Ghostbusters Underneath
Chapitre 5
I'm on the hunt, I'm after you
New York, Manhattan , QG de Sos Fantômes
2 juillet 1990, fin d’après-midi .
Ils avaient dû batailler, mais Peck avait fini par abdiquer fautes d’argument. La perspective n’enchantait personne, mais peu importe où il irait Walter Peck ne serait en sécurité qu’à la caserne. Son lieu de travail s’était révélé tout aussi hanté que son appartement. Si le bureau avait pu être nettoyé, son logement ne l’était toujours pas et Egon avait insisté pour faire passer des tests au scribouillard colérique:
« -Mais avant tout il va falloir vous détendre Mr Peck.
-Comment voulez-vous que je puisse me détendre avec ce bric à brac sur la tête! »
Le savant lui avait installé son analyseur d’aura vidéo sur la tête. Pour le profane, ce n’était guère plus qu’une passoire maintenu par une sangle sous le menton et couvert de fils relié à des circuits imprimés.
« -Cette caméra est-elle bien nécessaire ?
-Indispensable. »
Etant plus à son aise avec son veston et sa cravate, Spengler avait pris le temps de se changer. Winston s’occupait des blessures de Giselle dans le dortoir voisin, et personne n’avait eu de nouvelles de Peter et de Ray. Egon tournait le dos à son patient, cherchant une petite boite en particulier dans les tiroirs de son bureau. Il en retira un petit flacon et y planta une seringue au travers le capuchon pour en prendre une faible dose. Sans plus de cérémonie, il se retourna, planta la seringue dans le cou de Peck et y vida son contenu. Ce dernier objecta violement durant quelques secondes puis s’endormit.
Le sous-sol du bâtiment était l’endroit le plus calme de la caserne. Le conteneur de confinement mettait Bouffe Tout mal à l’aise, mais le bruit des machines le détendait. Il y venait souvent. La pièce en bas des escaliers était en longueur et au fond se trouvait une porte derrière laquelle les gars entassaient leurs outils ainsi que les différents bricolages en cour. Bouffe Tout n’y allez jamais. Ce soir pourtant, un bruit étrange passait au travers la porte, comme si quelque chose de lourd remuer. Le petit fantôme vert passa la tête au travers le bois de la porte, sa propre lueur spectrale ne lui permettait pas de voir suffisamment, mais le bruit venait bel et bien de la remise. Loin d’être rassuré, il avança lentement jusqu’au fils de l’ampoule au milieu de la pièce exigüe et l’alluma. Sur les étagères, pèle mêle, se trouvaient quelques bidons, une caisse avec de vieilles combinaisons souillées de chamallow brulé, des réservoirs, des pièces détachées de pack a proton ou de pièges, et des outils. Le tapage venait d’un vieux frigo qui remué dans un coin. Le ronronnement des appareils de réfrigération était le bruit favori du petit glouton verdâtre, marqué par des années à jouer les pique-assiettes au Sedgewick Hotel. Sans crainte sa main gluante tira la poignée métallique. Dans le réfrigérateur ne se trouvait que trois petit bécher rempli de slime. Les récipients sautèrent, puis roulèrent sur le côté. Ils se vidèrent en une flaque rose et mauve de laquelle jaillirent cinq ou six tentacules qui ligotèrent les poignées puis le corps du pauvre affamé. Le cri de sa plainte fut bref. Quelques tentacules supplémentaires soulevèrent le slime, qui sauta au visage de Bouffe Tout.
Une petite boite de premier secours ouverte était posée à côté de l’oreiller, et la paire de bas abimée était posée au pied du lit. Giselle assise sur la couchette soulevait sa chemisette au niveau de ses cotes. L’éclairage de la salle de bain attenante était suffisant pour Winston qui inspectait la plaie d’un œil aguerri:
« -Il te faudrait un ou deux points sutures.»
Accroupie, Winston passait ses mains sur les hanches et le bas ventre de la blessée. Giselle se sentait rougir, ils n’avaient pas eu une telle intimité depuis longtemps.
« -Tu es toujours aussi dévoué et sérieux.
-Tu n’es plus très habillé, et tu es sur mon lit. Il n’en faudrait pas beaucoup pour que je perde mon sérieux, » avoua l’infirmier de fortune.
Après un silence gêné, elle reprit :
« -Un pansement suffira.
- Tu es toujours aussi têtu. Va pour un pansement, » fit Winston amusé.
Il s’assit sur la couchette voisine après avoir désinfecté la plaie et placé une compresse a sa patiente qui relâcha son chemisier.
