Sentaï Scoop

Chapitre 10 : Girly sentaï (bonus)

Chapitre final

5489 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/11/2016 17:18

Bonus : Girly Sentaï

 

(Je m’appelle Kate Eraclor et je suis une enfant robot. Suite à un ticket de loto gagnant, mon créateur le professeur Konga est parti pour Tahiti en me laissant, paraît-il, inachevée…)

Ce matin-là, Kate Eraclor se mettait du vernis à ongle sur les mains à l’aide de ses orteils. Elle devait être parfaite.

(Ma création fut motivée par le manque d’affection éprouvé par mon créateur, il rêvait d’une petite fille qui serait à la fois tendre, charmante mais aussi éprise de justice… Mon destin est donc de défendre l’Amour et la Paix dans le monde. Voilà pourquoi, lorsque le cursus pour filles s’est ouvert à la Sentaï School je me suis immédiatement inscrite !

Aujourd’hui, c’est mon premier jour… Est-ce possible pour une enfant robot de se sentir nerveuse ?)

La jeune Kate, toute de bleue vêtue, son nouvel écusson de la Sentaï School brodé sur son chemisier d’hiver s’en allait sur le chemin de l’école en sautillant joyeusement, ses petites couettes brunes flottant au grès du vent. Ses yeux de robot étaient statiques mais d’un bleu magnifique qui rappelait la couleur du ciel. Sa bouche aux lèvres minces et roses exprimait toujours le même sourire mystérieux et imperturbable, seuls les plissements de son front et la position de ses fins sourcils permettaient de deviner les émotions de la jolie androïde.

Au détour d’une rue, elle manqua de bousculer une jeune fille aux formes généreuses et au visage rond juvénile qui croquait une pomme juteuse tout en marchant. La petite boulotte portait une robe d’un rouge éclatant et le même blason que Kate sur la poitrine. La belle ronde le remarqua tout de suite.

« Eh coucou ! T’es une élève de la Sentaï ? Moi aussi ! C’est chouette non ?

- Ah, oui…

(Il faut que j’ai l’air normale surtout.)

- Je suis Môa, et toi ?

- Ih ih, ce que tu es drôle, je me doute bien que tu es toi ! Moi je m’appelle Kate, Kate Eraclor.

- Non ce n’est pas une blague, je m’appelle Môa.

- Je suis terriblement confuse mais je ne comprends pas, qui diable être vous donc ?

- Môa, M-O-A, c’est mon nom.

- Ah d’accord, euh… MOI, enchantée.

(Cette jeune demoiselle est nulle en orthographe.)

- Nous allons être en retard pour notre premier jour, ce ne serait pas très héroïque.

- Tu as raison Kate, allons-y ! Concombre et salade verte !

- Euh… Concombre et salade verte ? Répéta Kate en haussant un sourcil.

- C’est le cri de guerre que j’ai choisi. Il faut que tu t’en trouves un toi aussi ! C’est impératif pour une héroïne !

- Hum… Pourquoi pas : lapinou et ballerines roses ?

- Mouais… Un peu tarabiscoté mais tu auras le temps de l’améliorer, allez on fonce sinon on va louper le concert d’inauguration.

- Ok. »

Kate actionna son hyper vitesse et Môa resta scotchée sur place, décoiffée par la vélocité de sa nouvelle amie.

« Ah ! Pas si viiite ! » Couina t’elle. Elle se dandinait comme si elle devait courir avec des talons invisibles.

Derrière les grilles de l’école, les deux adolescentes traversèrent en trottinant le joli parc fleuri entretenu par la jardinière scolaire Ryoko-de-l’Ikkoku. Elle les salua d’un geste amical tout en balayant les feuilles mortes.

« Gruh gruh ! » <3  =^^=

Kate et Môa arrivèrent juste à temps pour entrer dans la salle de spectacle de la Sentaï School avant que la principale Ultra-Nana ne ferme les portes.

« Vous êtes en retard jeunes filles ! Les sermonna t’elle en tapotant du bout de sa prada.

- En réalité nous sommes arrivées quarante-six secondes et trois dixièmes avant l’heure officielle de la sonnerie, » répondit Kate.

Kate et Môa se faufilèrent entre les rangées, bousculant poliment quelques camarades pour aller s’asseoir. La salle était bondée.

