La vengeance de Clarke.
Comment Bellamy les avait-elles retrouvées ? Clarke était sûre d’avoir fait particulièrement attention à ne pas avoir été suivie. Elle resta cachée derrière le rocher, observant la scène par intermittence pour ne pas se faire repérer. Même d’où elle était, Clarke pouvait voir la souffrance dans les gestes de Lexa. Elle éprouva une vive colère envers Bellamy. Avec Lexa blessée, ils n’allaient pas pouvoir se déplacer bien vite, elle pourrait les prendre de vitesse et leur tendre une embuscade, mais elle n’avait pas d’arme. Passant derrière Lexa, Bellamy lui assena un violent coup de crosse derrière la nuque, Lexa s’effondra inconsciente. Clarke eut juste le temps de retenir un cri et de se retenir de courir auprès de Lexa. Bellamy allait payer pour ce geste, elle s’en fit la promesse.
— Portez là, ordonna t-il avec dédain.
Les soldats s’exécutèrent et l’un d’eux chargea Lexa sur son épaule. Ils se mirent en route vers le sud. Clarke bouillonnait de colère, après tout ce qu'elle avait vécu avec Bellamy, comment pouvait-il lui faire ça.
Une fois qu’ils furent hors de vue, Clarke se releva et alla brièvement inspecter le grotte. Elle était vide, il ne restait que les braises du feu. Clarke posa les poissons qu'elle comptait encore partager avec Lexa un instant auparavant, elle était désemparée. Elle ne s'était même pas encore remise d'être passée à deux doigts de perdre Lexa la nuit précédente qu'elle lui était déjà arrachée. Après avoir mangé un poisson sans appétit, elle se mit en route pour pister le groupe de Bellamy. Elle arriva sur les lieux de la bataille quelques heures plus tard, elle n’était encore qu’à une centaine de mètres que l’odeur était déjà insupportable.
Elle resta cachée dans la forêt pour ne pas se faire repérer. Elle put déterminer de loin que les Skaikrus n’avaient pas massacré tout le monde. Des Grounders étaient parqués, comme des animaux, au milieu de ce qui restait du camp, surveillés par un petit nombre de soldats en armes. Clarke, choquée et en colère n’arrivait pas à apercevoir Lexa parmi les prisonniers. Elle s’enfonça dans la forêt et contourna le camp pour avoir un meilleur poste d'observation. Elle était désespérée, comment allait-elle pouvoir libérer Lexa à elle toute seule. Même si il n'y avait que peu de soldats, elle ne faisait pas le poids. Elle était outrée par l'attitude de son peuple, mais le fait qu'ils n'aient pas massacré tous les Grounders lui redonnait espoir dans les chances de survie de Lexa.
Tandis qu’elle se déplaçait dans la forêt, l’odeur de la mort se fit de plus en plus présente, au détour d'un sentier, caché par un rideau d'arbres, elle tomba sur un immense charnier. On avait entassé là des centaines de corps. Clarke eut un haut-le-cœur à cette vue d'horreur. Les corps avaient été jetés là, les uns sur les autres sans distinction. Elle n’arrivait pas à réaliser que c’était son peuple qui avait commis cette atrocité. Une nuée de corbeaux s'envola tout à coup, surprise, Clarke ne put retenir un cri de frayeur, son cœur battant la chamade. Elle aperçut alors ce qui avait dérangé les corbeaux, un soldat pillait les morts. Dégoûtée, Clarke détourna les yeux. Une idée germa dans son esprit, le soldat était seul mais armée, en le prenant par surprise elle devrait pouvoir s’emparer de son arme.
Surmontant son dégoût, elle se faufila parmi les cadavres, les yeux fixés devant elle pour ne pas voir l'horreur, la situation lui paraissait irréelle, tant de morts alors que la paix avait été possible. Elle s’approcha en silence du soldat qui ne faisait pas attention. Elle sortit son couteau, quand elle parvint à sa portée, elle lui sauta dessus en essayant de l’étrangler. Celui-ci était beaucoup plus fort qu’elle, il arriva dans une ruade à se dégager. Il fit un mouvement vers son arme. Par réflexe, sans réfléchir, Clarke lui trancha la gorge. Il s’effondra devant elle et c’est en voyant la vie quitter ses yeux qu’elle prit conscience de ce qu’elle venait de faire. Elle récupéra l’arme et, encore sous le choc regagna le couvert de la forêt. Les jambes tremblantes, elle s’arrêta près d’un arbre et vomit. Elle avait tué un homme de son peuple, elle se repassait la scène en boucle dans sa tête, elle n’était même plus sûre d’appartenir encore au Skaikru après toute cette horreur. Elle inspira une grande goulée d’air frais ce qui la calma. Elle devait maintenant se concentrer pour libérer Lexa, elle s’occuperait d’elle même après.
