Une Dernière Bataille

Chapitre 17 : Qu'est-ce que la Peur ? - Première Partie

10549 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/05/2024 08:43

09 octobre 1995

Norvège, Asgard, Province Nord

 

Sous la lourde branche d’un conifère plusieurs fois centenaire, un feu rongeait une pile de bois en émettant de petits craquements secs. L’air alentour embaumait une puissante odeur de résine. Portés par le souffle du vent, tels des feuilles entraînées par le courant de la rivière, les nuages avaient déserté le ciel nocturne, abandonnant l’astre lunaire à visage découvert.

Embroché au-dessus du brasier, un lièvre écorché laissait dégoutter sa graisse qui grésillait au contact de la source de chaleur. Emmitouflés dans d’épais manteaux, un couple de silhouettes dardait des regards gourmands sur l’animal en train de cuire. La plus mince des deux relâcha un panache de fumée entre ses dents serrées autour du tuyau de sa pipe.

- Ça sera bientôt prêt, annonça-t-elle à son compagnon.

Ce dernier leva le nez de la tasse en métal qu’étreignaient ses larges mains.

- Tant mieux. Je crève de faim.

A sa voix, il semblait désespéré.

- Tu n’es vraiment qu’un ventre sur pattes, Raul, le tança Gearóid. Toujours à vouloir becqueter. Parfois, je me demande comment il est possible que tu ne deviennes pas aussi large qu’une barrique.

Un tic nerveux agita le coin de la bouche du Chevalier du Taureau.

- Contrairement à toi et ton frêle gabarit, j’ai besoin de ressources pour faire fonctionner ma grande carcasse. Rien de bien mystérieux là-dedans. Et puis, j’ai un métabolisme élevé et l’exercice ça me connaît. Demande donc à …

- Tes conquêtes ? le devança l’Irlandais qui savait très bien sur quel terrain la conversation glissait. C’est vrai que de ce côté-là, tu es le champion toute catégorie. A les entendre, tu as un petit côté … bûcheron.

- Hé, ne te moque pas de moi ! répliqua Raul, soudain tendu. Je suis physique et après, tu as mieux à proposer ?

- Ben, j’ai une approche un peu plus subtile que la tienne dans ce domaine.

- Et qu’est-ce qui a davantage de succès, hein ? (Il se redressa, quittant l’Urne dorée sur laquelle il était assis.) A combien de femmes peux-tu te vanter d’avoir ouvert les cuisses ? Moins que moi, ça c’est certain, alors maintenant ferme-la et envoie-moi un morceau de cette foutue bestiole !

Son enthousiasme initial douché, l’Irlandais bondit sur ses pieds, prêt à en découdre. Il esquissa finalement un sourire amusé dans l’ombre de son capuchon et découpa un membre à l’aide de son couteau. D’un mouvement vif du poignet, il le lança sur Raul. Surpris, celui-ci le rattrapa de justesse, jonglant presque avec. Il partit se rasseoir d’un pas lourd, non sans avoir adressé un chapelet d’imprécations à Gearóid.

Avant de se servir lui-même sur l’infortuné lièvre, le Chevalier d’Orion vida le contenu de sa pipe dans les flammes et la rangea. Tandis qu’il mâchonnait, quelques gouttes de graisse coulant sur son menton, son attention dériva vers le sac de cuir posé près de ses bottes. S’il délassait les cordons et l’ouvrait, il savait qu’il y trouverait un globe bleuté de la taille d’un poing d’enfant.

L’orbe des ténèbres, songea-t-il.

Environ deux jours plus tôt, Raul et lui l’avaient découvert dans d’anciennes ruines situées au nord-est de leur actuelle position. Souterraines, celles-ci avaient servi de repaire à un groupe de Chevaliers Noirs, plusieurs centaines d’années auparavant. Commettant pillages et meurtres, sept rebelles au Domaine Sacré s’étaient sinistrement illustrés au cours de la période que les historiens d’Asgard nommaient le Mal Noir. Trois années durant, ils avaient sévi jusqu’à ce qu’une coalition de Chevaliers et de Servants en fût venue à bout après d’âpres combats. Il s’était alors agi d’une des toutes premières alliances entre les forces grecques et ce royaume autarcique.

A leur arrivée sur les lieux, le duo avait directement mené des recherches de terrain. A la lueur de leurs torches, de vieux butins avaient été découverts sous des amas de roches ainsi que les restes des dépouilles des précédents locataires. Quatre corps encore recouverts de leurs Armures. Du moins, ce qui en avait survécu. Et le Mexicain, curieux, n’avait eu qu’à y mettre une pichenette pour que le métal couleur de suie s’effritât comme de la cendre. En soulevant l’un des rares meubles encore d’un seul tenant, Gearóid avait mis à jour un cinquième corps. Dans sa cage thoracique, il avait trouvé l’artefact irradiant une lumière amoindrie par une couche de poussière. Sitôt récupéré, celui-ci avait été placé dans une bourse en compagnie d’autres trésors récoltés par l’Irlandais. Selon son expérience, tout pouvait être utile, surtout ce qui était constitué de métal précieux.

Une chance que l’endroit supposé se soit révélé être le bon au premier essai, reconnut en fin de compte le Chevalier d’Argent.

Cette pensée le ramena encore plus loin dans le cours du temps. Cinq mois en arrière plus exactement.

Au terme d’une série de traductions et d’études, un détachement s’était rendu sur un antique site censé coïncider avec les critères établis par la Haute Prêtresse d’Odin. Après des jours d’investigations poussées, ils avaient dû se rendre à l’évidence ; il n’y avait rien. Bredouilles, ils étaient rentrés à la capitale et avaient repris leur théorie à zéro. En étendant le champ d’investigations, Sosia avait reconnu avoir négligé le fait qu’Odin partageait les âmes des guerriers morts avec la déesse Freyja. Tellement focalisée sur le dieu tutélaire d’Asgard, elle avait oublié une bonne partie de ce qui tournait autour. Déterminée à se racheter, son équipe et elle avaient œuvré d’arrache-pied nuit et jour, faisant fi de tout repos. De ces longues veillées était ressortie une piste conduisant à la Forêt Pétrifiée. Cette fois-là, les déductions s’étaient avérées correctes. Malheureusement, tout ce qu’ils avaient déniché à leur arrivée était un parterre de cadavres et les stigmates d’un rude affrontement. Au-delà de leur amère déception, ils s’étaient surtout interrogés sur l’identité du nouveau possesseur de l’orbe. Etaient-ils des séides de Loki ? Du mystérieux troisième groupuscule ? Et entre quelles mains était-il préférable qu’il eût atterri ?

La réponse n’avait pas tardé à leur apparaître, alors que les germes de la guerre, en sommeil depuis déjà trop longtemps, s’étaient manifestés. Des hordes barbares, originaires de l’extrême nord du royaume, s’abattirent telles une avalanche sur les cités du sud, et avec eux, les premiers corbeaux annonciateurs du fléau avaient pris leur essor.

