Quand Sonne le Glas

Chapitre 15 : – Chapitre XIII –

5749 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 25/03/2020 21:44

– Chapitre XIII –

 

 

La porte coulissante automatisée s'ouvrit, menant Chris à une des nombreuses chambres de l'aile médicale destinées à accueillir les combattants blessés lors des missions. Elle s'attendait à y trouver la Parisienne, alors cela ne l'étonna pas de la voir assise dans le lit, confortablement installée grâce à l'oreiller moelleux posé dans son dos, et une couverture remontant jusqu'à son bas-ventre. Elle ne pensait cependant pas y retrouver Elfnein ; elle s'était dit que la jeune personne était partie depuis bien longtemps, après avoir terminé le check-up qu'elle avait décidé de faire. Elle la salua d'un hochement de tête, ce à quoi Chris répondit de la même manière. Marie, quant à elle, se cacha quelque peu en tirant la couverture vers elle, la remontant jusque devant sa poitrine, un air gêné affiché sur son visage, avant de la saluer en bégayant. Chris ne savait pas non plus où se mettre, des émotions contradictoires allaient et venaient dans son cœur sans qu'elle ne pût décider de l'approche qu'elle aurait face à la jeune femme.

 

« Ses examens n'ont révélé aucune anomalie, annonça Elfnein en s'approchant d'elle afin de sortir de la pièce. Elle pourra sortir après un peu plus de repos. Ne la fatigue pas trop, d'accord ?

– Ouais. Je vois. À plus. »

 

La porte se referma, les laissant seules toutes les deux. Marie se recroquevilla un peu plus en constatant le ton froid qu'avait employé Chris. Quelque chose l'effrayait chez elle, peut-être était-ce ce regard froid qui laissait transparaître quelques séquelles des dures épreuves qu'elle avait eues à affronter ?

 

« Eh, détends-toi, lança Chris avec une fausse désinvolture dissimulant son mal-être. Je vais pas te manger.

– O—Oui... Excuse-moi... »

 

Son regard se faisait fuyant alors qu'elle se repliait complètement sur elle-même, ses genoux se retrouvant collés à sa poitrine. Une gêne sans pareille emplit alors la Japonaise, qui ne put se résoudre à s'avancer un peu plus vers elle. Elle se retrouvait condamnée à lui faire la conversation depuis l'entrée de la chambre.

 

« Alors comme ça c'est Maria qui t'a menée là ? Ça devait être la pagaille au QG. Ils faisaient de drôles de têtes à mon arrivée. Au moins tu vas bien, c'est le principal.

– Oui... J'espère que là-bas ils ne s'inquiètent pas trop...

– Ouais... »

 

Le silence commença à s’immiscer entre elles, furtif et accablant. Chris se frotta le bras droit, espérant trouver une once de courage pour relancer la discussion. Le dossier qu'Elfnein avait laissé accroché au pied du lit était un bon point de départ. Elle le prit, et le parcourut. Cependant, elle ne parvenait à déchiffrer l'écriture de leur scientifique-alchimiste attitrée, qui avait en plus de cela utilisé des sinogrammes très peu usités. Elle dut le remettre à contrecœur là où elle l'avait pris, sans n'avoir rien appris de plus.

 

« Elle m'a dit que tout allait bien, que je n'avais aucun problème. Apparemment c'est un cas exceptionnel, personne n'a jamais pu traverser ce portail sans porter de relique comme vous. Je me demande si je pourrai tout de même retourner chez moi...

– Je pense que si. Tu as pu passer dans un sens. C'est évident que le trajet retour est possible, non ?

– J'imagine que tu as raison... »

 

Chris se mordit la lèvre. Elle n'arrangeait pas les choses, elle avait même le sentiment de les empirer. Il fallait faire quelque chose. Elle avait peut-être une idée, mais...

 

« Puisqu'on ignore pour combien de temps tu es là, autant te faire rencontrer l'équipe, non ? Si tu n'es pas trop épuisée, bien entendu. »

 

Marie secoua la tête de droite à gauche, un léger sourire posé sur ses fines lèvres, et répondit qu'elle serait ravie de faire la connaissance des camarades de Chris. Celle-ci donna quelques petits coups sur la porte, afin d'indiquer aux personnes se trouvant derrière d'entrer.