Elle retourna vers le camp, la nuit commençait à tomber, Clarke avait prévu de s’introduire dans celui-ci quand il ferait nuit noire. Elle vérifia l’arme, un fusille mitrailleur. Le chargeur était plein, elle avait donc trente coups à sa disposition. Elle tremblait légèrement tout en manipulant l’arme, elle n’avait pas l’intention de blesser qui que ce soit, mais pour Lexa, elle était prête à tout. Elle vérifia que son couteau était à sa place, facilement accessible, l’arme à la main, elle marcha sur le camp tachant de faire le vide dans son esprit.
Elle avançait d’un pas assuré, sa silhouette se découpant sur le fond de la nuit. Elle arriva aux abords du camp, il n’y avait toujours aucun soldat en vue. Elle se déplaça silencieusement pour arriver à l’endroit où était gardé les prisonniers. Son ventre se serra, elle avait les mains moites, quelque chose n’allait pas, il n'y avait aucun bruit. À la lueur de la lune, elle découvrit qu’il n’y avait plus personne, les prisonniers avaient été déplacés. Elle s’effondra à terre, elle arrivait trop tard. Comment allait-elle libérer Lexa maintenant, elle ne pourrait pas prendre d’assaut Arcadia à elle seule. Des larmes perlèrent à ses paupières, c’est alors qu’elle entendit un bruit, tous ses sens en alertes, elle se releva et essaya d’en trouver l’origine. Ce n’était qu’un faible gémissement, seulement perceptible car la nuit était anormalement calme. Elle en trouva vite la source, un Grounder était allongé sur le sol, Clarke s’accroupit auprès de lui, celui-ci ouvrit les yeux et eut un mouvement de recul.
― Ne crains rien, je suis là pour t’aider.
Il n’était de toute façon pas en état de faire quoi que ce soit, un filet de sang s'écoulait du coin de sa bouche, son torse avait été perforé par des balles.
― Je ne veux pas d’aide d’un Skaikru, surtout de l’animal de compagnie de la Heda qui nous a abandonnée à notre sort, cracha l’homme dans un rictus de souffrance.
Clarke accusa le coup, les paroles de l’homme cheminant dans son esprit. Voila comment les Grounders voyaient la situation, les chances de survie de Lexa s’amenuisaient.
― Où l’ont-ils amenée ? demanda Clarke ignorant la remarque de l’homme.
Il ne répondit pas, Clarke réfléchit quelques instants, si elle voulait retrouver Lexa, il fallait qu’elle en apprenne le plus possible, et vite.
― Dis moi où ils l’ont amenée et je mettrai fin à tes souffrances, reprit Clarke.
L’homme parut hésiter, Clarke se releva et commença à s’éloigner.
― Attend ! s’écria l’homme. Ils l’amènent vers Polis où elle devra répondre des ses crimes devant son peuple, elle est accompagnée d'une dizaine de soldats.
― Et le reste des prisonniers ?
― Ils sont partis vers le nord, ils serviront de main d’œuvre pour déboiser la forêt.
Clarke était abasourdie, comment son peuple en était-il arrivé là, réduire des êtres humains en esclavage. Rien ne faisait sens dans sa tête, sa seule certitude était qu’il fallait qu’elle retrouve Lexa au plus vite. Elle sortit son couteau, s’agenouilla au côté de l’homme.
― Merci, dit-il.
Elle lui plongea sa lame dans le cœur et la retourna dans la plaie. Tout en regardant la vie quitter les yeux de l’homme, elle murmura.
― J’espère te revoir.
Elle lui ferma les yeux puis se releva et, d’un pas décidé, elle se mit en route pour Arcadia.
