Who you gonna call?

Chapitre 7

2439 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 18/02/2023 18:57

« - Il manque encore 13 700 dollars.

-Je sais, Mme McNulty, mais c’est tout ce que j’ai pu épargner ce mois-ci. Il fait vraiment froid en ce moment et je dois mettre du carburant…

-Je m’en fiche, coupa Doris McNulty, tu as déjà de la chance que je n’appelle pas la police pour les dettes que ton grand-père et toi avaient laissées. Morris et moi, on a déjà été bien trop gentils avec toi en te bradant la Ford de l’oncle Buck. Tu as intérêt à me ramener une somme un peu plus satisfaisante la prochaine fois, Alba.

- Ecoutez, j’ai encore de l’argent en attente. J’ai mis un livre de Gramps au clou, je dois y aller maintenant et je vous jure, Mme McNulty, que je vous rapporte l’argent dès que je l’ai.

- J’ai du mal à te croire. Je ne te fais pas confiance. Maintenant, va-t’en, tu me fais perdre mon temps. »

La tête basse, Alba sortit de l’immeuble. Il ne lui restait plus que 20 dollars et 4 cents en poche.

« -Comment ça s’est passé ? »

Morris McNulty l’attendait à côté de la Ford décrépite.

« -Comme d’habitude, répondit Alba les yeux mouillés.

-J’ai essayé de lui parler, tu sais, avoua Morris en posant sa main sur le bras de la jeune femme, je vous ai toujours bien aimé, ton vieux et toi. Mais Doris… Elle n’écoute jamais.»

Il haussa les épaules et ouvrit la portière côté conducteur à la jeune femme. Elle s’assit au volant et se massa le front, les yeux plissés. Elle poussa une petite exclamation de douleur. Elle avait un mal de tête fulgurant. La réverbération de la neige lui brûla les yeux.

« - Tu vas bien ? S’inquiéta McNulty, attention, tu saignes du nez. »

Les deux mains sur le volant, elle redressa la tête et vit de grosses gouttes de sang écarlates s’écraser sur le milieu du volant, où l’ancien propriétaire, un oncle de Doris McNulty, avait fait graver : « Bull Raider ».

La Ford jaune se mit à vibrer et les portières se fermèrent de l’intérieur d’un coup avec le claquement sec de la sécurité. Alba essaya d’ouvrir, sans succès, tandis que McNulty tirait de toutes ses forces sur la poignée. Impossible aussi d’ouvrir les fenêtres. Les vibrations s’amplifièrent jusqu’à faire sautiller la Ford sur place. Les caisses entassées dans le caisson de fortune installé sur la plateforme arrière s’entrechoquèrent. Le pot d’échappement pétarda fabuleusement et surprit tant Morris McNulty qu’il tomba assis sur le trottoir. Le pare-choc avant et la calandre se tordirent, donnant une expression sauvage et malveillante à la vieille guimbarde. Les phares devinrent rouges. A la grande horreur de Morris, le haut de la calandre se mua en deux cornes de métal. Depuis le poste de conduite, Alba voyait plier et palpiter le capot. Elle tenta de sortir par la portière passagère mais celle-ci résista. La jeune femme cogna avec ses poings contre la vitre qui ne céda pas.


« -YEEEEE-AH !!! »

Un cri aigu explosa dans l’habitacle et Alba se trouva ceinturée de force avec la ceinture du côté passager. Elle avait beau tirer, se tortiller. Une main en décomposition s’abattit sur le levier de vitesse et enclencha une vitesse. Le moteur beugla. Alba hurla, ainsi que Morris McNulty. Des passants s’amassaient dans la rue, interloqués par le spectacle de la Ford bruyante et monstrueuse.

Les yeux d’Alba remontèrent de la main desséchée et pourrie au bout d’un bras décharné. Des lambeaux de chemise western délavée rongée par la décrépitude flottaient. Le tout appartenait à ce qui avait dû être un homme autrefois, désormais une corporation fantasmagorique d’un vieux cow-boy zombifié. Ceinturon voyant et bolo-tie en argent oxydé, chapeau Stetson festonné de sang séché d’où s’échappaient quelques mèches de cheveux fins comme de l’étoupe complétaient la panoplie du vacher d’outre-tombe. Alba fut révulsée à la vue du visage de momie : au-dessus d’un sourire d’ivoire jaunie sans lèvre était suspendu un serpent à sonnette, les crochets plantés sous l’œil du fantôme. Une lueur folle s’alluma dans les pupilles du cow-boy qui avait pris place au volant.