La Parisienne observa les trois nouvelles venues. La première se présenta et lui apprit que son prénom était Hibiki, et son nom Tachibana ; elle portait ses cheveux châtains mi-longs et avait accroché deux petites barrettes sur deux mèches qui bordaient son visage enfantin. Elle n'avait que seize ans, pourtant elle paraissait bien mature sur quelques points. Cependant, quand elle lui avoua que ses deux passe-temps étaient de manger et de manger encore plus, Marie ne put retenir un petit rire. Les yeux orange de la Japonaise pétillaient de joie, et cela lui réchauffait le cœur. Elle ne portait pas l'uniforme du lycée de Chris, Kirika et Shirabe, mais à la place était vêtue d'un haut jaune aux courtes manches rayées de blanc et d'orange, et semblait faire face à la température estivale grâce au short qu'elle avait mis ce jour-là.

Aux côtés de Hibiki se tenait une fille du même âge aux cheveux bruns noués à l'arrière du crâne à l'aide d'un nœud en tissu blanc. Elle s'était vêtue d'une simple robe blanche à fines bretelles, et s'était couvert les épaules avec un mince gilet violet afin de ne pas attraper froid à l'intérieur du bâtiment quelque peu climatisé. Elle se présenta comme étant Kohinata Miku, une amie de Hibiki – et des autres candidates – ainsi que sa colocataire. Ses yeux, d'un bleu-vert sans pareille, étincelaient de joie et de gentillesse. Elle semblait avoir le même âge que Hibiki, mais elle paraissait elle aussi plutôt mature. Était-ce une caractéristique propre aux Japonais ?

La dernière personne était une jeune femme plus âgée. Elle apprit par Chris que se tenait devant elle une célèbre chanteuse dont le succès sur la scène internationale n'en était qu'à ses balbutiements ; Kazanari Tsubasa n'avait que dix-neuf ans – elles avaient le même âge ! – et pourtant elle faisait déjà quelques tournées mondiales, en plus de son emploi au sein de S.O.N.G. C'était épatant. Ses cheveux d'un bleu fantastique tombaient, raides, dans son dos, et deux mèches plus courtes reposaient sur sa poitrine. Quelques mèches recouvraient ses yeux indigo, et une longue couette partant du sommet de son crâne et attachée par une barrette blanche ondulait sur le côté gauche de son visage. Elle était vêtue d'un haut blanc plissé au-devant duquel voyait-on un nœud bleu ciel, et portait une jupe asymétrique bleu-vert. Sa taille était rehaussée de quelques centimètres grâce aux chaussures à talons bleu-gris qui lui nouaient les chevilles. Elle lui adressa un sourire timide, ou bien était-ce là la discrétion à la japonaise, sourire que Marie lui rendit.

 

« Ravie de faire votre connaissance, ajouta-t-elle. Tu as l'air d'être bien entourée, Chris.

– O—Ouais, répondit l'adolescente qui détournait le regard, ses joues rosissant. On peut dire ça. »

 

Marie étouffa un petit rire. Elle ignorait si son amusement pouvait paraître rude, ou bien être mal interprété par les Japonaises. Mais voir le large sourire illuminer le visage de Hibiki la rassura.

 

« Quand tu te sentiras mieux, on te présentera au reste de l'équipage !

– De l'équipage ? répéta la jeune femme, étonnée du terme employé – « équipe » aurait peut-être été plus approprié.

– Tu ne l'as pas mise au courant, Yukine ? »

 

Tsubasa avait enfin pris la parole, sur un ton surpris et sonnant légèrement comme un reproche. Chris fit un peu plus la moue, et grommela qu'elle n'en avait jamais eu l'occasion puisque ça n'avait jamais été prévu qu'un des Parisiens vînt dans leur univers.

 

« En fait, poursuivit Hibiki, le QG, c'est un sous-marin ! »

 

*

 

« Comment va-t-elle ?

– Je n'ai vu aucune anomalie. En tout cas, rien d'inquiétant.

– Bien. C'est le principal. »

 

Elfnein sourit timidement au colosse avec qui elle conversait. Il affichait cependant un air grave, accentué par sa posture ; il se tenait droit devant elle, les bras croisés sur son torse, la tête penchée en avant, et les yeux clos. Le commandant Kazanari était imposant en tous points, qu'il s'agît de sa force surhumaine, de sa voix grondante comme le tonnerre, ou encore de sa stature gigantesque. Son autorité, aussi, ou bien le profond respect que lui portait l'ensemble de l'équipage, lui conféraient un certain pouvoir, mais lui-même était inférieur aux dirigeants de ce monde, ainsi qu'à son père, le chef du clan Kazanari. Elfnein estimait grandement cet homme qui l'avait prise sous son aile, tout comme le reste de S.O.N.G. ; elle faisait de son mieux pour se rendre digne de leur gentillesse.

