New Orleans Haunted Tour

Chapitre 6 : Chassé-croisé

4044 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 11/02/2018 12:43

CHASSÉ-CROISÉ


xXx

Washington, deux semaines plus tard

La petite femme âgée aux cheveux auburn était allongée bien droite dans son lit d'hôpital, les yeux fermés et les bras passés par-dessus le drap tendu. Comme elle était immobile, Mulder avait d'abord supposé qu'elle dormait.

Près d'elle, Scully avait approché une chaise et parlait à voix basse, tenant un livre ouvert. A la raideur de son dos et ses épaules crispées, il devina qu'elle était bouleversée. Ou peut-être n'était-ce qu'une excuse et qu'il n'avait besoin d'aucun infime détail de cette sorte pour le savoir. Comme il entrouvrait doucement la porte vitrée qui conduisait dans la chambre de Mme Scully mère, il comprit que cette dernière écoutait les yeux fermés, quand elle les ouvrit aussitôt et qu'avec un peu de surprise émue, un mince sourire ravi se dessina sur ses lèvres.

— Fox !

Même dans l'intimité, Mulder n'aimait guère qu'on fasse usage de son prénom et Margaret Scully était bien la seule à disposer d'une dérogation... Il n'avait pas envie d'expliciter ses réticences et coquetteries à une dame de cet âge qui, de surcroît, lui faisait la grâce de toujours le considérer comme un jeune homme.

— Comme c'est gentil de venir me voir ! Cela me fait tellement plaisir.

Puis se tournant vers sa fille, elle ajouta :

— Pouvez-vous nous laisser un instant, madame ?

L'ex-agent du FBI resta impassiblement bienveillant au-dessus de son col roulé. Retirant sa parka kaki, il fit quelques pas dans sa direction et s'arrêta au bord du lit où elle avait l'air engloutie tant la maladie l'avait émaciée. Dana, la tête baissée, avait reposé son livre sur ses genoux et en lissait la tranche avec trop de concentration. Le visiteur posa sa main sur celle de la malade sur le bord du lit, d'une caresse sans poids.

— Je ne reste pas longtemps, Margaret, je voulais juste savoir comment vous alliez. Vous avez fait peur à tout le monde…

— Je vais bien, je vais bien, protesta la vieille dame. Mais ma petite fille me manque. J'espère que quelqu'un l'a prévenue... Melissa [1] est si tête en l'air...

— C'est... ce qui fait partie de son charme, acquiesça-t-il sans la quitter des yeux. Reposez-vous un peu, et moi je vous emprunte votre lectrice. Vous voulez bien ?

La vieille dame hocha la tête et ferma les paupières en murmurant un "au revoir madame" teinté d'une indifférence lasse.

.

Scully sortit précipitamment et s'appuya sur le mur extérieur du couloir menant à la chambre de sa mère, tapotant discrètement ses yeux avec un kleenex froissé. Mulder la trouvait très attendrissante avec le rouge monté aux joues, comme aux temps glorieux de leur rencontre, quand elle pensait qu'elle devait à tout prix l'impressionner par son sang-froid et son professionnalisme.

— Qu'est-ce que tu fais là, Mulder ? attaqua-t-elle aussitôt malgré elle, énervée qu'il ait pu constater sa vulnérabilité.

Il leva les deux mains en l'air et lui adressa un de ses foutus sourires désarmants, assorti d'une œillade de cocker, qui lui donnèrent encore plus envie de pleurer. Elle serra les dents pour se contenir.

— Ça va aller ? demanda-t-il plein d'une sollicitude qui lui mettait les nerfs à vifs pour de mauvaises raisons.

— Bien sûr, ce n'est pas nouveau. Pourquoi es-tu venu ?

— Hum. J'étais en ville aujourd'hui. Un rendez-vous professionnel – mais la personne que je devais voir a eu un empêchement. On a décalé dans en fin d'après-midi. Alors j'ai pensé que peut-être, je pourrais passer te voir et on m'a dit que tu étais là pendant ta pause… C'était plutôt... un jour sans, n'est-ce pas ?

