Boulette diplomatique
Chapitre 5 : Le crampon d'acier
4563 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 02/01/2024 15:15
Et voilà le dernier chapitre de cet histoire... Merci à ceux (majoritairement celles) qui m'ont suivie dans cette fic TOS qui, je l'espère, sera le prélude à plusieurs autres...
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Chapitre 5 : Le crampon d’acier [1]
– Alors, Jim, que pensez-vous de votre premier officier ?
Kirk avala avec bonheur une gorgée de « vrai » café – bien meilleur que celui que M. Scott arrivait à répliquer sur l’Enterprise – et offrit à son interlocuteur un sourire sincère. Après avoir déposé au responsable de la base stellaire n°6 le traité signé par les Hajiantaï, il était tombé sur le capitaine Matt Decker [2], qu’il avait relativement bien connu sur Terre, et qui l’avait invité à prendre un verre pendant que leurs équipages respectifs profitaient d’une demi-journée de permission sur la base. Jim, qui avait accepté avec plaisir, ne le regrettait pas : la conversation lui avait presque fait oublier sa récente confrontation avec Gary et l’avait aidé à relativiser sa frustration face aux missions de peu d’importance que lui avait confiées le haut commandement.
– Je suis tombé sur une perle rare, répondit le jeune capitaine. Sans lui, je ne sais pas comment je gérerais toute la paperasse à envoyer à Starfleet.
– Bah, vous feriez comme nous tous, pauvres capitaines qui n’avons pas de premier officier vulcain pour nous aider : vous bâcleriez les rapports et vous oublieriez des étapes de la procédure. Le haut commandement se demandait si un Vulcain était un choix judicieux, dans un équipage entièrement humain, mais Pike a insisté pour que Spock reste à bord de l’Enterprise en tant que commandant en second et j’ai l’impression qu’il a eu raison.
Jim approuva sans réserve. L’idée que Starfleet s’interroge sur les capacités d’un Vulcain à commander sur un vaisseau humain le dérangeait quelque peu. Il savait qu’un vaisseau composé de quatre cents Vulcains, l’Intrépide, s’apprêtait à partir en mission. [3] Spock n’aurait eu que quelques mois, peut-être un ou deux ans, à attendre, pour obtenir une place sur ce vaisseau, peut-être même le poste de capitaine, si l’on tenait compte de ses états de service exceptionnels. Pourquoi avait-il choisi de demeurer à bord de l’Enterprise ? Une nouvelle question concernant son premier officier à laquelle Kirk aurait été bien en peine de répondre, comme à tant d’autres…
– Il va bientôt falloir que je remonte à bord, déclara Decker après un coup d’œil à l’horloge murale. Mon premier officier étant seulement humain, il me reste plusieurs rapports à rédiger avant de pouvoir repartir. J’hésite d’ailleurs sur un cas… peut-être pourrez-vous me donner un conseil à ce sujet. Je viens de récupérer, il y a deux semaines, un nouveau médecin en chef. Excellent dans sa partie, mais tête de mule et parfois proche de l’insubordination. Je ne sais pas si je dois demander une félicitation officielle car il a sauvé deux de mes hommes in extremis, alors que tout semblait perdu pour eux, ou bien lui infliger un blâme pour avoir insulté l’ingénieur en chef et manqué le frapper dans la confusion du moment.
– S’il a sauvé deux de vos hommes, je pencherais pour la félicitation. Une vie humaine passe avant l’ego d’un officier. Votre médecin en chef me rappelle un de mes amis qui travaille à San Francisco, à l’hôpital terrestre de Starfleet, conclut Jim avec un sourire.
– Notre médecin en chef arrive directement de cet hôpital, fit remarquer son interlocuteur. Votre ami ne s’appellerait pas Leonard McCoy, par hasard ? [4]
Kirk sentit ses yeux s’écarquiller de surprise.
– Bones est avec vous sur le Constellation ? s’exclama-t-il stupéfait.
– « Bones » ? répéta Matt Decker en fronçant les sourcils.
– Oh, c’est un surnom qui date de l’époque où nous nous sommes rencontrés. Nous nous connaissons depuis près de dix ans, et nous nous envoyons régulièrement des nouvelles, mais je ne savais pas qu’il avait quitté la Terre.