 

« Les filles sont allées la voir, elles doivent être en train de faire connaissance, je pense. Chris-san semblait particulièrement soulagée de la voir saine et sauve.

– Quand elle se sentira prête à sortir, j'aimerais lui parler, répondit-t-il. Je voudrais connaître sa version des faits. »

 

Il n'eut pas à attendre longtemps pour enfin rencontrer la jeune Parisienne. Elle était arrivée dans la salle principale, celle où s'opéraient toutes les commandes des missions, solidement épaulée par Hibiki et Miku ; Tsubasa suivait paisiblement derrière, et Chris restait quelque peu en retrait, la mine renfrognée. Le commandant Kazanari l'observa sans rien dire. Elle était de taille moyenne, et de corpulence plutôt maigre. Elle avait l’œil vif, et d'un ravissant bleu dont il s'étonna de la nuance. Ses cheveux, trempés par la douche qu'elle avait prise peu avant, retombaient en lourds paquets dans son dos, et humidifiaient la tenue qu'on lui avait prêtée en attendant que ses vêtements eussent été lavés et séchés ; une simple robe d'un sublime bleu nuit resserrée à la taille par un nœud blanc. Elle observait la pièce dans chaque recoin avec stupeur et curiosité, elle n'avait jamais vu pareil endroit.

 

« Est-ce qu'on est sous la mer ? glissa-t-elle à Hibiki.

– Non, on est juste amarré dans le district portuaire de Tōkyō ! C'était le plus simple pour que Miku et moi revenions après les cours – et la mission. »

 

Elles avaient avancé jusqu'au commandant sans trop faire attention, trop occupées à discuter entre elles. Ce qui les fit réagir fut la respiration grave de l'homme ; Marie se figea en le découvrant, effrayée par sa stature de titan. Ce dernier posa sur elle son regard enflammé à l'iris rougeoyant comme une braise, et son visage aux durs traits s'adoucit en un instant alors qu'un immense sourire s'y dessina.

 

« Bienvenue parmi nous ! Je suis Kazanari Genjūrō, le commandant de S.O.N.G. !

– Je... Enchantée, je m'appelle Marie... Marie de France. »

 

Il lui tendit sa main droite pour qu'elle la serrât, mais elle mit quelques instants avant de comprendre le but de son geste. Sa main lui parut minuscule une fois logée dans celle de Genjūrō. Il lui apprit qu'il était l'oncle de Tsubasa, et cela leur valut un regard confus de la part de la jeune femme. Ils ne se ressemblaient en rien, aussi bien physiquement qu'en termes de prestance ; lui paraissait très avenant et extraverti, tandis qu'elle semblait très réservée.

L'homme passa sa main dans sa crinière auburn, toujours avec ce sourire vissé sur les lèvres.

 

« Tu nous as causé pas mal de soucis, fit-il d'un ton amical. Ne t'en fais pas, il y a eu plus de peur que de mal. En attendant, tout le monde ici avait hâte de faire plus ample connaissance avec toi.

– Je... Je suis désolée pour les ennuis que j'ai pu vous causer...

– Mais non, ne t'en fais pas, s'exclama Hibiki en posant sa main droite sur l'épaule de Marie. Ça a été un peu le bazar à ton arrivée parce que personne ne s'attendait à ce que quelqu'un de banal puisse passer le portail.

– Quelqu'un de banal...? »

 

Le choix de mots avait été quelque peu maladroit, elle en convenait, mais elle s'étonnait que cela la touchât autant. Il était vrai qu'elle n'était qu'une personne comme une autre, qui ne pouvait se battre de la même manière que Chris, Kirika ou encore Shirabe. Mais de là à dire banal, c'était un peu fort, jugeait-elle.

 

« Je veux dire, se reprit Hibiki, gênée et trouvant très difficilement ses mots, tu es comme n'importe qui, tu vis une vie normale, sans qu'elle soit forcément extraordinaire...

– Tais-toi abrutie, grogna Chris en lui assénant une claque sur l'arrière de la tête ce qui fit gémir Hibiki de douleur. Ce qu'elle essaie de dire, c'est que contrairement à nous, tu as une vie commune et sans danger. Quelque part, je t'envie, ajouta-t-elle avec une pointe de tristesse dans la voix.

