Ame otoko

Chapitre 1 : Ame otoko

Chapitre final

6874 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 30/03/2023 12:33

Ame otoko


雨男


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Cette fanfiction participe au Défi d’écriture du forum Fanfictions.fr :

Dansons sous la pluie (mars/avril 2023)


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 « Dis, Sakuya… »

 Il releva la tête de son livre. Plongé dans sa lecture de La Femme des sables, un roman signé Abe Kōbō qu’il n’avait toujours pas lu malgré le caractère de classique de la littérature de ce titre, c’était à peine s’il avait entendu sa compagne l’appeler. Elle était entrée dans la pièce sans un bruit, tenant dans ses mains un bouquet de narcisses, aux pétales blancs et au pistil doré, qu’elle avait disposé dans un vase haut et fin, au verre transparent. La décoration ainsi réalisée, bien que sobre, trônait sur une commode occidentale dans laquelle tous deux rangeaient soigneusement les documents administratifs divers qu’ils avaient amassés au cours des années, le bois du meuble se trouvant protégé du vase par un carré de tissu lilas brodé de blanc. Aoi n’était guère formée à l’art de l’ikebana, et pourtant elle savait arranger ses compositions et les accessoires pour que cela plût au regard, et surtout à celui de Sakuya.

 « Est-ce que tu te souviens de nos premiers rencarts ? demanda-t-elle en se laissant tomber dans le fauteuil voisin au sien.

 — Bien sûr, rit-il en glissant un marque-page sommaire – un ticket de train utilisé plusieurs mois auparavant – dans son livre, avant de le refermer et de le poser sur le guéridon voisin. Pourquoi cette question ?

 — Pour rien ! »

 Le sourire espiègle dessiné sur les lèvres de la jeune femme était toujours aussi adorable.

 « J’y repensais, c’est tout.

 — C’est à cause de la pluie, c’est ça ? »

 Ses dents se dévoilèrent, et sa tête se secoua tandis qu’elle riait doucement. Les cheveux, lisses et foncés, ondulaient dans cette danse impromptue qu’elle exécutait avec brio. Sur le carreau de la fenêtre, les gouttes ruisselaient, formant d’étranges dessins en creusant leurs sillons humides.

 « En quelque sorte, oui.

 — Et dire qu’à l’époque je pensais que ces averses les ruineraient…

 — Au contraire, renchérit Aoi en se rapprochant de lui, avant de déposer doucement un baiser sur sa joue. C’est ce qui les a rendus aussi mémorables… »



Printemps


 Les giboulées de mars, imprévues et pourtant redoutables, avaient réduit à néant tout espoir de participer au hanami du côté de Tōkyō. Prévue pour la mi mars, l’éclosion des fleurs s’était faite dans l’ignorance la plus totale, et sous des trombes d’eau, si bien que personne n’avait pu alors en profiter. De nombreux touristes étrangers avaient atterri aux aéroports de Haneda et de Narita dans l’espoir de faire une tournée des meilleurs lieux d’observation, uniquement pour finir cloîtrés dans des bâtiments, faute de pouvoir sortir et profiter de la capitale japonaise. C’était un désastre touristique, dans un sens, qu’aucune des estimations calendaires des cerisiers ou météorologiques n’avaient envisagé. Faute de quoi, tous ces visiteurs impatients de profiter de cette saison tant attendue étaient repartis avec une déception et une amertume bonnes à être noyées dans une pinte de bière dans un bar du coin.

 Les plus chanceux pouvaient toujours reporter leurs congés, et observer l’éclosion des fleurs de sakura dans une autre préfecture que celle de Tōkyō, en se dirigeant plutôt vers le nord du Japon, mais ce n’était guère envisageable pour la plupart des salariés ancrés dans une routine de laquelle il était difficile de se défaire.

 Ce fut sur un coup de chance que l’opportunité se présenta à Sakuya, l’arrachant au brouhaha tokyoïte, grâce à une invitation de sa mère, ainsi que grâce à une semaine de vacances imposée par ses supérieurs en raison de la nouvelle année scolaire, au début du mois d’avril. La chance lui avait souri et, mû par un désir presque puéril de passer du temps avec sa collègue de travail, il l’avait invitée à se rendre avec lui à Hirosaki, dans la préfecture d’Aomori, la plus au nord de l’île de Honshū, à quelques heures à peine en train de l’île et préfecture de Hokkaidō. À Hirosaki, la floraison était plus tardive, et avait vraisemblablement échappé et survécu aux trombes d’eau qui s’étaient déversées sur le Japon quelques semaines plus tôt.

