Bal pour se remettre des dernières paroles de son camarade. Il était certes énervé de cette plaisanterie de mauvais goût qu’il considérait presque comme une provocation, un appel à sa colère. Cependant il ne put guère répliquer, il appréciait en effet, la Princesse de l’aube, Azura. Elle était son alliée depuis bien longtemps à présent, et si les raisons de cet accord restaient obscures, il n’en appréciait pas moins l’existence. En réalité, il se demandait quelle raison pouvait pousser Azura à collaborer avec lui. Il affectionnait en elle le réconfort qu’elle lui procurait, et même s’il était le seigneur de la domination, la douceur naturelle émanant d’elle le domptait entièrement. Ainsi, au fil du temps, une profonde amitié s’était encrée entre le Prince et la Princesse. Pourtant Molag Bal, songeur, semblait être tourmenté par les liens résidant entre eux. Il arrivait même qu’il s’en veuille, lui, le Prince du viol, d’avoir commis de telles actions en voyant une femme telle qu’Azura. Pourtant, les sentiments qu’il ressentait lui déplaisaient. Comment nommer ce tourment ? Comme nom à poser sur ses émotions, Molag Bal dû admettre que celui d’amour, sentiment pourtant réservé aux humains, était le plus adapté. Quelle humiliation pour lui que d’être si faible, et ce face à une femme ! Mais il avait tant de considération pour elle, qu’elle n’était plus une simple femme, elle était la femme, l’idéal à ses yeux. Sanghin avait donc raison, il devait le reconnaître. S’il était le seul au courant, c’est car il avait profité d’une soirée chez le Prince de la domination pour lui soutirer des informations, lorsqu’il était saoul. En effet, Sanghin avait pour fâcheuse habitude de faire boire les gens, ce qui avait comme conséquence de l’amuser grandement. De surcroît, cela se révélait être un technique infaillible pour mettre les gens sous sa coupe et même, pour les mettre face à eux-mêmes. C’est en tout cas ce à quoi songeait Molag Bal, confronté à ses sentiments envers la douce daedra.

 

  « Bon, j’ai à faire, se dit-il. Cela est inutile de s’attarder sur ce genre de pensées, occupons-nous plutôt de l’organisation de ce Bal. »


De son côté, Sanghin était parvenu à réunir tous les daedras, ce qui était déjà un exploit, en somme. La tension était grandement palpable. Dames Namira et Azura se regardaient avec mépris, Peyrite était isolé de tous, et Méphala et Hermaeus Mora affichaient une neutralité déconcertante. Hircine était accompagné d’un écureuil ayant grimpé sur son épaule, ainsi que d’un petit mulot. Il n’était guère loin de son frère Malacath, et sa sœur Méridia. Dame Méridia, Reine de lumière, se trouvait quant à elle à proximité du Prince de L’Ordre, Jyggalag. Ils entretenaient, depuis un temps incommensurable pour les mortels, mais infiniment minuscule pour les daedras, une timide relation secrète où ils étaient parfaitement épanouis. Le Prince de l’Ordre lança à la Reine de la Lumière un discret regard qu’elle croisa. Elle détourna les yeux, gênée.

Les relations entre les daedras avaient pu se développer, ceux-ci ayant vécu durant des ères en cohabitation dans les mêmes plans. C’est une chance que Jyggalag ait pu parvenir à se libérer de la malédiction le liant à Shéogorath, Prince de la folie. Ils formaient désormais deux être distincts, ce qui ne fut pas toujours le cas. Ainsi, Méridia et Jyggalag s’avouèrent leur attirance, et leur amour. Mais les ententes entre les daedras sont plus souvent du côté de la haine, que de l’amour. De fait, l’ambiance qui régnait dans cette réunion encore inexpliquée n’était point des plus appréciables, et certains commençaient déjà à songer à rentrer lorsque Sanghin prit la parole :

 