– Si vous le dites... »

 

Même si tout comme vous j'ai vécu des histoires auxquelles on croit difficilement, manqua-t-elle d'ajouter, avant de se reprendre. Cela ne servait à rien de s'attarder sur ça.

 

« Maintenant, si vous voulez bien, je vais te présenter le reste de l'équipage, fit Genjūrō, sentant le malaise s'installer chez la Parisienne. Si tu veux bien me suivre... »

 

Elle acquiesça timidement, et s'avança vers lui, laissant derrière elle les quatre Japonaises. Chris donna un nouveau coup sur l'arrière de la tête de Hibiki, sous le regard approbateur de Tsubasa et la mine inquiète de Miku.

 

« Tu devras t'excuser convenablement, Tachibana.

– Écoute tes aînées, renchérit Chris. C'est pas une manière de traiter tes invités. »

 

Elle observa Marie avec une mine inquiète. Il devait s'être passé quelque chose de difficile pour qu'elle réagît ainsi. Serait-elle capable de l'aider ? Elle se sentait attirée par la jeune femme, quelque chose en elle lui rappelait une présence familière et réconfortante, semblable à...

 

Non. Elle devait se tromper.

 

C'était juste une impression donnée par la gentillesse sans faille de la jeune femme. C'était sûrement et tout simplement ça.

 

Genjūrō mena Marie aux deux agents situés au fond de la salle, au plus près des grands écrans. L'homme et la femme se levèrent tous deux de leur siège pour la saluer, et se présenter quelque peu. Tous deux étaient des opérateurs de contrôle, notamment mobilisés pendant les combats des candidates, et s'occupaient principalement du traitement de l'information nécessaire à leurs missions ; les calculs de trajectoires, de direction, les analyses des données qu'ils recevaient de toutes parts étaient leur tasse de thé.

Le premier des deux à se présenter était contre toute attente la femme. Elle se nommait Tomosato Aoi, et il émanait d'elle une gentillesse et une attention comparables à celle d'une mère ou d'une grande sœur. Ce caractère maternel découlait sûrement de sa condition de femme, mais sûrement bien plus de son visage doux et fin ; son regard violine comportait quelques touches de la couleur des glycines et se posait sur Marie avec la même douceur que sa propre mère. Le vermillon de son rouge à lèvres apportait de la chaleur sur son visage ; entre la couleur de ses yeux et celle de ses cheveux, coupés aux carré, sa frange élongée sur le côté gauche, et d'une teinte proche du bleu de minuit. Son fin cou était serré par le col de sa chemise jaune pâle et par la cravate bleu céleste rayée de blanc qui y était serrée ; sa veste, d'un bleu ciel foncé, était boutonnée au niveau de la poitrine et restait droite, serrée au niveau des hanches par une large ceinture noire. Elle portait en-dessous de la veste une jupe asymétrique aux mêmes couleurs, elle aussi striée sur les côtés de cette nuance de bleu céleste de laquelle se dégageait une sensation de sérénité. Elle portait en plus de celle-ci un collant foncé, qui donnait l'illusion de jambes interminables malgré sa taille de Japonaise, et des chaussures discrètes foncées. Elle devait avoir la trentaine, et semblait avoir un caractère fort ; Marie apprit plus tard par Genjūrō qu'Aoi pouvait maîtriser ses collègues masculins d'un bras de fer lorsqu'il le fallait. C'était sûrement dû au fait qu'elle avait dû se battre pour obtenir cette place.

 

« Enchantée de faire votre connaissance, souffla Marie.

– Moi de même, » sourit la femme.

 

Il fallut que Genjūrō présentât lui-même l'homme, qui restait quelque peu en retrait.

 

« Voici Fujitaka, lança-t-il en donnant une tape dans le dos du concerné, qui chancela sous la force de son supérieur.

– J—Je suis F—Fujitaka, bégaya-t-il. Fujitaka S—Sakuya. »

 

Il passa une main hésitante dans ses cheveux châtain, et ses yeux ambrés fuyaient tout contact oculaire. Il avait les traits très fins, ce qui contrastait beaucoup avec l'apparence du commandant ; son air penaud était renforcé par sa coupe de cheveux, ils lui retombaient dans la nuque, et une mèche rebelle lui barrait le front dans le sens contraire des autres. Peut-être avait-il du mal à se coiffer le matin ?