La chirurgienne soupira sans répondre car c'était évident. Mulder sourit encore et demanda presque timidement en l'assortissant d'une petite grimace d'incertitude, l'œil gauche à moitié fermé :

— Est-ce que tu veux que ça devienne un jour avec... moi pour le déjeuner ?

Elle laissa échapper un rire nerveux qui se brisa dans un léger sanglot.

— Je n'ai vraiment pas faim, tu sais.

.

Dans un petit café au bas de la rue, elle chipotait sa salade et son smoothie. D'abord réticente à toute conversation, elle lui avait pourtant poliment demandé de ses propres nouvelles et s'il revenait directement de la Nouvelle-Orléans. Il l'avait rassurée avec une blague sur l'état de son ouïe, en la faisant tout répéter deux fois. Un bref instant, elle avait eu une vision de lui avec vingt ans de plus et un sonotone.

— Tu ne manges pas non plus ? observa-t-elle en le voyant picorer dans un sachet de graines.

— Non, tout à l'heure.

— Tu t'es mis au régime ?... Nouvelle copine en vue, peut-être ?

— Ha ha. Non, aucune ne fait les yeux doux au pauvre Spooky [2].

— Alors ce fameux rendez-vous, pour lequel tu t'es habillé correctement – et enfin rasé ! – n'est donc pas un speed dating, voilà qui m'étonne...

Les yeux clairs et le sourire de Mulder reflétèrent son amusement flatté, tandis qu'il se gorgeait sans vergogne de son visage et de sa blondeur, à laquelle il n'arrivait toujours pas à se faire. Scully autrement qu'en rousse, ce n'était pas possible. D'un ton pince-sans-rire, il commenta, le menton dans la main :

— Je ne suis pas sûr que Skinner rentre réellement dans cette catégorie, même s'il était effectivement très speed ce matin…

Il retrouva d'un coup l'inimitable plissement inquiet de ses sourcils délicieusement suspicieux tandis qu'elle demanda avec une expression à la fois sévère, catastrophée, et largement réprobatrice :

— Tu retravailles pour le FBI ?!

— Pas tout à fait, répondit-il évasivement mais l'air bien trop content de lui.

Elle n'aimait pas quand il prenait ce petit air, et fit la moue en pointant sa fourchette accusatrice sur lui, l'agitant en petits cercles concentriques hypnotiques.

Je sais très bien ce que tu es en train de faire.

— Essayer pitoyablement d'offrir une diversion à tes soucis pendant une petite heure ?

— Hum. Oui, ça aussi… Mais ce n'est pas ce que je voulais dire. Tu as un truc à me demander mais tu n'oses pas de peur que je t'envoie encore balader. Alors tu noies le poisson en étant tout… mielleux.

Mielleux ? répéta-t-il faussement offusqué. Je le reconnais, j'ai un truc à te demander. Mais c'est... purement professionnel, rassure-toi. J'ai besoin de ton avis de médecin sur quelque chose.

— Comme c'est original… Quelque chose qui te concerne ?

— Non non, toujours pas, mais je note que tu serais plutôt partante pour rejouer au docteur avec moi… (Elle lui lança une prunelle impatientée, pas du tout amusée). Bon, pour faire court, je veux savoir quelles chances statistiques on a de découvrir un inconnu présentant les mêmes caractéristiques physiques que soi, et qu'il ne soit pas de la famille... Et même dans ce cas, combien de gens ressemblent trait pour trait à un parent ?...

— Tu ne peux pas me donner plus d'éléments que ça ? C'est quoi cette affaire ?

— Je ne suis pas autorisé à t'en parler si tu n'es pas officiellement avec moi dessus… Tu es avec moi ?

Question insidieuse où elle ne pouvait s'empêcher de lire un sous-entendu bien peu subtil mais formulé avec une touche d'espoir et une incertitude qui la touchait malgré tout. Cela lui ressemblait si peu d'agir ainsi.

Elle ne répondit pas, se contentant de reposer ses couverts et de s'essuyer la bouche délicatement avec sa serviette en papier pour gagner un peu de temps car elle hésitait sur la conduite à tenir. En vérité, elle avait toujours pensé que toute cette période de sa vie, le FBI, c'était terminé, et que la meilleure chose à faire, c'était de tourner la page et de mettre son énergie ailleurs et d'essayer d'aller de l'avant.

