Quand Sonne le Glas

Chapitre 11 : – Chapitre X –

5265 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 16/08/2019 19:42

Chapitre X –

Il ne fallut que quelques secondes à Raphaël pour comprendre la gravité de la situation. Non seulement le noise les encerclait et les piégeait comme des rats, mais en plus de cela la rame était emplie de voyageurs, tous autant en situation de danger qu'eux-mêmes. Quelques-uns commençaient à paniquer et à taper sur les portes, ou à chercher à activer l'ouverture d'urgence de celles-ci. Si cela se produisait dans leur wagon, alors la même chose devait avoir lieu ailleurs.

Marie se serra un peu plus contre lui.

« Ne pouvons-nous pas nous défendre ? demanda-t-elle à voix basse, en jetant un regard anxieux vers le poignet du jeune homme.

– J'ai bien peur que cela ne suffise pas, grommela-t-il. Qui sait quelle portée a ce bracelet ? »

L'envie de découvrir les limites – si elles existaient – du bracelet de Tiamat le brûlait, mais il avait la vie de plusieurs personnes en main, et ne pouvait se permettre de jouer avec.

Non, la seule solution était que l'une des filles vînt jusqu'à eux. Mais comment les contacter ? Elles devaient encore être affairées à se battre près du Centre Pompidou.

Il crut entendre quelque chose d'anormal. En tendant l'oreille, il perçut au-delà des cris des voyageurs quelque chose comme... un bruit de talons, sur un rythme effréné. C'était impossible, personne ne risquerait de courir sur une voie de métro ; c'était d'autant plus impossible que nul ne pouvait s'y aventurer en-dehors des quais !

Mais alors, se pourrait-t-il qu'elles soient parvenues jusqu'à eux ? Il n'y avait qu'une manière de s'en assurer. Il leur fallait sortir.

Mais comment sortir de cette rame avec la panique qui en gagnait les voyageurs ?

Il s'approcha tant bien que mal d'une des portes, et l'observa de haut en bas. C'était impossible de l'ouvrir manuellement, et il ne voyait pas d'ouverture d'urgence ; voilà qui posait problème. Quelques individus le bousculèrent, et il dut faire rapidement demi-tour, aux côtés de Marie. Ce fut la même aventure avec les fenêtres. L'une d'elles était entrouverte, et laissait passer une légère brise, ainsi que des bruits émanant du tunnel, dont certains sonnant familièrement aux oreilles de Raphaël.

« Quelqu'un se bat dehors, murmura-t-il à Marie. Je ne pense pas que ce soit Chris, on l'entendrait crier sinon, et puis, des armes à feu, ça n'est pas silencieux. On dirait plutôt... une lame... »

Ce devait sûrement être Kirika dans ce cas. Mais pourquoi serait-elle seule alors ? Y aurait-il une urgence qui faille qu'elles devaient se séparer ?

Il voulut en avoir le cœur net ; il tenta de coller un peu plus son visage contre la vitre crasseuse afin d'avoir une légère vue sur le tunnel, mais n'aperçut rien de plus qu'une étendue noire.

Puis un immense bruit vint faire cesser le brouhaha des rames. Quelque chose venait de percuter la rame dans un grand fracas, duquel on distinguait un hurlement de douleur. Cette voix ne ressemblait en rien à celles que les deux Parisiens connaissaient.

« Ça ne me dit rien qui vaille, siffla Raphaël. Il faut qu'on sorte et qu'on aille l'aider.

– Mais Raphaël, répondit sa petite amie en l'implorant du regard, toi seul peut faire quelque chose... Je suis inutile...

– Non, Marie. »

Il lui prit les mains, et entrelaça ses doigts avec ceux de la jeune femme.

« C'est grâce à toi que je trouve le courage d'affronter ces choses. Alors s'il te plaît, viens avec moi. »

Elle afficha une mine inquiète, et sembla chercher une issue, avant d'accepter en tremblotant de le suivre. Ils décidèrent de se rendre à la cabine du conducteur du métro, afin de trouver un moyen de s'échapper de là. Ce fut compliqué de progresser entre tous ces voyageurs qui pour certains avaient abandonné l'idée de sortir rapidement, et attendaient, assis sur des sièges, tandis que d'autres continuaient de s'acharner sur les portes et fenêtres. Ce fut chose aisée que de se rendre dans la cabine, dont le conducteur s'était évaporé. Un tas de cendres révéla qu'il n'était malheureusement plus. Raphaël déglutit ; pour peu, il aurait pu avoir fini comme cet individu.