« Lapinou et ballerines roses, qu’est-ce qu’il y a comme monde ! » S’écria Kate, épatée.

« Chut ! Asseyez-vous ! Ordonna Guislaine Aspic. Ca va commencer, j’uis pas une rebelle au point d’empêcher les autres de regarder ! Malapprises ! »

Le rideau se leva, une adolescente au visage d’ange apparut sur scène. Elle avait les yeux noisette, de beaux et longs cheveux blonds qui lui tombaient jusqu’au bas du dos et portait une robe blanche brodée de fils couleur or et cuivre.

Elle affichait un sourire décontracté que seule pouvait avoir une grande virtuose et salua le public en s’inclinant avec courtoisie, un violon dans les bras. Les garçons des premiers rangs étaient tous sous le charme, des cœurs plein les yeux. Kate aussi était conquise, malgré le fait qu’elle soit robotique, et un robot fille par-dessus le marché.

« Je te présente Duchesse, chuchota Môa avec une pointe de fierté dans la voix. Mon amie d’enfance.

- Elle est belle… » Souffla Kate en voyant la violoniste au centre de la scène, sa musique était si mélodieuse, si douce… Ses magnifiques mèches blondes semblaient flotter au rythme de la musique. Kate se pencha à l’oreille de Môa.

« Et qui est la jeune fille aux cheveux argentés qui l’accompagne au piano ?

- C’est Soja Lasplendide, l’héritière de la plus grande fabrique de fromage de soja, autrement dit de tofu, du pays. Sa beauté n’a d’égale que son ambition, elle est aussi très fière, c’est la rivale de Duchesse. Toutes les deux ont toujours beaucoup de succès auprès des garçons… Je dois t’avouer que je suis un peu jalouse…

- Allons Moi, je suis sûre que tu as des tas de talents cachés toi aussi.

- A vrai dire je suis plutôt douée en cuisine, c’est vrai… Avoua Môa, les joues un peu rosies par la modestie.

- Tu vois ? » S’exclama Kate.

A la fin du concert, les deux jeunes filles attendirent près de la porte pour que Duchesse ait le temps de les rejoindre avant de se rendre en cours.

Soudain, le sol se mit à trembler comme si un troupeau d’éléphants se dirigeait vers elles. Inquiète, Kate se retourna et vit un boulet rose foncer droit sur Môa. Malgré sa super-vitesse, Kate n’eut pas le temps de crier gare ou d’écarter sa camarade, l’impact arriva sans qu’elle n’ait le temps de réagir dans une explosion de dentelles roses et une odeur de pain d’épice.

« Môa !!! »

Un nuage magenta froufrouteux se jeta au cou de Môa et la renversa en arrière.

« Kyah ! Jiji ! Ne me serre pas si fort voyons ! »

L’étreinte affectueuse manqua d’étouffer Môa qui se releva tant bien que mal, le bonbon géant toujours dans ses bras.

« Kate, je te présente ma meilleure amie : Marjorie Jasper, mais tout le monde l’appelle Jiji.

- Je suis super heureuse de te rencontrer Kate ! »

Jiji claqua la bise à Kate avec un grand sourire enjôleur. La petite Jiji était toute de rose vêtue. Avec ses grands yeux verts scintillants, elle avait tout d’une future magical-girl super-kawaï, Kate l’enviait presque.

Lorsque Jiji s’éloigna de Kate, ses cheveux étaient hérissés, chargés d’électricité statique. Môa semblait perplexe et Kate grimaça mais Jiji elle ne remarqua rien.

(Oups, je me suis encore trop chargée ce matin… Il faut vraiment que je me mette au régime.)

« Alors t’as fait quoi pendant tes vacances ? Demanda joyeusement Jiji à Môa. Avec mon frère on est allé à la mer, c’était trop trop bien ! J’ai pu essayer mon nouveau bikini et puis on a mangé plein de glaces ! J’avais trop peur de ne plus rentrer dans mon uniforme avec ça mais, ouf ! Heureusement ça va !

- Toujours aussi énergique à ce que je vois, dit gentiment Môa alors que Duchesse sortait enfin de la salle.