« -C’est parti pour le grand rodéoooooo !!!! » hurla l’apparition en faisant rugir le moteur tandis que le serpent à sonnette se mit à frétiller, l’extrémité de sa queue vrombissante.

Les roues tournèrent dans le vide jusqu’à brûler la gomme et le véhicule bondit sur la route, lancé à toutes vitesses. Les passants s’écartèrent en criant et Doris McNulty retrouva son mari, stupéfait, sur le trottoir.

« -C’est quoi, ce cirque ? S’énerva la femme, c’était quoi, tout ce boucan ? »

Un homme aidait Morris, visiblement secoué, à se relever. Il était pâle comme un linge :

« -Tu te souviens que ton oncle Buck avait dit au shérif qu’il faudrait lui arracher le volant de ses doigts froids et morts le jour où il a voulu lui retirer le permis ?... Je crois que ce jour est arrivé. »



«- Peter ? On a besoin de toi. Les flics ont appelé : il y a un pick-up possédé qui traverse le Queens à toutes berzingues, ils n’ont jamais vu ça ! Ils essaient de sécuriser la circulation, ils n’arrivent pas à stopper ce truc ! Le pick-up fait des bonds incroyables, il paraît ! On doit d’abord récupérer Winston… Et toi, tu nous retrouves où ? Ok, pas de problème ! »

Ray raccrocha. Il était particulièrement impatient de voir le phénomène. Egon et lui enfilèrent leurs uniformes, vérifièrent que tous les packs à proton étaient à l’arrière de l’Ecto1, montèrent à bord de la Cadillac et se mirent en route, toutes sirènes hurlantes.




Quelques minutes plus tard, branchés sur la radio de la police, les casseurs de fantômes avaient pris le pick-up cauchemardesque en chasse. La neige et le verglas par endroit rendaient la course-poursuite périlleuse. Le pick-up faisait de dangereuses embardées et l’arrière de la Cadillac chassait de train, envoyant de la neige fondue à sa suite. Plusieurs fois, le pick-up monta sur le trottoir, pulvérisant un abribus, un stand de hot-dogs et une quantité de poubelles, sauta sur les obstacles comme un chat sur sa proie.

Les talents de pilote de Winston Zeddemore étaient plus qu’indispensables. Sa maîtrise de la conduite sur neige rassurait ses équipiers. La Cadillac talonnait la Ford.

Assis sur le siège passager avant, Egon Spengler consultait son détecteur PKE aux bips de plus en plus prononcés :

« -ça ne va pas être du gâteau, déclara-t-il, il est costaud, celui-ci. »

Winston essayait de serrer le pick-up par la gauche.

« Merde, les gars ! S’exclama Zeddemore, incrédule. Je crois qu’il y a quelqu’un de vivant dans cette caisse !

Il écrasa l’accélérateur, son poste de conduite à hauteur du côté passager avant.

-     Il y a une femme coincée la voiture ! constata également Peter en apercevant une silhouette féminine s’agitant dans l’habitacle, vous avez une idée de comment on la fait sortir de là… sans la tuer ?

-     Il faut qu’on se dépêche, urgea Winston, on ne pourra pas s’engager sur le pont Kennedy dans ces conditions… »

Il lui fallu zigzaguer pour éviter des véhicules que la police n’avait pu arrêter. En se rabattant une nouvelle fois, l’aile côté conducteur de la Cadillac cogna la portière passagère du pick-up. La portière s’ouvrit et fut arrachée par un camion venant en sens inverse, obligeant Winston à s’écarter le plus possible.

« -J’aurais une fenêtre de tir par l’arrière de l’Ecto, annonça Peter avant de se tourner vers Ray :

-Mon gars, t’es sur le poste d’artilleur, la fille, c’est ton affaire.

-Hein quoi ?


Peter lui rabattit ses googles sur le nez et écrasa un bouton rouge sur la portière arrière. La portière s’ouvrit avec un bruit pneumatique et Stantz se trouva entre le pick-up et la Cadillac. L’air glacé lui frappa le visage et les bruits de la circulation le rendaient quasiment sourd. La première salve de Peter fit brûler le toit du caisson et fit sauter la fenêtre arrière.