« Mes camarades, Princes et Princesses que vous êtes, je vous ai conviés ici car j’ai une graaaande annonce à vous faire ! »

 

Sanghin faisait traîner les mots et les allongeait, de sa voix rocailleuse, le rendant à la fois comique et distingué. Sa personnalité occultait pourtant ce dernier point, le Prince ne pouvait apparaître aux yeux des autres avec ne serait-ce qu’un minimum de sérieux. Il allait reprendre lorsqu’il se fit arrêter par la voix nasillarde de Namira :

 

« Oui, eh bien, j’espère que tu as vraiment un motif valable pour nous avoir fait venir ici ! Je te rappelle tout de même qu’il réside de nombreuses tensions parmi plusieurs d’entre nous. Si c’est une perte de temps, tu vas m’entendre.

– Bien entendu, ma chère Namira »

 

Sanghin était descendu de l’estrade sur laquelle il se trouvait. Tout en prononçant ces mots, il se rapprochait de la Princesse et lui glissa l’index sous le menton. Après quelques secondes de surprise mêlée à de l’incompréhension, elle recula vivement.

 

« Quel imbécile tu es, franchement ! »

 

Elle croisa les bras, et regarda Sanghin avec un mépris grandissant. Son visage s’empourprait à la fois de gêne et d’humiliation, quand il éclata d’un rire franc. Il ne fallut pas longtemps pour qu’il soit accompagné des esclaffements de tous les autres. Au bord des larmes, il lança un clin d’œil à Vaermina qui lui répondit de même. Une fois que tous furent finalement calmés, il poursuivit :

 

« En effet, je vous ai tous réunis ici pour une importante raison. Vous avez tous pu être témoins des évènements qui se sont dernièrement déroulés en Oblivion, si je ne m’abuse. Je sais qu’aucun d’entre vous ne voudrait que cela se poursuive ainsi. J’entends déjà vos murmures de questionnement, pourtant vous savez bien ce que j’évoque ! L’ennui. La nature des évènements mentionnés précédemment n’est autre que l’ennui, et c’est bien une des pires choses qui pourrait arriver à des êtres immortels tels que nous ! Ah, je vois à vos visages que vous adhérez avec mes propos. Ainsi pour mettre fin, au moins le temps d’une soirée, à la morosité, nous avons avec Molag, organisé… »

 

Ne permettant point à Sanghin d’achever son discours, Boéthia se redressa d’un coup et lança :

 

« Je vous demande pardon ? Moi, me rendre à quelconque fête organisée par Molag Bal ? Vous savez pourtant à quel point nous nous détestons, il en est hors de question. »

 

Alors que le Prince était sur le point de créer un portail afin de retourner en son plan, Sanghin lui répondit d’un sérieux comme rarement il avait déjà eu auparavant :

 

« Écoute, Boéthia, tu sais bien que tout le monde ici ne s’entend pas, comme l’a rappelé Namira il y a quelques instants. Pourtant, tous restent, même Méphala, vois-tu. Si Molag a décidé que tout le monde y participerait, c’est pour oublier les désaccords le temps d’une soirée, faire une trêve. Il n’y a aucune raison de partir »

 

L’ensemble des daedras acquiesça suite aux dires du Prince. Alors, Boéthia n’acheva pas son portail, et bougon, demanda qu’il poursuive donc son annonce.