Malgré le peu de luminosité, elle marcha toute la nuit ignorant les risques. Dans tout les cas, il leur faudrait au moins une semaine pour arriver à Polis, pensa Clarke. Elle devait empêcher le carnage qui se préparait, même si l’armée avait été décimée, Polis ne se rendrait pas sans se battre. Elle n’avait aucune chance contre dix hommes armés, elle devrait miser sur l’effet de surprise. Elle repéra les traces du groupe au petit matin, il suivait donc bien la route de Polis. Ils devaient avoir torturé un Grounder pour connaître la route car jamais Lexa ne les y aurait conduit, elle aurait choisi la mort plutôt que de livrer son peuple. En coupant par la forêt, et sans faire de pause, Clarke pensait pouvoir les devancer .
Après deux jours éprouvants où elle ne se reposa et ne mangea que le strict minimum, Clarke retomba enfin sur la route. Elle estimait avoir un jour d’avance sur les soldats, ce qui lui laisserait le temps de mettre en place le plan qu’elle avait mise au point pendant qu'elle traversait la forêt. La présence de Lexa à ses côté lui manquait, elle était morte d'inquiétude pour elle, et espérait qu'elle était bien traitée. Elle savait que Bellamy devait faire partie du groupe qui l'accompagnait à Polis. Même après avoir longuement réfléchie à la question, elle ne trouvait pas d'explication logique à son attitude. Elle avait envisagé la jalousie envers Lexa, mais il n'était pas au courant des liens qui les unissaient. Quelques semaines plus tôt, ce qui lui semblait une éternité, Clarke comptait encore tuer Lexa pour se venger de sa trahison, Bellamy était peut-être aussi dans le même cas. Il ne pourrait sûrement jamais pardonner Lexa, ni même Clarke.
Elle vérifiait pour la centième fois son arme. Son corps était noué d’angoisse tandis qu’elle attendait l’apparition du groupe cachée derrière un tronc. Elle s’était placée au détour d’un virage de la route qui serpentait au milieu de la forêt. Elle respira profondément.
- Calme toi Clarke, calme toi, se répéta t-elle.
C’est alors que le groupe apparut, enfin. Deux soldats armées avançait en tête, leurs visages exprimaient la lassitude, leur vigilance s’était émoussée avec les kilomètres, c’est ce qui leur coûta la vie. Ils furent chacun transpercés par une balle qui leur déchira la poitrine et ils s’effondrèrent.
Pris de surprise, les trois hommes qui venaient ensuite subir le même sort. Au détour du chemin, apparut enfin Lexa, elle était escortée par Bellamy et un autre soldat. Elle avait été battue, son visage ensanglanté n’exprimait que de la souffrance tandis qu’on la forçait à avancer malgré sa blessure à la jambe, mais elle restait fière, même dans cet état. Il ne fallut que deux secondes à Bellamy pour analyser la situation, Clarke en profita pour sauter au milieu de la route, elle ouvrit le feu sur l’homme à gauche de Lexa qui s’effondra dans une geyser de sang. Elle braqua son arme sur Bellamy tout en continuant d’avancer le visage impassible, la main de Bellamy se dirigea vers son arme, Clarke hésita, cette seconde d’hésitation failli lui coûter la vie, une balle lui érafla l’épaule, la brûlure était intense mais Clarke n’y prêta pas attention, la colère et l’adrénaline parcourant son corps.
Lexa se jeta au sol et Clarke fit feu. Une balle atteignit Bellamy à l’épaule, il tituba puis reprit son équilibre son arme pointé sur Lexa.
― Pause ton arme ou je la tue, cria Bellamy.
Clarke jeta son arme devant elle et se mit à genoux les mains dans le dos. Bellamy s’approcha, ramassa l’arme et baissa la sienne. Clarke détacha discrètement le bâton qu’elle s’était préalablement attachée dans le dos et l’abattit sur Bellamy quand celui-ci fut assez proche d'elle. Il s’effondra assommé.
Clarke se releva et courut vers Lexa, elles devaient se dépêcher, le bruit des coups de feu allaient sûrement faire accourir le reste des soldats du groupe qui devait être partis – par chance – chasser.
― Tu peux marcher ? demanda t-elle à Lexa.