« -Tu as un métier dangereux. Fit Giselle en se levant. Regarde-moi ça. »
Elle passa les doigts au travers la coupure du tissu. Et ajouta d’une voix désolée :
« -Mes bas étaient neuf…
-C’est pour ça qu’on a nos combinaison : On ne sait jamais si on va être griffé, mordu, englué ou pire…
-Tu n’étais pas si malmené quand on bossé ensemble… »
La remarque se voulait amusante, mais Giselle marqua une pause, se rassied sur le lit, puis ajouta avec regret :
« -Je suis désolé, tu sais… Je n’aurais pas dû me laisser intimider par la direction… J’aurai dû prendre parti…
-Ce qui est fait est fait. Coupa Winston en prenant les fines mains de Giselle dans les siennes. J’ai un ami qui dit que « tout arrive toujours pour une bonne raison ». Qui sait où on en serait… Surement pas ici ce soir.»
Ils n’arrivaient plus à décrocher leurs regards insistant l’un de l’autre. Winston brisa la magie en se levant :
« -Tu veux une chemise? »
Il ouvrit le coffre métallique au pied du lit, se saisi d’une chemise à carreaux vert et jaune:
« -C’est pas du Ralph Lauren mais… »
Lorsqu’il releva les yeux, Giselle tendait la main en attente du vêtement, à genou dans le lit:
« -J’ai toujours adoré te piquer tes chemises, » plaisanta la douce avec un sourire mutin.
Lorsqu’ils rejoignirent la salle commune, Peck avait rouvert les yeux et affichait un sourire crétin. Egon observait le changement de couleur de la silhouette affichée sur l’écran à côté de son patient.
« -Tu as trouvé quelque chose ? » Demanda Winston à son collègue.
Giselle s’installa dans la banquette.
« -Je suis presque sûr que Miss McNeal ne portait de chemise à carreau à notre arrivé ici, affirma Peck d’une voix pâteuse.
-Il lui arrive quoi a Peck ? Fit Zeddemore surpris.
-Je lui ai fait une faible injection de thiopental. » Expliqua calmement le scientifique.
Winston et Giselle se regardèrent paniqué, et d’une seule voix :
« -Du Pentothal!
-J’ai cru en premier lieu à un cas de possession. J’ai eu tort, avoua Spengler.
-Oui, il s’est excusé pour ça, » confirma Peck embrumé.
Giselle se leva et pris Winston par l’épaule :
« -Ça lui arrive souvent à ton copain de droguer les gens? »
Egon qui avait très bien entendu tenta de se justifier :
« -J’ai essayé de mettre en place des protocoles en cas de possession. Mais pour être tout à fait honnête je n’ai pas eu le temps de peaufiner la procédure. »
Zeddemore posa sa main sur l’avant-bras de Giselle, ignorant ses inquiétudes. Il avait besoin de réponses :
« -Tu as trouvé quelque chose ?
-Physiquement tout va bien. » Puis Egon ajouta pour rassurer la jeune femme en colère : « Et la drogue ne devrait pas faire effet plus de quelques heures.
-Et c’est tout? » Insista Winston.
Egon marqua une pause, comme pour chercher ses mots :
« -Walter Peck est psychiquement magnétisé.
-Comme un aimant ? Tu veux dire qu’il attire les fantômes ?
-En théorie, oui. Confirma Egon.
-En pratique également. Précisa McNeal. C’est un danger public! Vous arriveriez à le « démagnétiser » ? »
Egon sorti une calculatrice de sa poche, pianota, gribouilla sur un coin de feuille. Puis d’un air sérieux annonça :
« -Je vais avoir besoin de trois micro-ondes de 1200 watts. Et je vais devoir démonter le poste de télévision.»
Peck écoutait le savant avec la plus grande attention sans laisser transparaitre la moindre inquiétude. Après avoir mis les mots en ordre dans les brumes de son cerveau, il demanda calmement :
« -C’est encore un truc que vous m’avez fait, hein ? »
Par l’ouverture de la rampe à incendie ce fit alors entendre un hurlement. Un cri qui s’élevait, qui se rapprochait. Puis à quelque mètre derrière Giselle, traversant le sol et un coin de la banquette, laissant au passage un mucus vert et rose, émergea Bouffe Tout. Haletant, bavant plus qu’à son habitude, le regard fou. Sous la couche de slime vert se dessinait des veines mauves et blanches. Ses grosses dents carrées ressemblaient désormais à une rangée de couteau de cuisine. Ses longs bras se terminaient par d’énormes mains griffues. Ses yeux mauvais étaient comme injectés de sang. D’une main, la créature bascula la pauvre femme par-dessus le canapé et de l’autre envoya Winston rouler contre un établi. Egon se jeta dans un coin de la pièce. La créature en avait après Peck, qui levait les bras par reflexe pour se protéger. La chose qui avait été Bouffe Tout enfonça ses crocs dans la chair du fonctionnaire terrorisé, et maintenait son avant-bras droit comme dans un étau. Entre la drogue, la peur, l’invraisemblance de la situation, Walter Peck était dans un état second :
« -Monsieur Patate va m’bouffer! Monsieur Patate va m’bouffer! »
Il fut arraché de sa chaise, trainé au travers la pièce, l’analyseur toujours sanglé sur la tête. Spengler avait retrouvé au fond d’une caisse à outil un piège a fantômes qu’il avait prévu de réviser. De la main gauche, il tendit la petite boite métallique par la poignée en direction de la mêlée, espérant que cela fonctionnerai.