Au fond de lui, Jim se sentait quelque peu déçu que son vieil ami n’ait pas jugé bon de l’avertir d’une décision aussi cruciale – et, surtout, qu’il ne se soit pas décidé quelques mois plus tôt, ce qui aurait permis au jeune capitaine de l’Enterprise de le prendre à bord de son propre vaisseau. Le docteur Piper était un bon praticien, un officier compétent et un homme sympathique, mais Jim aurait été ravi de retrouver une figure de connaissance au milieu des quatre cent-vingt-huit membres de l’équipage qu’il avait simplement croisés au gré de ses premières missions, ou bien qu’il n’avait jamais rencontrés auparavant. Et puis, avec McCoy, qui était la loyauté incarnée, pas de risque qu’il omette une information médicale sensible ou qu’il incite l’équipage à ignorer leur premier officier sous des prétextes aussi spécistes que fallacieux…
Voilà qu’il ressassait encore cette histoire. Depuis qu’ayant pris ses fonctions à bord de l’Enterprise, il avait compris comment fonctionnait M. Spock, il lui arrivait de regretter de ne pas savoir raisonner en Vulcain. Cela lui aurait permis de mettre à distance ses émotions et de ne pas se complaire dans l’amertume et les regrets – parce que les regrets et l’amertume étaient certainement considérés comme illogiques par le premier officier, comme par tous ceux de son espèce.
– Si vous voulez le voir, je peux vous l’envoyer. Le Constellation ne repartira pas avant trois ou quatre heures.
Kirk remercia chaleureusement Decker, qui balaya ses remerciements d’un geste de la main et quitta les lieux avec un petit salut de la main.
Quelques minutes plus tard, alors que Jim sirotait son troisième café, Bones faisait irruption dans le bar, marchant à grands pas, un sourire ravi plaqué sur le visage. De son côté, Kirk sentit son cœur se dilater dans sa poitrine alors qu’il ouvrait grand les bras pour étreindre son ami. S’il y avait un homme à qui il pouvait confier ses doutes et son désarroi, ses interrogations profondes et ses déceptions professionnelles, c’était bien Leonard McCoy, qui l’avait aidé et soutenu par le passé sans jamais rien lui reprocher.
– Bones ! Comme je suis content de vous voir !
Le capitaine, tout en serrant son ami dans ses bras, se fit la remarque inquiète que ce dernier, qu’il n’avait pas vu depuis six mois environ, avait encore perdu du poids. Plus mince que jamais, les traits tirés, des rides précoces se dessinant sur son front, il faisait plus que son âge, comme si le poids des ans l’avait soudainement rattrapé à l’approche de la quarantaine. La probable séparation d’avec Jocelyn avait eu sur lui un effet délétère…
– Alors, comment allez-vous, capitaine ?
Jim relâcha son étreinte et fit signe à son interlocuteur de s’asseoir en face de lui.
– Tout se passe bien sur l’Enterprise, répondit-il. Et vous ? Comment se fait-il que je vous retrouve ici ? Je croyais que l’espace n’était pas fait pour vous.
Bones héla le serveur, commanda un brandy saurien, et se mordilla les lèvres.
– Pour tout vous dire, je n’ai pas osé vous écrire quand j’ai pris ma décision. J’ai un peu honte de ne pas avoir vu le coup venir…
– Jocelyn ? suggéra Jim avec bienveillance.
McCoy hocha la tête avec une petite grimace.
– Jocelyn, confirma-t-il. Je pensais qu’on pouvait peut-être encore sauver quelque chose, mais j’ai appris qu’elle continuait à voir quelqu’un d’autre… Vous vous souvenez qu’il y a quelques années, on avait décidé de faire une pause ?
Kirk acquiesça. A son humble avis (mais qui était-il pour juger, lui qui n’avait jamais réussi à maintenir une relation amoureuse durable avec qui que ce soit ?), ils auraient mieux fait de se séparer carrément. La « pause » qu’avait mentionnée le médecin avait duré près de deux ans, durant lesquels Leonard comme Jocelyn avaient, chacun de leur côté, rencontré quelqu’un d’autre. [5] Et puis, peut-être parce qu’il est difficile de rompre totalement avec une personne qui a vécu près de dix ans à vos côtés, ils s’étaient remis ensemble, mais les malentendus et les disputes n’avaient pas cessé. A la fin, il arrivait fréquemment à McCoy de dormir sur un lit de camp à l’hôpital pour éviter de rentrer chez lui.