 Son choix n’avait guère été motivé par un autre sentiment que l’affection qu’il portait à Aoi. Après de nombreuses années à travailler à ses côtés, et tout autant de sorties entre collègues pour se boire quelques verres après le travail, il avait fini par développer un attachement envers elle. Combien de fois s’était-il perdu dans ses pensées en contemplant la silhouette de la jeune femme, penchée sur son ordinateur, tapant à toute vitesse sur le clavier pour rédiger les rapports d’intervention ? Et combien de fois avait-il bégayé ses remerciements lorsqu’elle lui apportait une boisson chaude, ce redoutablement doux sourire aux lèvres, réalisant avec gêne et joie qu’il lui avait touché la main ? Ce n’était guère digne d’un homme adulte et inséré convenablement dans la société mais, face à Aoi, Sakuya perdait tous ses moyens.

 Elle avait accepté sans hésitation, et lui avait posé de nombreuses questions quant à la température saisonnière de Hirosaki. Née dans la préfecture voisine d’Akita, et dans laquelle elle ne s’était pas rendue depuis un petit moment, Aoi avait grandi dans un climat similaire à celui d’Aomori, mais force était de constater que même les chaînes de montagne de Futatsumori pouvaient engendrer de notables différences, à l’écouter parler. Et après une courte semaine de préparatifs, ils s’étaient retrouvés à partager une banquette dans le shinkansen qui les mènerait jusqu’à la gare de Shin-Aomori au terme d’un voyage de trois heures. Aoi avait emmené de quoi lire pendant des journées entières à en constater son sac à main, dans lequel Sakuya avait aperçu bon nombre de titres et d’auteurs divers. Aux côtés de Murakami Ryū se chevauchaient du Abe Kōbō, du Akugatawa Ryūnosuke, et même du Dazai Osamu. Peu d’autrices, mais que des classiques.

 Lui, il avait passé tout le voyage à admirer en secret son visage perdu dans les lignes verticales de texte, prétextant se repaître du paysage de campagne coloré et entrecoupé de moments obscurcis dans les tunnels lorsqu’elle le démasquait. Aoi lui avait proposé d’échanger leurs places, mais il refusa à chaque fois. Car sans cette piètre excuse, comment pouvait-il se justifier de la regarder ?

 Les lourds nuages gris s’amoncelant dans le ciel de la préfecture d’Aomori ne les quittèrent pas, même lorsqu’ils passèrent les hauteurs de Sawayama, après l’arrêt dans la gare de Hachinohe. Pire, ils furent accueillis dans la gare d’Aomori par un bruit qui, à présent, horripilait Sakuya après les journées entières passées à l’éviter à chaque sortie.

 « Tiens, dit Aoi en le rejoignant sur le quai, sa valise noire à la main, il pleut.

 — Je t’avoue que, pour une première en Aomori, j’aurais préféré pouvoir t’inviter par beau temps.

 — Allons, c’est sûrement une petite averse passagère ! Avec un peu de chance, ça se sera terminé lorsque nous arriverons à Hirosaki ! »

 Il acquiesça, bien qu’il ne fût guère convaincu par cette idée, mais se prit au jeu. L’optimisme sans faille d’Aoi avait toujours eu raison de son humeur assombrie par les imprévus, et par les intempéries, en l’occurrence. Il la guida alors jusqu’aux portiques qui leur permirent d’accéder à leur correspondance, sur la deuxième voie de la gare, quittant la onzième, réservée au shinkansen. Au cœur de la gare, ils croisèrent bon nombre de voyageurs ayant été surpris par l’averse ; des cadres en costume trempés jusqu’au os qui avaient de justesse sauvé leurs mallettes et leur contenu, des collégiennes dont les chaussures couinaient à chaque pas, gorgées d’eau, et quelques-uns qui, ravis d’avoir emporté ce matin-là leur parapluie en quittant le domicile, se pavanaient, presque entièrement secs.

 Aoi et Sakuya, quant à eux, attendirent sur leur quai le train qui les mènerait à la gare de Hirosaki, patientant sur les bancs de métal froid, abrités de l’averse qui, malgré tout, cherchait à les atteindre en faisant ricocher ses gouttes sur le goudron de la plateforme. Leurs valises, de plastique et de métal, constituaient un bouclier efficace pour les en protéger. Et dire qu’ils n’avaient pas prévu de parapluie, n’était-ce qu’au cas où…

 « Ça sent bon, ici, murmura Aoi en levant le nez, et humant le parfum humide de l’air. Et il fait même plutôt bon, tu ne trouves pas ? J’aurais cru qu’il ferait plus froid !

 — Nous sommes quand même début avril, rit Sakuya en contemplant, un peu plus loin, un shinkansen qui partait pour Hokkaidō. Ne va pas croire que Aomori c’est le pôle Nord, non plus ! »

 Une fillette s’approcha d’eux, de jolies bottes jaunes à ses pieds, et sautillant dans les flaques qui s’étaient formées sous les irrégularités du goudron. Un ciré, de la même couleur, la protégeait des gouttes, et la capuche, bien maintenue en place par des cordons que sa mère avait dû soigneusement nouer, lui évitait de mouiller son visage.

