Planet Hell (Tome I) The Year 2149
Chapitre 2 : « Qui comprend l'humanité recherche la solitude. »
3145 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 23/11/2020 16:07
Qui comprend l'humanité recherche la solitude (1). La simple pensée de cette phrase étire les lèvres de Sally en un petit sourire d'ironie. Pour elle il serait plus juste de dire que : Qui comprend la véritable nature des espèces évoluées cherche la solitude. Avant de fouler la Terre, la jeune Seigneur du Temps, dans sa courte vie, a pourtant déjà eut l'occasion de côtoyer d'autres civilisations. Toutes avaient les mêmes aspirations égoïstes, des armées prêtes à faire couler le sang en leurs noms. Et les Seigneurs du Temps, avec leur arrogance et leur allure de supériorité, ne valaient pas mieux. Si ce n'est même qu'ils étaient pires. Finalement, à bien y réfléchir, Sally n'a jamais trouvé sa place. Même parmi les siens. Si seulement la faille l'avait conduite aux Roches de l'Exil. Elle se souvient encore de la sérénité qui l'avait envahie lors de son unique visite en ce monde perdu hors des limites de l'Univers. Depuis ce jour, elle n'a cessé de nourrir le rêve d'aller y vivre. Malgré le risque constant de se faire tuer par les natifs, sa nouvelle vie sur Terre pourrait être une belle esquisse de se rêve.
Les yeux de la jeune femme sont perdus dans le vide. Elle enchaîne les pas, presque machinalement. Le poids de son sac commençant à douloureusement peser, elle remet correctement les lanières sur ses épaules. Du coin de l'œil, elle remarque un voile de brouillard qui s'élève. « Putain, c'est quoi ça ? » s'inquiète-t-elle en observant l'épaisse volute de fumée jaunâtre qui s'avance rapidement dans sa direction. Bien qu'elle se sache immortelle, elle préfère suivre son instinct qui la supplie de fuir.
Dans une course effrénée au travers de la forêt elle cherche désespérément du regard un quelconque abri. La brume s'immisçant de chaque côté, elle n'a pas d'autre choix que d'avancer tout droit. La jeune femme presse le pas, tentant vainement de distancer le brouillard. Finalement, elle parvient à distinguer l'entrée d'une grotte à quelques mètres de là. Sally force sur ses jambes courbaturées et rejoint l'abri. Une voix suppliante se fait entendre dans le brouillard. La blonde s'arrête à l'entrée de la cavité et se retourne, à la recherche d'une possible silhouette. Mais l'épais nuage jaune se rapproche dangereusement. Elle n'a pas d'autre choix que de rentrer pour se mettre à l'abri.
Épaulée contre la paroi rocheuse, Sally observe l'entrée de la grotte dans l'espoir de voir le brouillard se dissiper. Mais il n'en est rien. Intriguée par ce qui le compose, elle s'avance vers la sortie. De la poche arrière de son jean, elle sort son petit appareil. Elle le pointe en direction de la brume pendant quelques secondes. L'analyse finie, elle observe les résultats qui s'affichent sur le petit écran que possède l'appareil sur son manche. « Comment c'est possible ? » s'étonne-t-elle, ne remarquant alors aucune trace de radioactivité parmi les éléments affichés. Une majeure partie de sa composition est en réalité faite de différents acides.
La jeune femme s'assied à même le sol, le dos posé contre la paroi humide. Un soupire s'échappe de ses lèvres tremblantes. Alors qu'elle essaye de tourner ses pensées vers sa survie, le visage du Docteur ne cesse de se dessiner devant elle.
Depuis sa découverte du TARDIS quelques jours auparavant, elle a évité à tout prix de penser à l'évidence qui se présente à elle : Il n'aurait jamais abandonné sa précieuse machine. Mais pourquoi le TARDIS est-il ici ? Qu'est-ce qui a bien pu arriver au Docteur ? Peut-être était-il mortellement blessé. Peut-être que, dans ses derniers instants, il avait voulu venir sur Terre pour revoir Sally une dernière fois et lui donner de sa propre main la clé du TARDIS. Seulement, la machine l'avait mené à une autre époque, probablement parce qu'elle était, elle aussi, affaiblie par la guerre qu'ils fuyaient.
