Bleed it out
Chapitre 1 : John Winchester est de retour
4629 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 14/07/2024 10:04
1.
Dean se souvient d’une jeune femme belle et drôle. D’une nuit dans le rire parce que aucun des deux ne sait vraiment ce qu’ils font. Il se souvient de la chasse et de tomber sur une autre jeune femme, différente, lui disant que le monstre qu’il cherche est déjà mort.
Il se souvient dire au revoir à la brune avec lequel il a passé quelques jours et lui dire qu’il doit partir. Mais il laisse son numéro, car il sait que la ville est un problème. Il n’a peut-être pas beaucoup d’expérience en tant que chasseur mais il sait faire confiance en son instinct.
Il se souvient de l’avoir embrassé sur le front alors qu’elle sourit dans ses larmes.
Il a seize ans. Il n’a aucune idée qu’elle en a dix-huit.
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« Tu l’as choisi à ma place. » dit-elle, d’une voix tendre et presque triste, presque un murmure.
Dean sait qu’elle parle de l’ange qui partage leurs vies depuis sept ans. Il sait qu’au moment où il a dit son nom alors qu’elle essayait de tenir son emprise sur lui, il avait brisé le plus gros de l’illusion. Il n’y pouvait rien.
Il avait Cas’ de gravé dans la peau. Il avait Cas’ gravé dans les côtes. Il avait l’ange gravé dans le cœur.
Les contes de fées disaient que le vrai amour pouvait conjurer tous les sorts, n’est-ce pas ?
Il la regarde rejoindre son frère.
« Tu m’as offert ce dont j’avais le plus besoin. » son visage se durcit. « Je veux t’offrir la même chose. »
Ils disparaissent dans un nuage de fumée noire et blanche. Il regarde l’emplacement et ne comprend pas. Il regarde le vide et se demande ce qu’il peut bien avoir besoin de plus, maintenant qu’il était à ça d’avoir Cas’. D’avoir enfin une vie sans grand bouleversement. Juste des chasses banales et une vie de chasseur normale. Reprendre ses visites régulières -
Ah oui. Lucifer est toujours dehors, quelque part.
Putain.
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Le blond se souvient d’un appel, quelques mois après. Il s’attend au pire, parce que la jeune brune et lui discutent de temps en temps via texto mais n’appellent jamais. Quand il répond, plusieurs heures après, après être sûr que son père n’est plus à portée d’oreilles, il entend Claudia lui annoncer la nouvelle, d’une voix déterminée et qui ne lui laisse aucun choix.
Il entend sa respiration disparaître.
Il est déjà parent, mère - père et frère à la fois. Il est déjà parent. Mais il sait que ce n’est pas pareil. Dans un rêve idyllique, il ne serait pas père de son frère mais juste père d’un enfant naissant parce qu’il l’aurait désiré avec sa moitié.
Les rêves idylliques n’existent pas dans le monde surnaturel. Ni même dans la vie normale pour beaucoup.
Il entend Claudia continuer de parler, se disant être excitée à l’idée d’être mère, bien que dix-huit ans soit jeune.
Il l’entend dire son âge, avant d’annoncer qu’il n’a pas le même. Il entend le silence à l’autre bout du fil. Il entend les excuses et la colère parce qu’il avait dit qu’il était étudiant également.
Il se souvient de l’appel se terminant avec un au revoir sec, autant de sa part que de la sienne.
Il se souvient la rappeler, une heure après, alors que son père est amorphe, plein d’alcool et de nourriture. Il se souvient lui dire qu’il serait là dès qu’il le pouvait. Qu’il était désolé. Qu’il suivrait ce qu’elle désirait.
Il l’entend s’excuser également, annoncer ce qu’elle prévoit d’une petite voix douce avant qu’elle ne se perde dans la force de l’excitation. Il l’entend lui dire de venir dès qu’il peut, qu’elle ne l’attend pas pour vivre sa vie avec lui, juste qu’il fasse partie de celle du bébé à naître.
Parce qu’ils n’avaient jamais été autre chose qu’une romance d’une semaine.
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2.
Il fait nuit dehors, bien entendu.