– Eh bien, elle n’a jamais totalement rompu avec le type qu’elle avait rencontré à ce moment-là. C’est ce qu’elle m’a déclaré il y a deux mois – ça, et le fait qu’elle voulait me quitter, ce qui, de son point de vue, était assez logique. Je n’ai pas lutté, j’ai fini par comprendre que notre histoire est terminée depuis des années. J’ai bien essayé de rester à San Francisco, mais c’était trop dur, je n’arrivais pas à…
Il s’interrompit et baissa les yeux vers le brandy que le serveur venait de lui apporter. Jim lui étreignit brièvement l’épaule. Il connaissait McCoy, ses qualités et ses défauts, et sa tendance à se tourner vers l’alcool dans les moments de doute et de dépression. Vivre sur un vaisseau spatial régi par des lois et des règlement stricts était sans doute le meilleur choix qu’il pouvait faire compte tenu des circonstances. Jim regrettait seulement qu’il n’ait pas pris cette décision un peu plus tôt.
– Bref, j’ai préféré essayer de recommencer ailleurs. Je m’en suis voulu, parce que si je m’étais décidé il y a quelques mois, j’aurais pu m’embarquer avec vous… Mais ça ne sert à rien de ressasser le passé, le mal est fait et me voilà sur le Constellation.
Jim n’insista pas sur le chapitre Jocelyn et embraya sur un nouveau sujet :
– Comment trouvez-vous l’espace ?
Le médecin haussa les épaules.
– Je n’aime toujours pas l’air en boîte ni le principe de la téléportation, et je reste allergique à la discipline militaire, mais au moins je me sens utile. Decker est un bon capitaine, l’équipage est sympathique, je me sens beaucoup mieux ici qu’à terre. Je pense vraiment que j’ai pris la bonne décision. Et vous ? Dans votre dernier message, le mois dernier, vous me disiez que vous en aviez marre des missions de routine. Est-ce qu’on vous a confié quelque chose de plus intéressant ?
– J’ai changé d’avis, sourit le capitaine. J’ai fini par comprendre que si les missions quinquennales sont aussi ennuyeuses à leur début, c’est pour laisser le temps aux jeunes recrues de se familiariser avec leur nouvel environnement. Et Dieu sait si j’en ai besoin ! Il y a tant de choses à penser et à faire… Heureusement, mon premier officier m’aide beaucoup.
– Toujours aussi coincé, votre Vulcain ? demanda McCoy avec un petit clin d’œil.
Jim hocha la tête, embarrassé de ce qu’il avait lui-même pu dire à propos de Spock dans les messages hyper-ondes qu’il avait envoyées à son ami. Il avait notamment mentionné « son absence de chaleur humaine » et « son incapacité à parler d’autre chose que de la bonne marche du vaisseau ». Après la journée qu’il venait de passer, c’était le genre de déclaration qu’il aurait bien aimé effacer.
– Qu’est-ce qui ne va pas ? ajouta Bones en clouant son interlocuteur de son regard perçant. Il s’est passé quelque chose ?
– Oui, pas plus tard qu’hier.
– Vous voulez me raconter ?
Kirk n’hésita pas. S’il n’avait pas mentionné devant Decker l’incident Gary Mitchell pour éviter de montrer les doutes qui l’assaillaient (et qui lui semblaient indignes de sa fonction), il pouvait faire confiance à Leonard McCoy pour l’écouter avec attention et lui offrir conseils et soutien. Il se lança donc dans le récit détaillé de la mission auprès des Hajiantaï avant de raconter l’enquête qu’il avait menée à bord de son vaisseau et la réaction de Gary lorsque le capitaine l’avaient mis devant le fait accompli.
– On aurait dit qu’il ne voyait pas où était le problème, conclut Jim avec un soupir d’agacement. Je crois qu’il est doublement jaloux de Spock – professionnellement parlait, parce qu’il rêvait d’avoir le poste de premier officier lui-même, et personnellement, parce qu’il s’est mis dans la tête que Spock est devenu mon meilleur ami et que je préfère passer du temps avec lui plutôt qu’avec Gary. Ce qui m’énerve le plus, c’est que je n’ai rien vu venir et que j’ai été assez bête pour prendre pour argent comptant tout ce que m’a dit Gary à propos des Vulcains…
Bones, qui avait écouté sans dire un mot le récit de son ami, leva la main pour interrompre sa tirade auto-dépréciative.