Son uniforme était le même que celui de Tomosato, à la différence qu'il portait la version destinée aux hommes. Si les boutons de la veste de la jeune femme se trouvaient sur sa poitrine, ceux de Fujitaka se situaient au milieu du torse. Il ne portait pas non plus de jupe, mais un long pantalon lui retombant sur le haut du pied. Marie garda involontairement son regard posé sur le torse de l'homme ; il avait une allure plutôt frêle, mais son physique laissait entrevoir une musculature légère, notamment au niveau des épaules. Pratiquait-il un sport en-dehors de son travail ? Maintenant qu'elle y prêtait attention, Aoi aussi était plutôt musclée. Finalement, leur fonction ne se limitait peut-être pas juste au traitement des données, mais devait aussi englober quelques missions de terrain.

 

« Allez, ne sois pas impressionné par notre invitée ! Certes elle est mignonne, mais ce n'est pas une raison pour perdre tes moyens ! »

 

Si la remarque de Genjūrō était destinée à détendre l'atmosphère, elle la fit presque empirer. Fujitaka se replia un peu plus sur lui-même, ses joues prirent une teinte pourpre, et Aoi jeta un regard peu approbateur à son supérieur – peut-être était-elle en désaccord avec une telle remarque et dépréciait-elle l'idée de rabaisser Marie à sa simple qualité d'être belle.

 

« Je suis contente de vous avoir rencontré, Monsieur Fujitaka, sourit-elle. J'espère pouvoir faire plus ample connaissance avec vous et toute votre équipe. »

 

Il acquiesça timidement, les yeux rivés au sol. Il ne releva la tête que lorsqu'il entendit un autre membre de S.O.N.G. s'approcher.

Il s'agissait d'Ogawa Shinji – Tomosato avait murmuré son nom à l'oreille de Marie tandis que le commandant allait aux nouvelles. Il exerçait un rôle d'agent de terrain la plupart du temps, et était très efficace dans son domaine. Elle apprit par la suite qu'il provenait d'une famille de ninjas dont des membres avaient côtoyés de grands guerriers et généraux japonais par le passé. Tout comme son collègue Fujitaka, il était difficile de lui donner un âge précis, bien qu'il dût très certainement lui aussi avoisiner la trentaine. Ses yeux couleur chocolat emprunts de nuances ambrées lui rappelaient quelque peu ceux de Raphaël – cette pensée lui serra le cœur ; s'inquiétait-il pour elle, ou bien savait-il qu'elle ne courait aucun danger ? – et brillaient de vigueur. Ses cheveux châtains, coupés courts, lui retombaient haut dans la nuque, mais quelques mèches cachaient le haut de ses yeux.

Une certaine prestance se dégageait de lui. Peut-être était-ce de par sa qualité d'agent de S.O.N.G., mais il était un très bon exemple pour définir l'adjectif « classe » aux yeux de Marie. On devinait chez lui aussi une musculature non négligeable malgré son costume noir à cravate, sûrement due à ses missions de terrain.

 

« Oh, tiens, une nouvelle recrue ? lança-t-il en apercevant Marie qui le dévisageait avec curiosité. Enchanté, je suis Ogawa.

– Je m'appelle Marie, répondit-elle, un peu intimidée par la voix douce de l'adulte.

– Commandant. Ne serait-elle pas... ? »

 

Genjūrō hocha gravement la tête.

 

« ... Je vois. »

 

Ce fut la simple réponse d'Ogawa. Marie leur lança des regards aussi inquiets que curieux. Que signifiaient ces airs graves et ces non-dits ? Elle n'aimait pas ça.

 

Remarquant son effroi grandissant, le commandant Kazanari posa une main amicale sur son épaule, avant de lui adresser un sourire.

 

« Tu dois être fatiguée, n'est-ce pas ? Visiter notre QG, rencontrer tout ce beau monde... Ça te dirait de boire quelque chose de chaud ? »

 

Comment refuser au géant ? Elle l'ignorait. Sans trop comprendre pourquoi ni comment, elle se retrouva presque aussitôt dans un petit lobby où se dressaient deux machines à boisson et nourriture. Il lui demanda ce qui lui ferait plaisir, elle répondit par une hésitation qui lui valut de se retrouver avec un soda en bouteille dans les mains. Le liquide avait une drôle de couleur, d'un vert anis, et les bulles se battaient pour remonter à la surface. Elle ne parvenait pas à lire le moindre texte écrit sur l'étiquette, et il dut lui expliquer qu'il lui avait donné un melon soda, du soda au goût du melon. Le goût l'étonna, car cela ne ressemblait pas à celui du melon à la chair orangée qu'elle avait l'habitude de manger en été, mais plutôt celui du melon à la chair verte, qu'elle n'avait pu goûter qu'une fois dans sa vie. Cependant, cela n'était pas mauvais, et elle s'étonnait de boire aussi rapidement sa boisson fraîche, bien qu'à l'origine il lui ait proposé une boisson chaude.