Après des mois de silence total, Mulder semblait vouloir lui reparler. Peut-être avait-il avancé sur ses problèmes ? Mais elle, se sentait-elle prête ? A dire vrai, non. Elle n'avait rien fait d'autre que de se jeter corps et âme dans son ancien métier, en s'occupant des vivants qu'on pouvait encore sauver, pour oublier les morts et les absents qui laissaient une plaie béante dans son cœur.

— OK, oublie ce que je viens de dire, se ravisa-t-il. Je sais bien que tu es préoccupée par des choses plus importantes et pour lesquelles tu dois être présente. Ma question génétique est de pure forme. Je sais déjà ce que mon intuition me souffle. Bien qu'il soit rare qu'un enfant soit le portrait craché de ses parents, les probabilités de trouver un sosie qui n'appartienne pas à sa famille semblent encore moins élevées...

Le trouble l'envahit soudain malgré elle. Les questions génétiques étaient depuis toujours au cœur de leur histoire personnelle... Et si la raison pour laquelle il essayait si maladroitement de revenir vers elle, était... qu'il savait quelque chose sur leur fils ? Ne serait-ce pas la seule et unique raison qui aurait pu le pousser à… se comporter si bizarrement ?

— Pourquoi est-ce que tu me demandes ça ? Tu t'interroges sur... William ? Enfin je veux dire, pas ton père, le… nôtre ?

— Pas du tout. Enfin... je pense à lui de temps à autre, évidemment, admit-il en voyant que ses paroles pouvaient être interprétées de travers, mais là ça n'a rien à voir… Enfin, j'espère. Il est encore temps pour toi de m'avouer si Skinner était bien le vrai père de William, déclara-t-il avec un clin d'œil [3].

— Skinner ? s'étonna-t-elle, un peu perdue. Qu'est-ce qu'il veut que tu fasses ?

— Tu étais là quand Winchester vous a menacés en l'appelant "Azazel", non ? Qu'est-ce que tu en as pensé ?

Elle afficha un air coupable.

— En fait, je n'y ai pas vraiment repensé. Entre deux, leur ami étrange s'est retrouvé je ne sais comment avec moi dans l'avion, et puis ma mère a fait cette rechute… J'ai mis ça de côté parce que c'était… (elle soupira) pardon pour ma franchise mais… c'était plus mon problème. Azazel est un démon biblique, c'est le Bouc-Émissaire, celui qu'on chargé des péchés des hommes. Les chrétiens pensent qu'il est l'équivalent de Satan qui a tenté Jésus dans le désert.

— Mhh, ça ne me dit pas quel est le rapport avec notre bon vieux Skinner. Mais il y a quelqu'un que je vais pouvoir peut-être pouvoir interroger. Je vais essayer de le rencontrer à Chicago dans une de ces conventions de fans si j'attrape mon vol… Je ne te propose pas de venir, n'est-ce pas ?

— Non, répondit-elle en gardant les yeux baissés. Mais peut-être que je peux faire autre chose ?

Il la considéra en souriant alors qu'elle relevait les yeux. Elle avait ce regard si particulier, impassible, innocent et distant. Elle essaya de garder un ton nonchalant, bien sûr pour déclarer tout d'un coup :

— Le plus jeune des frères m'a écrit.

Les yeux de Mulder se mirent à briller mais leur éclat s'adoucit vite avec beaucoup de tendresse, quand il s'accouda à la table et se pencha pour chuchoter comme en confidence :

Tell me more, tell me more, did you get very far? Tell me more, tell me more, like does he have a car? [4]

— Veux-tu bien arrêter ce jeu ? Je ne sais pas ce qui t'arrive, tu es infernal.

— Ok. Alors pourquoi m'informes-tu de cela ? Que proposes-tu ?

— Cela ressemblait à un acte manqué, mais je ne peux pas en entre sûre car je sais qu'il avait des questions après notre dissection des bestioles quand tu étais dans les vapes. Évidemment, il a pris des précautions pour que ce soit difficile de le retrouver… Et il a utilisé un faux nom, mais… je crois que c'est lui...

