Who you gonna call?

Chapitre 3

1974 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/02/2023 20:13

Astoria, Queens, 24th Street.


               Doris McNulty, petite femme d’une soixantaine d’années, était assise à la table de sa cuisine. Elle ouvrait soigneusement une pile d’enveloppes et recomptait posément les sommes contenues dans chacune avant de les reporter dans un petit cahier. Les loyers de la semaine. Dans l’atmosphère feutré de sa petite cuisine années soixante, Doris dirigeait d’une main de fer le petit immeuble dont elle était propriétaire. Morris, son mari, faisait office d’homme à tout faire. Si Morris était un géant placide aux yeux bleu glacier protubérants et à la moustache de morse fournie, Doris était une femme sèche, aux yeux verts étincelants et à la chevelure blonde et crantée. Elle comptait et recomptait, vérifiait les noms. Elle chantonnait en faisant glisser les billets et les chèques dans ses mains.

Elle ouvrait les enveloppes en faisant glisser la lame noire et brillante du coupe-papier fantaisie que Morris avait trouvé dans l’une des caves suite à un départ. Le manche était en os ou en ivoire sculpté de dessins géométriques. Doris ignorait de quelle matière pouvait être la lame d’une vingtaine de centimètres, obscure et lisse comme un miroir, plus tranchante qu’un rasoir.

Depuis la rue, lui parvenait les notes de synthétiseur d’une chanson New-Wave jouée à plein volume. Cela agaça Doris au bout de quelques minutes. Elle eut un geste trop vif et se trancha la paume de la main avec le coupe-papier. La lame était si affutée que la femme n’eut pas mal immédiatement. Le sang chaud remplit la paume de sa main et goutta sur la table. Ecartant rapidement l’argent de sa main valide, Doris fit tomber du sang sur une des autres trouvailles de Morris : une sorte d’assiette en terre cuite, le genre de gadget que les touristes ramènent de leurs vacances au Sud, imaginait-elle. Madame McNulty se dépêcha de passer sa main sous l’eau du robinet. Elle ne vit pas la fumée gris-bleu qui se dégagea de l’assiette en colonne, juste derrière elle. La colonne de fumée se mit à tourner sur elle-même, l’objet en terre cuite se mit à tressauter sur la table. En entendant ce son, Doris Mc Nulty se retourna. Elle poussa un cri de chouette hystérique car une entité vaporeuse prenait forme dans sa cuisine toujours proprette. Une tête de cauchemar claquait ses mâchoires à moins de deux mètres d’elle : une peau visqueuse aux bajoues bouffies et à la bouche tombante hérissées d’épingles à nourrices ouvertes, deux narines aplaties d’où sortait du varech séché, des yeux blancs sans paupière ajourés de cernes. Le dessus de la tête était une crête punk avec une protubérance lumineuse tombant sur le front comme une banane de blouson noir. La chose portait en effet un blouson noir serti de clous rouillés par le sel et elle tenait des mains aux doigts palmés vers Madame Mc Nulty aux cris d’effraie. La femme se saisit du coupe-papier qui l’avait blessée plus tôt et le brandit dans la direction de la créature fantomatique. Cette dernière s’échappa par la fenêtre dans un fracas de verre et de cris perçants.


De l’autre côté de la rue, dans un appartement minuscule, Dave Bronson alias le Grand WowDini, mettait une dernière touche à sa mise en scène. Il allait recevoir sa première cliente de la journée pour une consultation de Médiumnité, une bonne femme du nom de Margaret qui venait toutes les deux semaines s’inquiéter de son avenir amoureux. Depeche Mode à plein volume, Dave, son miroir de poche posé sur le bord de son lavabo, tirait sur sa paupière pour étirer son trait d’eyeliner noir et étala du rouge à lèvre cerise sur sa lèvre inférieure du bout du doigt. Pas de bonne consultation sans son look à la The Cure. A l’exception des cheveux noirs propres et coiffés en banane. Bronson trouvait que le crayon noir faisait des merveilles avec ses yeux gris et que la touche de rouge sur ses lèvres détournait le regard de son nez aquilin qu’il détestait. La porte de la salle de bain s’arracha de ses gonds et Dave Bronson se trouva propulser dans sa cabine de douche. La créature sortie de chez Doris McNulty se trouva devant lui. Immobilisé par la peur, Dave était pris au piège avec le fantôme aux allures de punk-luciole des océans. La créature toisa Bronson en ricanant. Son regard tomba sur le miroir de poche. Elle s’en saisit pour y déposer une poudre qu’elle avait dans l’une des poches du blouson de cuir décati qu’elle portait. Avec un grondement féroce, elle souffla la poudre en plein visage de Dave qui se mit à tousser. Il perdit connaissance alors qu’une sirène bien connue des New-Yorkais résonna dans le lointain.





« Oh, qu’il est laid, celui-ci ! »

Peter Venkman mit en joue en évitant de justesse le balcon d’un appartement. Un pot de fleurs rebondit sur le capot de la Cadillac Ecto-1 des casseurs de fantômes new-yorkais, faisant grommeler Raymond Stantz réajustant ses googles. Son collègue Winston Zeddemore lui donna une bourrade juste à temps ; une poubelle métallique pleine d’ordures s’écrasa entre eux deux. Ils visèrent et leurs tirs renforcèrent celui de Venkman. Egon Spengler, quatrième membre de l’équipe, attendit que les tirs des packs à protons stabilisent la créature à faciès aquatique et fit glisser le piège à fantômes sous l’apparition rageuse et glapissante. Spengler enclencha le piège et le faisceau captura le fantôme aussitôt aspiré dans la boîte fumante. Un indicateur lumineux se mit à clignoter. Les habitants du quartier et les badauds applaudirent à tout rompre, on entendit aussi quelques huées. Zeddemore ramassa le piège et Spengler passa la rue au spectromètre. L’engin s’agitait encore sur une grande portion de la rue.