Il fait nuit dehors, il n’a aucun réseau et il n’a qu’un couteau et son flingue sur lui. Dire qu’il sent le piège est un euphémisme.
« Aller. », marmonne-t-il en essayant de trouver du réseau, comme si bouger son bras en l’air allait changer quelque chose.
Sam lui dit suffisamment que cela ne change rien. De même que son gamin. Meh. Il ne serait qu’un énième humain à essayer. Puis il les voyait bien faire de même dès qu'eux n’avaient plus de réseaux. Donc cheh.
Une branche craque. Il se tourne, son Beretta à la main et les yeux sur la forme avançant.
Sa respiration se coupe. Avant de reprendre. Il regarde l’homme face à lui, qu’il n’a pas vu depuis dix ans. Un homme qui est mort il y a dix ans.
« Papa ? »
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Il profite d’une chasse de son père pour piquer une voiture, prendre Sam avec lui et rouler jusqu’à Beacon Hills. Il profitera des chasses de son père plusieurs fois. Même des chasses qu’il est censé faire avec ce dernier mais où John disparaît et le laisse seul pour s’occuper d’une autre créature un peu plus loin. Comme celle où il a connu la brune.
Il profite dès qu’il peut pour aller voir Claudia, enceinte et de plus en plus grosse, riant à ses allers et venues.
Il ne lui présente jamais Sam, qu’il laisse dans un motel non loin durant la journée, elle ne lui demande jamais pourquoi. Il se dit qu’elle a probablement une idée.
Il monte le lit de bébé dans sa petite chambre d’étudiante, bricole une étagère à langer et l’aide à faire du tri dans ses placards pour mettre les affaires de bébé qu’elle achète.
Ses amies rient du couple qui n’en est pas un. La brune a déclaré qu’il était dans une université à l’autre bout du pays et que c’était pour cela qu’il venait de manière aléatoire.
Il ne lui dit pas que ni Sam, ni son père ne sont au courant. Même si son petit-frère doit se douter de quelque chose, il a assez grandi pour garder les secrets sans qu’on lui demande. Il est assez grand pour commencer à se rendre compte que John ne sait pas grand-chose de Dean et qu’il veut le garder dans l’ombre.
Il profite dès qu’il peut. Mais il loupe la naissance tout de même.
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Putain.
Il regarde son paternel, abasourdi. Et John semble être dans le même état que lui. Avant que le regard sombre se durcisse et que Dean ne doive se défendre contre une attaque.
« Stop ! Papa c’est moi ! C’est Dean ! » dit-il en évitant un nouveau coup de poing.
« Dean a au moins dix ans de moins que toi, monstre ! Revois tes calculs ! »
Il pare la nouvelle attaque, garde le bras dans ses mains, tord et mets son propre paternel au sol comme il a pu le faire avec Sam des années avant, quand son frère était encore un étudiant fuyant la vie de chasseur.
John se calme presque instantanément. La lueur féroce dans ses yeux s’éteint. Il est l’homme qui lui a appris à se battre après tout. Et quand tu entraînes quelqu’un, tu reconnais facilement son style de combat. Il reconnaissait celui de Sam et de son gamin très aisément. De même que Cas’ maintenant, à force de le regarder se battre.
« Dean ? » demande-t-il d’une voix peu sûre.
Il acquiesce.
« Com- »
Il se relève, garde le bras de son père dans ses mains et l’aide à faire de même.
« Longue histoire. », fit-il dans un souffle, regardant à nouveau son téléphone.
Il pourrait presque hurler sa joie en voyant la barre de réseaux. « Très longue histoire. »
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Dean n’arrive à l’hôpital de Beacon Hills que quelques jours après. Il regarde Claudia qui dort paisiblement dans son lit avant de regarder le petit être dans le couffin. Il regarde cet enfant venant de naître, qu’elle a nommé Genim Shea Dean Gajos.
Il ricane au nom terriblement long.
Il se fout que son fils porte le nom de la jeune femme à ses côtés, comme il se fout qu’il porte un nom irlandais. Il était en bonne santé, dormant dans les bras de Dean alors que ce dernier n’avait pas encore dix-sept ans.
Il se tourne vers Claudia, qui s’est réveillée et les regarde avec tendresse.