– D’accord, vous vous êtes fait avoir, c’est triste mais il faut passer à autre chose. Vous êtes déçu du comportement de Gary, vous êtes furieux contre vous-même de ne pas avoir compris ce qui se passait, mais dites-vous que vous n’êtes pas infaillible et que c’est le métier qui rentre. Nous faisons tous des erreurs, c’est humain. Ce qui est important, c’est d’en tirer des leçons pour éviter de les recommencer. A votre place, je me demanderais plutôt comment rattraper le coup.
– Rattraper le coup ? répéta Jim, qui ne voyait pas où voulait en venir son interlocuteur. Avec Gary, vous voulez dire ?
McCoy leva les yeux au ciel.
– Mais non. Gary, comme vous l’avez très bien analysé vous-même, est un adolescent en quête de reconnaissance. Je suis sûr qu’il fera amende honorable et qu’il n’aura plus un seul mot de travers sur votre premier officier. Une fois le premier mouvement d’humeur passé, il arrêtera de bouder et il reviendra vers vous. Et comme je vous connais, vous allez lui pardonner – mais vous serez peut-être un peu plus méfiant, envers lui et envers les autres, ce qui n’est pas un mal. Vous avez tendance à faire confiance un peu trop facilement – c’est une qualité, je n’en disconviens pas, mais cela peut vous jouer des tours parfois. Non, je voulais dire rattraper le coup avec votre Monsieur Spock.
Jim, soulagé de l’analyse que venait de faire son ami de la situation avec Gary, débarrassé d’un poids qui pesait sur ses épaules depuis la veille au soir, reporta son attention sur la dernière phrase prononcée par McCoy.
– Je ne suis pas sûr qu’il y ait grand-chose à rattraper. A la place de Spock, je n’aurais aucune envie de passer plus de temps que nécessaire avec un capitaine incapable de voir que son premier officier est victime de discrimination depuis quatre mois…
– Et revoilà l’auto-apitoiement ! s’écria Bones. Jim, votre premier officier est Vulcain. La rancune ou la colère n’ont pas leur place dans son mode de fonctionnement.
– Il est à moitié humain, je l’ai appris récemment.
Le visage du médecin s’éclaira et Jim vit l’intérêt briller dans ses yeux qui étaient jusqu’ici restés quelque peu éteints. L’exogamie entre espèces et l’héritage biologique mixte faisaient partie d’un de ses sujets de prédilection. [6]
– Vraiment ? J’aimerais beaucoup le rencontrer. D’après ce que vous m’en avez dit, c’est le côté vulcain qu’il semble avoir choisi.
Kirk acquiesça et ne put retenir un sourire. Spock ne mentionnait jamais ses origines humaines. Si le capitaine les avait apprises, ç’avait été totalement par hasard.
– Bon. Dans ce cas, je ne pense pas qu’il vous en veuille. Et je pense que vous avez raison de vouloir passer outre les remarques stupides de Gary. Vous êtes la personne la mieux placée pour intégrer votre premier officier au sein de votre équipage. Montrez à tout le monde que vous passez du temps ensemble, que vous formez une équipe soudée, et les autres officiers vous suivront. Pour l’instant, ils sont sur la réserve, peut-être même sur la défensive, en raison de ce que leur a dit Mitchell, mais s’ils voient que vous-même vous rapprochez de Spock, ils comprendront que tout cela n’était que rumeurs et préjugés.
– Bien sûr, votre idée est excellente, mais…
Jim s’interrompit. Comment réussir à briser la glace avec Spock ? Ce dernier semblait ne jamais rien faire en dehors de leur travail sur le vaisseau. Il ne demandait jamais de permission (et, apparemment, si l’on en croyait son dossier, n’en avait jamais demandé), ne se rendait jamais en salle de détente (en même temps, si personne ne lui adressait la parole, pourquoi chercherait-il à se mêler aux autres ?) et semblait ne vivre que par et pour Starfleet. Le jeune capitaine avait beau tourner et retourner le problème dans tous les sens, il ne voyait pas comment aborder son intimidant premier officier pour lui proposer une partie d’échecs ou évoquer avec lui ses dernières lectures de fictions que son interlocuteur jugerait sans aucun doute « illogiques ».