Des villes et des villages entiers étaient tombés soit par la force des armes, soit par la félonie d’hommes du commun, brebis galeuses cachées au milieu du troupeau, ou par l’avidité de certains jarls, pourtant renvoyés avec confiance chez eux. Quelques-uns des domaines fortifiés étaient parvenus à rassembler assez d’hommes et de vivres pour soutenir un siège durant un certain laps de temps. Toutefois, ceux qui avaient eu l’occasion de réunir ces maigres ressources avaient été écrasés par la supériorité numérique de leurs adversaires. Et quand cela ne suffisait pas, les mages des runes, sombres personnages, usaient de l’art offert aux mortels par Odin, pour briser les vies des défenseurs, trahissant ainsi même leur serment de ne pas s’en servir à des fins malveillantes.

Ainsi gangrenées de l’intérieur et souffrant d’une mauvaise organisation dûe à leur disparité géographique, les défenses du Nord n’avaient tenu bon que très peu de temps. En l’espace de trois mois, les deux tiers de la Province s’étaient retrouvés sous le contrôle des forces de Loki.

Néanmoins, la lutte acharnée que les assiégés avaient opposée à leurs ennemis avait permis au vieux Nordring, à qui le commandement avait été confié, de déclencher diligemment son plan d’action dans le reste des Provinces. De son côté, la reine Ylva était parvenue à maintenir une étonnante cohésion parmi ses sujets et à entretenir la flamme de l’esprit combatif en eux. De plus, l’aide des Chevaliers et des Marinas avait été providentielle pour maintenir cette solide opposition, bien qu’ils ne pussent être de toutes les batailles.

Préparées de manière adéquate, les garnisons, les dernières du Nord et les autres, avaient stoppé l’avancée ennemie, à l’image de falaises sur lesquelles viennent se briser les vagues. La pression maintenue au centre de ce front désormais uni avait reflué pour se concentrer davantage sur les sites les plus excentrés des flancs. Rejoignant des lieux déjà investis, les séides du Mage des Mensonges avaient conquis deux cinquièmes des Provinces Est et Ouest avant d’être finalement repoussés. Une zone de front en croissant s’était ainsi formé au bout de plusieurs mois et le conflit avait doucement commencé à s’enliser dans une guerre de position.

Bien entendu, comme dans tout affrontement de cette ampleur, les principales victimes étaient les civils. Des flots ininterrompus de réfugiés débarquaient jour après jour depuis les territoires occupés par Loki. Du moins, ceux qui parvenaient à s’échapper. Les autres, en soustrayant les inévitables pertes, étaient capturés pour servir les exigences de leurs nouveaux seigneurs et maîtres.

Perdre une partie des Provinces Est et Ouest était dommageable, mais la capture d’une grande portion de celle du Nord risquait d’entraîner à terme de fâcheuses conséquences pour la population demeurée libre. En effet, cette région n’était certes pas connue pour sa fertilité, cependant, sa superficie parvenait à combler partiellement ce défaut. Privé de ces revenus et contraint d’accueillir un nombre de sujets démunis toujours plus croissant, ce qui restait du royaume d’Asgard risquait d’être incapable de faire face très longtemps à cette situation. Une telle promiscuité, couplée à un manque de vivres, pouvait conduire à l’apparition de maux tant physiques que moraux et entraîner le meilleur des hommes à commettre de vils actes.

« Peut-être l’objectif de nos ennemis est-il de nous pousser dans cette direction. » avait laissé présager le Chef de Bataille Nordring.

Un élément, attendu désespérément, était cependant sorti de cette sinistre situation ; la nature exacte de l’artefact ainsi qu’une piste concernant sa localisation.

A l’issue de longues et fastidieuses recherches, Sosia, la Haute Prêtresse, avait fini par désépaissir le voile de mystères pesant sur l’ouvrage clé. Comme elle l’avait établi plus tôt, il s’agissait d’un journal, mais pas n’importe lequel. Ses auteurs avaient tous été des rois d’Asgard, chacun y confiant ses décisions importantes, ses craintes et ses espoirs. Qu’ils eussent été des souverains adulés ou détestés, ils n’avaient en tout cas jamais été inférieurs au rôle qu’ils remplissaient. Sa lecture avait appris à Sosia beaucoup sur la fondation du royaume et sur les mœurs de ces époques lointaines. Après des mois de travail à remonter la ligne du temps, elle était finalement parvenue à aboutir à une traduction complète. Sur la première page du livre, elle avait retrouvé le texte fondateur de la lignée royale d’Asgard, rédigé par le roi Völken lui-même :

 

« Moi, Völken, prête en ce jour, ce qui sera le serment des souverains d’Asgard, présents et à venir.

A ceux qui se tapissent dans l’ombre, hommes ou bêtes, distillant l’effroi et la tromperie, je jure de les débusquer.

A mes frères et sœurs, mon peuple, je promets la sûreté et la chaleur d’un foyer.

A leurs ennemis comme aux miens, à ceux qui me défient, je ne destine qu’une anonyme tombe de glace.

Sous mon règne, ruine et chaos n’auront pas leur place.

Bâtisseurs et fondateurs, gens de l’esprit, plus que les conquérants, de mon royaume seront le symbole.

Préserver la lumière et l’espoir dans le cœur de tous en les guidant, qu’ils se fient à moi comme à leur boussole.

Et si pour protéger cette nation, le destin me conduit à offrir ma vie, je le ferai avec honneur en recommandant mon âme aux Valkyries. »

 

A partir de cet instant, ils avaient dû reconnaître qu’en dépit d’un ouvrage consultable dans son intégralité, ils ne réussiraient pas à dégripper les rouages de leurs réflexions. Leur précédent mouvement, réalisé avec précipitation et sur une unique hypothèse hasardeuse, n’avait tenu qu’à la chance de correspondre à quelque chose de concret. Un tel casse-tête n’offrait aucune prise, même en le retournant en tous sens. La situation n’avait réellement commencé à évoluer qu’à partir du moment où …

 

Le nez de l’Irlandais se fronça instantanément, tandis qu’il percevait une étrange odeur portée par le vent nocturne. Il se redressa tel un ressort et huma l’air avec insistance.

- Sealgaire Aireachtáil, murmura-t-il en éveillant son cosmos au plus bas niveau.

Un fin halo argenté enveloppa aussitôt son corps à l’instar d’une seconde peau. A l’aide de cette énergie, Gearóid démultiplia ses facultés sensorielles, aussi bien en terme de portée que d’acuité.

- Qu’est-ce qui se passe ? s’enquit Raul.

Par-dessus l’arôme de résine chaude, une étrange odeur musquée s’engagea dans les narines du Chevalier d’Argent. Titillant ses muqueuses rendues hypersensibles, l’effluve forma des images dans son esprit. La puissante fragrance de la forêt, la puanteur étouffante de la chair morte et l’écoeurant bouquet de la sueur rance. Troublé, il redirigea l’afflux énergétique et le concentra pour affûter sa vision. Désormais doté d’une perception digne de celle d’un rapace, il entreprit de percer les ténèbres pour découvrir la source de cet amalgame d’odeurs. Mettant à profit chaque rayon lunaire que les arbres laissaient filtrer, il parvint finalement à apercevoir ce qu’il cherchait. Un frisson irrépressible le parcourut et il rompit le contact visuel rapproché d’un battement de paupières.

- Enfile ton Armure, on lève le camp, dit-il à Raul, en se dirigeant vers sa propre Urne.

- C’est quoi le problème ?

- Des Managarm, répondit l’Irlandais, tandis qu’il ajustait les gantelets de sa protection.

En train d’enfiler son plastron, le Mexicain se figea dans son mouvement.

- Attends, on s’inquiète pour des cabots ?

