Usual suspect
Chapitre 1
Well, you don't know what we can find
Why don't you come with me, little girl
On a magic carpet ride
Avec de rapides mouvements réguliers les essuies glaces de la brave Cadillac écopaient péniblement la lourde pluie d'orage du pare-brise. Penché au-dessus de son volant, Winston ne voyait rien de la sinueuse route de campagne qui défilée sous le véhicule. Les phares découpaient difficilement la nuit et l'averse formait une paroi sur laquelle semblait se réfléchir les faisceaux lumineux de la ecto-1. Ce qui énervait également le conducteur, déjà bien préoccupé, c'était la nonchalance de ses compagnons. À sa droite, Egon avait entrepris de démonter son PkE à l'aide de l'un des tournevis qu'il gardait en permanence dans sa combinaison. Son détecteur de fantômes était en pièces, éparpillés sur le tableau de bord. Au travers ses lunettes rondes, le scientifique vérifiait, satisfait, le pivot des ailettes. À l'arrière de la confortable Cadillac, à la faible lueur du plafonnier, Ray et Peter feuilletaient chacun leur lecture respective : Sceaux et Symboles Occultes pour Raymond, Spider-Man pour Pete. Le quatuor avait revêtu ses combinaisons beiges, chargeait les packs à proton et pris la route depuis plusieurs heures. Il faisait nuit noire désormais et un temps exécrable. D'ennuis, Venkman balança son comic à l'arrière de la voiture, au milieu du matériel, puis poussa un long râle pour bien signifier son ressenti à ses camarades, qu'il résuma ensuite en question :
-Mais qu'est-ce qu'on fout sur cette route ?
Cinglant, Winston lâcha :
-C'était TON idée, Pete.
Venkman souffla.
Plus tôt dans la matinée, il s'était plaint de voir le planning des interventions se réduire à peau de chagrin. Les esprits frappeurs semblaient se tenir à carreaux, et l'activité paranormale était en baisse autour de Manhattan. À peine avait-il déclaré qu'il accepterait n'importe quel job qu'un événement inattendu s'était produit : une chouette grise s'était engouffré dans le hall de la caserne. Il survola les chasseurs de spectre désœuvrés, passa au dessus de l'ancienne ambulance puis l'oiseau lâcha un épais courrier sur le bureau de Janine avant de disparaitre dans l'air chaud du mois de juillet, au-dessus des rues New-yorkaises. Lâchant outils, magazines et boissons fraîches, les Ghostbusters se réunirent autour de la secrétaire qui tirait déjà un parchemin de l'enveloppe.
Derrière ses fines lunettes, la rouquine exubérante commenta de sa voix nasillarde :
-Hé bien, ça en fait des simagrées !
Le courrier, estampillé d'un étrange blason, avait des allures de missive officielle. Il leur était demandé de se rendre le soir même sur une route perdue au cœur de North Salem, a un heure précise, plus tard dans la soirée. La promesse d'un boulot, et de la paie qui allait avec, avait poussé Venkman à motiver ses collègues. Après tout, ils avaient par le passé déjà reçu nombres de demandes étranges pour autant de clients fantasques. Malheureusement, la route fut longue, et le beau ciel d'été avait laissé place à l'obscurité, à l'orage et à l'ennui.
La foudre tomba au loin, éclairant les champs d'une lueure fugace. Derrière Winston, Raymond s'écria :
-Voilà ! Je savais bien qu'en décomposant, j'arriverais à quelque chose.
Puis, il se tut.
Peter fila une pichenette à l'oreille du large brun :
-Tu veux bien expliquer à tes petits camarades ?
Les yeux vairons de son ami dégageaient une certaine excitation. Tout sourire, il se frotta l'oreille et s'exécuta :
-Le blason sur le courrier m'obsède depuis ce matin, rappela-t-il à ses amis.
Il précisa, l'index levé :
-Il s'agit en réalité d'un assemblage de blason.
Le silence de Zeddemore et de Egon, ainsi que l'incompréhension dans l'œil de Venkman l'incita à développer :
-Le serpent sur fond vert et argent est le symbole des adeptes de Salazar Serpentard. C'était un puissant sorcier du dixième siècle. Il était capable de parler au serpent et de maîtriser de puissants sortilèges.
Venkman perdait patience :
-Oui, moi aussi, je parle à mon serpent… Où tu veux en venir ?
Sans se départir de sa bonne humeur, Raymond reprit :
-Ce blason représente l'association de différents adeptes de la sorcellerie. Imagine les fantômes qu'ils doivent avoir dans leur placard !
Venkman laissa bien le temps à son ami de lire l'incrédulité sur son visage avant de hurler à l'intention de Winston:
-'N'est bientôt arrivé ?!
Winston grinça des dents. Egon, qui venait de remonter son PkE, scanda un "ha ha!" victorieux. Ray posa une main amicale sur l'épaule du septique :
-Tu ne te rends pas compte Venkman, c'est toujours intéressant de côtoyer des adeptes des sciences occultes !
Comme pour se résigner, Pete lâcha avec ironie :
-Super, on va rendre visite à Siegfried & Roy dans leur maison de campagne !
-Siegfried & Roy dressent des tigres, pas des hiboux, corrigea Egon de sa voix monocorde en rangeant son tournevis de sa poche de torse.