 « Hanako ! appela la femme qui approchait, un parapluie aux motifs de mauves à la main. Fais attention aux autres voyageurs ! »

Aoi sourit à la nouvelle venue, ainsi qu’à l’enfant qui bredouillait un « désolée » aux deux visiteurs, avant de retourner voir sa mère en courant, sans se soucier davantage des flaques.

 « Hanako, c’est un joli prénom, murmura-t-elle. L’enfant des fleurs, c’est de saison.

 — Espérons seulement pour elle qu’elle n’apportera pas toujours la pluie !

 — Tu veux en faire une ame onna ? Tu n’as pas honte de la maudire comme ça ? railla doucement la jeune femme en lui donnant un coup de coude dans le bras, avant de dissimuler son sourire derrière sa main. Je ne te savais pas aussi méchant !

 — Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit ! riposta Sakuya, entraîné malgré lui par le rire d’Aoi. Et puis, pour un gars comme moi qui attire toujours les averses, je lui souhaiterais plutôt d’apporter le beau temps. »

 Aoi se pencha doucement en avant, lui adressant un regard amusé qu’il osa à peine croiser. Il n’aimait guère qu’on l’observât de cette façon, mais pour elle, il pouvait bien faire une exception. Il lisait dans ses yeux rieurs un léger étonnement, et une envie de taquiner qui se faisait toujours plus pressante.

 « Alors comme ça, tu es un ame otoko, Fujitaka ? Voilà qui m’étonne ! Il pleut pourtant rarement quand tu es dans les environs !

 — C’est bien parce que tu es une hare onna qui contre mon mauvais temps, voilà tout. »

 Réalisant que sa parole avait dépassé sa pensée, Sakuya se mordit l’intérieur de la joue. Bon sang, de quel droit se permettait-il de lui faire une telle remarque ? C’était une déclaration bien trop osée pour un poltron tel que lui. À moins qu’il ne s’imaginât que cette phrase eût un autre sens du fait de ses sentiments qu’il taisait ? Il tourna malgré tout son visage en direction de sa collègue, qui s’esclaffait de plus belle, visiblement amusée par cette remarque, et ignorante du sens caché de ces paroles.

 Près d’eux, glissé entre les rails sur la voie et seul témoin de leur conversation, se dressait fièrement un pissenlit, luttant contre l’averse qui redoublait, en attendant que le train s’approchât et lui créât un abri.



Été


 La mi-juin, juste après le solstice d’été, était la meilleure période de l’année pour gravir les hauteurs du mont Iwaki qui surplombait toute la ville de Hirosaki. Si les saisons étaient marquées au Japon, il n’y avait – aux yeux de Sakuya – aucun lieu qui laissait mieux entrevoir leur passage que les alentours de la montagne.

 Au printemps, la verdure revenait, et se teintait de rose durant l’éclosion des nombreux bourgeons de sakura ici et là.

 L’été, le chant des cigales résonnait à travers les vallées alourdies par la chaleur du soleil, les sous-bois se peuplant de nombreuses miyama akabana, fleurs du fond de la montagne aux nuances proches de celles des roses pâles, dont les feuilles adoptaient une teinte brune lorsque s’annonçait la saison suivante…

 L’automne se remarquait d’ailleurs particulièrement bien, et Sakuya se remémorait les mois d’octobre passés à errer dans les couloirs de ses écoles et son université, observant par la fenêtre la montagne couverte d’érables se métamorphosant et adoptant leur robe carmin. Le spectacle des feuilles mortes volant au vent était semblable à un rêve éveillé.

 Enfin, l’hiver recouvrait tout cela d’un épais manteau de neige, les flocons se parsemant çà et là, laissant entrapercevoir, pour les plus courageux qui osaient gravir les pentes pour se rendre au temple situé sur le flanc ouest du mont Iwaki, quelques edelweiss déployant timidement leurs pétales.

 Ce fut dans l’espoir de pouvoir partager à Aoi ces panoramas que l’on ne retrouvait nulle part ailleurs que Sakuya l’avait invitée, ce matin-là, à prendre la voiture pour se rendre au cœur de la montagne. Bien qu’ils ne fussent guère hauts sur son flanc, à un peu moins de deux cent mètres d’altitude, la pente était déjà plutôt raide, et le moteur de la vieille fourgonnette de ses parents ronflait. Pourtant, elle était habituée à parcourir les hauteurs et les pentes de la ville vallonnée, mais force était de constater que la montagne n’était pas sa meilleure amie.

 Si depuis le parking ils ne pouvaient observer la ville qui s’étendait en contrebas, cachée par quelques bâtisses voisines, dont une auberge plutôt moderne, notamment, ils avaient toutefois une vue imprenable sur le pic de mont Iwaki, qui culminait à très exactement mille six cent vingt-cinq mètres au-dessus du niveau de la mer. Le sommet, encore couvert de quelques couches de neige, les toisait de toute sa hauteur, et semblait appeler à lui les courageux désirant le gravir, peut-être dans l’espoir d’entendre sa cloche sonner, suspendue au plus haut, symbolisant le point culminant de la région.