Dans la Ford, Alba sentit la chaleur et l’odeur de brûlé puis des éclats de verre dégringolant derrière sa tête, sur un coin de son visage et dans son cou. Le fantôme de cow-boy tournait le volant comme s’il avait une auto-tamponneuse entre les mains en hurlant l’hallali. En écartant les morceaux de verre, Alba se coupa avec un morceau particulièrement effilé. La peur qui l’avait tétanisée jusqu’ici laissa place à la force du désespoir et se saisissant du morceau de verre, elle entama le tissu frénétiquement au niveau de l’attache. La Ford bringuebalait et la jeune femme comprit qu’un cahot pouvait l’éjecter hors de l’habitacle. Le tissu de la ceinture céda finalement, à l’instant même où une main recouverte d’un épais gant de cuir noir s’accrocha à l’une des charnières de la porte. Sans réfléchir une seule seconde, la jeune femme chercha à s’agripper à cette main. Elle finit par reconnaître le véhicule blanc efflanqué de son logo d’un fantôme blanc barré de rouge. La Cadillac accéléra un bon coup, cahota sur une petite plaque de verglas, reprit de la hauteur.

Ray était maintenant au niveau de la jeune femme. Il la saisit fermement par les bras et la hissa vivement avec lui sur le poste d’artilleur. Egon fit réintégrer le fauteuil d’artillerie à l’intérieur de l’Ectomobile, tandis que la Cadillac dépassait le pick-up. Peter, sanglé à l’arrière, avait ouvert le coffre en grand et faisait feu sur le pick –up.


Le pont Kennedy était en vue. Le pick-up Ford 250 jaune vira de bord et s’encastra dans un des premiers terrepleins. Winston fit déraper la Cadillac, opérant un demi-tour périlleux. Le fantôme du cow-boy s’était matérialisé sur le pont, finalement fermé par les forces de l’ordre. Il s’avançait vers la voiture des chasseurs de fantômes, jouant avec un pistolet, prêt pour le duel. Zeddemore freina à une vingtaine de mètres. Peter fut le premier à sauter hors de la Cadillac, prêt à en découdre. Les éperons des santiags du cow-boy mort lançaient des étincelles spectrales sur le bitume gelé.

« -Cette ville est trop petite pour nous deux ! » lança-t-il au cow-boy mort-vivant grimaçant.

Bientôt rejoint par Zeddemore et Spengler, il fit à nouveau feu sur la créature.


       A l’arrière de l’Ectomobile, Ray tenait toujours la jeune femme dans ses bras, tout contre lui. Il eut une claque en comprenant qui il venait de sauver. Elle était en état de choc et tremblait comme une feuille. Il retira ses googles d’un geste et pencha son visage vers celui d’Alba. Il lui dit en guise de salut :

« -Hey. »

Elle écarquilla les yeux en le reconnaissant et lui répondit d’une voix blanche :

« -Hey… »

Ils restèrent une trentaine de secondes ainsi, lui avec ses bras autour d’elle et elle la tête contre son épaule, les genoux relevés au-dessus d’une des jambes de Stantz ; les yeux dans les yeux. Ray sentait le poids d’Alba contre son corps, il la sentait respirer. La fragilité qu’il perçut chez elle finit par faire tomber toutes ses remparts. Il s’était vu mourir plusieurs fois dans le procédé du sauvetage mais à cet instant, cela n’avait plus aucune importance. Il aurait pu rester comme cela des heures durant.

Alba s’était sentie engourdie par le choc émotionnel. Puis, petit à petit, en réalisant qu’elle était sauve, elle retrouvait son calme. Dans le tumulte et la terreur, elle était à présent en sécurité et cette sensation l’enveloppa d’une émotion palpable. Elle ne se souvenait plus de la dernière fois où quelqu’un l’avait tenue dans ses bras. Ce contact l’apaisa avec une douceur dont elle avait oublié le goût depuis longtemps et elle en fut bouleversée.

Le Dr Stantz l’observait avec un mélange de bienveillance et d’inquiétude. Elle se redressa en grimaçant.

« -Vous êtes blessée ? Se soucia Stantz sans la lâcher, vous avez mal quelque part ? Mon ami le Dr Spengler va vous ausculter… si vous le voulez bien. »

Alba acquiesça et ils sortirent de la Cadillac.

Peter Venkman revenait vers eux en brandissant une trappe à fantôme fumante :

« - Luke la main froide, refroidi pour de bon, avisa-t-il hilare.

Soutenue par Stantz, Alba Jones considéra avec effarement et le cœur en berne sa Ford hors service. Winston Zeddemore jetait des volées de neige pour éteindre les dernières flammèches. Déjà choquée, la jeune femme en oublia de pleurer.

-     Si ça ne vous ennuie pas, j’aimerais faire remorquer votre voiture à notre quartier général pour l’étudier de plus près, lui fit savoir Spengler.

Winston se rapprocha à son tour :

-Vous allez bien ? Désolé pour votre voiture… »

La jeune femme fit tout mécaniquement : leur répondre et les suivre jusqu’à leur caserne. 

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