Truth End
"Driing, driing". Le portable de Fumiya se mit à sonner de façon intempestive sur sa table de chevet, avant que celui-ci n'appuya dessus. Ah la la, on dirait que c'était l'heure de se lever. Mais bon autant attendre la deuxième sonnerie dans 5 minutes, et comme ça il se reposerait encore un peu. Mais contre toute attente, la sonnerie reprit presque immédiatement. Et merde, c'était quoi, un bug ? Il regarda son téléphone, "Appel : IGARASHI", il regarda rapidement son appartement. Tout était sombre, à tel point que l'on pouvait à peine distinguer la table basse qu'il avait laissée encore encombrée le jour d'avant. Il fallait croire qu'il faisait encore nuit. Il répondit à son interlocutrice.
- Allô? Ici Fumiya.
- Ici Igarashi. J'ai du nouveau sur l'affaire End.
- Et sinon ? Cela ne pouvait genre pas attendre une heure décente ?
- Bien sûr que non !! Vous croyez que je vous aurai appelé sinon ? Répondit la policière, avec un ton agacé.
- Oh ? Alors je suppose que vous risquez de mourir dans les 5 minutes qui suivent, si cela ne pouvait pas attendre, c'est cela ?
- ...
Après un petit silence, la brigadière lui répondit avec une voix plus forte, et un peu plus énervée.
- J'apprécierai grandement si vous pouviez vous taire un peu, et me laisser parler également. Enfin, parler de choses sérieuse, pas juste sur l'heure qu'il n'est, ou qu'il n'est pas. Je suis sur une scène de crime là, enfin disons plutôt que j'ai essayé d'entrer, mais bon comme je n'étais pas chargée de l'affaire, j'ai dû rester en dehors. La police vient d'être prévenue d'un 10ème meurtre de End semble-t-il. Ils sont encore en train, de passer la pièce au peigne fin. J'essayerai de récolter des informations plus tard. Bref, c'était pour vous prévenir de tout cela.
- Oh. Eh bien merci de m'avoir prévenu, l'on en reparlera lorsque l'on aura des informations supplémentaires alors ?
- Bien sur, je vous dis à plus tard.
Il laissa ensuite retomber son téléphone, et regarda l'heure, six heure et demie. Cela valait bien la peine de prendre deux semaines de vacances, pour être réveillé aux aurores. Il lui aurait bien demandé d’appeler plus tard la prochaine fois, mais elle semblait déjà assez énervée qu'il lui ait juste fait remarquer qu'elle appelait super tôt. Les gens devraient vraiment apprendre à être plus tranquilles dès fois. Sur ces pensées, il remit sa tête sur l'oreiller, et retourna faire un petit tour au pays des songes.
***
Le commissariat, 23h00 du soir, couloirs du sous-sol. Une jeune femme déambulait tranquillement dans les couloirs, l'air insouciante, et aussi l'air passablement fatiguée, comme n'importe qu'elle personne que l'on pourrait trouver en train de travailler à cette heure-ci. Néanmoins, le crime ne permettait pas toujours d'attendre, et les grands commissariats comme celui de la préfecture, avaient toujours un nombre minimum de policier à toute heure, afin de pouvoir être prêt à n'importe quel moment. La jeune femme portait de simples vêtements de civil, constitués d'une veste de costume, d'un pantalon à l'avenant, ainsi que d'un t-shirt blanc simple, qui s'accordait bien avec son costume pour lui conférer un air simple, mais plutôt sérieux. Après avoir refait rapidement sa queue de cheval, qui lui tombait dans le dos, Igarashi remit la main dans sa poche pour vérifier pour la troisième fois, qu'elle avait bien la clé qu'il lui fallait. Elle était bien sur toujours là, comme les deux fois précédentes, mais cela la rassurait avant de faire ce qu'elle avait prévu. Elle n'en revenait toujours pas d'avoir juste dû donner de l'argent à une des personnes en charge des archives pour obtenir la clé concernant les dossiers de l'affaire End, mais bon autant ne pas trop s'inquiéter de sa bonne étoile.