 Le projet avait été de se faire une randonnée sur les flancs de montagne, mais avant toute chose, il leur fallait rendre visite aux divinités enchâssées dans le temple du mont Iwaki afin de s’assurer une ascension sans risque, et agréable. Dur de déterminer si c’était la croyance locale ou bien une simple habitude qu’avaient inculqué les parents de Sakuya à leur fils en grandissant, mais voilà qu’il se plaisait à partager cette coutume à sa partenaire.

 Depuis qu’elle s’était déclarée à lui au printemps dernier, à sa plus grande surprise et pour son plus grand plaisir, il s’était mis en tête de lui faire découvrir les moindres recoins de sa ville de naissance lorsqu’ils s’y rendraient ponctuellement, au cours d’un week-end ou d’une semaine de congés. S’il lui fallait encore trouver un moment pour faire découvrir à Aoi le parc des pommes et l’étang aux lucioles, sans oublier le splendide festival Neputa qui aurait lieu au début du mois d’août, il avait toutefois choisi de l’emmener sur le mont Iwaki, dont elle avait vanté la beauté dès qu’elle l’avait aperçu la toute première fois.

 Ils furent accueillis dans l’enceinte du sanctuaire par un immense torii de pierre blanche, suivi d’un autre, aux tons grisâtres, avant que ne se succédassent quelques autres portes rouges faites de bois. La promenade sur le sol pavé était agréable, à l’ombre des arbres dont certains laissaient entrevoir quelques fleurs encore joliment écloses avec leurs belles couleurs vives, et là-bas, cachés dans leurs cimes, les oiseaux chantaient gaiement, vantant un été splendide qui s’annonçait. En apercevant une mésange boréale s’aventurant sur leur chemin, Aoi serra un peu plus ses doigts enlacés à ceux de Sakuya, avant de relever l’élégant chapeau de paille qu’elle avait glissé sur ses cheveux. Son sourire était aussi éblouissant que le soleil rayonnant par-delà le pont de feuilles qui les protégeait.

 Bientôt, ils parvinrent au bureau des talismans, où il espérait pouvoir en acheter un pour l’offrir à la jeune femme. Les petits omamori, ces pochettes pas plus grandes qu’un index nouées à une cordelette, que vendaient les prêtresses étaient particuliers, ici, et représentaient les fleurs traditionnelles symbolisant chaque mois.

 En janvier, les adonis ramosa étaient mis à l’honneur, de leur couleur dorée, puisqu’ils fleurissaient dès le début d’année. Pour mars, le omamori adoptait une teinte de violette, puisque c’était le mois de cette jolie fleur aux fins pétales. Lys, campanules à grandes fleurs – un quartier de Hirosaki, Kikyōno, était d’ailleurs nommé d’après cette plante – et chrysanthèmes se succédaient dans un ballet coloré, avant que le bal ne fût clos par une orchidée cattleya brodée sur un fond azur.

 Oui, sur le chemin du retour, il lui en offrirait un. Peut-être celui représentant un ayame, cette variété d’iris dont les pétales se teignaient de doré au plus proche du pistil et des étamines, puisque c’était la fleur de juin, et que l’anniversaire d’Aoi, née le trente du mois, approchait à grands pas.

 Une fois le bureau passé, et après avoir timidement salué la prêtresse qui s’en chargeait ce jour-ci, Sakuya guida Aoi jusqu’à la grande porte des cerisiers, le Sakuramon, érigée au-dessus d’un bel escalier de pierre protégé par deux komainu, les créatures gardiennes des temples. Voilà qu’ils entendaient aussi le léger remous de la cascade d’eau pure, provenant directement de la montagne, alimentée par les fontes des neiges d’hiver. Ils pénétrèrent respectueusement dans le bâtiment, et le traversèrent d’un pas léger, quoique discret, admirant les bannières suspendues et la fine sculpture du bois.

 Il lui fit découvrir chacune des bâtisses, appelant à ses souvenirs pour lui restituer la longue histoire de ce sanctuaire fondé vers la fin du huitième siècle, et qui n’avait cessé de se développer depuis, à travers les âges et les époques. Le doux regard que posait Aoi sur chaque bâtiment et chaque statue berçait le cœur de Sakuya et, dans ces moments-là, il tombait une nouvelle fois amoureux d’elle.

 Leur visite du temple du mont Iwaki fut brève, mais profiter de ce petit recoin de nature protégé par la dévotion des prêtres et prêtresses faisait perdre toute notion du temps qui s’écoulait. Et, tandis qu’ils admiraient un érable sanctifié autour duquel avait été nouée une corde de paille tressée en gage de la foi des locaux, Sakuya sentit une goutte tomber sur son avant-bras, rapidement suivie par plusieurs de ses comparses, bien pressées de s’échapper du nuage que le vent avait mené jusqu’à eux.