- Piouh… » La jeune fille s’essuya le front avec le revers de sa main, Kate se demanda pourquoi puisqu’elle n’avait pas la moindre goutte de sueur. Un groupe de garçons s’agglutinait derrière la porte pour la regarder. Ils étaient tellement serrés les uns aux autres qu’ils n’arrivaient pas à sortir.

« Elle est bêêêlllle…

- Ouais trop trop belle… 

- Eh oh poussez-vous ! Vous bloquez la sortie ! S’agaçait Soja derrière la meute de mâles en émoi. Et puis d’abord c’est moi la plus belle fille de ce bahut. »

La belle blonde platine leur envoya un baiser et aussitôt la moitié du groupe de garçons qui bavaient devant Duchesse se tourna vers elle pour la suivre en bons toutous fidèles. Soja pût enfin sortir de la salle à son tour.

« Elle est bêêêlllle…

- Ouais carrément belle… 

- Ah vous êtes là. » Dit finalement Duchesse avec un sourire enjôleur en se dirigeant vers Môa. Jiji passa devant elle et serra Duchesse dans ses bras au point de faire craquer ses os.

« DUuuucchesseee ! T’es toujours aussi jolie ! Je t’adore, j’t’adore, jtador jtador !

- Oui moi aussi je t’aime bien Jiji, aïe ! Mais lâche moi maintenant, je ne veux pas mourir si jeune…

- C’est pas un peu fini tout ce raffut ? Ronchonna une voix féminine mais froide dans leur dos. On entend que vous dans toute l’école !

- Ah Olga ! On n'attendait plus que toi ! » S’exclama Môa.

Kate regarda attentivement la nouvelle venue. C’était elle aussi une très belle jeune fille, peut être encore plus belle que Duchesse, pourtant elle avait un style totalement différent. Olga avait les cheveux noirs de jais et les yeux d’un gris-bleu foncé très profond. Elle était habillée sobrement avec une jupe noire, une chemise blanche et un gilet sombre, ce qui contrastait avec le reste du groupe dont les couleurs vives et flashy piquaient les yeux.

« Les filles : voici Kate Eraclor, je l’ai rencontrée sur la route, dit Môa en souriant.

- C’est toujours mieux que Jiji qui ramène des chats errants, répliqua  Olga.

- Roh ne soit pas si méchante Olga ! La réprimanda Môa.

- Ravie de te connaître Kate, dit Duchesse.

- Vous vous connaissez déjà toutes ? Demanda Kate, surprise en levant son index.

- Oui, nous étions à l’école primaire ensemble, lui expliqua Môa. Nous avons toutes le même rêve depuis la maternelle…

- Fonder un super groupe de magical-girls capable de sauver l’univers ! S’écria Jiji avec enthousiasme.

- Oui, c’est à peu près ça, compléta Môa. Nous voulons devenir des héroïnes et la Sentaï School est la meilleure école pour ça.

- Tu veux te joindre à notre groupe ? Demanda Jiji. J’ai déjà une super idée de costume pour toi, ça va être ma plus belle création !

- Tu dis ça à chaque fois Jiji, s’amusa Duchesse.

- Mais siiiii ! Je rajouterai un peu de dentelle sur les manches et un double jupon couleur saphir et puis…

- Tu ne peux pas nous laisser tranquille deux secondes avec tes trucs de magical-girl ? Râla Olga. On t’a déjà dit que c’était ridicule ! En plus quand tu as moins de dix-huit ans ça passe à peu près mais après ça devient craignos… Rappelle-toi ce qui est arrivé à Sailor Moon.

- Tu es dure Olga…

- Moi je suis dure ? C’est vous qui êtes à côté de la plaque ! Etre une héroïne c’est dans les tripes que ça se passe, les costumes n’ont rien à voir là-dedans ! »

Au fond d’elle-même, quelque part dans son esprit robotique géré par une intelligence artificielle, Kate fut touchée par les propos d’Olga.

« Tu dis ça parce que tu n’arrives pas à marier les couleurs et c’est pour ça que tu t’habilles toujours en noir et blanc... Se moqua gentiment Duchesse, mais ce fut suffisant pour vexer Olga.

