Chevalier, mais pas trop ...
Disclaimer : cf.chapitre 1
L’histoire vous semble peut-être traîner en longueur jusqu’à ce que nos chevaliers parviennent à l’âge adulte. Mais j’ai besoin d’établir les bases de mon intrigue. Pour cela, il faut que j’entre dans les détails.
Mais rassurez-vous. On arrive bientôt à ce que Kurumada nous a présenté.
Merci pour votre patience.
CHAPITRE 6
NUIT, BELLE NUIT
Iris savait qu’Ixion allait renter au village : Daphné avait préparé son « sac de voyage » et lui avait demandé d’aller passer un petit bout de temps chez son ami et son maître. Une seule fois, Ixion était tombé à l’improviste à la maison et s’en était violemment pris à la petite et surtout à Daphné, honteuse d’avoir à se justifier. Cette dernière pensait qu’elle n’aurait plus à cacher sa fille mais les explications qu’elle fournit à son compagnon engendrèrent chez ce dernier une colère noire. Non seulement le soldat n’acceptait pas l’enfant abandonnée mais en plus, il exigeait qu’elle disparaisse du foyer quand lui y était. Il estimait que son « épouse » avait mieux à faire que de s’occuper d’une enfant « illégitime » et « étrangère ».
Pour éviter qu’un tel incident ne se reproduise, il prenait tout de même soin d’avertir Daphné au moins la veille de son arrivée afin de la trouver plus disposée à son égard. La mère comme la fille vivaient dans la crainte perpétuelle de son retour.
Il y avait quand même un point positif à cette organisation qui ne supportait aucune défaillance : d’une part, Iris pouvait passer plus de temps avec son camarade et d’autre part, même si c’était un peu plus futile, les bains dans la rivière se prolongeaient tardivement. Cependant, un soir que les enfants pataugeaient dans la rivière, Iris pria Saga de bien vouloir l’accompagner jusque chez elle.
— Mais tu n’y penses pas ?! Pour qu’il se mette à hurler et à frapper comme un dément ? D’ailleurs, il m’avait semblé que Daphné et toi aviez conclu un accord : tu devais débarrasser le plancher avant qu’il n’arrive.
— Je sais mais je voudrais quand même savoir ce qu’ils font tous les deux. Et puis, tu seras là pour me protéger si jamais je me fais repérer.
— Hmmm.
— S’il te plaît …, lui lança-t-elle langoureusement.
— Bon, bon ! T’as gagné ! Mais c’est moi qui ouvre le chemin et qui décide s’il vaut mieux partir.
Iris remercia son chevalier servant par un baiser sur la joue auquel il répondit par un grognement d’ours bougon.
— Une chance que mon maître n’a pas vu ça sinon il t’interdirait définitivement de venir chez nous.
Les enfants se mirent en marche jusqu’à la demeure d’Iris, Saga en tête d’expédition. Ils étaient maintenant à quelques mètres de la maison ; les volets étaient fermés mais la lumière de la pièce principale était allumée. Saga s’approcha à pas feutrés dans la crainte d’être repéré car Daphné avait pour habitude de laisser les fenêtres ouvertes derrière les volets clos. Le garçon s’arrêta sous l’une d’entre elles et fit signe à son acolyte de le rejoindre discrètement.
— C’est bizarre, se dit-il à lui-même. Je ressens un cosmos familier. Il n’y pas qu’un simple soldat là-dedans.
Les enfants percevaient très bien la voix de Daphné mais l’autre voix, celle d’un homme, qu’ils entendaient n’était pas du tout celle qu’ils redoutaient.
— Mais ce n’est pas Ixion ! C’est mon maître ! Qu’est-ce qu’il peut bien faire là ? Peut-être qu’il a réglé son compte à ton beau-père ? sourit Saga.
Le garçon se leva prudemment et colla son front contre les lattes du volet afin d’en savoir un peu plus sur les raisons de la présence de son instructeur. Iris, trop petite, dut se contenter des sons qui lui arrivaient.
— Tu devrais t’en aller maintenant. Il est tard et Ixion peut arriver d’un moment à l’autre.
— Tu t’inquiètes pour la mauvaise personne : c’est plutôt à lui de trembler à mon arrivée. Mais tu as raison : si jamais il me voit sortir d’ici, j’ai peur qu’il ne s’en prenne à toi par simple envie de vengeance … et puis Saga et Iris doivent s’inquiéter à moins qu’ils ne dorment déjà.
S’ensuivit un long silence pendant lequel on n’entendit que des bruits d’objets : un verre qu’on pose sur une table, des chaises qu’on fait glisser sur le sol, une porte qu’on ouvre.