De toutes les manières possibles, dans ses songes, Sally s'insulte pour avoir été aussi médisante envers celui qui fut son mentor. Il ne l'avait pas abandonné. Il était mort.
Ne supportant que sa peine prenne le dessus, elle décide de quitter son refuge pour s'aventurer dans le brouillard. Sa peau se met immédiatement à la brûler, la soulageant de cette douleur mentale qu'elle se refuse de subir. Des cloques sanieuses se forment sur sa chair meurtrie. L'acidité envahie ses poumons, lui faisant cracher du sang. Le souvenir de cette voix qui appelait à l'aide en tête, elle se met à la recherche de la moindre présence humaine aux alentours.
Ce n'est qu'a une centaine de mètres de la grotte, une fois le voile levé, qu'elle découvre un jeune homme qui agonise à terre. Sally s'avance pour venir s'agenouiller, non sans douleur, à ses côtés. En observant l'état dans lequel il se trouve, semblable au sien, une immense honte s'empare d'elle. « Comment ... Comment arrives-tu à ... à encore tenir debout ? articule-t-il difficilement dans un râle de douleur.
— Je suis plus solide que j'en ai l'air, sourit-elle tristement sans oser le regarder dans les yeux.
— Il faut ... Il faut que tu m'aide. ... Tue-moi ! ». Elle remonte son regard honteux vers ses prunelles suppliantes. Elle acquiesce d'un petit mouvement de tête puis lui demande son prénom. « Atom. ». Elle le répète à voix haute, pour le graver à jamais dans la longue liste qui hante chacune de ses nuits.
Sally se saisit du couteau, taillé dans un morceau de métal, qui est accroché à la cuisse du jeune homme. Elle ressert l'emprise de ses doigts sur le manche, fait de morceaux de câbles enroulés, en promettant que ce sera rapide et sans douleur. Atom acquiesce d'un léger mouvement douloureux de la tête en la remerciant puis ferme les yeux. Elle pose une main sur son front, s'infiltrant dans son esprit, et guide son corps vers un sommeil profond. D'un coup sec et franc elle enfonce la lame dans la gorge du jeune homme, perforant sa carotide. « Dans ma fin est mon commencement (2). » chuchote-t-elle les larmes aux yeux.
Entendant des bruits de course venir dans sa direction et des voix appelant Atom, la jeune femme prend la fuite pour se réfugier dans la grotte.
Faisant les cent pas à l'intérieur, elle se concentre sur la sensation de tiraillement qui anime sa peau rongée par l'acide. Mais, contrairement à ce qu'elle espère, cela n'efface pas les émotions qui l'envahissent. Une boule dans sa gorge l'empêche de respirer correctement. Sa respiration s'accélère. Irrégulière. Au précipice de la panique, elle cède. Elle hurle de rage. Elle enfonce, d'une force insoupçonnée, son poing dans la roche. La douleur physique ne la soulage pas. Cela ne suffit plus. Elle ferme ses yeux noyés par les larmes en se laissant tomber sur les genoux. Ses cauchemars s'éveillent. Défilent dans l'obscurité de ses paupières. Chaque souvenir douloureux vient planter une dague au plus profond de son âme.
Recroquevillée sur elle-même dans un coin de la grotte, Sally observe fixement le mur de roche qui se trouve devant elle. Une nuit et une journée ont passées. Une nuit et une journée qu'elle n'a pas bougé de là. Une nuit et une journée qu'elle laisse sa culpabilité la ronger de l'intérieur. « Que fais-tu ainsi ? s'imagine-t-elle entendre de la part du Docteur. Relève-toi, soldat ! ». Le visage renfrogné du vieil homme se fait une place dans son esprit. Malgré son habituel air grincheux, une certaine mélancolie se lit dans son regard. Cette même mélancolie qui s'emparait de ses iris à chaque fois qu'il les posait sur Sally. Elle n'était qu'une enfant, elle n'avait que douze ans lorsque que la Grande Guerre du Temps l'avait obligé à combattre. Et, elle le savait, le Docteur s'en voulait d'avoir à la former elle, et tous ces autres enfants que le Conseil avait abandonné sur le champ de bataille.