 « Tu ne m’avais pas dit qu’ils avaient annoncé un beau temps splendide pour aujourd’hui ? demanda Aoi en maintenant à une main son chapeau, et en le suivant en courant jusqu’à l’abri le plus proche.

 — Je suis sûr de ce que j’ai lu, plaida Sakuya en reprenant difficilement son souffle, sentant sa chemise de lin lui coller toujours plus à la peau. Il ne devait pas y avoir la moindre goutte ! »

 Le Sakuramon leur offrit un instant de répit, bien que la soudaine averse eût d’ores et déjà raison de leur confort. À chaque pas, leurs chaussures de randonnées grinçaient, et mieux valait ne pas parler de leurs vêtements, à présent imbibés d’eau comme de vraies éponges. Malgré tout, Aoi ne perdait son sourire, ses lèvres de la couleur des camélias s’entrouvrant innocemment. S’assurant que jamais son chapeau ne s’échapperait, elle avait posé sa main gauche dessus, ignorant les gouttelettes qui s’étaient accrochées à sa bague en forme de jasmin, qui allait de paire avec le pendentif de la même forme, couleur lavande, bien au chaud contre sa peau.

 Cela ne prit qu’un instant mais, emporté par son adoration pour ce regard pervenche et cette voix à en faire pâlir les mésanges boréales trop occupées à se dissimuler entre les fleurs des arbres aux mouchoirs et les feuilles des cerisiers pleureurs, Sakuya se pencha vers elle, et lui déroba un baiser, entre les murs coquelicot du Sakuramon. Le chant de la nature, rythmé par les gouttes de pluie s’écrasant entre les achillées et les reines des prés, accompagna cet instant de douceur.



Automne


 « Mais tu sais, tu devrais tenter de lire ce qu’écrit Shimazaki. Je préfère de loin la première pentalogie, mais Tsukushi, Mitsuba et Hōzuki sont plutôt pas mal. Et je ne parle pas de Wasurenagusa, mais je crois que je l’aime autant parce que le myosotis est ma fleur préférée… »

 Sakuya acquiesça. Lorsqu’Aoi évoquait ses lectures favorites, rien ne semblait pouvoir l’arrêter. Récemment, elle s’était lancée dans la lecture – pour ne pas dire qu’elle dévorait chaque titre – de courts romans d’une autrice japonaise qui, contre toute attente, écrivait en français. La traduction de ses histoires avait tardé à parvenir jusqu’au Japon, mais il était difficile d’ignorer le sourire enfantin qu’affichait Aoi dès qu’elle apercevait en librairie un exemplaire qu’elle n’avait pas encore. Celui qu’elle feuilletait encore la veille, Suzuran, titré d’après le muguet, n’échappait pas à la règle des titres floraux. « Trèfle », « grenade » et « camélia » se retrouvaient aux côtés de « luciole » et « libellule », et Sakuya était prêt à parier que c’était cette singularité dans le titrage des romans qui avait attiré l’attention de la jeune femme.

 À force, sa bibliothèque s’était fleurie, aussi bien grâce aux couvertures qu’aux fameux titres. Bon, il fallait avouer qu’en ce moment, les romans se retrouvaient les uns après les autres glissés dans les cartons en vue du déménagement qui se faisait imminent, et ne trônaient plus sur les étagères, mais ils retrouveraient tant bien qu’assez tôt leur place d’honneur entre deux serre-livres en forme de roses qu’Aoi s’était procurés dans une brocante en campagne.

 À force de la voir se démener dans la paperasse domestique ainsi qu’au travail, Sakuya l’avait invitée à prendre une pause – pour ne pas dire qu’il l’avait contrainte – et, par chance, ce repos forcé coïncidait parfaitement avec la tenue du festival des chrysanthèmes de Hirosaki. Après le trajet en train habituel et un repas en compagnie des parents de Sakuya, qui les hébergeaient cette fois-ci encore, ils s’étaient dirigés avec impatience vers le château qui surplombait le parc où se tenaient les festivités annuelles.

 Et il fallait dire que le Kiku matsuri de Hirosaki gagnait en beauté d’année en année. Dans les allées, d’ordinaire simples chemins de gravillons creusant la pelouse verte, se déployaient les pétales de centaines de milliers de fleurs. Les pots, céramique décorée pour certains, et simple plastique pour d’autres, s’alignaient en rang d’oignon, quoique de façon plutôt disparate, et permettaient aux nombreux visiteurs s’étant réunis pour l’occasion d’admirer les chrysanthèmes aux multiples formes et couleurs disposés là. Blancs, roses ou encore jaunes, ils étiraient leurs majestueux pétales comme s’ils n’attendaient que d’être contemplés.

 De grandes compositions servaient de décoration ; particulièrement nombreuses cette année-là, elles représentaient des animaux, des monuments, et même, bien évidemment, des fruits. Tout près du château, au centre du dernier étage du parc, avait été dessinée à l’aide de dizaines et de centaines de pieds, une pomme rouge, symbole de la ville. Lorsqu’ils y parvinrent, Aoi s’exclama avec l’excitation d’une enfant, et invita Sakuya à prendre une photo ensemble.

