Now that you're gone

Chapitre 1 : Haunted

828 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 20:46

Jamais Baker Street n'avait été aussi calme. Les rideaux étaient tirés, les lumières éteintes et les portes fermées. Assis au fond d'un fauteuil, le visage renfrogné, un homme fixait un point invisible tout en appuyant fermement son poing contre sa bouche comme s'il avait peur que sa douleur ne s'en échappe subitement. Cette douleur qui le consumait, l'éteignait à petit feu, mais qu'il voulait conserver. Il ne voulait pas oublier. Jamais.

 

Avec un soupire, John Watson tourna sa tête vers la pièce principale. Le bureau croulait encore sous les multiples dossiers papier, et jamais le canapé ne lui avait paru aussi imposant. Presque difficile à observer, à vrai dire : il pouvait presque y revoir un Sherlock affalé lui hurlant de lui apporter son téléphone, ce à quoi il ne manquait pas de lui répondre une quelconque remarque désobligeante. Peu importe d’ailleurs, puisque le détective s’était déjà replongé dans sa réflexion et n’écoutait plus les bruits environnants. Sa propre vision de lui-même s’en allait alors faire les courses, en tapant des pieds afin de déranger son colocataire. Ce qu’il ignorait, c’était qu’une fois la porte fermée sur lui, ce dernier eut un petit sourire en coin.

Le regard du docteur dévia vers la cuisine. Là encore, rien n’avait changé de place : les microscopes, tubes à essai et autre ustensiles dignes d’un laboratoire étaient éparpillés sur la table, ne demandant qu’à être utilisés. John y revoit son ami disséquer des choses dont il préférait oublier la provenance, ne manquant pas de provoquer quelques petites explosions ou inondations de temps à autres. « John, pourrais-tu appeler les pompiers ? » Cette phrase, il l’avait bien trop entendue. Et pourtant… une fois de plus ne serait pas de refus.

Trois coups à la porte se firent entendre, mais l’homme ne bougea pas d’un pouce. Une petite femme d’une soixantaine d’années vêtue toute de noir entra sans attendre de réponse et s’avança vers lui. On pouvait lire sur son visage une énorme tristesse, mais malgré tout un sens de la responsabilité. John avait peut-être perdu un ami, mais Mrs Hudson avait comme perdu un enfant. Soucieuse, elle s’assit sur l’accoudoir du fauteuil et posa une main compatissante sur l’épaule de son locataire.

«  Mon garçon, il va falloir trier ses affaires… »

Pas de réponse, pas la moindre réaction de sa part si ce n’est une larme qui coula silencieusement le long de sa joue droite. Observatrice, la propriétaire se releva en bredouillant qu’ils pourraient très bien voir cela plus tard et disparut, non sans avoir laissé un plateau de nourriture. La porte claqua et le regard du médecin se posa cette fois sur le fauteuil qui faisait face au sien. Plus bas, en cuir noir, et incroyablement vide. Une nouvelle larme lui échappa, tandis que ses poings se serraient. D’un geste vif, John Watson se releva et attrapa le plateau laissé par Mrs Hudson puis l’envoya valser à l’autre bout de la pièce. Il n’avait pas faim, de toute façon. Comment avoir envie de manger dans de telles circonstances ? Le bruit de la vaisselle brisée ne le soulagea que partiellement, et très vite l’envie de détruire se fit croissante. Bouillonnant de rage, il balança sa jambe en arrière avec l’intention de donner un coup dans le fauteuil mais se ravisa soudain. Il reposa lentement son pied à terre sans quitter des yeux le fameux fauteuil noir, puis se laissa tomber par terre, comme démuni. Une nouvelle larme perla le long de sa joue, rapidement accompagnée d’autres.

Durant la guerre, John Watson avait perdu des compagnons. Il avait vu des camarades mourir, des soldats ne pouvant être sauvés. Il avait ressenti de la culpabilité, de la pression, et n’avait jamais succombé.

Cette fois, John Watson n’avait perdu ni soldat ni compagnon.

Il avait perdu Sherlock. Et cette fois, pour une fois, il succombait.

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