Gearóid le regarda fixement, essayant de détecter une trace de plaisanterie dans l’attitude de son ami.

- Tu as déjà entendu les réfugiés en parler ? Non ? Je peux t’offrir ma propre version si tu le souhaites. Une forme à mi-chemin entre le loup et l’homme. Deux mètres cinquante de haut pour un bon quintal et demi de muscles. Je les dirais aussi rapides à quatre pattes que sur deux. Féroces. Puissants. Tout ça, je peux te le dire rien qu’en les observant à plusieurs centaines de mètres de distance. Et je n’éprouve nullement l’envie de vérifier mon jugement en attendant le groupe qui converge par ici.

- Reprends-moi si je me trompe, mais ne sommes-nous pas censés pourfendre le ciel de nos poings et éventrer la terre de nos pieds ? argua Raul, en ceignant son heaume pourvu de cornes de chaque côté. Moi, je suis plutôt impatient de rencontrer ces créatures et voir si elles peuvent m’opposer un véritable défi.

- Ce qui te sert de cerveau a droit de s’exprimer, parfois ? Il n’y a donc que tes putains de membres qui vont à la vitesse de l’éclair ? Primo, ce genre de bêtes est mû par des instincts les rendant aussi redoutables, si ce n’est plus, qu’un adversaire entraîné. J’ai beau être rapide et toi davantage, il suffit que l’une d’entre elles t’attrape un membre et tu peux lui dire adieu. Secundo, nous devons ramener cet orbe à la reine Ylva et non pas le perdre dans la mêlée.

- Et moi, je te dis que nous n’avons rien à craindre, répliqua Raul sans en démordre. Tu préfères peut-être la fuite à la confrontation parce que tu as la trouille et que tu restes un vide-gousset dans l’âme, mais cette éventualité ne me plaît pas.

- Bon sang, est-ce que tu écoutes ce que je …

Des grondements sourds résonnèrent devant eux.

- Bordel, un deuxième groupe nous as pris à revers.

- Comment la truffe dont tu vantes sans arrêt a pu les manquer ?

- Parce qu’ils se sont placés sous le vent, gros malin, rétorqua l’Irlandais.

- Bon, au moins, la suite du programme devient une évidence, reconnut le Mexicain. Toi, tu prends la direction du camp fortifié le plus proche et moi, je les amoche.

- Tu parviendras à te repérer pour rentrer ?

- Il faut bien que tout ce blabla sur la mousse qui pousse sur les troncs et ce qui s’en suit serve un jour.

- Fais attention à toi, lui enjoignit Gearóid.

- Tu te fais du mouron pour moi, maintenant ? ironisa le Chevalier du Taureau en brûlant une énergie dorée.

- Non, c’est juste que ça m’embêterait beaucoup de perdre mon meilleur sujet de bouffonneries.

Sur cette ultime pique, il s’élança à toute allure, son Urne vide sur le dos et le sac avec l’orbe solidement arrimé en bandoulière.

En l’espace de quelques minutes, le Chevalier d’Orion arriva en vue des Managarm. Même en progressant aussi vite, les détails de leur physionomie n’eurent aucun mal à s’imprimer sur sa rétine. Des yeux couleur de sang, un pelage sombre oscillant entre le noir, le gris et le brun. Des crocs et des griffes, promesses d’une mise à mort brutale, étincelaient sinistrement dans la nuit. Il sentit l’énergie de Raul flamboyer de plus belle derrière lui et une onde de choc le rattrapa, entraînant un fourmillement sur sa peau. Il aurait pu obliquer à droite ou à gauche, mais il était certain que c’était ce à quoi ces prédateurs s’attendaient ; qu’on les fuit. Muselant l’instinct primitif qui lui ordonnait de filer, il se dirigea donc droit sur eux. Deux mètres avant de percuter le blocus de fourrures et de muscles, le Chevalier d’Orion se laissa glisser sur le sol les pieds en premier. Des créatures aussi massives avaient certainement des difficultés à protéger le bas de leur corps. Sous cet angle, sa petite taille par rapport à ces géants s’en trouva exacerbée et un sentiment d’effroi grandissant l’étreignit. Son cosmos fusa malgré tout dans ses bras, tendus de part et d’autre de son corps, formant une enveloppe en forme de massues rudimentaires pourvues d’une lourde tête.

Créumha Shillelagh ! lança-t-il.

Ramenant ses avant-bras en croix, il percuta les pattes des monstres entre lesquels sa glissade l’amenait. Sous l’impact, le poing de l’Irlandais vibra, confirmant son intuition sur la dureté de granit de leurs os. Un glapissement aigu, mêlant douleur et surprise, résonna à ses oreilles et il se releva d’un mouvement fluide en prenant appui sur sa jambe gardée légèrement repliée. Les bêtes blessées chutèrent tandis qu’il reprenait sa course, le reste de la meute sur ses talons et le cœur battant à tout rompre. Bien qu’usant du cosmos, Gearóid ne pourrait pas maintenir une vitesse très élevée pendant plus de quelques dizaines de minutes. Juste assez pour effectuer quarante ou cinquante kilomètres avant d’être à bout de souffle.

Un Chevalier était incapable de dépasser une certaine vitesse sans son Armure, car l’accélération engendrait de tels frottements qu’il aurait risqué de très vite finir carbonisé. Pourvu de sa protection, il pouvait se le permettre ; néanmoins, plus sa vitesse de déplacement était importante et moins il pouvait la maintenir longtemps. En théorie, un Chevalier, sous réserve d’élever suffisamment son cosmos et de s’ouvrir au Septième Sens, pouvait acquérir une célérité atteignant celle de la lumière ; soit la capacité de réaliser sept fois et demi le tour de la Terre en une seule seconde. Autant dire une vitesse au-delà de toutes comparaisons possibles. Sauf qu’il ne s’agissait là que d’esbroufe, un "titre" pour désigner une vivacité extrême. Parcourir une énorme distance en un laps de temps infiniment court ne réduisait pas pour autant le nombre de mouvements qu’il fallait faire pour y arriver, de même que l’énergie calorique nécessaire, ce qui demeurait excessivement épuisant pour le corps. Une vivacité aussi extrême n’était pas faite pour un exercice d’endurance, mais pour des utilisations ponctuelles, nécessaires à l’exécution d’un enchaînement martial ou pour esquiver une attaque.

Seule la puissance musculaire des Managarm les soutenait dans leurs efforts et ils parvenaient pourtant à rester dans son champ de vision. Pour un œil ordinaire, ils n’auraient été que des taches floues bondissant entre les troncs. Ses sens davantage en éveil, l’Irlandais remarqua quelque chose qui lui avait échappé jusque-là. Les créatures émettaient un faible cosmos. Une trace infime, mais bien présente. Le plus étrange dans cette observation, si cela ne l’était pas déjà assez, c’était qu’il ne semblait pas leur appartenir. Comme si quelqu’un le leur avait insufflé. Et ce dernier détail achevait de rendre ces bêtes encore plus redoutables qu’il ne l’avait supposé de prime abord.