– Mais quoi ? s’écria McCoy.
– Mais je ne sais pas comment m’y prendre, voilà tout. Gary n’a peut-être pas tort lorsqu’il dit que les Vulcains n’ont pas de loisirs et qu’ils sont solitaires.
Le médecin leva les yeux au ciel pour la deuxième ou troisième fois depuis le début de leur conversation.
– D’abord, vous venez de me le dire, ce type est à moitié humain. Ensuite, évidemment qu’il est solitaire si personne ne lui parle ! Vous me dites que ses équipes scientifiques et quelques autres officiers ont discuté avec lui et ont trouvé sa compagnie très intéressante. C’est dont qu’il n’est pas totalement réticent à la communication et au partage. Jim, vous savez très bien faire ça, vous êtes même plutôt doué, je ne comprends pas vos hésitations.
– Je sais très bien faire quoi ? Je suis plutôt doué pour quoi ? demanda Kirk, interdit.
Un sourire légèrement moqueur apparut sur les lèvres de son interlocuteur.
– Vous savez très bien flirter, draguer, séduire, appelez ça comme vous voulez !
– Mais je ne vais pas séduire mon premier officier !
Le ton de protestation horrifiée que Jim avait spontanément employé devait avoir été involontairement comique, car Bones éclata de rire. Le capitaine lui-même ne put retenir un sourire en repensant à cette idée incongrue.
– Oh, vous devriez voir votre tête. Je ne vous suggère rien de tel, mais simplement d’utiliser avec lui les techniques que vous maîtrisez par cœur et qui ont fonctionné avec vos nombreuses conquêtes.
– Nombreuses, vous exagérez un peu, marmonna Kirk, à moitié flatté et à moitié vexé. Et puis ce n’est pas pareil ! Spock est un homme, et un Vulcain qui plus est.
– Et alors ? Qu’est-ce que ça change ? Le but est différent puisque j’imagine que vous ne rêvez pas d’avoir une relation intime avec votre premier officier, mais la méthode reste la même. Trouvez ses centres d’intérêts, parlez avec lui, proposez-lui quelque chose qu’il apprécie, vous verrez, le reste se fera tout seul. Vous n’avez pas agi autrement avec Gary, avec moi ou avec vos autres amis, qu’ils soient hommes ou femmes.
Kirk s’octroya quelques instants de réflexion. Il devait y avoir une part de vérité dans ce que lui disait son ami. Jim devait reconnaître qu’il aimait… charmer son entourage. Hommes ou femmes. Ou aliens. [7] Toutefois, il entrevoyait de sérieuses lacunes dans le plan – au demeurant stratégiquement intéressant – que lui proposait le médecin.
– Mais comment s’y prend-on pour trouver les centres d’intérêt d’un Vulcain ?
Bones balaya l’objection d’un revers de la main.
– Si on reste dans les clichés, ce qui passionne les Vulcains, c’est la recherche de la connaissance. Votre premier officier n’a pas l’air de faire exception à la règle, si j’en crois la description que vous m’en avez faite. D’accord, la science n’est pas votre fort, mais vous vous y connaissez très bien en littérature, en art, en histoire, en archéologie, en anthropologie – autant de sujets susceptibles d’intéresser votre Monsieur Spock. Vous n’avez qu’à placer un livre ou un article en évidence sur votre bureau et à le mentionner lors d’une de vos réunions quotidiennes, et vous verrez bien si le poisson mord à l’appât.
– Nous nous voyons uniquement dans une salle de réunion, expliqua Kirk. Spock n’est jamais venu dans mes quartiers, ni moi dans les siens.
Bones ouvrit des yeux ronds, puis émit un petit rire.
– J’ai vraiment l’impression d’être un adolescent en train d’expliquer à son ami comment on s’y prend pour aborder une fille. Jim, la première chose à faire, c’est de l’amener à entrer dans vos quartiers. Racontez n’importe quoi, que le chauffage ne fonctionne pas en salle de réunion, que vous avez besoin d’un café, que vous avez oublié votre PADD dans votre cabine ! Je n’arrive pas à croire que je suis en train de vous donner des conseils dans un domaine où vous vous débrouillez bien mieux que moi, conclut-il avec une amertume clairement perceptible.
– Bones… commença Jim.