 

« Bien, je te remercie. Cette fête se déroulera en fin de semaine, afin que vous soyez tous prêts ! Oui, oui arrêtez donc de vous lancer des regards interrogateurs, les autres n’en savent guère plus que vous. Je maintiens qu’il faut se préparer, après tout il s’agit d’un Bal ! »

 

Méridia demanda doucement quel était le principe d’un Bal, et quelle en était l’origine. Après que Sanghin lui ait expliqué que Molag était éponyme de cette fête et en quoi elle consistait, il ajouta quelques détails :

 

« Molag Bal choisira la musique, ne vous inquiétez pas, je suis sûr qu’il dispose d’un bon goût certain. Tout se déroulera dans un plan que j’aurai aménagé pour l’occasion, je vous l’indiquerai durant la semaine. Enfin, je vous demanderai de venir si possible surtout, … »

 

Laissant sa phrase en suspens, Sanghin lança un regard à Hermaeus Mora, puis poursuivi :

 

« Surtout de venir sous forme humaine, et de la soigner, je vous prie ! »

 

Hermaeus Mora ponctua le discours de Sanghin par un long soupir. Il n’était jamais apparu sous quelconque forme humaine, et voilà que pour une simple fête il devait faire des concessions, et des efforts. Par ailleurs, ce Bal ne l’enthousiasmait guère, mais il pouvait observer autour de lui la joie se dessiner sur les visages de ses compagnons. Étant le plus ancien des daedras, ainsi que le plus sage, il devait maintenir l’ordre avec Jyggalag, dont le rôle était également dédié à cela. Afin que la bonne humeur ne prenne pas fin, il se résolut donc à chercher un aspect humain pouvant lui seoir. Au fond, peut-être qu’il trouvait ça légèrement excitant d’éveiller la curiosité des autres quant à l’apparence qu’il aurait.

Après de nombreux remerciements, et demandes incessantes quant à la confirmation de venue de chacun, Sanghin mit fin à sa petite réunion improvisée. Il rejoignit donc son plan, pressé par les mille choses qu’il avait à organiser. De nombreux autres daedras prirent exemple sur lui et s’en retournèrent en leur royaume, tandis que quelques-uns continuèrent à discuter encore quelques temps avant de partir.

 

Durant la semaine, à quelques jours du Bal, la majeure préoccupation des daedras était de trouver quelle apparence ils pourraient adopter, et de s’imaginer de multiples façons possibles son déroulement. Méridia s’était rendue avec Azura dans le plan de sa sœur, Nocturne. Elles faisaient multiples transformations, toutes plus originales et ravissantes les unes que les autres. Par rapport à la mode humaine, les Princesses daedras étaient en avance sur leur temps. Leur style semblait être inspiré de diverses époques, et diverses dimensions. Ce raffinement démontrait une fois de plus le bon goût des Princesses ainsi que leur distinction. Les robes se suivaient, accompagnées de différentes parures, boucles d’oreilles, coiffures. Azura fut la première à trouver la tenue lui convenant. Quand toutes y furent parvenues, ce fut un réel soulagement pour chacune. Elles comptaient garder cet accomplissement secret aux yeux des autres.

En réalité, chaque daedra fonctionnait ainsi, désireux de surprendre les autres. Méridia ne dévoila rien, même à Jyggalag. Si ce dernier pouvait être un peu confus quant au fait de bousculer les habitudes qu’il avait avec son habituelle apparence, il voulait cependant être capable de stupéfier Méridia. De ce fait, il essaya pendant des heures une grande variété de tenues. Ce n’est pas simple pour un daedra de savoir ce qui pourrait s’accorder avec lui. Pourtant, d’autre part, il n’abandonnait pas l’important travail qu’il avait à faire dans le monde des humains, maintenant et renforçant même le respect que l’on pouvait avoir envers lui et son sérieux magistral.

Les jours passèrent, les daedras se préparaient. Molag Bal avait fait une sélection aiguisée des chansons qui pouvaient convenir pour un tel évènement. Il était toujours surpris de lui-même, pour avoir organisé une fête pour les autres, mais aussi de s’être surpris à ressentir des sentiments humains. Il tenait néanmoins au succès de ce Bal, et on pouvait voir qu’il s’y investissait profondément. Les titres, bien que variés, n’avaient rien d’extravagant ou de dérangeant, ils étaient la marque de son raffinement profondément enfoui. Ainsi, nous pouvions trouver Tourner les luths, Les Daedras de minuit, ou encore l’Aetherius blanc. Molag Bal n’était pas peu fier, mais pour autant il était toujours dubitatif quant à ses choix : allaient-ils les apprécier ?