 

« Vous avez là une belle équipe, monsieur Kazanari, dit-elle avec un grand sourire.

– Ne m'appelle pas « monsieur Kazanari, » ricana-t-il, j'ai l'impression de prendre vingt ans de plus ! Appelle-moi par mon prénom.

– D'accord, monsieur Genjūrō, » fit-elle timidement en rougissant à l'idée d'être aussi familière avec cet homme qui lui paraissait si important pour l'organisme qu'il dirigeait.

 

Elle sirota sa boisson, et lui engloutit d'une traite le café en canette qu'il s'était acheté.

Il était assis à sa gauche, avec une place d'écart entre eux. Le canapé était allongé en un arrondi, ce qui faisait qu'ils n'étaient pas vraiment côte à côte, mais pas vraiment face à face non plus. C'était dans cette disposition qu'il ouvrit la conversation, son visage incliné vers l'avant, ses yeux clos, ses mains posées à plat sur ses genoux, les coudes relevés.

 

« Sais-tu pourquoi tu es ici ? »

 

La question surprit Marie. Elle répondit presque immédiatement, d'un air toujours aussi innocent et fidèle à elle-même.

 

« Je l'ignore. Avez-vous trouvé la raison pour laquelle j'ai pu traverser le portail bien que je ne porte pas de Symphogear ?

– Malheureusement, ce ne sont que des suppositions. »

 

Il releva la tête, et la fixa droit dans les yeux.

 

« Peux-tu m'expliquer ce qui s'est passé avant que tu n'arrives ici ? Tout ce dont tu te souviens. »

 

Marie ignorait par quoi commencer. Elle mentionna simplement qu'elle se trouvait avec Chris, Kirika et Shirabe, ainsi que Raphaël, lorsqu'une attaque de noise fut déclarée.

 

« Les filles ont rapidement réagi, et se sont rendues sur les lieux de l'attaque. Raphaël et moi avons dû fuir, nous avons pris le premier métro qui venait. Mais notre rame a été attaquée par du noise... En voulant sortir, nous avons vu une de vos combattantes qui se démenait contre eux. Lorsqu'elle a fini d'éradiquer la menace, elle s'est enfuie. Je voulais lui poser des questions, mais elle ne s'arrêtait pas. Quand nous sommes arrivés près du portail, j'ai voulu la retenir, alors j'ai attrapé sa main. Et quand j'ai rouvert les yeux, j'étais dans une des salles médicales... »

 

Genjūrō acquiesça. C'était cohérent avec les témoignages de Chris et de Maria.

 

« Nous pensons que Gjallarhorn n'a pas fait de distinction entre vous deux. Le simple contact physique a dû brouiller son système, et tu as pu venir jusqu'à nous. Mais j'ignore si cela a eu des conséquences sur ton corps. Te sens-tu différente ? »

 

Elle secoua négativement la tête.

 

« Dans ce cas ce devrait être bon, je suppose. Dis-nous si jamais tu ressens quoi que ce soit de particulier.

– Vais-je pouvoir rentrer chez moi ? Ma mère et Raphaël vont être morts d'inquiétude si je ne reviens pas rapidement...

– Chris-kun leur dira que tu vas bien. Si tu le souhaites, tu pourras écrire un petit mot à leur transmettre. »

 

Elle acquiesça, et lui adressa un timide sourire.

 

« Serait-ce possible de rencontrer Maria ? J'aimerais la remercier de nous avoir sauvés. »

 

*

 

« Kiri-chan, ça va ?

– Oui... Je peux encore tenir un peu... »

 

Les deux Japonaises étaient à bout de souffle. Elles se battaient sans relâche depuis plusieurs minutes à présent, du moins, elles le pensaient, puisqu'elles n'avaient pas le moindre repère temporel pour les guider. Elles haletaient pour reprendre leur respiration, leurs corps tremblaient de fatigue. Elles avaient beau réduire le nombre de noise, tant que le titanesque restait là, cela restait vain que de les détruire. Il fallait s'attaquer à la source, et cela leur semblait impossible.

