Mon juif

Kyle a passé tout le dimanche concentré dans ses devoirs. Enfin, concentré est un bien grand mot. Il n'a pas arrêté de penser au baiser avec Stan et n'arrive même plus à s'avancer dans son devoir de maths.

- Bon, c'était juste un baiser entre meilleurs potes et c'est tout ! C'est un jeu à la con !

Il fait rouler sa chaise jusqu'à sa fenêtre en soupirant. Alors qu'il se redresse pour aller inspirer un peu d'air frais, il aperçoit Stan passer tranquillement devant sa maison. Il se surprend à se cacher de son ami.

* Mais qu'est-ce qui tourne pas rond chez moi ?! *

Quand il remonte la tête, le brun a déjà disparu.

- Faut que j'en parle à quelqu'un. Kenny peut-être... ? Non, ça craint trop. J'imagine même pas ce qu'il penserait. Être aussi perturbé d'avoir embrassé son meilleur ami pour un jeu, il serait capable de me dire que... que je suis...

- Kyle ? Bobelei ?

- Euh, oui maman ?

- Il y a ton ami Kenny qui est là.

*Oh non ! il va savoir tout de suite que quelque chose ne va pas...*

- Salut vieux !

Le blond entre et s'allonge sur le lit de son ami.

- Alors, ça roule ? Tu répondais pas à mes messages ! On voulait aller faire un basket avec les autres et pis après moi j'ai eu la flemme.

- Ah, euh... d'accord.

Kenny lève un sourcil en direction de son ami.

- Qu'est-ce qui va pas ?

- R-rien. Rien vraiment j'tassure.

- Kyle, sérieux. Commence pas à me mentir. Et puis tu mens très mal.

- Je... j'peux pas trop en parler. Enfin j'veux pas.

- Et pourquoi ?

Kyle baisse les yeux, stressé. Et si Kenny se moquait de lui ? Il sait que ce n'est pas le genre de Kenny d'être blessant avec lui sur un sujet sérieux mais il a peur de lui parler de ça. Et en même temps, il est tellement perdu...

- Je... j'avais jamais... embrassé de mec avant tu vois...

- Ah oui c'est vrai ! Le bisou, haha !

- Rigole pas...

Le sourire du blondinet s'estompe et il penche la tête, intrigué par le sérieux de son ami.

- Et ça fait quoi ? C'est bon, c'est pas la mort. C'était pour le jeu. Tout le monde aura oublié demain, t'inquiète.

- C'est pas ça... tu comprends pas...

- C'est quoi alors ?

- ... Je... promet-moi de pas te moquer ou... j'sais pas...

Cette fois, Kenny ouvre de grands yeux stupéfaits et vient se planter devant son ami toujours assis. Il lui donne une tape sur le front.

- Eh, est-ce que je t'ai jugé une seule fois quand ça n'allait pas ?

- Non, c'est vrai, excuse-moi... j'ai juste...

Kenny s'installe en tailleur devant son ami.

- Les autres j'm'en fou. Par contre... Stan, ce baiser, j'm'en fou pas et ça m'inquiète...

- Comment ça, tu t'en fou pas ?

Kyle s'assoit par terre face à son ami avec un regard inquiet.

- Kenny, j'me sens vraiment bizarre, j'me sens pas normal depuis ce moment-là et... ça ressemble en rien à ce que j'avais ressenti jusque-là pour Stan...

- Tu veux dire votre l'amitié ?

- Oui... je me reconnais plus. Je reconnais plus les émotions que j'éprouve et je... j'me suis même caché quand il est passé devant chez moi ! Tu t'rends compte ?! Est-ce que tu te rends compte !

- ... Oui, je vois.

- Ah bon, tu vois ? Et tu vois quoi ?? Parce que moi je vois rien !

Le jeune juif prend sa tête dans ses mains. A fleur de peau, c'est presque si les larmes lui montent aux yeux. Kenny pose sa main sur son épaule pour le réconforter.

- Tu te mets vraiment trop de pression. C'est p'tètre juste passager, ça passera sûrement demain ou dans quelques jours j'sais pas. J'pense que ça t'a perturbé car t'es juste sensible. Ça reste un « premier » baiser avec un mec. P'tètre que toi ça t'affecte plus que d'autres et c'est tout...

- Tu... tu crois ? dit kyle en relevant la tête, les yeux brillants.

- C'est possible.

- J'ai peur d'être...

- D'être amoureux de Stan... ?

- Ah ! Non ! Rien que t'entendre dire ça...

Kenny baisse les yeux face à la réaction forte de son ami. Les garçons restent silencieux quelques instants puis Kyle raccompagne Kenny à la porte.

- M-merci, vieux...

- Et arrête de te monter la tête. Tu t'en fais sûrement pour rien.

Kyle adresse un sourire à son ami, en se persuadant de ses derniers mots.

