Now that you're gone

Chapitre 2 : Denial

1481 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/04/2016 23:06

- Hoo-hoo ?

L’élégante petite silhouette de Mrs. Hudson entra d’une démarche incertaine dans l’appartement du 221B. Un plateau rempli de biscuits et de sucreries entre ses mains tremblantes, elle enjamba une pile de courrier non ouvert que la porte avait repoussée ainsi que deux plateaux similaire à celui qu’elle tenait, encore remplis.

- John ?

Aucune voix ne répondit à la sienne, chevrotante.

- John, mon garçon ? insista la vieille femme d’un ton presque suppliant.

Un léger grognement se fit entendre dans la cuisine. Dans sa hâte de retrouver la source de ce bruit, Mrs. Hudson manqua de renverser la tasse de thé bouillante qui trônait au centre de son plateau. Dans un enchaînement de petits pas rapides, elle enjamba les quelques obstacles la séparant de la pièce et s’y engouffra, un sourire bien trop radieux pour être vrai sur son visage. Néanmoins, ce sourire s’évanouit bien rapidement quand elle découvrit son –désormais, le seul- locataire. Habillé d’un simple peignoir, l’homme était endormi sur un coin de la table qu’il avait libéré en renversant quelques-uns des contenants en verre remplis de diverses substances qui s’y trouvaient d’habitude.

Soucieuse de ne pas réveiller son protégé, elle déposa la nourriture sur le plan de travail puis fit demi-tour en direction de la sortie. En réajustant son châle, elle effleura toutefois un verre qui vacilla avant de venir s’éclater en mille morceaux contre le carrelage froid de la cuisine. Le choc cristallin ne manqua pas de sortir le docteur de son sommeil avec brutalité, le faisant presque tomber de sa chaise.

- Oh, mes excuses, je… Je vais nettoyer. Je- je suis confuse…

- Hm, laissez…

Déjà presque à terre, prête à ramasser les bouts de verre, Mrs. Hudson s’arrêta nette : c’était la première fois depuis des jours qu’il lui adressait la parole. Immobile, comme si elle craignait d’effrayer un chiot fraîchement adopté, elle attendit un nouveau geste, un nouveau mot. Voyant qu’elle n’en obtiendrait pas plus de lui, la propriétaire soupira et ramassa les dégâts. Quelques minutes plus tard, Watson se relevait péniblement, sous le regard étonné de Mrs. Hudson qui déchanta bien vite en voyant qu’il se déplaçait seulement jusqu’à son fauteuil. Après avoir jeté les derniers éclats du verre, elle se releva et entama un rangement rapide de la salle principale qui était bien plus encombrée qu’elle ne l’avait remarqué au premier coup d’œil : des moutons de poussières se mêlaient aux objets posés sur le rebord de la cheminée, et l’atmosphère était humide et sentait le renfermé. Poussant un soupire, Mrs. Hudson ouvrit la fenêtre afin de faire entrer de l’air frais et commença à débarrasser le bureau, où de nombreuses coupures de journaux et post-it se mélangeaient dans un désordre mystérieusement agencé. Alors qu’elle se dirigeait vers la corbeille, une pile de ces papiers dans les bras, John l’interrompit brutalement d’une voix grave et sèche.

- Il n’a pas terminé cette enquête.

Sous la surprise de la prise de parole et le choc de ces dernières, la vieille femme laissa tout tomber.

- Mon garçon, je… ce n’est plus…

- Il ne jette jamais rien, vous savez.

Embêtée et perdue, Mrs. Hudson se mordit la lèvre inférieure, ne sachant que faire ni quoi dire. Après quelques secondes d’hésitation, elle remit les documents en place et partit, silencieuse, tête baissée.

* * *

Ce cauchemar, toujours le même. Le même toit, la même voix, les mêmes paroles. La même panique au réveil, le même réflexe de l’appeler à travers l’appartement,  et la même réalisation chaque fois qu’il n’obtenait aucune réponse. Avec un grognement, le Docteur Watson se releva de son fauteuil. L’alarme de son téléphone venait de l’arracher à ce qui ressemblait à un repos, lui signalant que son rendez-vous hebdomadaire aurait lieu dans une heure. D’un pas chancelant, il slaloma entre les divers objets étalés au sol et monta jusqu’à sa chambre.

Quelques vingt minutes plus tard, après avoir une fois de plus retourné son tiroir pour finalement enfiler les mêmes vêtements qu’à chacune de ses rares sorties, il descendit les marches menant à sa chambre d’un pas légèrement plus vif. De retour dans la salle principale, il attrapa son manteau puis claqua la porte en partant. Une fois dans la rue, il sauta dans le premier taxi qui s’arrêta à sa hauteur. Même chauffeur que la semaine précédente, même silence pesant durant les treize minutes du trajet, et même prix pour la course.

La salle d’attente, toujours aussi stressante par son aquarium et sa musique d’ambiance mêlant piano et chants d’oiseaux, était cette fois-ci plus remplie : un vieil homme assis dans un coin marmonnait dans sa barbe en serrant sa canne à en rendre sa main rouge, une jeune fille qui ne devait pas avoir plus de quinze ans, et une femme avec son enfant. Le regard du docteur s’arrêta sur cet enfant, son regard jusqu’alors vide se réveillant soudain. Une écharpe bleu nuit entourait le cou du petit garçon, occupé à tourner furtivement les pages d’un magazine dont il ne pouvait comprendre les sujets. John resta ainsi bloqué sur l’enfant pendant quelques minutes, jusqu’à ce que son nom soit appelé, le sortant de ses pensées.

* * *

- Et les cauchemars ?

- Oui, aussi.

Pour la cinquième fois depuis le début de la séance, Mrs. Thompson griffonnait des mots dans son carnet à toute vitesses, comme si elle craignait d’oublier ce que son patient venait de lui dire. Ce n’était que la troisième fois qu’il la revoyait, et déjà il remarquait de nouveaux détails chez elle : cette habitude de croiser les jambes en les alternant environs toutes les dix minutes, ainsi que sa bague de fiançailles.

- Je vous avais demandé d’essayer de sortir une fois par semaine, où en êtes-vous ?

- Je… oui.

Le regard interrogatif de sa psychologue entraîna un sentiment de honte chez John. Il se rendait à présent compte de l’état dans lequel il avait passé sa semaine.

- Où en êtes-vous, John ?

Sa voix, bien que douce et encourageante, avait quelque chose de désagréable à l’oreille pour lui. Elle était à la fois une aide, mais également un juge.

- Et avez-vous vu des gens ? Téléphoné ?

Au dernier mot, une légère grimace traversa son visage vieilli.

- J’ai.. croisé ma propriétaire, ce matin.

- Comment va-t’elle ?

La bouche ouverte, prêt à répondre, John se sentit à nouveau très honteux. Incapable de répondre, il referma sa bouche et demeura silencieux, le regard baissé vers le sol.

- Vous n’êtes pas le seul à souffrir, ne l’oubliez pas.

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