— Daphné ?
— Oui ?
Encore le silence quoi que, si on tendait bien l’oreille…
— Ben ça alors ! s’étouffa Saga qui tentait de contenir sa stupeur.
— Quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? Moi aussi, j’veux voir.
La fillette trépignait d’impatience pour que son camarade la porte à hauteur du volet. Ce qu’elle vit, était tout simplement magnifique : Daphné et Polydeukès s’embrassaient sur le pas de la porte.
— Tu crois qu’ils vont rester collés comme ça longtemps ?
Pour tout réponse, Saga lui sourit mais lui recommanda de se hâter vers la cabine car le chevalier n’allait pas tarder à rentrer.
— Demain, on fera comme si on n’avait jamais rien vu, d’accord ?
— Compte sur moi.
Les enfants arrivèrent à destination, se changèrent rapidement et se couchèrent. A peine quelques secondes plus tard, ils entendirent la porte de la cabine d’à côté s’ouvrir et se refermer aussitôt.
— Ouf ! On a eu chaud ! soupira Saga. Mais j’ai la désagréable impression qu’il sait que nous étions là : si j’ai senti son cosmos, il a forcément dû sentir la mien.
— Peut-être qu’il ne t’a pas précisément localisé.
— Ça m’étonnerait. Mais nous ferons comme si nous n’avions jamais été là.
— Maintenant, j’ai un papa ; et toi, une maman.
Le lendemain matin, Saga se leva tôt, bien avant l’heure habituelle. Les premiers rayons du soleil commençaient à peine à rosir l’horizon, promesse d’une journée pluvieuse. Le garçon avait encore du temps avant d’aller s’entraîner. Comme il n’arrivait plus à se rendormir, il décida de se lever en prenant soin de ne pas réveiller Iris qui dormait du sommeil du juste. Il s’assit sur le petit tabouret en face du lit et s’adossa contre le mur. En regardant le paisible sourire qui illuminait le visage d’Iris, il ne put s’empêcher de repenser à l’épisode de la veille.
Son maître embrassant tendrement Daphné. Saga avait énormément de mal à réaliser une telle effusion de sentiments de sa part. Jamais il ne l’avait vu aussi passionné et si expressif dans ses émotions. Il lui semblait toujours aussi calme, détaché, presque froid. Et la nuit dernière, il le vit réagir comme un homme normal. Les chevaliers n’étaient pas à l’abri de la passion, pas même les chevaliers d’or !
Saga devait reconnaître que son maître savait néanmoins faire la part des choses : il était droit, exigeant et impartial en tant que chevalier mais généreux, sensible et altruiste sur le plan humain. Pas étonnant après tout que Daphné ait succombé à son charme. Cet homme était un modèle de vertu et le garçon se jurait bien de lui ressembler plus tard.
Le soleil était levé maintenant mais la lumière qu’il projetait à travers les volets était faible. On voyait tout juste une pâle zébrure s’écraser sur le mur au-dessus du dossier du lit. Iris ne se réveillerait donc pas et pas et pourrait continuer sa rêverie.
Pour une raison qu’il avait du mal à définir, Saga avait de plus en plus de mal à regarder la fillette comme sa petite sœur. Non pas parce qu’il éprouvait de l’aversion à son égard mais quelque chose lui faisait changer la perception qu’il avait toujours eu d’elle. Les deux enfants avaient grandi ensemble et Saga allait sur ses dix ans quand Iris n’en avait que six. Milo chahutait souvent ses deux connaissances sur le fait qu’ils faisaient davantage couple que fratrie.
Quand Saga ne pouvait pas voir Iris quelques instants seulement dans une journée, cela lui devenait intolérable ; quand elle l’embrassait sur la joue avant de se coucher, il était ivre de bonheur mais aussi horriblement gêné et il lui arrivait de ne pas lui rendre délibérément ce qu’elle venait de lui donner. Il était dépendant de son contact physique, simplement par leurs mains jointes et paradoxalement, il voulait l’éviter. Saga devenait un adolescent. Cela devenait dangereux de côtoyer Iris mais en même temps il ne pouvait l’évincer de sa vie. Peut-être que d’ici quelques années, comme Polydeukès et Daphné …Tout vient à point à qui sait attendre. Mais dans l’immédiat, il devait devenir un chevalier fort, honnête et loyal.
Iris poussa un faible gémissement signifiant son réveil imminent. Saga fut tiré de sa rêverie, se leva de son tabouret pour se planter à côté du lit. Il contempla la fillette. Il releva correctement la couverture sur elle puis la quitta en lui déposant délicatement un baiser sur la joue.