 

La fin de semaine finalement arrivée, Molag Bal allait enfin pouvoir trouver les réponses dont il avait besoin. La fête était sur le point de débuter. Ayant fourni un investissement important, beaucoup de temps, de patience et de volonté, Sanghin avait créé à partir d’un plan où la nature dominait, un havre de paix et de joie. Dehors, la végétation était luxuriante. De nombreux petits buissons aux feuilles d’un doux vert, portant des petites fleurs jaunes, parcouraient l’allée centrale. Cette dernière était faite à partir de roches et de marbre, offrant à l’ensemble l’aspect somptueux d’un palais. L’herbe, verdoyante également, était parsemée de diverses petites fleurs dont la plupart des daedras ignoraient le nom, ou même qu’elles puissent en posséder un. De robustes saules s’étendaient à perte de vue, habillant le jardin d’une légère pointe de nostalgie. Le bâtiment qui allait accueillir les invités était lui aussi resplendissant. Un porche chaleureux, soutenu par des colonnes ornées, incitait à s’approcher de la demeure. Toute faite de granite, peinte de blanc et lissée, quelques éléments de marbre rehaussant sa splendeur, la bâtisse faisait songer à travers sa structure à une demeure romaine, empire d’un univers alternatif. En effet, formée en ‘‘cercle’’, elle était alors dotée d’une cour intérieure d’une élégance aussi marquante que celle du jardin.

 

  Alors que Sanghin discutait de la soirée avec Molag Bal, une voix les fit se retourner de conserve.


«Eh bien mes amis ! Nous sommes les premiers, vois-tu, Barbas ? »

 

Il s’agissait de Clavicus Vil, avec à ses côtés, son fidèle compagnon Barbas, ayant ce soir-là sa forme canine. Ce dernier était doté d’un collier rouge vif ainsi que d’un chapeau pointu, connu pour être porté lors de festivités comme la célébration d’une nouvelle année. Quant à Clavicus, lui était habillé d’un costume bariolé au possible, avec, par exemple, d’un côté des triangles jaune fluo et plus bas des spirales marron. À la vue de ce spectacle déconcertant, Sanghin et Molag Bal se lancèrent un regard plein de désespoir. Pourtant au fond ils n’étaient guère étonnés, il s’agissait de Clavicus, et la tenue correspondait au personnage. Ils firent ainsi abstraction de ceci et Sanghin allait accompagner le nouveau venu vers la salle de Bal, quand un portail apparu.

 

« Bien, les invités ne se perdent pas ! s’exclama Sanghin. »

 

Du portail se matérialisèrent Nocturne ainsi que sa petite sœur, Azura. Nocturne était vêtue d’une robe cocktail noire, légèrement fendue sur le côté droit. De nombreux et élégants laçages s’observaient au niveau de son dos. Son ras de cou portait comme pendentif un corbeau, tout comme l’épingle retenant sa longue chevelure brune en un délicat chignon. Ses ongles étaient vernis d’un noir profond, et sa tenue lui allait à merveilles. Quant à Azura, elle revêtait une robe bleue, si claire qu’elle tirait sur le blanc avec une touche légère de violet, tout comme les couleurs dont était pourvu le ciel de l’aube. Elle était légèrement plus longue derrière que devant, et l’on pouvait presque voir ses genoux. Sur le buste se trouvait une ceinture d’un bleu plus foncé que la robe, avec une lune. De longues boucles d’oreilles pendantes à plumes parcouraient son cou, et son collier se définissait par une fine chaînette dorée dont le pendentif avait la forme d’un soleil. Enfin, ses cheveux d’un blanc pur étaient également relevés, mais dans un chignon plus bas que celui de sa sœur