- Qu’est-ce que vous pouvez m’énerver ! Broncha Olga avant de faire volte-face. Je m’en vais, vous êtes vraiment trop immatures… Ouch ! »

Olga Wing était trop occupée à pester contre ses amies pour regarder où elle mettait les pieds, et elle avait heurté de plein fouet un élève de deuxième année.

« Oups, pardonne-moi, je ne t’avais pas vu… » S’excusa platement le jeune homme dont les livres étaient tombés par terre. Il s’accroupit pour les récupérer. Un peu gênée, Olga l’aida à les ramasser, Olga et le garçon se saisirent du même livre en se frôlant les doigts, ce qui fit légèrement rosir les joues d’Olga.

« Merci beaucoup. »

Le jeune homme releva la tête et croisa alors le regard d’Olga, les deux élèves restèrent figés l’un sur l’autre. Sous sa chemise verte bien repassé, le petit brun aux yeux vert clair sentit son cœur battre la chamade tandis qu’il se noyait dans les iris grises et profondes d’Olga. Ses pommettes déjà bien roses au naturel virèrent au rouge, il ne trouvait plus ses mots.

« Ab, je-b, tu-b…Euh, enfind, j’veud didrie que… El.. Il… Enfin, euh… »

Dévisagée, Olga ne savait pas comment réagir, aucun garçon ne l’avait jamais regardée comme ça auparavant. Elle détourna son regard dur qui commençait pourtant à s’adoucir puis Jiji intervint.

« Grand frère ? Ca alors ! Qu’est-ce que tu fais là ?

- Gu… Grand frère ?!? Répéta Olga en fusillant Marjorie du regard.

- Je… Je te l’ai dit Jiji, je me suis inscrit à la Sentaï School moi aussi. J’ai eu une équivalence pour la deuxième année.

- Ah ! Mais c’est génial ça ! On se fait un selfy pour fêter ça !

- Non Jiji, arrête c’est trop la honte… »

Jiji se blottit contre son frère, écrasant sa joue droite contre la gauche de son frangin puis elle tendit son téléphone à bout de bras.

« Nyah, s’est fait !

- C’est toi Shinobi ? Demanda Môa en écarquillant les yeux, elle venait juste de reconnaître le jeune homme. Qu’est-ce que tu as grandi !

- Toi aussi Môa… Tu es devenue très coquette. »

Olga ne disait mot mais elle ne pouvait détourner son regard du jeune Shinobi. Il était timide et à peine plus grand qu’elle mais elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une inexorable attirance. Elle se sentait même jalouse qu’il complimente ainsi cette rondouillarde de Môa. Elle se trouvait quand même vachement plus jolie qu’elle.

Shinobi, tout en discutant avec son frère et Môa, jetait discrètement quelques coups d’œil dans sa direction.

« Eh Shinobi ! T’es passé où ? » Cria une voix au loin, le sang de Duchesse se glaça.

« Oh non… Cette voix… Ce n’est pas possible... »

A l’angle du bâtiment, un autre élève de deuxième année apparut en sortant de l’ombre. Il était à l’extrême opposé du doux et discret Shinobi. Les mains dans les poches, la veste volontairement rapiécée, la coupe irrégulière, des mèches décolorées blanches pour faire rebelle et les yeux surlignés au crayon noir pour se donner une allure so bad-boy, le gamin débarqua comme un cheveu sur la soupe.

« Tiens tiens tiens... C’est ti pas ma petite Duchesse préférée ?

- Snake ! Râla Duchesse, vraisemblablement mécontente de le voir.

- Vous vous connaissez ? Demanda Shinobi, surpris.

- C’est mon cousin… Déplora Duchesse. Snake Stratéquerre.

- Stratéquerre ? Comme la directrice de la Villains School ?!? S’écria Môa qui n’en croyait pas ses oreilles.

- Ma nullarde de mère ouais… Répliqua Snake avant de se tourner à nouveau vers Duchesse avec un sourire sournois. Alors comme ça t’es élève ici ma cocotte ? Et ben ça va être ta fête tous les jours, eh eh eh…

- Eh gros mâlin ! S’interposa Olga. Si tu t’approches de Duchesse tu auras affaire à moi !

- Et t’es qui toi ? Lady Kimelescasse ? »

Snake et Olga se toisèrent du regard, leurs yeux lançaient des éclairs. Shinobi se sentit obligé d’intervenir.