Ayant repéré la salle des archives comprenant les dossiers des enquêtes en cours, contrairement à celle des affaires classées qui était évidemment bien plus grande, elle passa devant négligemment, puis alla se poster à l'angle du couloir, en sortant un dossier de sa pochette et en le relisant pour donner l'impression de travailler, afin que les policiers pouvant passer par ici ne soient pas étonnés de la voir déambuler ici à ne rien faire. Il s'agissait d'un des dossiers sur lesquels elle était en charge en ce moment, et cela pourra toujours lui servir d'excuse si quelqu'un la trouvait, que cela soit dans les couloirs, ou dans la salle des archives elle-même. Tout cela servant à cacher le fait qu'elle comptait consulter le dossier de l'affaire End qui devrait se trouver dans cette pièce. D'autant que Kito le responsable de l'enquête arrivé tout droit de la préfecture, semblait n'avoir pas très bien pris le fait qu'elle ait essayé ce matin d'accéder à la scène de crime, alors que depuis peu elle n'était plus en charge de l'enquête. Elle se demandait s’il y avait une raison derrière le fait qu'elle ait été mise de côté dans l'enquête d'ailleurs. Il était assez rare que des policiers soient changés d'enquêtes en cours de route habituellement.
Étant resté suffisamment longtemps posté près de la salle, pour s'assurer qu'à cette heure-ci personne ne viendrait aux archives, Igarashi rentra dans la salle avec son trousseau de clés habituel, puis sortit ensuite la clé que lui avait prêtée le policier chargé des archives. Sur la clé était seulement marqué "cassier K 12". Fort de cette information, elle navigua entre les différentes étagères couleur bleu sombre de la section, avant de finir par tomber sur une étagère marquée "rangée K" au détour d'une des allées. Elle jeta quelques regards alentour pour vérifier que personne ne regardait, surtout si la-dite personne devait être Kito, et essaya de voir si elle entendait les bruits de quelqu'un, ou de la porte des archives qui s'ouvrirait. Personne. Elle inséra alors la clé dans le cassier de l'étagère qui correspondait aux informations sur la clé, puis parmi la foule de dossier qui se présentait à elle, elle trouva celui sur l'affaire End. Ou plutôt ceux qui correspondaient à l'affaire. Il y avait bien quatre à cinq dossiers de bonne taille, à la complexité de l'affaire elle-même. Elle feuilleta tout d'abord chacun des dossiers. Cela ne lui servirait à rien de lire les dossiers sur les anciennes victimes, d'autant qu'elle n'aurait sûrement pas le temps de tout lire, et que prendre trop de temps pour sa petite excursion pourrait s'avérer dangereux.
Ayant trouvé les pages qui parlaient des victimes 9 à 10 de l'affaire, elle sortie alors son appareil photo d'une poche de son costume puis photographia toutes les feuilles du dossier. Plus que quelques-unes. Bien que n'ayant prévu de lire le dossier lui-même que bien plus tard, elle ne put s'empêcher de remarquer une phrase barrée au stylo rouge au milieu de l'une des feuilles, avec à côté un commentaire à peine lisible. À côté de la phrase désormais barrée "Le meurtrier suspecté est End, ce qui conduirait à penser que le détenu Masato Haruno est innocent" se trouvait en commentaire en patte de mouche la phrase "Mode opératoire similaire mais avec deux différences : Traces de sang indiquant que le victime a été découpée dans la cuisine au lieu de la salle de bain auparavant, vêtement tachés légèrement de sang comparé aux autres fois. De manière générale, le nettoyage semble avoir été fait moins méticuleusement. Voir les dossiers précédents pour vérification.". Hum... comme elle le suspectait. Mais bon, il n'y avait pas de temps à perdre pour l'instant, quelqu'un pouvait rappliquer à tout moment. Elle finit donc rapidement de photographier les dernières pages, puis remit les dossiers à leur emplacement original, avant de refermer celui-ci à clé. La partie délicate étant maintenant faite, il ne lui restait plus qu'à rendre la clé du casier à son collègue, avant de rentrer chez elle et d'analyser ce que lui apprenait ces documents.