Les deux jeunes femmes étaient réellement sublimes, ainsi. À la vue d’Azura, Molag Bal ne put s’empêcher de détourner les yeux, gênés. Nocturne ayant remarqué cela, elle dit alors :

 

« Oh, bonsoir messieurs ! Ravie de constater que nous sommes bien à l’heure, au bon endroit. Vous êtes parfaitement élégants, et votre style et très original, Clavicus. Eh bien, quel domaine magnifique, allons visiter cela de plus près, je vous en prie ! »

 

Sur ces paroles, Nocturne prit le bras de Sanghin et de Clavicus, et les mena un peu plus loin dans les jardins, puis posa diverses questions sur le procédé de décoration du plan à Sanghin. Elle souhaitait laisser Azura et Molag Bal un peu seuls, Sanghin le désirait également Prenant son courage à deux mains, Molag Bal sourit à Azura. Il faut admettre que sa forme humaine était largement plus acceptable que celle qu’il adoptait habituellement. Il avait ce jour-ci, l’apparence d’un jeune homme robuste, dont le smoking était d’une couleur ardoise, tirant entre le noir et le bleu. Ses cheveux noirs étaient coupés court, hormis une petite mèche sur le devant, qui bouclait légèrement. Il avait également une barbe récente, coupée soigneusement. Il avait tout d’un humain d’une autre dimension.

 

  « Azura, dit-il avec un ton doux, j’espère que votre voyage s’est bien déroulé ? »

 

Azura était de son côté également troublée par Molag Bal, elle ne pouvait se le cacher. Elle répondit, balbutiant par moments, que tout s’était parfaitement déroulé. Tandis qu’ils s’étaient éloignés pour échanger en toute tranquillité, Sanghin et les autres étaient revenus vers l’entrée afin d’accueillir les futurs arrivants. Ils entraient dans le plan, tantôt seuls, tantôt en groupe. Boéthia, Malacath, Namira, tous avaient soigné leur apparence pour le Bal.

Jyggalag et Méridia arrivèrent simultanément et firent grande impression, tant aux autres qu’à eux-mêmes. En effet, leur splendeur était somptueuse et ils rayonnaient de manière divine. Jyggalag avait un costume gris cintré, accompagné d’une cravate noire et d’une chemise blanche. Ses chaussures étaient élégantes, noir mat. À son doigt, une chevalière à l’effigie du roi d’échec. Quant à sa coupe, il avait ramenés ses soyeux cheveux gris argenté en une fine queue-de-cheval reposant sur son épaule, et il était fraîchement rasé. Dans sa poche se trouvait un lys blanc, symbole de pureté. Il tourna son regard vers Méridia. La Reine de la lumière avait revêtu une très longue robe, descendant jusqu’à ses chevilles. Celle-ci avait la couleur de la lumière, aux tons crème brûlée. Des paillettes parcouraient la robe, et une ceinture blanc-marron marquait sa taille fine. Elle avait de longs gants, toujours dans les nuances crème brûlée, de la dentelle se trouvant aux extrémités mais aussi sur le col de sa robe. Ceci la rendait d’autant plus séduisante, mais mignonne à la fois. Son collier n’était autre qu’une goutte de lumière, d’énergie infinie. Dans cette goutte, on aurait dit comme du plasma qui ne cessait de se mouvoir dans des directions aléatoires, offrant au collier une mystique splendeur. Ses cheveux blonds étaient libres, quelques mèches roulant sur ses épaules. Se distinguant légèrement, des boucles d’oreilles en forme d’anneau, faites d’or pur, rehaussaient sa grâce. D’un regard malicieux, elle posa ses yeux sur Jyggalag et un petit sourire se dessina sur son visage

 

« Bonsoir, mon cher Jyggalag… vous êtes ravissant en ce soir si clair »

 

Jyggalag la trouvait resplendissante, elle aussi. Il rougit légèrement et prit sa main sans dire mot. Cela suffisait à les combler, tous deux.