« C, ça, ça suffit v-vous deux… Vous n’allez quand-quand même pas vous b-battre le premier jour d’école, di-dites ?

- Tu bégayes toi maintenant ? S’étonna Snake.

- Ca… Ca m’arrive q-quand j’uis trop nerveux, répondit Shinobi en regardant furtivement la belle Olga.

- Oh oh… Fit Jiji, ses pupilles pétillaient.

- Quoi "oh oh" ? Releva Môa.

- Je crois bien que mon frangin est amoureux… Trop kawaï !!! Je vais refaire un selfy avec Bibi et Olga en arrière-plan !

- Amoureux ? » Répéta Kate qui ne connaissait pas le mot.

La sonnerie retentit et ils furent tous obligés se rendre en classe, mais Kate restait intriguée par la déclaration de Jiji. A la fin des cours, dans l'après-midi, Kate fit un crochet par la bibliothèque et ouvrit un dictionnaire.

« Amoureux, être amoureux… Ah voilà, définition : "état d’une personne qui éprouve de l’amour, un vif intérêt pour une autre personne. Qui aime avec passion." Hum… »

Les épaules de Kate s’affaissèrent tandis que son disque dur interne intégrait la définition.

(Moi je ne risque pas de tomber amoureuse, je suis un robot…)

Kate avait comme un goût amer dans sa bouche pourtant dénuée de papilles gustatives, elle avait un poids sur la poitrine, à l'emplacement du cœur ou dans son cas du générateur d'énergie.

(Qu’est-ce donc ? Est-cela que les humains appellent la tristesse ? Il faut que je rentre ça dans ma base de données…)

Son ouïe ultra développée perçut un mouvement furtif ainsi qu'un cliquetis dans son dos, elle se retourna immédiatement. Il n’y avait plus grand monde à cette heure dans le centre de documentation pourtant Kate se sentait observée… Elle fronça les sourcils et se leva de sa chaise. Doucement, avec sa super vision, elle scruta les rayonnages un par un, c’est alors qu’un flash l’aveugla. Prise par surprise, elle recula et se cogna contre la table. Elle se frottait les yeux : les cellules photosensibles de ses iris de synthèse étaient très délicates, d’où pouvait venir cette lumière ?

« Excuse-moi… Dit une voix douce et aimable. Tu es si mignonne que je n’ai pas su résister. »

Kate récupéra peu à peu l’usage de la vue. Elle distinguait désormais une silhouette masculine qui s’avançait vers elle, d’un pas lent. Le jeune homme arriva près d’elle et la couvrit de son ombre. C’était un beau rouquin, bon chic bon genre, la dégaine du gendre idéal si on exceptait la petite touche de fantaisie avec son stylo accroché à l’oreille. Il avait de grands yeux bruns noirs que ses lunettes rectangulaires mettaient bien en valeur. Il tenait entre les mains un appareil photo de professionnel.

Kate se sentit troublée, elle fit un pas en arrière, de crainte que ce bellâtre soit en réalité un ennemi infiltré venu de la Villains School pour l'attaquer.

« Qui diable êtes-vous ?

-  Pardon, je ne me suis pas présenté, s'excusa le jeune homme en retirant ses lunettes. Je m’appelle Olys, Olys Allen. Moi aussi je suis nouveau dans cette école. Je souhaite ardemment défendre la justice et la liberté de la presse. La photographie est ma passion, c’est pour ça que je t’ai prise en photo… Et toi, quel est ton nom belle enfant ?

- Je… »

Kate avait du mal à déglutir, le comble pour un robot sans œsophage.

« Je suis Kate, Kate Eraclor. »

Olys s’inclina humblement. De ses doigts délicats, il toucha la main de Kate qu’il frôla de ses lèvres.

« Chère Kate, je suis véritablement enchanté de faire ta connaissance… »

(Quelle… Quelle est cette sensation ? Si douce et chaude, mais en même temps terriblement violente ? Mon régulateur thermique a du mal à s’adapter. Je sens que mon processeur s’emballe, si ça continue, je vais devoir me mettre en veille prolongée avant ce soir… Ce garçon est-il magicien pour me faire ressentir de telles choses à moi qui ne suit qu’un robot avec une allure d’adolescente ? Peut-être bien… Peut-être bien qu’en réalité c’est cela l’Amour ?)