***
Le lendemain dans la soirée, la policière venait de rentrer dans l'appartement de son nouvel associé. Eh, beh, quel bordel, on voyait qu’il vivait seul, elle se fit la réflexion, tout en posant sur la table un sac avec plusieurs canettes de bière, qu'elles venaient d'acheter pour l'occasion de leur rendez-vous. Et il n'avait même pas fait d'effort, même en sachant que quelqu'un venait. Peut-être même devrait d'elle s'estimer heureuse qu'il n'y ait pas des vêtements en train de traîner sur le canapé. Elle commença à descendre une bière, tandis que Fumiya était allé à la cuisine, et lui demandait ce qu'elle voudrait pour dîner. La vue de celui-ci en tablier lui rappela vaguement l'image d'un ex-Yakuza reconverti en homme au foyer qu'elle avait vu dans un manga humoristique il n'y a pas longtemps. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'entre le tatouage qu'il avait visible sur le bras au niveau de sa chemise retroussée, ses boucles d'oreilles, une coiffure de petit voyou, avec la moitié de ses cheveux rasée d'un côté, et un tablier de cuisine, le mélange étant assez surréaliste. Tout simplement flippant, elle se fit la réflexion.
- Nooon, Fumiya c'est bon. Pas la peine de t'embêter avec cela, autant se faire livrer. C'est moins fatiguant, et je connais un bon restaurant pas loin qui fait des livraisons. Et puis je ne voudrais pas que tu croies que je te doive quelque chose.
- Hum, il n'y a pas de soucis pour moi vous savez. Enfin, c'est vous qui voyez.
- C'est tout vu, monsieur Fumiya. Donc assieds-toi, et l'on va commander deux repas. J'ai même pensé à rapporter un dépliant du restaurant, au cas où.
Le jeune homme regarda rapidement le dépliant, puis Mme Igarashi, l'air de se dire que vraiment elle ne devait pas aimer cuisiner pour avoir des dépliants de restauration traditionnel chez elle. Il n'en fit cependant pas la remarque, et répondit juste après avoir regardé les menus en détail.
- D'accord, je prendrai un ramen tonkotsu, dans ce cas. L'on fait 50-50 ?
- Oh, et moi qui pensais que tu pourrais te montrer généreux. Qui sait, je pourrai peut-être alors te donner plus d'informations sur cette affaire. Après tout, cela a encore l'air de piétiner de ton côté, elle lui répondit avec une pointe de bonne humeur, comme si elle trouvait cela comme une bonne blague.
- Ah, ah. Très drôle. L'on n'a pas tous la chance de faire partie de la police comme vous, c'est normal que j'ai un peu moins d'information. Et pour votre gouverne, j'ai moi aussi travaillé pas mal, et réussi à interroger plusieurs personnes proches des victimes d'End. Un peu plus que vous d'ailleurs, si je ne m'abuse.
- Pff, juste pour une personne de plus qui a accepté de te répondre, quel fanfaron. Enfin bref, heureusement pour moi que tu ne fais pas partie de la police, ou il y aurait eu peu de chance pour que l'on fasse une enquête officieuse à deux si tu étais un policier honnête et intègre. Et pas de problème pour faire 50-50, je plaisantais.
- Dois-je en déduire que vous n'êtes pas une policière honnête et intègre ? Se permit-il de dire de façon sarcastique.
- Seulement une policière qui fait bien son travail, mais qui a un compte à régler dans cette histoire. Cela te pose un problème? Igarashi répondit d'un ton bourru.
- Non, Non. Pas du tout.
Le jeune homme se fit la réflexion que décidément, il devrait se rappeler d'arrêter de faire des blagues avec Mme Igarashi. Il avait beau avoir un peu oublié, car il commençait à se détendre un peu, du fait de se voir souvent, elle avait encore trop souvent tendance à prendre ses piques au premier degré. Il prit une canette de bière, et commença brièvement à la descendre.
Plus tard dans la soirée, les deux personnes étaient encore attablées en train de manger après leur livraison, que Igarashi avait sorti de son manteau différentes photos de son costume. Elle lui dit que c'était des photos des dossiers de la police qu'elle avait lus il y a peu, qu'elle pensait que cela ne lui apporterait sans doute rien de plus que ce qu'elle allait lui dire, mais bon, elle s'était dit qu'il apprécierait. Il pouvait les garder, mais il ne devait pas les garder à vu, au cas où un des policiers de la préfecture venait chez lui, par rapport à la mort de sa sœur dans l'affaire d'End.