 

Alors que les daedras arrivaient les uns après les autres, une arrivée fit lâcher à Méridia un petit cri de surprise.

 

« Oh, Hermaeus … ! »

 

Hermaeus Mora était sorti du portail qu’il avait créé. Tous les regards se posèrent sur lui, sur son apparence humaine majestueuse. Il était habillé d’une blanche tunique, que l’on aurait pu apparenter à une toge. Dessus, une petite broche représentant un livre en fermait les pans. Une ceinture tressée tombait sur sa hanche, sertie de filaments argentés. Plusieurs bagues d’argent ornaient ses doigts fins, et des lunettes sans monture reposaient sur son nez aquilin. Ses cheveux d’un vert forêt, couleur de la sagesse, semblaient être singulièrement soyeux. Attachés en une très longue queue-de-cheval plate, sa chevelure se répartissait également de part et d’autre de son épaule. Sur son oreille droite reposait une plume blanche, dont le bout était tâché d’encre noire. D’un doigt, il fit remonter sur son nez ses lunettes et dit d’une voix plaisante :

 

« J’ose espérer que cela ne vous déplaît guère… »

 

  Tous acquiescèrent unanimement, fort agréablement surpris par la transformation qu’il avait réalisée.

 

Après que tout le monde était finalement arrivé, on pénétra dans la demeure. Par un couloir, ils se dirigèrent sur leur gauche vers une large salle. Plongée dans l’obscurité, éclairée par divers néons modernes, la salle était remplie de victuailles. Molag Bal avança vers la musique afin de l’activer. Après tout, c’était lui qui avait choisi les chansons. Sanghin sauta sur une petite estrade et lança d’une voix forte :

 

« Les amis, je suis ravi de tous vous retrouver ici ! J’espère sincèrement que ce que nous avons organisé vous plaît et continuera à le faire, nous nous sommes donné corps et âmes pour réussir ce Bal, avec Molag évidemment. Ainsi, je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation. Vous pouvez remarquer sur les tables, au fond, diverses bonnes choses que nous vous avons préparées, vous pourrez vous servir à votre guise. La sélection rigoureuse des musiques a été effectuée par Molag, d’ailleurs ! Je finis donc mon discours pour vous laisser profiter de cette soirée. »

 

Il s’arrêta durant quelques secondes et prononça ces mystérieuses paroles :

 

« Une surprise vous attend, en deuxième partie de soirée. Tenez-vous prêts, cela peut arriver à tout moment ! »

 

Comme à son habitude, il lâcha un rire retentissant et sauta de l’estrade tandis que Molag Bal augmentait le volume de la musique. Ainsi, tout le monde était intrigué mais commença tout de même à profiter du Bal. Hircine se tenait à côté de Malacath et de Méridia, ces derniers observant avec grand étonnement les mouvements effectué par leur frère. Balançant ses bras d’une manière que seul lui connaissait, il plaqua ses mains contre ses cuisses et recula ainsi, les jambes écartées, l’une après l’autre. Ce style tribal lui correspondait si bien, et il en avait une telle maîtrise qu’aucun des daedras n’eut jamais songé à en rire. Le Vil Clavicus, de son côté, possédait également un original style de danse. Un style qui, sans doute, n’en était pas réellement un, mais représentait plus une extériorisation de la forte extravagance du daedra. Semblant être comme possédé, étrange ironie pour un daedra, il bougeait ses membres dans des directions qu’il ne semblait pas avoir choisies La cohérence de ses mouvements n’était guère compréhensible, et il continuait à secouer sa tête dans tous les sens, faisant rire ses camarades. Il ne s’était même pas aperçu que Barbas s’était précipité vers le buffet afin de goûter aux fondant au chocolat, accompagnés d’une étrange sauce provenant d’un univers alternatif nommée ‘‘crème anglaise’’. Le chien, surpris par Méphala, fut repoussé délicatement et détourné vers un bol plein de morceaux de viande d’ours des cavernes. Shéogorath, quant à lui, semblait avoir adopté un style dit ‘‘disco’’, et levait sa main en l’air avant de la baisser en la croisant vers l’autre côté. Le traitant de ringard, Sanghin n’était pourtant pas des plus délicats, abordant un pas de bourrin. Cependant, cela s’accordait parfaitement avec sa personnalité.