Un triste sourire se dessine sur son visage, encore abîmé par l'acide, lorsqu'elle l'imagine la réprimander pour rester ainsi, faible. Elle se doit de rester forte. Elle le lui doit bien. La jeune femme se redresse pour s'asseoir. Elle observe ses mains, en tout aussi mauvais état que le reste de son corps. Puis elle en pose une sur le petit médaillon de verre d'un rouge éclatant qui est pendu à son cou. Elle ressert son emprise dessus et se concentre. Une fumée dorée aux reflets verts recouvre les plaies de la jeune femme. Sous cette mystérieuse énergie, sa peau se reforme.
Une voix hurlant à l'extérieur, Sally se lève et s'approche de l'entrée de la grotte. Au loin, la lumière de torches brise la noirceur ambiante. « Charlotte, hurle une nouvelle fois cette voix masculine. Tu ne pourras pas te cacher éternellement. » Après un court silence, la voix d'une jeune fille répond en hurlant le nom d'un certain Murphy. Puis, comme happée par quelque chose, elle se met à crier. Sally se lève puis court en direction du son.
Arrivée près d'un précipice, elle découvre Bellamy qui tient une fillette, d'à peine douze ans, par le bras. Ils sont tous deux dos au vide. Alors que Sally s'apprête à parler, Murphy sort des feuillages, une torche en main, en disant : « Bellamy ? Tu ne peux pas lutter contre nous. Laisse-tomber ! ». La jeune femme reconnaît alors la voix qui hurlait quelques minutes plus tôt dans la forêt. Quatre autres garçons viennent se planter derrière Murphy, en soutient. « Tu as raison, répond Bellamy. Mais je ne serais pas le seul à prendre cher. ». Au même instant, Clarke et le jeune homme à la veste verte font leur apparition, arrivant depuis l'Est de la forêt. « Bellamy, intervient la jeune fille blonde en se plaçant entre ce dernier et Murphy, arrête ! On est allé trop loin. ... On va se calmer et on va en discuter. ». Après un court silence, Murphy s'empare de son couteau tout en tirant Clarke à lui. Il pose la lame sur son coup. Sally s'apprête à intervenir mais le jeune homme qui accompagne Clarke l'en empêche en l'attrapant par le bras. « J'en ai ras le bol de t'entendre discuter, crache Murphy.
— Non, intervient celui près de Sally, lâche-là !
— N'approche pas, Finn ! Ou je lui tranche la gorge.
— Non, s'il te plaît ! supplie Charlotte en larme. Ne lui fais pas de mal !
— Si c'est ce que tu veux, voilà ce que je te propose : Tu viens avec moi, maintenant, et je la relâche.
— Il ne faut pas l'écouter, Charlotte ! » intervient Clarke. Mais la fillette ne tient pas compte de son avertissement et commence à s'avancer. Bellamy l'empêchant de continuer, elle se débat en hurlant qu'il faut qu'elle le fasse. Après plusieurs longues secondes, elle réalise qu'elle n'aura jamais le dessus et cède. « Je ne veux plus que vous fassiez du mal, dit-elle lorsque le jeune homme la lâche enfin. Pas à cause de moi. Pas après ce que j'ai fait. ». Sur ses mots, elle court en direction du précipice et saute dans le vide. Il est trop tard lorsque Clarke et Bellamy rejoignent le bord du gouffre.
Alors que Clarke fond en larme, Bellamy, une fureur sans nom dans le regard, se jette sur Murphy. Il lui assène coup sur coup, ne lui laissant aucune chance de se débattre. Sally et Finn s'empressent de lui saisir chacun un bras et de le forcer à s'éloigner du garçon à terre. « Lâchez-moi ! hurle-t-il en se débattant de toutes ses forces. C'est tout ce qu'il mérité, continue-t-il une fois libre. Qu'il crève !
— Non, intervient Clarke en se positionnant devant lui, ce n'est pas à nous de décider qui doit vivre ou mourir. Nous ne sommes plus sur l'Arche.
— Maintenant tu vas me dire que le peuple a le droit de vie ou de mort sur les...
— Non, le coupe-t-elle. Quand j'ai dit ça, j'avais tort. C'est toi qui avais raison. Parfois, on prend un risque lorsque l'on dit la vérité au gens. Mais si on veut avoir une chance de survivre, ce ne sera pas en revendiquant Ici, on fera ce que l'on voudra. Il nous faut des règles. » Bellamy passe une main sur son visage, perdu, en demandant qui va créer ces fameuses règles. « On va les créer ensemble, répond-elle déterminée. Ça te va ?