A ce rythme, il devrait trouver un moyen de les ralentir ou se confronter à eux lors d’une partie de chasse dont il ne serait pas la proie. Bien qu’il s’agît de prédateurs, il espérait pouvoir semer les Managarm, ou du moins s’en cacher, lui-même étant un adepte de la traque. D’une poussée sur ses jambes, renforcées grâce au cosmos, Gearóid bondit à plusieurs mètres du sol et progressa entre les branches capables de soutenir son poids. Il continua sur une cinquantaine de mètres avant de s’arrêter pour observer les alentours. Ses réflexions engluées dans un brouillard croissant de peur instinctive, il prêta à peine attention à la comète dorée qui s’écrasa à quelques pas de sa position.

Raul !? fit-il, surpris.

Le Mexicain se remit debout sans grande difficulté, quoiqu’il semblât éviter de trop s’appuyer sur sa jambe gauche. Un liquide écarlate maculait une bonne partie de l’Armure pourtant intacte. Ses yeux verts balayèrent le corps de Raul en quête de blessures.

Ce n’est donc pas le sien, conclut-il.

Amener l’orbe à bon port était leur mission et Raul, en tant que Chevalier d’Or, s’en sortirait probablement seul. N’est-ce pas ? De toute manière, il l’avait prévenu. Ce n’était pas être lâche que de reconnaître ses faiblesses ou ses peurs. Gearóid connaissait les siennes et préférait abandonner une entreprise perdue d’avance que mourir pour rien. Mieux valait savoir choisir ses combats. Avec un peu de chance, il pourrait profiter de l’agitation créée par l’affrontement entre le Chevalier du Taureau et les Managarm pour s’enfuir sans risquer d’être attrapé. Un voleur restait un voleur. Il resserra son manteau et abaissa son capuchon au maximum sans pour autant obstrue, sa vue.

Sur le départ, il se rendit alors compte qu’une énergie inconnue venait dans leur direction. Un nouveau protagoniste entrait en scène et, piqué d’une sorte de curiosité malsaine, l’Irlandais décida contre toute attente de voir ce qui allait se produire.

 

- Elles ont la peau dure ces saloperies, marmonna le Mexicain en crachant un caillot sanglant, mais je peux gérer.

Grand, le corps fin et sec, un homme s’avançait dans le faisceau de lumière argentée qui traversait les frondaisons des arbres. Les petits yeux vairons qu’il posa sur Raul dégageaient à eux seuls autant de méchanceté que son physique tout entier. Noirs et filasses, ses cheveux accompagnaient une courte barbe broussailleuse, qui lui mangeait le bas du visage de façon inégale. Un diadème évoquant un champ de ronces ceignait son front et des oreilles de métal pointu prolongeaient les siennes. Une pèlerine de fourrure sombre, vraisemblablement prise sur le dos d’un Managarm, couvrait ses épaules, masquant une partie de l’armure qu’il portait. De ce qui en demeurait visible, la protection couleur vieille écorce montrait tout un assortiment de crocs, gueules et épines sur la ceinture et les jambières.

- Je parie que tu es l’un de ceux qu’on appelle Chevaliers, déclara l’inconnu. Je pensais être en train de pister des hommes du commun, des Asgardiens, et voilà que je me retrouve avec un étranger comme toi. Vous nous causez quelques ennuis à ce qu’il paraît. A moi en premier lieu, puisque tu as quelque chose que je veux.

- Possible, répondit Raul.

- En fait, je crois que non. Sinon, tu ne serais pas resté bêtement ici. C’est donc ton ami qui l’a.

- Qui ?

- Ne joue pas les imbéciles, même si tu en à l’air, asséna-t-il sèchement. Où est-il ?

Les formes des Managarm oscillèrent à la périphérie du champ de vision du Mexicain, entre pénombre et lumière, comme en réponse à la saute d’humeur de l’homme.

- Désolé, fit-il une expression rieuse sur son visage, c’est dans ma nature. Tu es le meneur de ces créatures à ce que je vois. Avec la gueule que tu te traînes, ce n’est pas étonnant.

- Tu ne vas pas tarder à ravaler ton sourire. Après avoir tant couru, mes compagnons ont faim. Il serait déplacé de les faire attendre.

- C’est quoi ton nom au fait ? Histoire de savoir qui je vais pulvériser.

- Sarn, Fléau de Sköll, répondit l’autre sans se démonter.

- Moi, c’est Raul, Chevalier d’Or du Taureau. Celui qui va présenter le menu à tes cabots !

Instantanément, il fit croître l’étincelle d’énergie primordiale nichée au creux de son être jusqu’à la faire exploser. Son cosmos s’éleva en retour, répandant une lueur dorée alentour.

L’une des bêtes se jeta sur lui, prête à le lacérer. L’assaut était véloce, mais Raul l’était plus encore et le corps à corps restait son domaine de prédilection. Sa silhouette donna l’impression de scintiller et le Managarm déconcerté passa au travers, atterrissant sur ses pattes. Reparaissant à une longueur de bras de ce dernier, le jeune homme abattit son poing, brisant la colonne vertébrale de la créature dans un bruit de tonnerre, broyant ses muscles. Celle-ci émit un bref cri tandis que l’impact la traversait de part en part, un cratère s’ouvrant sous elle. Deux autres, puis quatre de plus se mirent à lui tourner autour, l’étudiant prudemment. Les yeux noirs du Mexicain naviguaient des uns aux autres. En eux-mêmes, ces monstres ne l’inquiétaient pas outre mesure, bien qu’il les devinât redoutables. Non, ce qui le tracassait davantage, c’était le repli soudain et inexpliqué du Fléau.

En posture bipède ou quadrupède, les Managarm s’élancèrent, visant sa tête, sa gorge, ainsi que ses appuis pour le mettre à terre, grosse proie qu’il représentait. Raul esquiva une charge, dévia un membre prêt à le faucher, se déroba à un coup de crocs rageur, entendit crisser son Armure là où les griffes rencontrait le métal. Et les assauts se succédaient, augmentant en cadence et en intensité, toujours changeants. Loin de surpasser ce dont son entraînement le rendait capable, leur vitesse n’en demeurait pas moins exceptionnelle pour des êtres tels qu’eux. Sentait-il sa présence grâce à quelque instinct primitif ou à un repérage à l’odeur ? Pour finir, il devait prendre garde à ne pas trop solliciter sa cheville blessée, sinon un faux pas pourrait survenir rapidement.

Où est-il !? s’interrogea-t-il. Pourquoi cet enfoiré ne se montre-t-il pas ? S’il croit m’avoir avec ça, il …

Au milieu d’une empoignade avec l’un des Managarm, Raul ressentit une vive douleur derrière son genou droit, là où l’Armure du Taureau ne recouvrait pas la peau pour permettre la mobilité de son porteur. Son instinct avait tardé à le prévenir. Le soudain déséquilibre engendré, couplé au poids de la bête qu’il tenait, fit le reste. Chutant, le Mexicain vit du coin de l’œil Sarn qui se tenait à bonne distance, les mains jointes au niveau des poignets en une imitation de mâchoire. Auréolé d’un éclat purpurin, le Fléau articula :

Flenge av ulv.