Il a une bouffée d’amour pour cette femme qui ne sera jamais la sienne. Il lui embrasse le front et la remercie.
Elle ne fait que rire, lui disant que son fils a déjà son appétit. Et elle lui conte la naissance, alors qu’elle était aidée de Talia, sa meilleure amie à la faculté. Et un jeune homme du nom de Noah.
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3.
Ils retournent à la voiture sans avoir besoin de trop chercher. Dean essaye et réessaye d’appeler son frère et Castiel mais aucun ne répondent. Il ronge son frein, essayant de se dire qu’ils sont loin de leurs téléphones et qu’ils le rappelleraient dès qu’ils le pourront. Mais rien.
Il ne tente pas d’appeler son gamin. Pas avec John juste à côté de lui.
Cela avait été le seul secret qu’il avait réussi à cacher de son paternel. Ça et ce qu’il avait dû faire pour nourrir Sam correctement.
Tout le reste, John l’avait appris d’une façon ou d’une autre.
Il avait aimé les histoires de romances, il avait vu les restes brûlés des bouquins qui n’étaient même pas les siens dans la poubelle. Il avait aimé apprendre à cuisiner, pour essayer de faire mieux pour Sam, il avait retrouvé son tablier – offert par le plus jeune, avec un motif floral – couvert de graisse à flingues. Il avait osé embrasser un autre garçon, il avait été envoyé sur une sale et brûle avec une signification bien trop importante.
Il avait compris, bien avant cette chasse-là, qu’il n’avait pas le droit de dévier du chemin. Mais cette affaire avait été le clou du cercueil dans lequel il s’enfermait. Alors son fils ? Un secret qu’il avait enfoui si profondément que même Sam ne l’avait découvert qu’après la mort de leur paternel.
Il avait appris à sortir de ce cercueil, doucement, clou par clou, depuis cette date. Aidé par Bobby, son gamin, Sam, Charlie, Joddy, Claire... Castiel. Bordel Castiel.
L’ange avait regardé le cercueil dans lequel il était, les kilos de terre sous lesquels il s’était enterré et les quelques kilos de ciments qu’il avait mis par-dessus pour simplement pencher sa tête sur le côté, creuser, et briser tout cela d’un geste de main.
Bon, p’t’être que cela avait mis quelques années avant qu’il n’accepte réellement le tout. Mais il avait su dès le moment où les yeux électriques l’avaient regardé, scruté, avant de lui dire exactement ce qu’il pensait de sa résurrection. Dès le moment où cette voix grave lui avait dit qu’il pensait ne pas mériter d’être sauvé.
Bien sûr, à ce moment-là, Castiel lui était encore antipathique. Bien sûr, à ce moment-là, il y avait bien plus en jeu. Bien sûr, à ce moment-là, c’était dû à un ordre qu’il avait été sauvé.
Mais l’ange avait continué à prouver le contraire. Lui disant par ses actes qu’il méritait d’être sauvé encore et encore, qu’il ferait tout pour cela.
Il se rappelle de sa mère, lui disant que les anges veillaient sur lui, puis sur lui et Sam, chaque nuit avant de fermer la porte derrière elle. Il pense à chaque fois que Castiel leur dit qu’il veille sur eux avant qu’ils ne s’effondrent dans les lits de motels miteux ou n’aillent se coucher dans leurs lits au bunker.
Dean ne fait même pas attention à ce que dit son père sur l’état de la voiture, un sourire au coin des lèvres, alors qu’il sort de sa rêverie.
« Hm ? » fit-il en entendant la fin de la phrase, lançant un regard à John sur le siège passager.
Ça aussi, c’est étrange. Le fait que son paternel ne soit pas derrière le volant alors qu’il n’est pas blessé. Il se rappelle avoir appris à conduire pour cette seule raison.
« Comment as-tu pu retrouver une Impala après l’accident ? Elles sont rares. Et celle-ci est impeccable. »
« Hmm… Je l’ai rebâtie. »
Un sourcil, suspicieux et douteur, se lève sur le visage de son père.