– Non, laissez, je ne suis qu’un vieil imbécile, et c’est de vous dont il est question. Je suis certain que vous vous débrouillerez très bien. Tenez-moi au courant de vos progrès, ça m’intéresse sincèrement. Vous m’écrirez sur le Constellation ?
– Bien sûr, répondit Kirk avec chaleur. J’espère que nous serons amenés à nous revoir très bientôt et, qui sait, à travailler ensemble ? Après tout, le personnel tourne souvent sur les vaisseaux.
– Les enseignes, peut-être, mais plus rarement les médecins, soupira McCoy. Enfin, on n’y peut rien, c’est comme ça. Quoi qu’il en soit, j’attendrai vos messages avec impatience. Je suis curieux de savoir comment vous allez vous y prendre avec votre M. Spock. Qui sait, vous allez peut-être devenir les meilleurs amis du monde ?
Jim esquissa une petite moue d’incrédulité.
– Peut-être, répondit-il sans conviction. [8]
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[1] Je termine cette fic avec une dernière citation de Shakespeare (Hamlet) : « Quand tu as adopté et éprouvé un ami, accroche-le à ton âme avec un crampon d’acier ; mais ne durcis pas ta main au contact du premier camarade frais éclos que tu dénicheras. » (quant à savoir s’il s’agit de Bones ou de Spock… à vous de juger !)
[2] Matt Decker est le capitaine du vaisseau Constellation dont il est largement question dans « The Doomsday Machine ». Lorsque Kirk se téléporte à bord du vaisseau et trouve le capitaine, il l’appelle par son prénom et on peut en déduire qu’ils se connaissent déjà.
[3] L’Intrépide est bien un vaisseau uniquement conduit par des Vulcains. Il en est fait mention dans « The immunity syndrome », lorsque ledit vaisseau est détruit par l’amibe géante qui menace aussi l’Enterprise. Je trouve révélateur le fait que Spock serve avec des humains et non sur un vaisseau composé uniquement de Vulcains (mais j’y reviendrai probablement dans une fic ultérieure).
[4] Le fait que Decker ait travaillé avec McCoy, en revanche, ne repose sur aucun fait canon. Dans « The Doomsday Machine », Bones l’appelle « capitaine » et à aucun moment il n’est dit qu’ils ont servi sur le même vaisseau, mais je trouvais ça assez crédible. Crédible aussi le fait que McCoy puisse recevoir des félicitations officielles pour avoir sauvé des vies en même temps qu’un blâme pour insubordination (imaginons que l’ingénieur qu’il a insulté et menacé ait été responsable de l’accident des hommes qu’il a sauvé, par exemple…).
[5] Comme je l’indiquais dans un précédent chapitre, on ne sait pas grand-chose du mariage de McCoy, alors j’ai inventé. Ce qu’on sait par contre, dans TOS, c’est que Bones a eu une relation avec une femme nommée Nancy (cf. « The Man Trap »), qui a par la suite épousé le professeur Crater. J’ai imaginé que cette relation avait eu lieu pendant une « pause » qu’il aurait faite avec sa femme avant de se remettre avec elle. Encore une fois, rien de tout cela n’est canon.
[6] On ne sait pas grand-chose des domaines de recherche de McCoy, mais j’aimais bien l’idée qu’il ait étudié la question avant de rencontrer Spock…
[7] Ce trait me semble constitutif du caractère de Kirk. On note toujours la manière dont il séduit les femmes (pour peu de temps, généralement, parce que sa vraie conquête, c’est l’Enterprise !), mais j’ai l’impression qu’il charme tout autant les hommes. Tout le monde adore Kirk, où qu’il aille (à quelques notables exceptions près qui viennent confirmer ou infirmer la règle). C’est un excellent capitaine parce qu’il est un leader-né. Il sait commander tout en restant profondément humain. Je ne trouve donc pas ridicule de dire qu’il a « séduit » son équipage, hommes, femmes… et aliens. (Je crois que je n’ai jamais dit autant de bien de Kirk. Mon revisionnage de la série m’a apporté un nouvel éclairage sur lui.)
[8] Bon, bien sûr, nous, on connaît la suite… mais je pense qu’à ce moment, Jim est sincèrement convaincu qu’il n’a aucune chance de se rapprocher de Spock. Evidemment, c’est un immense défi, et James T. Kirk a toujours aimé les défis…