« KEN ! Ken ! Debout fainéant ! » Gronda Nonos 2 depuis le rez-de-chaussée. Ken s’activa, pas certain d’avoir les circuits bien opérationnels.

Il se traina d’un pas lourd dans le couloir de sa petite maison de banlieue en faisant craquer ses articulations de métal. Il avait l’impression que sa veille prolongée n’avait servi à rien, il se sentait complètement out.

Il brancha le câble électrique de son chargeur dans sa bouche pour remplir ses batteries aux 220 volts, il espérait se sentir mieux après cela mais quelque chose le préoccupait. Il décida d’en parler à son chien robotisé et tuteur légal.

« Nonos 2, j’ai des pensées bizarres depuis que j’ai fait ma restauration : j’ai rêvé que j’étais un robot fille.

- Allons Ken, ne raconte pas n’importe quoi : les robots ne peuvent pas rêver, ou alors juste de moutons électriques.

- Je reçois peut être des émissions d’un monde parallèle au notre, où le professeur Konga m’aurait donné un sexe féminin et où j’évoluerais au milieu d’un univers dominé par les femelles avec des fleurs et des papillons ? Ou bien c’est juste à cause des films romantiques que j’ai regardé…

- Peu importe, tu vas être en retard en classe ! Veux-tu bien te presser, sinon tu vas encore te faire remarquer ! » Ordonna Nonos 2.

Ken rechargé à bloc débrancha sa prise buccale, se leva de table puis attrapa son sac et ses lunettes de détective qu’il enfila sur son nez.

« Myxomatose et pipe en bois ! Je résoudrai cette énigme avant ce soir ! En attendant en route pour l’école. »

Ken ne pouvait s’empêcher de cogiter tout en sillonnant le trottoir dans un éclair bleu. Les images de son "rêve" étaient encore tellement claires dans son esprit, tout comme les sensations.

« Je ne suis pourtant pas programmé pour ressentir autre chose que de l’empathie pour les humains innocents et du dégoût pour les agents du mal. Alors c’était quoi ces bugs internes à la fin ? Si c’est vraiment ça l’amour, il faut que je le vérifie. Il me suffirait de voir comment un humain normal réagit et de comparer la réaction de Kate à la sienne. »

Ken suivit le chemin habituel pour se rendre à l’école, il savait qu’à environ 643 m de l’école il finirait par tomber sur Olys qui l’attendait tous les matins. En arrivant au bout de la rue Torta, il l’aperçut.

« Je dois faire un test. »

Ken dépassa Olys et s’arrêta dans un dérapage, soulevant les cheveux et la jupe de la jeune fille dans une bourrasque. Olys s’arrêta de marcher à son tour et glissa une mèche de cheveux derrière son oreille avec un geste très féminin et coquet.

« Salut Ken… » Dit-elle avec un petit sourire et les joues légèrement rouges, puis elle se pinça les lèvres, elle se trouvait tellement ridicule.

(C’est un robot Olys… Pas la peine de te mettre dans des états pareils, tu le sais. Tiens, là je parie qu’il va me balancer une grosse ânerie dont il a le secret ou faire un truc méga chelou.)

Ken s’approcha d’elle, bien décidé à tenter son expérience. Il se remémora les passages clefs de son fantasme et répéta la scène.

Dans un geste chevaleresque il s’inclina devant Olys, la jeune fille était perplexe. Il retira ses lunettes de détective d’un geste lent et sensuel. Puis, il prit délicatement la main d’Olys pour lui faire un baisemain. Il se redressa ensuite pour lui parler, son visage se trouvait à peine à quelques centimètres de celui d’Olys, elle pouvait distinguer toutes les nuances de bleu dans ses yeux métalliques.

« Tu es si mignonne que je n’ai pas su résister… »

Le visage d’Olys devint plus rouge que l’uniforme de Tôa.

(Kyyaaaaaaaaaaaaah !!! Trop d’émotion ! Trop d’émotion !!! Trop d’émo…)

Et la jeune fille s’écroula sur le sol, évanouie. Ken leva son doigt, l’air penaud.

« Mon raisonnement était pourtant sans faille… »

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