A l'extérieur, bravant les éléments, une étrange forme sombre contourna un énorme chêne : deux chouettes transportaient un lourd tapis roulé et détrempé. Le poids se faisait douloureux en dépit de leurs serres puissantes. Même les animaux magiques ont leur limite. Lorsqu'ils furent arrivés au-dessus de la route, ils lâchèrent prise.
La pesante décoration d'intérieur tomba sur le bitume et se déroula sous le choc.
A l'intérieur du véhicule, les discussions continuaient bon train, ponctuées par le cliquetis incessamment de l'averse sur la carrosserie. Winston Zeddemore eut à peine le temps d'apercevoir la forme noir sur le bitume.
-Mais qu'est-ce que...?
À peine le tapis s'était retrouvé sous la voiture que le véhicule sembla faire une embardée, l'arrière se leva et la ecto-1 entama une série de tonneaux. Étrangement, aucun bruit d'impact ne se fit entendre ou ressentir. En contrepartie, tout ce qui n'était pas attaché ou solidement arrimé traversa le véhicule avec violence. Outillages et bouquins frôlèrent les passagers qui étaient eux, fort heureusement, bien attaché.
La ecto-1 cessa rapidement son rodéo lorsque Winston, debout sur le frein, stoppa le véhicule qui glissa sur plusieurs mètres, désormais sur un chemin pavé.
Venkman ouvrit sa portière, se laissa tomber sur les pierres puis se releva rapidement pour courir vers un buisson tout proche où il laissa s'exprimer son haut-le-cœur. Penché, les mains sur les genoux, il constata :
-Bah voilà, j'ai gerbé...
Egon également était sorti du véhicule, scrutant les lieux de son détecteur. Les relevés du PKE ne semblaient rien indiquer d'inquiétant. Venkman, chancelant, rejoignit Spengler qui commenta :
-C'est étrange.
Pete se redressa :
-Il ne pleut plus.
Ajustant ses lunettes rondes, son camarade ajouta :
-Il fait jour.
Le brun à la chevelure en bataille leva son nez rond vers le ciel. Il prit une longue inspiration et enfonça les mains dans les poches de sa combinaison beige, puis ajouta, ravi:
-Et il fait bon.
La route traversait une épaisse forêt généreuse de laquelle émanait un calme apparent et de doux chants d'oiseaux.
Après avoir vérifié que ni l'un ni l'autre n'était blessé, Zeddemore et Stantz ouvraient le hayon pour vérifiéer le matériel à l'arrière de la Cadillac. Tout était intact.
Winston fit ensuite le tour de la Cadillac pour constater stupéfé que la carrosserie était intacte.
Raymond rejoignit ses deux autres collègues, plus en amont. Venkman semblait flâner tandis que Spengler scannait un épais tapis Persan étendu dans la poussière de la route.
-C'est ce machin qui nous a fait déraper ? S'enquit le solide Ghostbusters.
Le nez sur son PKE, Egon émit un petit son contrarié.
-Peut-être...
Il éteignit l'appareil qui cessa de ronronner et abaissa ses ailettes. Il le glissa à sa ceinture puis scruta le ciel.
-... Déplacement temporel ? Supposa Raymond.
-Spatial. Rectifia Spengler.
Ray s'agenouilla et posa une main fébrile sur les motifs de la carpette.
-Ce serait un genre de tapis volant ?
L'hypothèse ne sembla pas décontenancer le grand binoclard qui corrigea, malgré tout, son ami:
-Non. Il y avait deux tapis. Celui-ci n'a pas subi les intempéries. Il est sec.
Venkman revint vers ses deux camarades d'un pas lent. Il pointa du pouce un endroit loin derrière lui:
-Il y a un charmant petit village un peu plus loin par là.
Stantz avait descendu le haut de sa combinaison et noué les manches autour de sa taille, révélant un t-shirt noir au logo de l'entreprise. Il était désormais à genou sur les pavés à rouler le tapis.
-Vous faites les encombrants maintenant ? S'étonna Venkman qui mâchait un chewing-gum à la menthe.
Éteignant une nouvelle fois son détecteur après une dernière analyse infructueuse, Egon expliqua :
-Ce tapis est très certainement chargé d'une énergie autre que psychokinétique. Je dois l'étudier.
Pete haussa les épaules.
Arrivant au pas de course, Zeddemore interpella ses amis :
-Les mecs venait voir ça ! Vous allez avoir du mal à y croire.
Le toit du véhicule était garni de toutes sortes d'équipements, de réservoirs, de systèmes de détections et autres antennes radios. Raymond chargea donc le tapis à l'arrière de l'ancienne ambulance blanche et rouge, au milieu des packs à proton. Chacun repris place dans la ecto-1, puis Winston redémarra.
Il ne fallut pas longtemps pour que la forêt se fasse moins dense, dévoilant aux visiteurs un spectacle impressionnant.
Un majestueux château de pierres grises se découpaient dans le décor, élançant ses courbes gothiques et ses nombreuses tours rondes sous le soleil d'été. L'astre reflétait ses rayons sur les nombreux vitraux comme autant de petits arcs-en-ciel baroques, contrastant avec le noir profond des tuiles couvrant le noble édifice.
-Qu'est-ce que je vous avez dit ? S'extasia Winston.
Le domaine était délimité par un interminable mur de pierre uniquement ouvert sur la route par un large portail encadré de deux statues représentant des sangliers ailés.
La Cadillac blanche s'engagea entre les deux pachydermes de pierres.