Fumiya feuilleta les photos, pendant que la policière lui résuma que les dossiers sur les victimes 9 et 10 présentaient un mode opératoire différent des 8 premières victimes. Les victimes étaient toujours tronçonnées après leurs morts avec une disqueuse électrique, afin que leurs différents membres découpés forme le mot "End", détail qui avait été révélé par la police. Mais néanmoins, les victimes n'étaient plus tronçonnées toujours dans la salle de bain, mais dans leur chambre, ou leur cuisine, et des traces de sang étaient également découvertes sur les vêtements des victimes, ainsi que sur différents meubles, qui se retrouvaient moins bien nettoyés qu'avant. Par contre, comme détail intéressant, qui n'avait pas été révélé par la police aux médias pour son côté troublant, mais qui restait toujours identique, les victimes étaient toujours les patients d'un même psychiatre, le docteur Ezaki. Il ne pouvait choisir d'une simple coïncidence.
Après une pause, Fumiya demanda " Je vois que la dernière victime s'est suicidée par médicament c'est bien cela ? Ils en sont sûrs ? Et pour la neuvième victime ? ". Igarashi lui répondit que le rapport indiquait que le patient est bien mort d'après une surdose de médicament d'après la prise de sang, médicament qui se trouvait sur sa table de chevet. La piste du suicide étant assez certaine, car ce médicament se trouvait uniquement sous forme de gélule, et ne pouvait donc pas être caché dans une boisson sans que la victime le sache. Pas d'informations sur la 9ème victime, mais étant donné ce qui s'est passé pour la 10ème victime, elle était presque sûre que les nouvelles "victimes", étaient encore des suicides déguisés en meurtre, pour dieu sait quelle raison. Pour faire penser encore plus au vrai End peut-être, car la police après s'être rendu compte de la supercherie avec la 8ème victime, avait refouillé toutes les scènes de crimes, et avait retrouvé des éléments cohérents avec la thèse de suicide sur la plupart des scènes des meurtres. Cela restait néanmoins qu'elle chose d'assez inhabituelle. Cela empêcherait le "tueur" d'agir fréquemment, s'il devait en fait auparavant attendre un suicide.
Tout en finissant leurs ramens, les deux personnes échangèrent leurs avis, et en conclurent que la personne ne devait pas être trop proche du vrai End, supposément Masato Haruno, car elle ignorait son mode opératoire dans les détails non donnés par la police. Mais qu'il devait en être assez proche quand même, pour avoir su que les personnes visées étaient tous des patients du psychiatre Ezaki. Par ailleurs, l'hypothèse initiale de Igarashi, comme quoi il devait donc s'agir de quelqu'un souhaitant innocenter Masato Haruno, pour éviter qu'il ne soit condamné à perpétuité pour "dispositions de corps", lui semblait toujours tenir debout. La policière lui dit alors que elle pensait que Aoi Haruno, la femme de Masato, et Taji Haruno, son frère, lui semblait être les suspects les plus évidents selon elle. Et qu'ils iraient sûrement plus vite, en les filant discrètement.
- Et les patients du psychiatre ? Répondit Fumiya.
- Les patients ? Eh bien quoi?
- Si l'on suivait régulièrement chacun des patients, il y a une chance pour que l'on puisse découvrir le coupable non ? En plus l'on pourrait empêcher un nouveau meurtre comme cela, expliqua le jeune homme.
- Oh, effectivement je n'y avais pas pensé. Eh bien le plus rapide serait que je suive chacun des Haruno, tandis que vous suivrez quant à vous des patients du psychiatre. En particulier, essayez de voir si quelqu'un rôde autour d'eux pour les surveiller. Je devrai pouvoir vous trouver une liste de ses patients au commissariat, comme l'on avait pensé utile de savoir qui pourrait être les prochaines victimes. Cela vous convient ?
- Hum, et si je vous demande que l'on échange les rôles ?
- Non, répondit la policière d'un ton abrupt.
Après une petite pensée, comme quoi son intuition ne l'avait pas trompé, il demanda s'il y avait une raison particulière à cela. Puis il lui fallut encore questionner Igarashi durant une vingtaine de minutes, avant que celle-ci n'admette un peu gênée " Disons qu'il se pourrait que je connaisse Taji Haruno. Alors je préférerais m'en occuper.". La raison pour laquelle elle devait avoir été écartée de l'affaire d'End, sembla alors beaucoup plus évidente. Se pourrait-il qu'elle sorte avec le frère du suspect ? Il n'osa cependant pas le lui demander. L'important était que les rôles que chacun devront tenir dans la suite de l'affaire étaient maintenant clairs.