« Bobby m’a aidé à retrouver des pièces et le chassie était encore en état d’être retordu. »
John fit une moue impressionnée. Bien que la mention de leur père adoptif l’ai fait tiquer. Il le sait. Il peut le deviner au léger mouvement de sourcil, au léger mouvement de lèvres.
Quand est-ce qu’il avait appris que connaître aussi bien les micro-gestes de son paternel n’était pas une chose commune ? Quand est-ce qu’il avait réussi à mettre ça en lien avec ce qu’on entendait dire des enfants vivants dans des maisons abusives ?
Bien trop longtemps après les faits.
« Bobby hein ? »
Dean regarde la route, espérant que quelqu’un l’appelle pour éviter cette conversation. Mais l’ange n’appelle pas.
« On a souvent eu besoin d’un coup de main après ta mort, pour des recherches, des soins, des munitions. La routine. »
Il ne regarde pas son paternel, mais il n’en a pas besoin pour savoir que ce dernier ne le croit pas énormément.
« Toujours en vie ? »
« Non. Mort y a quatre ans. »
Cela fait toujours mal. Quand bien même, il force sa voix à ne rien laisser entendre. Il pense à cet homme qui les a toujours aimés comme ses propres fils, qui a toujours été présent pour eux malgré les silences radios et les colères. Il ne compare plus aujourd’hui. Mais il l’a assez fait pour savoir ce que c’est un vrai parent.
Bobby l’avait félicité quand il lui avait parlé de son fils.
Il avait demandé à le voir, à en savoir plus sur lui. Il l’avait vu, avait souri et avait dit à Dean qu’il était fier de lui. Parce que ce gamin était un génie et qu’il ferait de grandes choses. Parce qu’il avait pris la bonne décision en ne lui cachant pas la chasse mais en le protégeant tout de même, en le laissant avec sa mère et son beau-père.
« Sur un boulot ? » demanda à nouveau John.
« Yup. »
Son géniteur acquiesce solennellement. Parce que c’était la meilleure des morts, n’est-ce pas ?
La plus grande fierté d’un chasseur. Mourir sur un boulot. Mourir en protégeant quelqu’un. Mourir en essayant de tuer le monstre avec soi. Pour avoir vécu la mort bien trop de fois, il peut dire que la mort est juste ça. La mort. Cela n’a rien d’une fierté.
Ou alors, il serait le plus fier des hommes.
Le silence se fait dans l’habitacle. Et il n’essaye pas de reprendre la conversation.
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Il profite des chasses où il est seul pour passer voir Claudia, Genim et, maintenant Noah. Il aime bien le gars. Son amie et mère de son fils lui a pris la tête il ne savait combien de fois à propos de ce jeune homme qu’elle voyait, au début, dans ses cours, puis en groupe d’étude, puis voyait tout court.
Il roulait des yeux à chaque fois qu’il voyait un message d’elle avec en majuscule ‘’NOAH A DIT’’ NOAH M’A SOURIT’’ ‘’OMG DEAN JE SUIS AMOUREUSE’’.
Il lui avait dit de foncer, un soir où il était en ville et squattait la chambre étudiante de la brune, profitant pour une soirée avec le petit bambin qui commençait à doucement à se mouvoir.
Elle l’avait embrassé ce soir-là et Noah l’avait rembarrée. Elle était revenue en pleurs et il lui avait offert sa dernière part de tarte, l’avait bordée dans son lit et embrassé la joue de son fils. Avant de se rendre dans la chambre du dit Noah pour le réveiller en le tirant hors du lit.
Dean, qui avait appris à se battre depuis qu’il avait perdu sa mère et sa maison, avait très vite prit le dessus sur le jeune adulte face à lui, pourtant plus vieux et plus fort que lui. Avant de l’engueuler pour le mal qu’il faisait à une femme merveilleuse, une mère forte et une amie géniale.
Il se souviendrait toujours du visage ahuri de Noah lui demandant pourquoi cette engueulade ressemblait à un discours le poussant dans les bras de la petite amie qui venait de le tromper.
Puis, il repense aux amies de Claudia, les mêmes depuis la naissance de Genim, qui les pensaient ensemble et en avaient parlé à chaque mec qui dansait autour de la jeune mère.
Le lendemain matin, Noah arriva avec des fleurs à la main à la chambre de la jeune femme, remarquant très bien le lit à même le sol du chasseur.