— Est-ce que j'ai encore le droit de demander ce qu'il te voulait vraiment ou ça ne me regarde carrément pas ?

— Et bien ça dépend si c'est relié à l'affaire dont "tu n'es pas autorisé à me parler" et si cette affaire a un rapport avec ce qui s'est passé à la Nouvelle-Orléans…

— Tu voudrais faire quoi ? Lui faire du charme pour le faire parler ? la taquina-t-il encore.

— Non, mais si tu veux des réponses qu'ils sont les seuls à pouvoir fournir, leur demander ne coûte peut-être rien ?… Je n'ai pas un diplôme de profilage mais il ne faut pas être un génie pour comprendre que mon âge me rapproche de leur mère et qu'elle leur a sans doute manqué…

Mulder la considéra en plissant les yeux puis esquissa une petite moue avant de secouer la tête. Il se leva de table et dans le mouvement qu'il fit, effleura le front de son ex-partenaire pour lui dire au-revoir. Elle en resta surprise et un peu gênée, et par-dessus le marché honteuse de ressentir cela.

— Je sais que tu pourrais te défendre mais je préfère que tu ne prennes aucun risque, maintenant que… nous n'avons plus les moyens du FBI. Je dois filer à mon rendez-vous et après j'ai un avion. Prends soin de toi et de ta mère.

Elle le regarda partir, abasourdie, bouillonnant d'une fureur inattendue. Comment pouvait-il se comporter comme ça avec elle ? Après tout ce temps ? Tout ce qu'ils avaient vécu ? Est-ce qu'il avait oublié le nombre de fois où c'était elle qui devait le protéger et lui sauver la vie ? Et il lui faisait le coup du « reste dans la voiture c'est trop dangereux ? ».

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sSs

New Orleans, le lendemain soir

Il faisait nuit noire dehors. Sam, assis à une table près de la fenêtre de leur motel, dévia le regard de son écran d'ordinateur et effaça la buée d'une main pour jeter un coup d'œil vérificatif quand il entendit le bruit du capot de l'Impala claquer. Il aperçut son frère lui faire vigoureusement signe de se bouger car ils allaient se mettre en route. Le jeune homme regarda une dernière fois le mail qu'il venait d'envoyer, puis coupa sa connexion et ferma son portable afin d'aller le rejoindre.

De la fumée blanchâtre s'échappait de sa bouche. Lui qui pensait faire monter un peu le mercure en retournant dans le Sud, c'était raté !… La petite flambée de tout à l'heure serait la bienvenue. Car ce soir, ce serait comme un retour aux sources : un bon vieux "salt n'burn" dans l'un des cimetières St Louis de la Nouvelle Orléans qui en comptait trois.

Lorsqu'il ouvrit la portière grinçante pour se glisser dans le véhicule, Dean démarra le moteur qui fit entendre son ronronnement rassurant et manœuvra pour sortir du parking. Sam éprouvait tout de même un léger frisson d'excitation à l'idée de se retrouver dans cette ville moins d'un mois plus tard, et où ils étaient parvenus à échapper au FBI de justesse… Revenir, c'était de la folie... Le cadet des Winchester ne pouvait pas considérer que c'était un vrai mauvais souvenir, mais cette affaire n'était pas terminée ni éclaircie, et c'était pour ça qu'ils étaient de retour après quelques petites missions assez ordinaires : un polymorphe-tueur mais cinéphile, un urticaire galopant refourgué par des fantômes, une sorcière adoratrice du démon Samhain... A priori rien qui se rapporte à Azazel ou à de nouveaux sceaux levés par Lilith pour déclencher le retour de Lucifer...

Un peu plus tôt dans la journée, ils avaient planifié un nouveau repérage auprès de la maison LaLaurie. Ne sachant pas s'ils étaient encore surveillés par les autorités, ils avaient pris leurs précautions, en sortant déguisés... en rabbins.

— Et si on se faisait pincer ? Je ne parle pas un mot, avait protesté Dean. Je ne connais que l'exorcisme en latin. Mieux vaut des prêtres catholiques. Ou déguisés en Elvis ? Ça marche partout ça.