 

Ainsi, tous s’amusaient sans soucis, et l’ennui s’évaporait. Ils dansaient au rythme de la musique, leurs visages souriant illuminés par les néons diffusant des teintes rouges, jaunes, ou encore vertes. Les titres plaisaient à tous; quand vînt Les Daedras de minuit, tous chantèrent en chœur. Les petits pains et autres pâtisseries étaient fort appréciés, et disparaissant à grande vitesse. Molag Bal dirigeant la musique, il observait de sa place la belle Azura se mouvoir timidement. Perdu dans ses pensées, il fit un bond de surprise quand Sanghin fit son retour sur l’estrade pour crier :

 

« Eh Molag, tu pourrais réduire le son s’il te plait ? »

 

  Molag Bal s’exécuta afin que l’on puisse écouter l’annonce que Sanghin s’apprêtait à faire :

 

« Cela fait désormais deux heures que nous dansons et que nous nous déhanchons au rythme des musiques de Molag, et je vois que vous appréciez cette soirée, dit-il tandis que s’élevaient les applaudissements des autres, mais je vous avais dit que ce ne serait pas tout… Veuillez me suivre, je vous prie ! Ahahah ! »

 

Tandis que Sanghin ricanait, les daedras se mirent à le suivre à travers les corridors de la demeure. L’on pouvait y observer des bibliothèques emplies de livres, et des tableaux accrochés aux murs. L’un représentait les côtes de Bordeciel, l’autre la tour d’or blanc de Cyrodiil, faisant ainsi voyager les daedras à travers ces poétiques paysages.

 Soudain, le Prince s’arrêta devant une porte et fit un clin d’œil aux autres en soufflant :

 

« Attention aux mirettes, ça brille par ici… »

 

Dans des grincements de gonds, les portes s’ouvrirent, révélant aux invités l’ampleur de la splendeur de la salle. Si Sanghin avait du bon goût, il ne savait pas mêler les époques de l’univers alternatif : cette salle de Bal tenait son style du XVIIIème siècle, l’extérieur de la demeure de l’époque gréco-romaine et la salle précédente du XXIème siècle. Peu importait pour Sanghin, les autres n’en sauraient rien. Et ses pensées étaient correctes, les invités ne pensaient plus qu’à la fine beauté du salon.

Le parquet de bois naturel dit en ‘‘point de Hongrie’’ lui offrait un important cachet. De part et d’autre de toute l’importante longueur du salon, étaient disposées de hautes fenêtres laissant apparaître le ciel étoilé, la nuit était en effet tombée sur le plan. Des petits canapés aux motifs floraux et emplis de gravures se situaient dos au mur, et semblaient être confortables à n’en point douter. Au plafond, des peintures d’artistes de l’univers alternatif se mêlaient à ceux d’ici. Semblables à une multitude de limpides gouttes de pluies, plusieurs grands lustres de cristal en descendaient en cascade. Ils offraient à la pièce une chaleur douce et pure. La finesse et le raffinement émanaient tant de ce lieu que la plupart des daedras furent émus de cette somptueuse découverte.

 

« Voilà, messieurs dames, le véritable Bal que nous vous avons préparé », dit Sanghin avec un humble sourire aux lèvres. 

 

Lui aussi était ému, de voir ainsi l’accomplissement de son travail, son œuvre dévoilée à tous. Il était soulagé de voir que cela leur plaisait autant que ce qu’il espérait.