Kirika passa rapidement sa main gantée sur son front afin d'en essuyer la transpiration qui coulait. Elle donnerait n'importe quoi pour que ces monstres se dissipassent en un clin d'œil. Mais elle n'avait pas le choix. Cela ne tenait qu'à elles.

 

« Allons-y, Shirabe, lança-t-elle en préparant sa faux. Si on utilise la Démoniaque Roue Interdite de l'Éclipse de Zababa, on a encore une chance. »

 

Shirabe acquiesça. Elle élabora ainsi une stratégie du dernier espoir. Elle utiliserait le Style Alpha des Cent Saṃsāra afin de dégrossir la quantité d'ennemis, et de permettre à Kirika de se faufiler jusque derrière leur cible principale. Ainsi, la blondinette utiliserait ses épaulettes afin d'enchaîner ce dernier et de le figer au sol, et elles en profiteraient pour asséner le coup final.

Tout de passa comme prévu. Lançant de son équipement situé sur sa tête des centaines de scies miniatures en direction des noise terrestres, Shirabe réduisit en miettes une bonne partie d'entre eux. Kirika profita de l'instant pour se mettre en hauteur, et sauta de bâtiment en bâtiment afin de se placer dans le dos de leur ennemi, qui ne l'avait pas remarquée. Comme elles l'avaient décidé, elle fit sortir de ses épaulettes deux immenses chaînes, dont les bouts pointus se logèrent dans le sol après avoir enserré le gigantesque monstre. Paralysé, c'était à peine s'il pouvait cracher son venin.

 

C'était l'occasion qu'elles guettaient.

 

Shirabe changea son casque en une roue gigantesque, au centre duquel elle se tenait, et roula à vive allure, prenant un peu plus de vitesse tout en réduisant en miettes les ennemis qui se trouvaient devant elle. Cette attaque se nommait Style Sigma Extrême de la Pleine Lune Interdite, et était aussi pratique pour se déplacer qu'elle faisait des ravages. Elle attrapa au vol deux chaînes supplémentaires de Kirika, qui vinrent se saisir d’elle. De ce fait, toutes deux accéléraient considérablement, se tirant l'une vers l'autre, et rapidement, elles entrèrent en collision avec le noise titanesque, dont il ne resta plus que des cendres.

 

Elles de dégagèrent tant bien que mal de la pluie de cendres et de la volute de fumée qu'elles avaient provoquées, et titubèrent jusqu'à se raccrocher à un mur. Elles avaient beau prendre du LiNKER, il n'était pas parfaitement adapté à leur condition, et la fatigue se ressentait beaucoup trop vite. Elles peinaient à se remettre au combat afin de finir ce qu'il restait de l'armée ennemie, si l'on pouvait appeler ça une armée.

Shirabe prit une large inspiration, et retenta l'attaque des Cent Saṃsāra, en s'élançant quelque peu, avant de chuter lamentablement de tout son long, visage le premier contre le sol dallé. Elle eut beau se remettre debout, elle ne put avancer n'était-ce que d'un pas ; ses roues ne lui permettaient pas de progresser sur un sol dallé ainsi. Elle n'en avait jamais vu au Japon, c'était la raison pour laquelle elle n'avait jamais eu ce problème. Mais ces dalles de pierre irrégulières la rendaient totalement inutile dans leur combat, ses forces étant insuffisantes pour lancer la moindre attaque à distance.

Kirika courut jusqu'à elle, inquiète de l'avoir vue chuter aussi brusquement. Malgré les paroles rassurantes de Shirabe lui annonçant qu'elle allait bien, au-delà de la fatigue, Kirika ne pouvait s'arrêter. Son amie avait besoin d'elle, et les quelques derniers noise s'avançaient dangereusement dans sa direction.

 

« Mangez-ça !! » hurla-t-elle en donnant des coups de faux presque désespérés dans tous les sens après avoir dépassé la hauteur de Shirabe, en direction du noise.

 

Il n'y avait plus grand chose ! Elles avaient presque gagné ! Encore un effort, se disait-elle.

 

Elle entendit un craquement, et avant même de réaliser que la douleur envahissait son corps, elle chuta à son tour contre les pavés. Elle n'avait pas prévu que ses semelles compensées ne lui accorderaient pas la stabilité nécessaire pour se battre une fois sur les pavés. Elle avait eu de la chance d'aller aussi loin avant de tomber.