 « Celle-là, je l’imprimerai, et la mettrai dans un cadre sur mon bureau, » sourit-elle en contemplant le cliché pris à l’aide de son téléphone portable.

 L’après-midi se déroula de cette façon, paisiblement, les érables dessinant une toile écarlate sous leurs yeux. Au loin, le mont Iwaki se teintait lui aussi de vermillon et d’or. Le spectacle ne perdait jamais de sa superbe ; même si les années s’écoulaient et qu’une routine s’installait, admirer les momiji était intemporel et toujours inédit.

 Si les cerisiers de printemps symbolisaient le renouveau, les feuilles d’automne rappelaient à tous le caractère éphémère des choses, auquel il fallait se révéler sensible. Ce petit instant de bonheur auquel Sakuya aspirait en cet instant ne pouvait durer, mais c’était parce qu’il finirait par s’achever qu’il en devenait beau. Et contempler Aoi qui, assise sur un banc, levait le nez au ciel pour contempler les érables et les ginkos, quand bien même elle finirait par se lever tôt ou tard, l’émouvait avec tendresse.

 Un grondement résonna dans les cieux, et un éclair illumina les nuages amoncelés par-dessus leurs têtes. Dans sa rêverie, il en avait oublié que la pluie s’annonçait. Et voilà que quelques gouttes tombaient, s’écrasant sur les feuilles, les fleurs, le gravier, les vêtements. Aoi s’empressa de fouiller dans son sac à main, à la recherche d’un parapluie, qu’elle déploya. Il l’y rejoignit, mais faute de place, son épaule se retrouva tout de même trempée. Mais si c’était pour garantir à sa compagne d’être au sec, alors il pouvait bien se sacrifier un peu. Au pire, il se réchaufferait en prenant un bain en rentrant, et se faufilerait sous la couette chauffante du salon avant de dîner.

 « Il vaudrait mieux qu’on trouve un abri, non ? proposa Aoi en se relevant, et en l’invitant à faire de même.

 — Moi qui pensais que les fleurs raffolaient de la pluie. Voilà que tu me surprends ! »

 Aoi leva le nez dans sa direction, croisa son regard, et s’esclaffa.

 « Tu gagnes en assurance, dis donc ! Il y a quelques mois encore tu aurais rougi comme une pivoine rien qu’en pensant ça !

 — Je n’y peux rien ! protesta-t-il, d’un air faussement vexé. C’est toi qui me fais devenir comme ça.

 — Tu es sûr que ça n’est pas plutôt la pluie ? Tu deviens un autre homme, quand il pleut à Hirosaki.

 — Estime-toi heureuse d’avoir échappé à la saison des pluies de cet été, alors. Qui sait à quels compliments tu aurais eu droit ?

 — C’est vrai, mais au moins ça n’aurait pas été de ton ressort, cette fois-ci. Je vais vraiment finir par croire que tu es un ame otoko, tu sais ? À chaque fois que tu m’emmènes en Aomori, ou presque, il pleut, même quand le bulletin météo annonçait un soleil radieux ! »

 Les gouttes s’invitaient dans les empreintes de leurs pas dessinées dans le sol, devenant alors de minuscules bassins dans lesquels viendraient probablement se perdre quelques insectes, ou bien encore des oiseaux en quête de rafraîchissement lorsque l’intempérie se serait apaisée.

 « Je suis désolé qu’on ait à se prendre une averse comme ça, aujourd’hui. J’aurais aimé te faire découvrir le festival des chrysanthèmes par beau temps…

 — Ne t’en fais pas, c’est comme ça, on ne peut rien y faire. C’était notre seul week-end de disponible, et il fallait qu’il pleuve. Mais je suis ravie d’avoir pu voir tout ça ! »

 Elle irradiait, brillait comme le soleil qui, timidement, se dévoilait déjà par-delà les nuages noirs. L’orage qui avait éclaté s’était fait bref, mais la pluie ne cessait de tomber. Ce duo, dans le ciel, était splendide. Et eux formaient un couple tout aussi hétéroclite ; un homme qui apportait constamment la pluie, et une femme qui rappelait le soleil à eux. Mais cette clarté et cette chaleur qui se dégageaient d’Aoi faisaient partie de ses nombreux atouts, et Sakuya mentirait s’il niait combien cela lui plaisait.

 Les averses pouvaient s’annoncer autant qu’elles le désiraient, il savait qu’Aoi serait toujours à ses côtés pour les changer en instants de joie, aussi éphémères pussent-ils être. À l’image des feuilles d’érables, cela ne durerait qu’un temps, mais c’était ce qui les rendait aussi uniques.