« -Mmmm, notifia-t-il à Venkman, il reste encore beaucoup d’énergie spectrale. Mais la rue est grande et ce fantôme a pu avoir un grand trajet migratoire avant notre arrivée.

-     Un voisin vient de me dire que cela avait commencé par là, intervint Winston en indiquant du doigt une bâtisse de briques rouges à deux étages.

-     Allons voir, » décréta Peter Venkman en se dirigeant vers le couple d’âge mûr se tenant sous le porche d’entrée.

Peter prépara son sourire le plus rassurant et le plus commercial qu’il put.

Il salua le couple, Morris et Doris McNulty. La femme avait la main bandée et Egon Spengler s’inquiéta si cette blessure avait été provoquée par la créature. Doris McNulty lui répondit sur un ton revêche que non, que c’était le fait d’un coupe-papier. Spengler demanda ensuite à investiguer sur le lieu de départ de la manifestation. Les McNulty introduisirent les chasseurs de fantômes dans le hall de leur demeure. C’était une immense bâtisse de briques rouges transformée un petit complexe d’une dizaine de petits appartements. Les McNulty occupaient un logement au rez-de-chaussée, en face les boîtes aux lettres alignées en deux rangs contre le mur. L’une des boîtes aux lettres était condamnée par une large croix de ducktape et d’un avis d’éviction placardé en plein milieu à la vue de tous. La personne qui avait scellé la boîte aux lettres avait pris soin que le nom des locataires demeura bien visible.

Egon, Ray et Winston exploraient la cuisine sens dessus dessous de Doris McNulty. Des billets de banque tachés de sang jonchaient le sol, parmi des débris de vaisselle, de verre et de terre cuite. Le signal du spectromètre faiblissait et les trois hommes prirent soin de collecter des échantillons de tout ce qu’ils purent trouver pendant que Peter tentait d’établir une facturation de leur intervention, au grand dam d’une Madame McNulty indignée. Peter gardait son calme apparent et lui conseilla de prendre contact avec son assureur avant sa prochaine visite. Il emboita le pas à ses trois comparses qui quittaient l’endroit, puissamment invectivés par la femme dont le mari ne pouvait calmer la colère.

« -Vous n’êtes que des charlatans ! Postillonna Doris McNulty, vous avez profité que le maire ait permis de polluer les eaux de la ville avec des hallucinogènes pour nous spolier ! Pour profiter de notre faiblesse ! J’en ai assez de me faire arnaquer par des pseudo-intellectuels, j’ai déjà donné !»

Morris McNulty poussa les hommes vers la sortie sans violence et les remercia à voix basse en refermant la porte dans leur dos. Les revendications rageuses de la propriétaire résonnaient encore dans le hall alors que les quatre hommes retrouvaient leur véhicule.

Ray passa sa main sur l’impact sur le capot.

« -Je venais de la retaper, soupira-t-il, désolé.

-Ils ne sont pas prêts de nous payer, ceux-là, marmonna Peter en allumant une cigarette.

-Rentrons à la caserne, proposa Egon, je vais analyser tout ça.

-On y va, Ray ? demanda Winston.

Ray mit quelques secondes à réagir, il devait être perdu dans ses pensées.

Il tendit les clés à Winston.

-Vas-y, conduis. Tu pourras me déposer au commissariat au passage ? ».



       « -Je voudrais voir l’inspecteur Partridge, s’il vous plaît. »

L’homme, assis au bureau de Partridge, leva les yeux de son journal. Il avait des traits anguleux renforcés par une coupe de cheveux rase sur des cheveux clairs. Une stature athlétique de flic qui a compris qu’il ne fallait pas se laisser aller.

« -Il n’est pas là, dit l’agent de police en se replongeant dans sa lecture.

-Il me doit un petit service, je suis…

L’agent de police releva la tête et coupa la parole de son interlocuteur :

-Je sais qui vous êtes, Dr Stantz. Partridge est en vacances et à moins que cela ne soit une urgence vitale absolue pour cette ville, il ne fera rien pour vous. »

Raymond Stantz voulut connaître l’identité de ce type qui lui battait froid.

« - Je suis l’officier Eamon et je ne crois pas à toutes vos conneries. Cependant, je vais vous accorder deux minutes et deux minutes seulement.

Il se cala bien en arrière dans son siège pour toiser Stantz.

-     Quand Russ rentrera, pourriez-vous lui demander de faire une recherche d’identité ? Je sais que ce n’est pas légal-légal mais je crains qu’une cliente de ma librairie ne tente de me refiler un livre probablement volé… Elle dit s’appeler Alba Jones et son grand-père serait le Professeur Marcellus Jones. Elle m’a montré une pièce d’identité mais…

-Les deux minutes sont écoulées, Stantz, trancha Eamon qui avait griffonné sur un calepin, maintenant, cassez-vous… voyez pas que j’suis en train de bosser ? »


Ray remercia l’officier Eamon et reprit le chemin le chemin de la caserne.


Laisser un commentaire ?