Un loup d’énergie, couvert de gueules et à l’échine épineuse, fila comme un éclair dans sa direction. Raul n’avait pas encore touché le sol que l’attaque le lacéra, lui comme la créature, en plusieurs endroits. Percutant enfin la terre, il se débarrassa d’une poussée de la dépouille qui pesait sur lui pour voir les autres membres de la meute lui bondir dessus. Une culbute le remit debout très vite, ce qui ne l’empêcha pas d’être percuté derechef par un Managarm. Cette fois-ci, il tint bon et ancra fermement ses pieds pour soutenir la charge, serrant les dents face à la souffrance que lui infligeaient son genou et sa cheville mis à la torture. Une haleine fétide envahit ses narines alors que les mandibules de la bête claquaient près de son visage. Reléguant cette nuisance au rang des préoccupations mineures, le Chevalier du Taureau chercha Sarn du regard. Ce lâche se servait des Managarm comme de pions pour placer des coups vifs et précis. Peu puissants, ces derniers n’en demeuraient pas moins percutants et faisaient mouche à chaque fois. Une frappe le toucha au bras, arrachant un petit morceau de chair et brisa sa concentration. Une balafre triple orna sa joue en conséquence. Un lent travail de sape venait de commencer.

 

Au faîte de son arbre, Gearóid observait le déroulement des évènements d’un œil vide. Son frère d’armes n’en menait pas large, mais ne l’avait-il pas choisi ? En ce monde, la loi du plus fort prévalait. Raul avait joué et il avait perdu. Son adversaire savait bien mieux tirer profit de la situation que lui et son ingéniosité compensait sa force apparemment inférieure. Connaissant la résistance physique du gardien du Deuxième Temple, l’Irlandais devina que le combat pouvait durer encore quelques temps. S’il partait maintenant, il pourrait mettre davantage de distance entre lui et le meneur de ces monstres. Ses yeux verts pailletés d’or se baissèrent et distinguèrent des silhouettes encore tapies dans les ténèbres. Le Chevalier d’Orion pouvait également tenter quelque chose par rapport à ces bêtes. Profiter du tumulte pour s’occuper furtivement d’une bonne partie d’entre elles. Ses arrières seraient ainsi couverts sans qu’il risque d’y laisser des plumes. Il regarda à nouveau la scène à ses pieds.

Son bras gauche toujours dissimulé sous son manteau, s’auréola faiblement d’une lueur argentée. Des tiges cristallines poussèrent de part et d’autre de son poignet. Un trait de lumière blanche apparut dans sa main droite.

Airgead Bogha, chuchota-t-il en bandant l’arme ainsi créée.

En dépit de sa puissance, Raul risquait vraisemblablement de perdre cette bataille. Et pas en un seul morceau. Peut-être valait-il mieux tenter de lui permettre de finir sa vie autrement. Il inspira, bloqua son souffle et visa.

 

Raul fatiguait et ses blessures lui infligeaient une torture lancinante. Malgré tout, il se refusait à abdiquer. Agrippant d’une main la tête du Managarm qui venait de le manquer, il lui enfonça brutalement son pouce dans l’œil. Sa prise affermie, il asséna un, puis deux formidables coups de tête à la créature, lui écrasant le museau, aidé en cela par les renforts de son casque. Du sang et des humeurs visqueuses se répandirent. Sous la souffrance, la bête recula en couinant tandis qu’il la relâchait. Le plat de son pied, galvanisé par un afflux d’énergie, rencontra l’abdomen de la créature et l’envoya valdinguer au loin. Une grosse branche cassée saillant depuis un tronc stoppa sa course aérienne.

Cependant, il n’était pas tant concentré sur ses gestes défensifs, qu’ils réalisaient presque automatiquement, que sur la position de Sarn. A un moment, il avait cru pouvoir le repérer grâce à la signature de son cosmos. Seulement, il devait reconnaître que son opposant était loin d’être un idiot et savait se montrer fin tacticien puisque, par un moyen ou un autre, il parvenait à confondre son aura avec celle de la meute. Chose pourtant absurde, ces créatures en possédait bel et bien une.

Mis en pièces par une bande de chiens enragés et un type qui n’envoie que des pichenettes, songea-t-il. Shaina serait capable de rassembler chaque parcelle de mon cadavre, juste pour le mettre à nouveau en charpie elle-même.

Un rire involontaire lui échappa alors qu’un fourmillement remontait le long de son bras, après qu’un craquement audible eût indiqué le bris du crâne d’un Managarm. Faire preuve d’humour dans un moment pareil, ça, c’était tout lui. Toutefois, cette soudaine pensée pour celle qui avait été son maître en amena une autre. En faisant courir sur le sol le courant électrique qu’elle était capable de générer à l’aide de son Thunder Claw, Shaina avait la possibilité de toucher plusieurs adversaires. Et ce même s’ils lui étaient invisibles. Dépourvu de ce type d’habilité, Raul n’était malheureusement pas en mesure de se servir de ce genre de technique. Mais peut-être pouvait-il tenter de l’adapter à ses besoins. Une idée germa soudain dans son esprit et aussi fou que cela pût paraître dans une situation telle que la sienne, il ferma les yeux.

Après tout, les pensées folles ne sont-elles pas les meilleures ? se dit-il.

Le Chevalier d’Or embrasa son cosmos et frappa la terre de son pied, provoquant une légère secousse.

Gruñido de la Bestia.

Une onde imperceptible se propagea à la surface, en un cercle de plus en plus large, depuis sa jambe. Tous ceux en contact avec le sol n’éprouvèrent guère plus qu’un picotement physique lorsque la vibration les toucha. Pour Raul, cela se répercuta différemment. Tel un gigantesque doigt caressant chaque bosse d’un terrain, la vague qu’il avait créée lui permit de visualiser mentalement, à l’image d’un sonar, la position des émetteurs de cosmos dans un rayon de quarante mètres. Etrangement, il ne perçut la présence que de cinq points autour de lui et un sixième, à environ une quinzaine de mètres plus loin. Posté en retrait, Sarn lui apparaissait donc clairement. Néanmoins, un point de détail le taraudait. Avait-il vraiment occis tant de créatures depuis le début du combat ? Non pas qu’il tint des comptes, mais … .

Le Chevalier du Taureau rouvrit les yeux et fit exploser son cosmos. L’énergie crût en lui, pareille à une rivière en furie, faisant battre son cœur plus vite, gonflant ses muscles. L’énorme puissance qui s’échappait de son être affectait l’environnement ; des tremblements agitèrent le sol, l’air parut vrombir d’une clameur sourde et devint comme chargé d’électricité. Faisant volte-face, le jeune homme lança son bras vers l’avant, paume ouverte, et libéra la totalité du pouvoir destructeur qu’il avait accumulé :

- Rendez-vous en enfer ! La Palma del Gigante !!

La décharge prit l’apparence d’une main dorée aux proportions titanesques, écrasant tout sur son passage. Dans son sillage, la terre était éventrée et les corps frappés voyaient leur structure interne annihilée à cause du choc engendré. Etre projeté contre un mur de pierre à une vitesse extrême aurait été une description tout à fait correcte de l’effet de cette technique. Deux des Managarm saisis dans cette tourmente énergétique virent leurs organes broyés et leurs membres arrachés par la formidable pression. La vélocité de l’arcane, couplée à sa brutalité, ne leur laissa pas le temps de ressentir quoi que ce fut. Leurs cadavres se retrouvèrent catapultés à plusieurs mètres, tandis que la déferlante poursuivait son chemin en direction de Sarn.