Il profite des chasses où il est seul. Et il adore ces moments où il peut juste être Dean. Ok, il est un parent adolescent. Ok, la mère de son gosse est en couple avec un, il n'en revient pas, apprenti flic. Ok, cette dernière est littéralement étudiante pour devenir avocate avec ses deux meilleures amies – Talia Hale et Nathalie Specter. Ok, son gamin ressemble bien plus à sa mère qu’à lui. Mais il est juste Dean.
Et elle est juste Claudia. Leur fils est juste Genim.
Il sourit à chaque photo que la jeune femme lui envoie. Et raconte à son père qu’il a mis un peu trop de temps à rentrer parce qu’une fille ne voulait pas le lâcher. Ce dernier lui accorde un regard désabusé et ennuyé. Mais il sourit tout de même en lui disant qu’il est un charmeur et a intérêt à se protéger s’il ne veut pas un mini-Dean par état.
Il ne répond pas qu’il n’y en aura probablement qu'un et que cela lui suffit terriblement, tout autant que ça le bouffe de ne pas être avec lui à cet instant.
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4.
Il explique – très rapidement – à son géniteur les derniers évènements. Le fait qu’ils chassaient une entité appelée Ténèbre et qu’il l’avait aidée à se réconcilier avec son frère, a.k.a Dieu, et que c’était cette dernière qui l’avait ressuscité. Probablement. Dean en est sûr mais il ne voyait pas en quoi cela avait un lien avec la dernière phrase d’Amara.
John Winchester n’est pas ce dont il a le plus besoin.
Bobby, Charlie, Kevin. Si on voulait parler de personnes manquantes à sa vie.
Une vie normale, une vie où son fils n’a pas connu le surnaturel, une vie où il a pu être auprès de celui-ci dès sa naissance. Une vie sans cauchemar. Si on voulait parler de changement drastique.
Lucifer de retour à la cage. Si on parlait des derniers problèmes connus.
Un coup de pied au cul. Si on parlait de ses sentiments pour l’ange du jeudi. Même si cela allait être probab-.
Il lance un regard en coin à son paternel.
Yup. Nope.
Oh ça va être fun, pense-t-il, alors que ses mains se serrent légèrement sur le volant. Si John le voit, il n’en fait pas la remarque.
Il lui explique le bunker également. Les Hommes de Lettres, l’héritage. Leur grand-père.
« Donc euh... Techniquement parlant, Henry - »
L’autre homme le coupe :
« Techniquement, mon père n’est pas parti. Il est mort en chasseur. »
Il n’ose pas réellement regarder l’autre personne dans la voiture. Mais il entend le long soupir, puis le ricanement. Il se dit que c’est un poids sur les épaules qui s’enlève. Ce genre de poids qu’on ne pense pas porter jusqu’à ce qu’il disparaisse.
Comme celui qu’il avait porté pendant des années à regarder par-dessus son épaule.
Le même poids qui était revenu au moment même où il avait reconnu son père.
« C’est ça. » dit-il, un peu hésitant.
Et le silence reprend dans l’habitacle, alors qu’ils arrivent enfin à Lebanon. Quelques minutes plus tard, ils rentrent dans le bunker et il commence à appeler son frère et Castiel à vive voix.
Mais il n’a aucune réponse.
« WTF. » fit-il dans le silence.
« Dean. Où est ton frère ? »
Oh, il connaît cette voix. Mais il n’en a rien à foutre actuellement. Parce que oui, où est Sam ?! Où est Castiel ?! Bordel.
Il lui faut exactement trois secondes pour aller à l’ordinateur le plus proche, le déverrouiller et commencer à pirater les lignes téléphoniques des deux hommes.
« Dean ! » la voix se fait urgente, grondante.
« Deux secondes. »
« Oh mon garçon, tu vas me répondre. »
Il se laisse bousculer mais ils sont coupés par le bruit de l’ordinateur.
John est trop abasourdi par cette technologie qu’il n’a pas vue, très peu connu plutôt, pour continuer mais Dean sait que cela ne va pas durer. Alors, il en profite pour regarder l’adresse. Et il veut rire.