― Oui, répondit Lexa qui se releva en faisant la grimace.
Clarke la prit par l’épaule et elles s’enfoncèrent dans la forêt sans un mot.
Elle ne savait pas si les soldats, en découvrant la situation allaient les poursuivre ou si ils allaient soigner les blessés et s’occuper des morts.
Elles continuèrent à marcher de longues minutes, Clarke voyait bien que Lexa souffrait atrocement mais celle-ci ne dit pas un mot. Elles firent halte près d’un cours d’eau où Clarke put faire le point sur l’état de santé de Lexa.
― Laisse moi voir ta jambe.
Lexa assise sur une souche s’exécuta. La cicatrice était boursouflée, légèrement infecté mais rien de très grave.
― Je connais des plantes pour traiter l’infection, je te montrerai lesquelles, dit Lexa sans regarder Clarke.
Clarke prit le menton de Lexa et l’obligea à tourner la tête pour examiner son visage. Son nez était enflé, probablement cassé, elle avait une arcade ouverte et une lèvre fendue.
― Ton nez est cassé, mais tu es toujours aussi belle plaisanta Clarke.
Sur un ton plus sérieux elle reprit.
― Qui t’as fait ça ?
Lexa détourna le regard et ne répondit pas.
― Bellamy, demanda Clarke avec colère.
Des larmes apparurent dans les yeux de Lexa.
― Oui, il m’a traînée au milieu des survivants du massacre. Il m’a battue devant tout le monde, je ne pouvais rien faire, j’étais attachée, sanglota t-elle.
Clarke la serra dans ses bras tandis que Lexa se laissait aller.
― Puis il m’a accusée d’avoir fuit les combats, d’avoir laissé mon peuple se faire massacrer et qu’il m’avait retrouvé m’enfuyant, morte de peur. Il m’a ridiculisé devant mon propre peuple Clarke ! Je n’ai plus qu’à mourir maintenant !
Elle éclata en sanglot de plus belle. Clarke ne savait pas quoi répondre, un tel acte de Bellamy la sidérait et elle se demandait si elle n’avait pas fait une erreur en l’épargnant tout à l’heure.
― Mais non, on va arranger ça, la rassura Clarke en la berçant.
― Je dois retourner à Polis pour prévenir ce qui reste de l’alliance des clans, puis j’irai laver mon honneur en ramenant la tête de Bellamy au conseil, dit Lexa la détermination ayant remplacée les sanglots.
― Alors ne perdons pas de temps, s’écria Clarke rassurée.
Elle savait maintenant où allait son cœur, à Lexa et aux Grounders, mais elle ne savait toujours pas ce qu’il était advenu de sa mère et de ses autres amis.
― As-tu entendu quelque chose sur ma mère ? demanda Clarke.
Lexa baissa une nouvelle fois les yeux, l’angoisse saisit Clarke.
― Je suis désolée Clarke.
Sa tête se mit à tourner. La voix de Lexa semblait résonner de très loin quand elle reprit.
― J’ai entendu une conversation entre Bellamy et un soldat : ≪ Pire que sa mère qui voulait faire la paix avec ces chiens, elle en est devenue une ! Elle finira pareille, pendue ! ≫.
Lexa pressa Clarke contre elle, celle-ci ne dit rien, elle était comme tétanisée, le regard vide.
― Je suis vraiment désolée Clarke, ta mère était quelqu’un de bien.
Clarke fondit en larmes dans les bras de Lexa. Sans elle son monde se serait effondré, sa mère morte, le Bellamy qu’elle connaissait disparu, seule Lexa était encore là pour elle.
Elle s’accordèrent une nuit de repos avant de se remettre en marche pour Polis. En chemin, Lexa montra à Clarke quelles plantes cueillir, leurs effets et comment les préparer. Cela rendit le voyage plus confortable pour Lexa qui pourtant ne se plaignit pas une seule fois. Clarke quand à elle était encore sous le choc de la nouvelle de la mort de sa mère, elle était tiraillée entre le besoin de savoir pourquoi, comment et à cause de qui elle était morte, et la peur de découvrir que ses anciens amis étaient maintenant devenus des ennemis. Au milieu du cinquième jour de marche, elle arrivèrent enfin aux portes de Polis.