— Et lui, alors ? demande-t-il en désignant Murphy qui est toujours à terre. On le ramène et on fait comme si rien ne s'était passé ? ». Clarke semble hésiter. Son regard se balade entre le jeune homme au sol et celui qui se tient devant elle. Après une courte réflexion qui parut lui durer une éternité, elle propose de l'éjecter du groupe. A son tour, Bellamy semble hésiter. Puis il attrape Murphy par le col de sa veste pour le trainer près du précipice. « Si je te vois traîner près du camp, je te ramène jusqu'ici. Tu m'as bien compris ? ». Le garçon défiguré par ses coups acquiesce en hochant de la tête. Bellamy le relâche et pose un ultimatum aux quatre autres qui l'accompagnaient : soit ils restent fidèles à Murphy, soit ils rentrent au camp. Puis il s'en va, tous les autres sur les talons.
« La proposition tient toujours. » dit Clarke en arrivant au niveau de Sally qui est toujours sous le choc de la scène à laquelle elle vient d'assister. Cette dernière pose ses iris verts habités par une soudaine hésitation sur la blonde. Qui comprend l'humanité recherche la solitude. Mais, après ce dont elle vient d'être témoin, la jeune femme réalise qu'elle n'a en réalité jamais pris le temps de la comprendre. « Je veux bien. » finit-elle par dire avec une pointe d'appréhension dans la voix. La jeune fille lui adresse un petit sourire triste puis lui fait signe de la tête qu'il est temps de rentrer au camp.
A peine arrivés, Bellamy et Clarke demandent à tous les délinquants de se réunir autour d'eux. Ils leur expliquent alors ce qu'il s'est passé avec Murphy et quelles seront les nouvelles règles qui régiront la vie du camp.
Depuis la vieille souche d'arbre friable sur laquelle elle s'est assise, Sally observe la foule qui se disperse dans le camp une fois le discours des deux jeunes gens terminés. Un jeune homme passe devant elle puis s'arrête soudainement. Il la fixe pendant plusieurs secondes. « Un problème ? demande-t-elle en relevant son visage fatigué vers lui.
— Je n'ai pas souvenir de t'avoir déjà croisé dans le camp.
— Eh, la nouvelle ! » appelle la voix de Bellamy un peu plus loin. La jeune femme dirige son regard vers lui. Il lui fait signe de s'approcher. Elle s'excuse auprès du garçon puis s'avance vers Bellamy qui, lorsqu'elle arrive à son niveau, l'informe qu'il a trouvé une tente dans laquelle elle peut s'installer. Il s'agit de celle de sa sœur, Octavia. « Ta sœur ? » s'étonne-t-elle, se souvenant avec vu dans les souvenirs de Clarke qu'il était interdit sur l'Arche d'avoir plus d'un enfant. Il se contente d'acquiescer d'un furtif mouvement de la tête puis la guide vers la fameuse tente faite de morceaux de toile et d'un assemblage de branche.
A l'intérieur, Octavia est allongée sur l'un des deux lits improvisés qui meublent le petit espace. Elle fixe le plafond de tissu en se perdant dans ses pensées. Le son de la toile qui s'ouvre la fait sursauter. « Qu'est-ce que tu me veux ? demande-t-elle désagréablement en voyant son frère entrer.
— Tu as une nouvelle coloc. » répond-il sur le même ton. L'adolescente se redresse pour s'asseoir sur le bord de son lit et observe la jeune femme qui se tient derrière lui. « Ok, tu peux te casser maintenant. ». Dans un soupire d'exaspération, il s'exécute. « C'est quoi ton nom ? demande-t-elle en se réallongeant.
— Sally. » répond la blonde en s'asseyant sur le second lit. Bien que rudimentaire, elle en apprécie immédiatement le confort. Elle s'allonge dans un soupir de soulagement, les précédentes nuits ayant été encore plus mouvementées que d'habitude à cause du froid, de la crainte des natifs et le sol inconfortable sur lequel elle dormait.
Sally ferme les yeux, profitant de la chaleur qui règne dans le petit habitacle, et s'endort en seulement quelques minutes.