Elle manqua de crier en constatant l'entorse de la cheville qu'elle venait de se faire. Elle avait mal, horriblement mal, à toucher et à marcher, cela devenait insupportable. Elle serra les dents. Elle ne pouvait même pas s'avancer suffisamment pour rattraper sa fidèle faux, qui avait ricoché quelques mètres plus loin.

 

« Kiri-chan, appelait Shirabe, en larmes, est-ce que ça va ?

– J'ai mal... j'ai si mal, Shirabe, » gémissait la blonde en retour, en se retenant difficilement de pleurer tant la douleur était intense.

 

Elles ne virent pas le noise humanoïde restant qui s'approchait d'elles. La barrière du gear les protégeaient de sa capacité à changer les vivants en cendres, mais qu'en était-il des attaques physiques ? Il pouvait très bien les tuer à force de les frapper...

 

Elle fondit en larmes à cette idée. Elle était complètement perdue et désemparée. Elle ne pouvait pas protéger Shirabe, qu'elle aimait tant. Elles allaient mourir à cause d'elle...

 

« Au secours, » criait-elle en sanglotant.

 

Elle avait perdu tout espoir. Si seulement Chris était là pour les aider...

 

« Crève !! » hurla une voix.

 

Elle vit une lueur verte, qu'elle pouvait reconnaître entre mille.

 

Deux lames courbes, d'un vert clair intense et brillant, se jetaient en tournoyant sur elles-mêmes, pour trancher net l'ennemi, avant de revenir vers leur point d'origine, la faux d'Igalima.

 

« Ma Juliette, murmura-t-elle d'un air ébahi. Mais... Comment ? ... »

 

À quelques pas d'elle se dressait une silhouette haletante. Son corps se soulevait sous les inspirations et expirations exténuées.

Raphaël se tenait là, épuisé d'avoir autant couru pour les rejoindre à temps, et épuisé par le coup qu'il venait d'assener pour trancher l'ennemi.

 

Dans ses mains se trouvait la faux de Kirika.


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Chaque personnage possède une certaine palette d'attaques ; selon le personnage, son caractère et son style, le nom et la manière d'écrire l'attaque varie.

Tsubasa, de par son caractère très traditionnel, n'a que des noms d'attaque écrits en caractères chinois. (ex : 影縫い, kagenui, "tissage de l'ombre)

Chris, de par son caractère assez violent, a des noms d'attaque faisant référence à des groupes de rock ou de métal. (ex : MEGA DETH PARTY)

Maria aura des attaques écrites en alphabet latin, avec une croix la scindant en deux. (ex : SERE†NADE)

Shirabe a des attaques dont le nom sera sous la forme "Style [lettre grecque] - [référence généralement bouddhiste ou religieuse]". (ex : Δ式・艶殺アクセル, delta shiki - ensatsu axel, "style delta - charmante tueuse d'axel")

Kirika, de par sa personnalité très naïve et enfantine, aura des noms d'attaques faisant référence à des personnages de contes de fées ou au moins très populaires. (ex : 切・呪りeッTぉ, kiru juliet, "trancher - Juliette" ou encore "kill - Juliet" (le terme japonais permet de jouer sur les sonorités dans la traduction))

Enfin, Hibiki est la seule qui n'en a pas officiellement dans la série animée, mais dans le jeu (Symphogear XDU), elles ont un nom et un style qui lui sont propres.

Quant aux autres utilisatrices de Symphogear connues, Kanade (ancienne partenaire de Tsubasa) aura des références aux astres, Serena (petite soeur de Maria) aussi des références à des créatures fantastiques, et Miku (avec le Shenshoujin) aura des attaques en chinois.


Les attaques de Kirika et de Shirabe mentionnées dans ce chapitre sont :

  • α式・百輪廻 (Arufa-Shiki: Hyaku Rinne, "Style Alpha des Cent Saṃsāra")
  • 禁殺邪輪・Zあ破刃エクLィプssSS (Kin Setsu Ja Rin: Zababa Ekuripusu, "Démoniaque Roue Interdite de l'Éclipse de Zababa")
  • 非常Σ式・禁月輪 (Hijō Sigma-Shiki: Kin Getsurin, "Style Sigma Extrême de la Pleine Lune Interdite")
  • 切・呪りeッTぉ (Kiru Jurietto, "Kill Juliet" ou "Trancher - Juliette")

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