Il veut rire mais il entend son téléphone sonner et il sait déjà qui sait.
Il le prend avant que son paternel ne puisse ouvrir la bouche.
« Oui ? » dit-il avec le rire, le soulagement, au bord des lèvres.
Il veut rire, parce qu’il a vu revu Flagstaff pendant une seconde. Il veut rire, parce que la bile est montée dans sa gorge, avec l’horreur et la peur. Il veut rire, parce qu’il a presque quarante ans et que pourtant, pourtant, il est toujours terrifié.
« Dean ! » la voix de Castiel le fait dégonfler comme un ballon. « Dean tu es en vie ! »
« Yup. » il entend son frère, probablement qu’il est sur haut-parleur, avoir un énorme soupir de soulagement. Il met son propre téléphone en haut-parleur.
« Putain... » fit le plus jeune Winchester, enfin dans cette tranche d’âge, la voix faible et émotive.
Il voit son père se calmer à son tour. Et son envie de rire reprend. Bordel. Oh bordel. Il est brisé. Il l’avait toujours su. Mais voilà qu’il recommence à voir le cercueil devant lui.
« Pourquoi vous n’êtes pas au bunker ? »
« On a voulu kidnapper Sam. » fit la voix totalement monotone de l’ange. Il entend son père s’étouffer.
« Pardon ? »
« Des Hommes de Lettres. Anglais. Voulant des renseignements sur les chasseurs américains. Elle a banni Cas’ avant de m’embarquer mais elle a mal fait le sigil. » reprend son frère, presque amusé par cette dernière phrase.
« Et ça se dit Hommes de Lettres. » fit-il en pouffant, parce que lui l’est.
« J’ai atterri en ville. Ce fût assez facile de les arrêter sur le chemin vers le bunker. »
La voix de Castiel le fait sourire légèrement, mais il se reprend vite en voyant la posture de son père à ses côtés. Il est vrai que ce dernier est là. P’t’être qu’il devrait l’annoncer. Il ne veut même pas commencer à expliquer le pourquoi ‘’Cas’’’ a été banni ou comment il a atterri. Il veut oublier quelques secondes le bordel de sa vie.
« Hum. Je sais pas comment balancer ça donc je vais juste le dire. »
Il eut deux réponses à cela, un ‘hm’ et un ‘oui’ interrogatif qui lui donnèrent un sentiment de familiarité sans fond. Ces deux hommes sont sa famille. Bordel. Ils sont tous deux oncles de son gamin. Et son gamin les adorait. Et le poussait vers Castiel à chaque conversation téléphonique.
Oui, il était transparent. Aucun commentaire.
« Amara a ressuscité papa. Dis bonjour papa. »
« Hey Sam. »
Son frère s’étrangle et balbutie avant d’arriver à rendre le salut. Castiel ne dit rien, sachant très bien, probablement, que ce moment n’est pas le sien.
Ou, Dean essaye de ne pas y penser trop fort, parce que l’ange ronge son frein, parce que la seule bonne chose qu’il a pu dire sur John Winchester fut qu’il avait une belle écriture. Avant de demander, d’une voix dure et rauque, comme un homme avec une écriture telle pouvait être aussi négligent face à ses enfants.
Ce fût à ce moment que le blond apprit que son ami avait vu toute sa vie en remodelant son corps et en tirant son âme hors des Enfers et connaissait donc tout de cette dernière.
Disons que depuis que les émotions étaient pleines, conscientes et non quelque chose de conceptuelles pour Castiel, son point de vue sur le père de ses amis avait bien changé.
Il prie à l’ange d’essayer de rester calme.
« Dean » fit ce dernière à travers l’appareil. « Nous serons bientôt-là. Ne t’inquiète pas trop en attendant. »
Il émet un léger rire, remerciant l’ange par la pensée. « Ok. Bouffe, ça vous tente ? »
« Pitié. » lança Sam. « Pitié n’importe quoi mais beaucoup. »
Il ricane, ne faisant pas attention au regard étrange de son paternel.
« Ça marche Samantha. » ce dernier grogne. « À tout de suite. »
« À tout de suite Dean. » répondit son meilleur ami, avant d’éteindre le téléphone.