« -Que tout le monde reste à couvert ! »
De la main droite il activa la pédale. Un flot de lumière et des vents violent balayèrent la salle commune. L’appareil n’avait pas été conçu pour fonctionner ainsi, et viser était presque impossible. Les papiers, les cousins, les chaises, les restes de nourritures sur la table et des vêtements volèrent de toute part. Happé par le vortex, le monstre ralenti sa course. De sa large main, il attrapa quelques boules sur la table de billard et les lança en arrière. L’une d’elle frappa Egon au tibia, la douleur lui fit dévier le piège. Le monstre traversa une large fenêtre dont le verre éclata au passage de sa proie. Egon referma le piège. Winston et lui se précipitèrent à la fenêtre. Le bras pris dans la mâchoire du fantôme vert et rose, Walter Peck s’envolait au-dessus des rues, hurlant, une passoire sur le crâne. Giselle, les yeux écarquillés, reprenait lentement ses esprits. La main sur sa hanche droite laissé filtrer au travers le tissu une auréole rougeâtre. Zeddemore se précipita:
« -Gigi!
-C’était quoi ce truc ? »
Egon s’efforça de rester flou :
« -Une chimère de classe 5 servant très semblablement de coursier pour une entité plus puissante. »
Elle aurait paniqué si elle avait su que la créature vivait à la caserne en temps normal. Il ne pouvait pas expliquer à la jeune femme que Bouffe Tout n’était plus lui-même. Egon avait bien vu que le slime s’était infiltré dans le pauvre fantôme. Un début de théorie germa sous son abondante chevelure. Le téléphone sonna. Winston chercha dans les décombres de la salle commune avant de retrouver le combiné sous les coussins. Il décrocha, écouta longuement, acquiesça et raccrocha :
« -Je viens d’avoir Peter. Ray a était transporté inconscient au Bellevue Hospital.»
O
New York, Manhattan,Canal Street Station
2 juillet 1990, soirée.
Descendant tranquillement l’escalier blanc, Billy prenait son temps. La fraicheur du métro lui fit relever le col de sa veste en jean. Le jeune homme avait passé la journée à flâner et n’avait pas vu la nuit tomber. Le matin même il avait perdu son emploi de serveur: pris en flagrant délit avec une petite blonde, le pantalon baissé, dans les cagettes de la réserve. Dans la foulée, Tif l’avait largué. « Ne plus jamais sortir avec la fille du patron » s’était-il sagement conseillé après coup. Il ne se souvenait plus vraiment du prénom de la blonde, mais ce job, comme les précédents, ne lui plaisait pas et Tif non plus. Dans l’après-midi, il avait trouvé chez le disquaire, cette vieille casette de Duran Duran qu’il écoutai depuis en boucle sur son walkman. La journée avait été bonne. Le quai était désert et la seiko a son poignée lui indiqué qu’il avait encore le temps avait l’arrivé du métro. Le rythme de Duran Duran se fit mollasson.
« -Merde, encore ? »
Le jeune homme fouilla ses poches et en sorti une poignée de pile. Adossé à l’un des piliers d’acier, il coupa le lecteur, fit descendre ses écouteurs autour de son coup et ouvrit la trappe au dos l’appareil. Venant des rails, le vent s’engouffrai sur le quai, apportant avec le lui le bruit lointain des stations voisines. Billy referma la trappe et ficha le walkman à sa ceinture. Une horrible clameur vint alors du haut des marches. De frayeurs Billy lâcha les piles usagées, qui roulèrent sur le béton. Une énorme gueule verte et mauve, aux yeux jaunes traversa le quai, traînant un homme évanoui, le bras pris entre ses crocs terrifiants. Hurlant entre ses dents, la créature passa devant Billy sans le voir et s’engouffra dans les ténèbres des tunnels. Autour du cou de Billy, les anglais chantaient :
« -…And I’m hungry like the wolf… »