 

Le Fléau regarda l’attaque foncer droit sur lui. Sans avoir été projetée une vitesse extrême, celle-ci atteignait une célérité sur le point de dépasser ses propres perceptions. En un battement de cil, de nombreuses expressions se succédèrent sur ses traits : surprise lorsqu’il se rendit compte que le Chevalier d’Or était parvenu à le repérer ; peur face à la fulgurance de l’offensive et son potentiel de destruction ; sérénité au moment où il abattit sa carte maîtresse qui faisait de lui l’un des Fléaux les plus craints après Siholt.

Les pans de sa pèlerine voletèrent quand son cosmos s’éleva, dévoilant ainsi le plastron où figurait un soleil stylisé, enfermé dans une paire de mâchoires.

GrådigMunn !

L’offensive le frappa de plein fouet, ses pieds ouvrant des tranchées alors qu’elle le repoussait. Après avoir reculé sur une courte distance, Sarn s’arrêta. Le flux d’énergie était en train d’être canalisé vers le centre de son armure. Un instant, il crut qu’il ne parviendrait pas à contenir une telle puissance. Il trembla sous l’effort.

Le flot finit par se tarir peu à peu, au fur et à mesure qu’il se faisait absorber par l’armure du Fléau, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien. Pas même une étincelle. Essoufflé, la tête basse et les bras encore tremblants, Sarn sentit néanmoins un rictus poindre sur ses lèvres. Sans crier gare, il libéra un torrent aux teintes pourprées.

 

- Quoi !? s’étrangla Raul.

D’abord incrédule, le Chevalier du Taureau parvint néanmoins à réagir très vite en constatant que son arcane venait de lui être renvoyé. Reproduire autant de force lui coûterait un temps qu’il ne possédait pas, aussi dut-il se contenter de lancer un assaut incertain. Les deux masses énergétiques se percutèrent dans un fracas tonitruant. Une pluie d’aguilles de pin s’abattit sur les protagonistes et une vague de chaleur les gifla. Le sol se déchira au point de jonction, soulevant des mottes qui se désagrégèrent en particules infimes.

Au bout d’une poignée de secondes, les paumes de Raul lui donnèrent l’impression d’être chauffées à blanc. Bientôt, l’un de ses bras soutint l’autre dans son effort, traduisant par la même l’effritement de sa résistance.

- Je ne te laisserai pas l’emporter, t’entends ! cria-t-il en signe de défi.

Ses blessures le mirent à genoux, son champ de perception se réduisant à cette confrontation lumineuse. Il la savait perdue d’avance, mais capituler sans tout donner était au-delà du concevable pour le jeune homme.

 

Pour Gearóid, toujours juché sur son point d’observation, les dés avaient fini de rouler et le résultat n’était pas en faveur de Raul. Malgré tout, la bataille qui se déroulait sous ses yeux, sans être extraordinaire, le galvanisa plus qu’il ne l’aurait cru possible. L’obstination qui habitait le Mexicain faisait vibrer en lui une corde qu’il ne se serait pas cru posséder. Etait-il possible, grâce à cette dernière, de surmonter les obstacles que la logique et l’instinct estimaient impossibles ? Les fondements de ses certitudes en étaient ébranlés.

Son pragmatisme néanmoins intact, l’Irlandais estima que s’il venait à bout de cet adversaire, il serait tout au moins tranquille pour entamer le voyage de retour sans avoir une meute de créatures enragées sur les talons. Raul succomberait peut-être, mais c’était un risque inévitable, n’est-ce pas ?

A première vue, le Fléau était incapable de générer un tel pouvoir et devait donc se focaliser entièrement sur cet échange. Une action extérieure avait toutes les chances de pénétrer sa garde. Mais prendre part au combat représentait un choix et il ne pourrait pas faire machine arrière ensuite. Vivre dans le besoin, au milieu de gens ayant des désirs similaires, créait une sorte de compétition qui lui avait appris à bien raisonner ses décisions. Un pas de travers, une erreur de calcul et l’on se retrouvait au trou si l’on avait de la chance, mort ou dans un état suffisamment mauvais pour regretter de ne pas l’être. Le jeu devait en valoir la chandelle. Jusqu’ici, décider du mieux avait été simple, mais depuis peu, des facteurs comme la camaraderie ou le devoir étaient entrés dans l’équation. La dernière phrase qu’il avait adressée à Raul paraissait artificielle, mais au final, il n’en pensait pas moins.

Pour la toute première fois, Gearóid décida de prendre le taureau par les cornes et pria pour ne pas finir embrocher.

A nouveau, un arc blanc émergea depuis son poignet gauche. Alors qu’il prenait position, une question s’imposa à lui. Son arcane serait-il assez puissant pour briser l’armure du séide de Loki ? Il secoua la tête, ses tresses rousses voletant dans le même mouvement, comme pour s’éclaircir les idées. Le temps pressait. Il éleva son cosmos argenté, puisant des ressources dans sa volonté de protéger son frère d’armes. Une flèche se matérialisa, cristallisant son pouvoir. L’Irlandais banda l’arme créée, tirant aussi fort avec l’un de ses bras que l’autre poussait. Son aura s’accrut encore et il décocha finalement son trait. Filant à plusieurs fois la vitesse du son, le projectile atteignit sa cible en émettant un son mat.

 

Etonné, Sarn observa la flèche d’énergie fichée dans son plastron, au niveau du cœur. Le choc initial passé, il constata que la pointe n’avait pas pénétré la chair. La portée de ses sens rendue floue par la proximité du déploiement de cosmos, il s’en remit à son esprit pour trouver le tireur. A la vue de l’angle formé par le trait et son armure, l’attaque ne pouvait venir que du haut. Il scruta la frondaison et repéra très vite son assaillant à la lueur qui l’enveloppait. Le Fléau de Sköll modula un sifflement, appelant les Managarm survivants à s’occuper de l’importun. Les bêtes réagirent aussitôt et levèrent le nez vers les plus hautes branches.

 

- Et merde, souffla le Chevalier d’Orion.

Un trio de créatures commença à s’en prendre au tronc de l’arbre sur lequel il se tenait, meurtrissant l’écorce de leurs énormes griffes. Le géant végétal, incapable de résister à ce traitement sauvage, vacilla. Un craquement retentit lorsque le tronc se brisa et que l’arbre bascula. L’expression « se jeter dans la gueule du loup » ne parut jamais aussi appropriée au Chevalier d’Argent qu’à l’instant où il plongea sur l’un des Managarm. Son cœur battant la chamade, il combattit la peur primale qui l’enjoignait à fuir loin des bêtes et enflamma son cosmos. Successivement, il atterrit sur l’épaule massive de sa cible, lui frappa durement le dessus du crâne, percevant un bruit spongieux, et bondit depuis ce point d’appui improvisé. Il effectua une roulade en touchant le sol et courut. L’excitation de braver ainsi le danger le gagnant, l’Irlandais sentit un sourire poindre sur ses lèvres ; il s’amusait. A fond de train, il se rua vers le Fléau, car, comprit-il, le meilleur moyen de rompre l’équilibre des forces consistait à endommager le catalyseur de celui-ci. Un Managarm lui barra le chemin, ses babines dégouttantes par avance du plaisir de mordre sa chair. Gearóid feinta et déborda la créature par la gauche, lui assénant au passage un coup dans les côtes flottantes. Il continua et arriva en vue de Sarn, dont les yeux se réduisaient à deux fentes luisantes de mépris pour la nuisance qu’il représentait. Avisant qu’il avait presque vaincu le Chevalier d’Or, le Fléau choisit de désengager l’une de ses mains.