* Finalement, heureusement qu'il est venu... heureusement que j'lui ai parlé... J'm'en fais sûrement pour rien, c'est sûrement ça oui... *

Kenny sort son téléphone pour lire son dernier message reçu.

Stan : Salut vieux tu peux passer chez moi ?

À la suite de son message, Kenny arrive peu de temps après devant la maison de Stan qui l'attend dehors.

- Yo mec, ça va ?

- Ouais. Enfin oui et euh... non.

Kenny marche aux côtés de son pote. Décidément c'est la journée psy se dit Kenny avec un petit sourire.

- En fait, j'sais pas trop comment expliquer mais... Tu vois avec Wendy...

- Ah, encore Wendy, dit Kenny, blasé.

- Bah elle me prend toujours trop la tête pour rien et... ça commence à me changer j'crois. Ou alors c'est moi tout court...

- Te changer ?

- Ouais... tu vois, après ce jeu de merde là, j'ai pas arrêter de réfléchir, j'sais même pas à quoi. J'me sens bizarre.

- C'est à dire ?

- Je... t'marre pas mais... depuis que j'ai embrassé Kyle...

- *Oh oh...* ... Tu penses à lui ?

- Hein ?! Euh mais non pas du tout !

Stan tourne la tête et regarde ailleurs. Kenny comprend déjà que Stan se sert de Wendy comme excuse pour expliquer son mal-être.

Le brun, fait une moue contrariée en tapant du pied contre un arbre. Kenny pense à quelque chose qui pourrait tenter de pousser son ami à se confier.

- Tu sais, moi j'aurais été sûrement perturbé si j'avais dû embrasser un mec.

Stan se retourne vers Kenny, surpris. Il le fixe pendant quelques secondes. Même si c'est faux, Kenny sait que s'il ne ruse pas, Stan restera braqué.

- Bah à vrai dire... ouais, j'crois que ça me fait tout drôle. Enfin, c'est vrai quoi, j'ai jamais ressenti quoique ce soit de bizarre envers Kyle et là c'est plus...

- Plus comme avant ?

- ... Ouais, c'est un peu ça. Tu vois, tout à l'heure j'voulais aller le voir, genre normal tu vois, et arrivé devant chez lui j'ai pas pu. J'suis reparti. J'sais pas c'qui m'a pris, je...

Le blond fronce les sourcils, lui-même ne sachant plus quoi penser de cette histoire. Et si les deux étaient simplement devenus plus que des amis au fond d'eux ? Kenny a du mal à y croire. Mais après tout, Craig et Tweek ont découvert qu'ils partageaient quelque chose de différent, juste après cette histoire de dessins yaoi... Ça aussi, c'était une histoire à la con et finalement, même s'ils ne sont pas ensemble aujourd'hui, ça ouvre des possibilités pour ces deux-là aussi. Mais jamais Stan ne dirait qu'il pourrait être...

- Tu crois que j'suis gay ?

- Euh...

- J'veux dire, ça ferait de moi un gay juste pour ça ? J'aime Wendy depuis des années et j'ai jamais été attiré par un mec...

- Disons que... *jamais j'aurai cru que c'est lui qui l'aurait dit comme ça. * tu pourrais l'envisager oui. Même si c'est pas forcément ça...

- ... Putain... c'est pas possible.

Stan s'arrête, comme en pleine prise de conscience, choqué. Il se renfrogne d'un coup en tapant dans le tronc.

- J'savais que c'était un jeu d'merde ! T'facon, j'ai toujours aimé que des gonzesses et j'ai jamais ressenti d'amour pour Kyle. J'vois pas pourquoi un baiser changerait quoique ce soit.

- ...

- Y'a des tas d'mecs qui se sont embrassés à ce jeu débile avant nous sans qu'ils tombent amoureux d'un coup-là !

- Certes...

- Non ?!

- Oui, Stan. Mais, faut pas que tu refuses la vérité si jamais ça devient une évidence un jour. Et puis t'es pas forcément gay puisque t'as aimé une nana tu peux aussi bien être bi...

- ... Non, non. Y'a pas à chercher plus loin, j'suis hétéro point. J'aime Wendy. Kyle est mon meilleur pote et c'est tout.

- Ok, Stan. Mais pourquoi tu m'as appelé alors ?

Le brun baisse les yeux, confus. Kenny sait très bien qu'il va lui falloir un peu de temps pour réfléchir et digérer tout ça. Il n'insiste pas davantage.

- Aller, vieux. Rentre et arrête de te torturer la cervelle.

- O-ouais, dit-il à voix basse.

Sur le chemin du retour, Kenny se pose mille questions.

* Si seulement je m'attendais à ça. Encore Kyle, ça pouvait passer, il se prend toujours trop la tête et il est le plus sensible de nous 4. Mais maintenant Stan... je sens que c'est plus si simple que ça cette histoire... *