Hiver


 Blotti sous l’épaisse couette du futon, Sakuya se tournait et retournait, incapable de trouver le sommeil. À quelques centimètres de lui, Aoi était dos à lui, et son souffle régulier le berçait. Mais cela ne suffisait pas à l’aider à s’endormir, contrairement à d’habitude. Non, il cogitait bien trop pour espérer pouvoir se reposer.

 « Qu’est-ce qui t’arrive ? »

 Il l’entendit remuer, et s’approcher de lui. Une main chaude vint lui caresser l’avant-bras, et la joue de la jeune femme se logea sur sa clavicule. Ses cheveux sentaient bon, un subtil mélange de lavande et de patchouli, œuvre d’un savonnier dont la boutique, située du côté de Yanesen, à Tōkyō, était particulièrement réputée auprès des adeptes de senteurs florales en tout genre. Cette fois-ci, cependant, ce doux parfum n’apaisait que partiellement ses tourments.

 « Rien, soupira-t-il.

 — Ce n’est pas rien, ça, murmura Aoi de sa voix encore endormie. Si tu soupires, c’est qu’il t’arrive quelque chose.

 — Je réfléchis juste, c’est tout. Ne t’en fais pas. »

 Il lui embrassa le front, glissant ses doigts dans les cheveux doux. Elle se lova davantage contre lui, comme si elle cherchait sa chaleur, alors qu’elle-même était bouillante, contrairement à l’air de la pièce, qui s’était rafraîchi dans la nuit une fois le radiateur coupé. Sa respiration était profonde ; elle dormait paisiblement, très certainement épuisée par leur journée de randonnée dans les montagnes. Et dire qu’il avait prévu de l’emmener skier sur le flanc est du mont Iwaki le lendemain. Elle serait en état, c’était certain. Mais qu’en était-il de lui, qui ne pouvait décidément pas se laisser submerger par le sommeil ?

 Ils étaient arrivés l’avant-veille dans les environs et, grâce à une navette depuis la gare, avaient investi au plus vite leur chambre dans l’auberge traditionnelle. Les tatami confortables leur offraient un repos agréable, et les futon les gardaient bien au chaud la nuit. Même les bains étaient incroyables, et Sakuya s’était intérieurement félicité d’avoir si bien choisi leur logement. Pour une fois, la pluie ne pouvait venir gâcher leur petit rendez-vous, car l’hiver rigoureux de Hirosaki amenait avec lui des mètres de neige dont les flocons tombaient doucement du ciel. La vue qu’ils avaient depuis la fenêtre était immaculée, et on devinait à la hauteur des branches des arbres logés là que le sol était enfoui sous au moins deux mètres de poudreuse, qui ne fondraient que lorsque le printemps s’annoncerait.

 Immobilisé sur le dos, il fixait le plafond, laissant son esprit divaguer. Dans sa tête, les pensées se succédaient et, décidément, ne voulaient en rien le lâcher. Pourtant, ça n’était pas si dur, si ? Ne penser à rien était plus facile à dire qu’à faire, malheureusement pour lui.

 « Dis-moi, reprit Aoi qui s’était finalement extirpée de son sommeil, probablement à cause de sa respiration erratique et de ses mouvements nerveux. Qu’est-ce qui te tracasse ? Il se passe quelque chose ?

 — Rien, je t’assure, ce n’est pas important. »

 Elle s’était redressée dans le futon, et il sentait qu’elle le fixait dans la pénombre. Lui-même distinguait son regard, faiblement éclairé par les rayons de la lune qui se reflétaient dans la neige. Parvenait-elle à lire ses pensées ?

 « Si ce n’est pas important, pourquoi ça t’empêche de dormir, alors ? »

 Il ne répondit pas. Elle n’avait pas tort, après tout. Mais il refusait de lui en parler. Ce devait être une surprise, après tout, et lui en toucher ne serait-ce que deux mots enlèverait tout le charme de la surprise…

 Ses mains glissèrent jusqu’aux joues d’Aoi, dont il approcha le visage pour l’embrasser. Elle laissa s’échapper un petit rire, et reprit sa place à ses côtés, mais ne voulait pas pour autant lâcher l’affaire.

 « Il faudra que tu t’expliques un jour. Ne va pas croire que m’embrasser suffit à me faire taire. »

 Sakuya secoua la tête.

 « Ne va pas croire que c’est ce que je pense. »

 Il écarta les bras, l’invitant à s’y glisser à nouveau, ce qu’elle fit sans attendre, en se permettant de déposer un baiser sur sa joue au passage. Il l’enlaça, serrant peut-être un peu trop fort son étreinte, en se rassurant comme il le pouvait. Si, d’ordinaire, son anxiété s’atténuait ou disparaissait lorsqu’Aoi se trouvait à ses côtés, elle ne faisait qu’empirer lorsque ses tourments la concernaient. Et, en l’occurrence, il ne pouvait lui en parler tant il rêvait de lui faire la surprise.