 

Malgré son état de semi conscience, Raul remarqua que la pression qui l’écrasait avait été réduite. Mêlant ce qui lui restait de colère, de fierté et d’espoir, il fit exploser son cosmos dans une dernière tentative désespérée et se redressa légèrement.

- Va te faire foutre !! grinça-t-il.

D’abord imperceptible, la lente répulsion de la masse d’énergie s’accentua, le gardien du Deuxième Temple regagnant du terrain ; une maigre victoire qui ne faisait que retarder l’inévitable.

 

Gearóid n’aurait droit qu’à un essai. Concentré, il se prépara à esquiver l’offensive du Fléau qu’il savait imminente. L’astuce lorsque l’on affrontait un adversaire plus rapide que soi était l’anticipation. Nachi, son maître, n’était qu’un Chevalier de Bronze, pourtant, il parvenait toujours à prévoir certains gestes de son élève, même après qu’il l’eût dépassé en terme de vélocité. Un début de mouvement un peu trop appuyé, un rictus, et toute la partition était déjà écrite. De plus, l’Irlandais était un observateur éprouvé qui pouvait déchiffrer les attitudes des gens avec une certaine aisance, capacité utile pour les détrousser. Du peu qu’il avait pu en voir, éviter les risques et l’engagement direct correspondait à la stratégie de Sarn. Aussi que viserait-il ? La tête ? Cible trop petite, il pouvait la manquer. Le torse ? Plus gros certes, mais la puissance n’étant pas son point fort, il y avait de grandes chances que la frappe ne fût pas suffisamment appuyée. Les jambes ? Plus faciles à atteindre, et même un coup faible pouvait avoir de lourdes conséquences sur l’équilibre, surtout en pleine course. Une fois à terre, les Managarm serait sur lui en quelques battements de cœur.

Il vit un éclair de lumière violacé partir du poing du Fléau et sauta en réponse, repliant ses jambes sous lui. Derrière lui, une gerbe de terre jaillit. Tandis que son mouvement l’amenait tout près de Sarn, son cosmos flamboya de plus belle et il lança son arcane :

CréumhaShillelagh !

Son poing chargé de pouvoir destructeur percuta le fût de la flèche toujours fichée dans la protection. Le choc engendra une réaction en chaîne, entraînant l’éclatement du projectile, puis celui d’une partie du plastron. L’Irlandais eut tout juste le temps de voir se refléter la terreur dans les yeux du Fléau, avant qu’une explosion, marquant la rupture de son réservoir d’énergie, ne se produisît. La formidable détonation balaya Gearóid à plusieurs mètres de là. Le séide de Loki subit le terrible contrecoup, entendant distinctement quelque chose se briser en lui, par-delà l’assourdissant bruit de la déflagration et se retrouva éjecté au loin. Un fétu de paille pris au milieu d’une tempête n’aurait pas connu un meilleur sort.

 

La force contre laquelle luttait Raul s’évanouissant mystérieusement, ce dernier s’étala de tout son long, le nez dans la fange formée par le sang et la terre mêlés. Sa respiration, pareille à un soufflet de forge, lui camoufla les halètements rauques des silhouettes qui le couvraient de leurs ombres menaçantes. Aveugle, il parvint néanmoins à percevoir les vibrations provoquées par la chute de corps près de lui.

Redressant enfin la tête, Raul aperçut le Chevalier d’Orion qui avançait dans sa direction d’une démarche roide. Une plaie au-dessus de l’arcade sourcilière le contraignait à fermer un œil, noyé sous le liquide carmin, et ses membres couverts d’écorchures donnaient l’impression qu’il était passé au travers d’un bosquet de ronces. Son manteau en lambeaux semblait attester cette hypothèse.

- Tu es dans un sale état ! lança-t-il à son ami, plus heureux qu’il ne le pensait de le revoir.

- Et c’est toi qui dis ça, répondit Gearóid, amusé par le décalage entre la position et la réplique de son frère d’armes.

- Qu’est-ce que tu fiches ici, au fait ?

- Je viens sauver tes fesses, pardi.

 Il désigna du pouce les trois cadavres des Managarm autour du Mexicain.

- De ces bestioles ? Tu plaisantes ! Je reprenais simplement mon souffle. (Il s’assit péniblement sur son séant, une grimace déformant ses traits.) De futures descentes de lit, ouais. Content en tout cas que tu aies finalement réalisé qu’il n’y avait rien à craindre de ces créatures. Seulement, tu as mis trop de temps à t’en rendre compte et ça t’a fait raté une belle bataille.

- Ah oui ? continua Gearóid comme s’il ignorait tout de ce qui s’était produit.

- Je viens de refaire le portrait à l’un des Fléaux de Loki à l’instant.

- Il ne t’a pas beaucoup ménagé non plus, apparemment.

Décidant de jouer la comédie jusqu’au bout, l’Irlandais ajouta :

- Attends, en fait, tu es passé à deux doigts de perdre ! Le grand Raul presque mis en déroute, ce n’est pas le genre de choses que l’on voit tous les jours. Peut-être que j’aurais eu moins de mal …, acheva-t-il, songeur.

- Oh, tais-toi donc et aide-moi à me mettre debout, gronda le gardien du Deuxième Temple.

Doté d’une carrure plus frêle par rapport à celle du Mexicain, Gearóid eut toutes les peines du monde à le relever et le soutenir. D’autant que le Chevalier d’Or ne déployait pas énormément d’efforts pour lui faciliter la tâche.

- Hé, vas-y doucement, le supplia Raul. Ne va pas m’esquinter davantage !

Son compagnon ne put s’empêcher de pouffer.

- Tu sais parfaitement que les cicatrices ont plus de valeurs que les médailles pour la gente féminine.

- Tout dépend de l’endroit où elles sont placées. (Il toussa.) Sauf que je risque de ne pas avoir l’occasion de rejouer de mon charme si tu n’y mets pas davantage du tien.

L’Irlandais grogna sous l’effort.

- Aucun problème. Allez, en route.

Il tira sur le bras de Raul qui laissa échapper un sifflement.

 

Une quinzaine de minutes après leur départ animé et le retour du silence sylvestre, un cri étouffé monta depuis les vestiges d’un arbre effondré. Une main en jaillit, doigts repliés tels une serre pour agripper le bois. Pour le corps coincé sous les débris débuta alors une lente reptation pour s’en extraire. Abandonnant sang et fragments d’armure dans son sillage, Sarn se traîna jusqu’à un rocher et s’y adossa tant bien que mal. A chaque inspiration qu’il prenait, des lances de feu oppressaient sa poitrine. Son regard se posa sur ses jambes inertes dont l’une formait un angle peu naturel. Bizarrement, il ne ressentait pas la douleur qu’aurait dû lui véhiculer ce membre disloqué. En temps normal, il s’en serait inquiété, mais les flammes de la colère formaient un écran impénétrable autour de son esprit.

Sa tactique avait parfaitement fonctionné et le combat avait tourné à son avantage. Malheureusement, il n’avait pas envisagé que le second Chevalier se fût caché et non pas enfui. D’un niveau plus faible, il était pourtant parvenu à retourner la situation, confirmant ainsi le mode de pensée de Sarn ; un brin de jugeote valait tout autant que la force brute. Et vérifier le décès de son adversaire en faisait également partie, ils s’en rendraient compte à leurs dépends bien assez tôt.