— Arrête, on a essayé plusieurs fois, mais avec un col blanc et ta chemise noire sans manches, t'as juste l'air d'un Chippendale… s'était amusé le cadet. Et je suis pas sûr que tu connaisses tellement plus les chansons d'Elvis si on t'en demandait une...

L'aîné lui avait décoché une œillade amusée face au compliment empaqueté dans une critique justifiée, et répondu simplement avec un air boudeur assorti du déhanchement caractéristique du chanteur :

That's all right, mama ! [5]

Vêtus de longs manteaux sombres, fausses barbes, perruques et kippas, ils n'avaient pas attiré l'attention sur eux plus de trois secondes. Refusant de trop pousser leur chance, ils n'étaient restés que le temps d'avoir l'air de consulter un plan de ville, mais bien suffisamment pour que le "spectromètre" se mette à grésiller joyeusement alors qu'ils étaient sur le trottoir... Il restait bien des fantômes dans la maison malgré le premier déblayage du mois dernier, et ils promettaient d'être coriaces.

Pendant le trajet vers le cimetière Saint Louis de la vieille ville, histoire de penser à autre chose qu'à leur dernière conversation où Dean avait avoué qu'il se rappelait d'absolument tout ce qui s'était passé lorsqu'il était en Enfer, Sam avait résumé pour son frère les recherches qu'il continuait à faire car quelque chose le tracassait. Pourquoi Delphine LaLaurie aurait-elle continué à hanter l'endroit, si elle n'y avait pas connu de mort violente et même pas dans cette ville ?

— Bah, tu t'en fais trop ! avait décrété Dean en garant l'Impala à quelques mètres de l'entrée. Il faut procéder par étapes. D'abord, on crame ses os. S'il y a toujours une activité ectoplasmique après, ça peut vouloir dire soit qu'un objet lui appartenant est toujours dans la maison… soit que c'était pas elle…

— Justement, je commençais à creuser cette piste, opinait Sam en refermant la portière avec un bruit mat. S'il n'y a qu'un seul esprit derrière tout ça, il faut qu'il soit vraiment très puissant, donc vraiment ancien, et qu'il ait réussi à voler en grande partie l'énergie des autres. La façon dont les insectes étaient perturbés…

— Qui te dit que c'était ce fantôme qui agissait sur les insectes ?

— Je voulais vérifier ce détail mais je n'ai pas eu le temps… répondit-il avec une pointe de regret.

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Le cimetière n'était pas bien grand, et enclavé entre un périphérique et une petite ruelle miteuse aux maisons de bois basses et aux grands trottoirs dallés de béton. Il était partiellement ceint d'un mur de briques rouges à mi-hauteur qu'il leur serait facile d'escalader. Plus loin vers Bienville Street, il y avait carrément du simple grillage. Pénétrer à l'intérieur ne serait pas difficile et le très faible et rare éclairage public servait plutôt leurs affaires. Sam sortit la caisse à outils et deux jeux de torches.

— Pas besoin de pelles, tu vois.

— Non mais c'est pas normal, des cimetières comme ça, commenta Dean. Ça me fait penser à celui du Père-Lachaise… Tiens, file-moi le coupe-boulon, on va passer par le grillage...

— Allons, un voyage à l'étranger de toute ta vie et tu vas nous le recaser dans chaque conversation ? commenta Sam en clignant de l'œil pendant qu'il faisait le guet.

— Mais qu'est-ce que t'as ce soir ? Tu me cherches ?

— Non, pas du tout. Je suis juste de bonne humeur.

— Permets-moi de m'inquiéter ! Quand t'es de bonne humeur, c'est que tu t'apprêtes à faire une connerie ! C'est quoi cette fois ? Et t'as plutôt intérêt à ce qu'il n'y ait pas les lettres R, U, B ou Y dans ta réponse…

— C'est pas le cas. Mais je me demandais si on ne pourrait pas en savoir plus sur Azazel en questionnant habilement... Dana. Elle avait l'air de le connaître et de ne pas s'en méfier. Je suis partagé à ce sujet.