 Comme si le ciel lui invectivait l’ordre de faire taire ses pensées, la pièce s’illumina intensément, l’espace d’un instant, avant que l’éclair ne disparût aussi rapidement qu’il n’était apparu. Puis, peu de temps après, un grondement résonna soudainement – le coup de tonnerre qui accompagnait habituellement les orages. Aoi sursauta.

 « Ce n’est qu’un orage, souffla Sakuya. Ça va vite passer, ne t’en fais pas.

 — Je n’ai pas peur, sourit-elle. Viens, on va regarder les éclairs ! »

 Elle sortit de son futon mais, constatant la fraîcheur de l’air, décida de s’emmitoufler dans la couette, et de se déplacer avec jusqu’au devant de la porte-fenêtre. Assise sur le tatami, elle se tourna dans sa direction, et lui fit signe. Quelques secondes plus tard, lui aussi avait bravé le froid de la pièce pour se loger sous la couette, à ses côtés.

Dehors, l’orage de neige s’affirmait de plus belle. Les flocons virevoltaient dans un ballet dont eux seuls connaissaient le rythme, et devant leurs yeux émerveillés.

 « C’est comme faire un hanami en plein hiver ! »

 Sakuya acquiesça. C’était une belle comparaison, oui. Ne manquait plus qu’un pique-nique pour parfaire le tout. Si seulement ils avaient au moins eu quelques confiseries ! Ç’aurait été agréable de déguster quelques wagashi en forme de pétales de fleurs ou bien de prune, comme ceux qui évoquaient le printemps et la nouvelle année. Certes, ce n’était pas encore la saison, mais il était plaisant de se laisser rêver.

 « Je pensais que ça n’arrivait qu’à Hokkaidō, murmura Aoi, sans détourner le regard de ce qu’elle apercevait par-delà la grande baie vitrée.

 — Ça se produit de temps en temps dans le Tōhoku aussi. Je me souviens, quand j’étais petit ça me terrifiait. Mais aujourd’hui, ça va, puisque tu es avec moi. »

 Elle tourna la tête, et lui offrit une vue splendide sur son sourire, accompagné de son regard brillant d’amour. Sa main, toujours aussi chaude, vint se loger dans celle de Sakuya, gelée. Il caressa sa peau si douce, et fit tourner sur elle-même la bague qu’elle gardait à l’index gauche.

 « Dis-moi, fit-il alors, quelle est la fleur dont tu aimes le plus la forme ? »

 Les sourcils d’Aoi se froncèrent, mais sa bonne humeur ne la quittait pas, bien au contraire. Tout comme les éclairs qui redoublaient d’intensité par-delà la porte-fenêtre, son bonheur croissait seconde après seconde.

 « Je pense que c’est l’anémone. Lorsqu’elles sont ouvertes, on dirait de vrais soleils colorés, tu ne trouves pas ? C’est une vraie fleur d’amour, en plus de ça… Mais pourquoi cette question maintenant ?

 — Comme ça, répondit Sakuya en haussant les épaules. C’est cet orage, ça m’a fait penser à nos voyages à Hirosaki où il pleuvait toujours. Enfin, on peut dire qu’il pleut lorsqu’il neige, techniquement, mais bon… Avec ça, tu n’as pas pu profiter des fleurs. »

 Oui, une bague en forme d’anémone, ce serait sublime. S’il pouvait trouver une pierre allant à merveille avec cela, elle serait comblée. D’un coup, son angoisse s’était échappée. Elle serait ravie, il n’en doutait pas. Voilà que l’anxiété laissait place à l’impatience.

 « Oh, mais j’ai pu profiter de ta présence, et tu m’as montré de beaux endroits malgré tout. Et n’oublie pas qu’il n’a pas plu à chaque fois non plus ! »

 Son rire cristallin éclipsait le grondement de l’orage qui s’éloignait. Les flocons ne cessaient leur descente inexorable vers le sol où ils s’amoncelleraient à leur tour comme chacun de ceux qui les avaient précédés. Leur lueur pâle éblouissait Sakuya, et si d’aventure il osait glisser sa paume hors de la pièce, il la retrouverait rapidement trempée et gelée, comme à chaque fois que les averses l’avaient pris par surprise ces derniers mois.

 « Finalement, murmura Aoi, ce n’est pas si mal que tu sois du genre à amener la pluie. »

 Elle tira un peu plus la couette, l’obligeant à se rapprocher d’elle. Elle sentait si bon, et sa peau était si chaude… Le cœur de Sakuya cognait, empli de joie. Comme il était agréable de se blottir contre celle que l’on aime…

 « En hiver, grâce à toi, il neige aussi. Et on peut admirer de merveilleux paysages, comme là. J’adore ça. »

 Aoi posa sa tête sur son épaule. Ses yeux tournés vers le paysage enneigé semblaient perdus dans sa contemplation muette.

 « Et heureusement que toi tu amènes le beau temps, répondit Sakuya en faisant de même, glissant sa joue sur les cheveux parfumés de la jeune femme. Tu attires les tournesols à toi en brillant comme un soleil… »

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