Un frisson courut le long de son échine brisée lorsqu’il capta un bruit de pas dans son dos. Une lame à l’éclat bleuté se posa tout près de sa gorge exposée. Remontant le fil de l’arme, il découvrit son possesseur. Un individu revêtu d’une protection de la teinte du ciel au crépuscule, dont les formes lui évoquait celles de leurs alliés étrangers.

- Inutile de pointer ça sur moi, dit-il agacé. On est dans le même camp, bien que je ne t’aie encore jamais vu. Tu appartiens à la bande de Byakko et Suzaku, c’est ça ?

Le bas du visage du nouveau venu ne véhicula pas plus d’émotions que le haut, camouflé derrière un masque d’argent ; seuls ses yeux demeuraient visibles. Son impassibilité accrut petit à petit l’irritation de Sarn.

- Quelle aubaine de rencontrer l’un des Fléaux de Loki, répondit enfin l’inconnu. J’avais justement besoin d’informations.

Encore un non natif d’Asgard, songea Sarn. Il n’est pas des nôtres, mais appartient-il aux forces de la reine pour autant ? N’aurait-il pas dû être avec les deux autres si c’était le cas. Peut-être s’agit-il d’une sorte de nettoyeur.

Ce que cela impliquait quant à son avenir proche doucha irrémédiablement son exaspération.

- De quelle genre ? demanda Sarn, alignant automatiquement son discours par rapport à la tournure que prenaient les évènements.

Il n’était de toute manière pas en état de discutailler.

- Combien de Fléaux comporte l’armée du Mage des Mensonges ? Où se trouvent les Gardiens Célestes ? Que recherche votre maître ? Parce qu’il poursuit bien quelque chose, n’est-ce pas ?

Bizarre, aucune question par rapport aux mouvements des troupes, ou sur l’emplacement de nos points de ravitaillement.

- Je ne suis pas persuadé qu’il soit dans mon intérêt de …

Avec la vivacité de la foudre, le jeune homme planta son sabre dans l’épaule du Fléau de Sköll lui arrachant un cri.

- Seulement si tu veux éventuellement survivre, asséna-t-il d’une voix aussi froide que la glace. Depuis trop longtemps je suis dans le flou face à vos actions et j’en ai assez !

Entre ses dents serrées, le Fléau souffla :

- Quelle plaisanterie ! Toi comme moi savons très bien que si je parle, je suis un homme mort. Et si je ne le fais pas, tu me tueras de toute manière. Qu’on en finisse !

La lame du tortionnaire se retira avec un bruit de succion.

- Une colonne vertébrale brisée te soustrait partiellement aux souffrances physiques. Toutefois, ne rien ressentir peut être bien plus effrayant.

- Qu’est-ce que … tu veux dire ? bégaya Sarn, perdant soudainement de son flegme.

Une lueur malsaine couvait dans les yeux cerclés d’argent de son interlocuteur.

 

Ses pieds produisaient un son spongieux tandis qu’il s’éloignait du corps. Tremblant, il s’offrit le solide soutien d’un arbre, arracha casque et masque et n’y tenant plus, vomit. Une sueur poisseuse n’ayant rien à voir avec la température ambiante lui collait à la peau. Il aspira de grandes goulées d’air frais, cracha une dernière fois, s’essuya d’un revers de main et se retourna. Le spectacle macabre qu’il contempla le contraignit presque à rendre de nouveau de la bile. Et pourtant, il en était l’auteur. Ce qu’il regardait n’avait plus d’humain que le nom. Il baissa les yeux sur ses mains gluantes de sang, l’estomac à la torture. Le liquide épais et visqueux relâchait son effluve métallique partout alentour, se mêlant à l’odeur des sphincters relâchés. Les actes que le jeune homme venait de perpétrer lui paraissaient inexcusables, malgré les motivations qu’il croyait l’y avoir forcé.

Ayame et lui avaient suivi discrètement les mouvements de l’armée dans le but de découvrir ce qui leur permettrait de passer du rôle de spectateurs silencieux à celui d’acteurs. Dans leur sillage, ils avaient découvert les horreurs perpétrées au cours de cette guerre. Et au fil des mois, une sourde frustration s’était immiscée en lui, rongeant sa volonté telle un puissant acide. La rencontre avec le Fléau avait été la goutte qui fit déborder le vase. Obtenir les renseignements de sa part avait été difficile, mais pas ardu au point de mettre cet homme – à présent un cadavre – dans l’état où il se trouvait à présent. Cela n’avait été, dans un moment d’égarement, qu’un prétexte pour lâcher la bonde aux sentiments que Rikimaru refoulait depuis trop longtemps. Croire qu’il n’avait pas eu le choix eût été aisé, mais pure vanité. La prise de conscience de son acte l’amena à craindre de posséder une part d’ombre qui ne demandait qu’à s’exprimer s’il la laissait faire à nouveau. Peut-être même celle-ci deviendrait-elle de plus en plus importante. Il crut entendre le rire dément de Suzaku sourdre depuis les ombres.

Deux maigres lumières venaient malgré tout éclairer les ténèbres dans lesquelles il sombrait. L’une marquée du sceau de l’ignominie, l’autre entachée de l’écarlate du crime. D’abord, Ayame ignorait tout de son forfait, puisqu’ils exploraient des secteurs différents ce jour-là ; bien qu’elle eût mérité de savoir. Ensuite, sa victime, souhaitant activement la miséricorde de son bourreau, lui avait fourni suffisamment de renseignements pour y voir plus clair.

Rikimaru leva les yeux vers les cieux encore assombris, malgré l’aube proche. Un front nuageux avançait, tel une vague noire dont le roulis assaillerait un rivage. Une goutte de pluie s’écrasa sur sa joue, écharde de glace qu’il ne sentit pas, tant son être tout entier subissait déjà l’étreinte froide du remord. Un début d’averse s’abattit drument sur lui, nettoyant le sang sur son corps. Le jeune homme resta de longues minutes à fixer le ruisseau carmin s’écoulant à ses pieds, souhaitant que ces trombes d’eau pussent le débarrasser aussi facilement de son forfait. Récupérant ses affaires, il s’engagea sur le chemin qui le ramènerait au campement établi par les soins de Ayame.

 



Managarm :

Terme signifiant "chiens ou loups de la Lune". Dans la mythologie nordique, il s’agit de loups monstrueux, féroces et sauvages, fruits des amours de Fenrir et d’une Géante. Ils prennent la vie des mourants et se repaissent de la chair des cadavres.

Sköll :

Signifie « répulsion ». Dans la mythologie scandinave, il s’agit d’un loup gigantesque, rejeton de Fenrir, qui poursuit Sol, la déesse Soleil, dans le ciel tous les jours. Son frère jumeau est Hati qui poursuit Máni, le dieu Lune. À la fin des temps, les deux loups mangeront ces deux astres.

Draketann :

Signifie “Dent de Dragon”.

 

Sealgaire Aireachtáil :

Perceptions du Chasseur

Créumha Shillelagh :

Massue d’Airain

Flenge av ulv :

Déchirure du Loup

Thunder Claw :

Griffes du Tonnerre

Airgead Bogha :

Arc d’Argent

Gruñido de la Bestia :

Grondement de la Bête

Grådig Munn :

Gueule Avide

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