Habilement, hein ? C'est non ! T'as tout déballé comme une innocente à son pote quand vous étiez à l'hôpital, merci bien ! Hottie Blondie et lui ne sont pas les mêmes débiles moyens qu'on se farcit d'habitude… Je te connais mon Sammy. Elle va t'embobiner en te laissant croire qu'elle te trouve grand, beau et fort, et qu'elle ne veut que ton bien. Et en un rien de temps, tu te retrouveras avec un joli pyjama orange…

— Mais c'est pas vrai, ça ! Tu crois que j'ai quel âge au juste ?

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xXx

Assise juste quelques mètres plus loin, dans un van gris à l'enseigne d'une compagnie d'électricité, la brève et replète silhouette de Melvin Frohike, un casque vissé sur sa tête brune dégarnie, toussa en recrachant sa gorgée de café. Dans l'écran de visioconférence, son ami John Byers, toujours tiré à quatre épingles, interrompit ce qu'il était en train de dire en levant un sourcil pour poser une question implicite.

— Ringo, fit Frohike en tapant la manche de son comparse resté à côté de lui dans la camionnette. Il a dit "Dana". Tu l'as entendu aussi ? Ils ont l'intention de la retrouver ?

Le dernier des Lone Gunmen à la longue chevelure blonde opina d'un air distrait, sa face plate également rivée sur les écrans de contrôle qui leur permettaient de suivre les deux Winchester en train d'attaquer le grillage de quelques coups de cisaille.

— Shh ! intima-t-il. Je les entends plus...

Il réajusta le volume d'un bouton sur sa table de commandes, tandis que depuis l'hôtel où il était resté Byers se pencha en avant pour continuer sa conversation.

— A priori, moi j'ai surtout entendu que si on n'a pas pu les pincer avant, c'était parce qu'ils n'étaient pas aux États-Unis… [6] Qu'est-ce qu'ils font maintenant ?

— Ils sont entrés dans le cimetière… chuchota inutilement Richard Langly.

— Mhh. Qu'est-ce que deux tueurs en série fabriquent dans un cimetière ? Les gens sont déjà morts dans ce genre d'endroit, non ?

— Peut-être un rendez-vous louche pour obtenir des infos ? suggéra le plus âgé du trio de conspirationnistes.

— Écoutez, ils préparent un mauvais coup c'est sûr, mais s'ils ont quoi que ce soit à voir avec les bouquins qui sont écrits sur eux, je crois qu'ils s'apprêtent à profaner une tombe, lâcha Langly en soupirant.

— Complètement chtarbés, ces mecs, marmonna Frohike. Une tombe créole ? Mais pourquoi faire ? Il n'y avait plus de « trésor de la pyramide » à aller piller ? Pff… Et au sujet de Dana ? Il faut prévenir Mulder ou pas ?

Sans ciller, Byers croisa ses longs doigts manucurés sous sa courte barbiche soignée, répondant de son habituelle voix posée :

— C'est déjà fait, déclara-t-il. Langly, c'est toi qui connais le mieux les bouquins de leur fan. T'es prêt à sortir jouer ton rôle au cas où ?

— S'il le faut, répondit lugubrement le jeune homme blond en lissant une chemise en flanelle de ses mains moites.

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(à suivre)

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[1] Melissa Scully était la sœur de Dana. Elle est morte des années auparavant, confondue par erreur avec sa sœur et exécutée à sa place par... des gros méchants.

[2] Très vieux surnom de Mulder quand il démarrait aux Affaires Non-Classées du FBI.

[3] A l'intérieur de la série, il existe une courte intrigue où les héros ont vu naître un film inspiré de leur vie. Dans ce film, l'agent Scully (jouée par la propre femme de David Duchovny) était amoureuse de Walter Skinner. Bien plus tard, lorsque le bébé de Dana nait, Mulder plaisante en voyant la tête chauve de l'enfant et lui trouvant une ressemblance surprenante avec leur chef.

[4] Comédie musicale Grease, titre : Tell me more.

[5] Titre de l'une des premières chansons enregistrées par Elvis Presley (1954)

[6] Voir mon gros one-shot parallèle "The French Misstep"

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