  Tous les daedras pénétrèrent dans la salle. Afin d’en respecter la majestuosité et la solennité, les daedras modifièrent un peu leur apparence, allongeant ou gonflant leur robe, ou arrangeant leurs habits. Seul Clavicus ne changea pas, et ce fut peut-être mieux ainsi. Pour que tous puissent danser, Molag lança la musique magiquement, de façon à ce qu’elle se joue seule.

 

« Mes amis, il est l’heure de se trouver un partenaire, je ne veux voir personne danser seul ! »

 

Sanghin ayant donné ses consignes, les daedras commencèrent à se mettre par pair. Naturellement, Jyggalag avança vers Méridia dont la robe était maintenant cerclée, lui offrant des airs altiers. Jyggalag effectua une révérence en s’inclinant puis se releva légèrement à chaque fois, sans poser les yeux sur elle par pur respect. Il tendit sa main et prononça :

 

« Voudriez-vous m’accorder cette danse, ma reine ? »

 

 Rougissante, Méridia acquiesça d’un hochement de tête en détournant les yeux, et répondit :

 

« Mais, je ne suis pas une reine. »

 

Jyggalag se redressa entièrement et la regarda en lui prenant la main. De l’autre, il passa doucement sur le sommet de sa tête où apparu un diadème possédant la même goutte que sur son collier.

 

« Maintenant, vous l’êtes réellement, reine de lumière, dit le Prince de l’ordre avec un léger sourire »

 

Avant qu’elle n’ait eu le temps de dire quoi que ce soit, Jyggalag entraîna Méridia dans la danse en la prenant par la hanche, et tous deux furent emportés par le rythme de la musique.

Alors, Sanghin invita Vaermina qui accepta naturellement, Clavicus alla danser avec Barbas et Namira s’accorda à rejoindre Mehrunes Dagon. Solennellement, et puisque la tradition le voulait Hermaeus Mora se devait de trouver une partenaire. Il s’approcha alors de la ténébreuse Nocturne afin de lui proposer son bras. Elle accepta celui-ci avec un sourire réservé, qui pourtant ne parvenait à cacher ni la joie qu’elle éprouvait quant à sa compagnie, ni sa grande surprise face à cette dernière.

Regardant Azura, Molag Bal avait la peur au ventre. Mais il ressentait le besoin de danser à ses côtés, et tant des daedras n’avaient pas encore de partenaire qu’il ne voulait pas laisser passer sa chance ! Il ne sut guère si ce fut l’adrénaline qui le poussa vers elle, toujours est-il qu’il se retrouva à ses côtés. Elle se retourna, ressentant sa présence, et lui adressa un large sourire. Molag Bal le fixa pendant quelques instants, absorbé par sa beauté. Puis il releva les yeux pour les planter dans ceux de la Princesse et révéla tout ce qu’il avait dans le cœur, dans l’esprit. Il lui avoua l’ensemble des sentiments qu’il avait commencé à nourrir envers cette alliée de toujours, cette douce amie. Il lui fit comprendre qu’elle lui avait fait prendre conscience de maintes choses, qu’il avait changé grâce à elle, qu’il ne désirait plus, désormais, être du côté du mal. Une larme de culpabilité roula sur sa joue, que la Princesse essuya très soigneusement. Les émotions l’étouffaient, Azura l’avait bien vu. Elle prit sa main. Il n’y avait pas besoin de mots. Souriant, il la prit entre ses bras et l’étreignit un long moment, puis saisissant délicatement sa taille, ils rejoignirent l’ensemble des daedras dans cette divine mélodie.

 

C’est donc ainsi que se déroula le Bal des Daedras, à leur image et réellement jovialement. Sanghin avait accompli son désir, et Molag les siens également. Et jusqu’au petit matin, durant des heures et des heures ils tournaient, tournoyaient ensemble, encore, encore, et encore…


Laisser un commentaire ?