Il remarqua que la vitre était certes brisée, elle n'était pas cassée pour autant. Ces monstres traversaient murs et vitres comme si ça n'était qu'une fine couche d'air. C'était effrayant.

Il vit un extincteur posé non-loin du tableau de bord. Cela devrait suffire, songea-t-il en le soupesant, et en tapotant dessus. Il pouvait facilement finir le travail et leur créer une issue de secours. Ce fut ce qu'il fit, et en quelques coups seulement, il leur ouvrit une porte de verre pour l'extérieur. Il débarrassa le cadre des bris de verre dangereux, et monta sur le tableau de bord, avant de tendre le bras vers Marie pour qu'elle le suivît. Il s'élança en premier dans l'ouverture béante de verre, menant au sombre couloir souterrain, et aida la jeune femme à faire de même.

Pour connaître le véritable sens de la force

Il faut accepter sa faiblesse et s'envoler à travers le présent

Tous deux se regardèrent avec étonnement. Ils ne reconnaissaient pas cette voix, qui leur paraissait bien plus mûre et âgée que celles qu'ils avaient déjà pu entendre. Y aurait-il plus de candidates que ce qu'ils ne pensaient ?

Dans un réflexe défensif, Raphaël activa le pouvoir du bracelet de Tiamat, qui forma rapidement une sphère de lumière les protégeant. À leurs pieds s'étendait un océan de cendres, certaines formant encore les corps des monstres déchirés en deux, tranchés par une lame impitoyable qu'ils devinaient non-loin d'eux.

Mille blessures sont la preuve

Des mille fois où je n'ai pas fui

En s'approchant, ils purent mieux observer la personne qui se battait sans faillir. Assaillie de toutes parts, c'était une jeune femme dans la fleur de la vingtaine ; Raphaël estimait à vue d’œil qu'elle était son aînée de plusieurs années. Contrairement à ceux qu'ils avaient pu observer avant cela, son Symphogear luisait d'une couleur argentée magnifique agrémentée de nuances bleu clair. Elle se battait grâce à une épée à une main qu'elle maniait aisément, et ne démordait pas face au nombre croissant d'ennemis, qu'elle tentait d'entraîner loin de la rame de métro.

Marie resta subjuguée face à cette vision ; cette femme était si courageuse, et si forte. Cependant, se battre seule avait ses limites, et elle ne vit pas ses ennemis affluer derrière elle.

« Attention ! cria la blonde, avec l'espoir que cela l'aidât.

Je me suis... Aah ! »

Surprise par ce cri soudain, la jeune femme baissa sa garde, et fut heurtée de plein fouet par un noise rampant, qui la propulsa avec force contre un mur, qui gardera dès lors une trace de ce contact peu agréable. Voyant qu'elle se ferait à nouveau assaillir, Raphaël cria afin d'attirer l'attention des monstres, ce qui réussit. Tous se ruèrent sur la sphère de lumière, et ceux qui n'y trouvaient aucun intérêt et préféraient se battre contre l'inconnue se retrouvèrent rapidement taillés en pièces par son épée.

La jeune femme, constatant qu'il n'y avait plus d'ennemis dans le secteur, décida de se retirer, et s'élança à travers la pénombre.

« Attendez— »

Marie tenta de la stopper, mais l'inconnue ne cessa pas sa course pour autant. Sans réfléchir, elle se précipita vers elle pour la rattraper ; Raphaël n'eut pas d'autre choix que de suivre le mouvement. La lueur du bracelet illuminant le tunnel souterrain, ils ne craignaient pas de tomber ou de se blesser, ce qui rassura quelque peu le rouquin. Cependant, voir Marie se jeter à corps perdu à la suite de cette femme – qui était très probablement elle aussi une candidate, bien qu'elle leur fût parfaitement inconnue – l'inquiétait ; qui savait ce qui pouvait lui arriver ?

Ils parvinrent rapidement à l'arrêt de métro qui avait précédé l'incident de leur rame, Charles de Gaulle – Étoile, située sous l'Arc de Triomphe. Une fois parvenue à ce point, la jeune femme se hissa d'un bond incroyable sur le quai, où d'autres usagers des transports en commun parisiens patientaient malgré la présence de forces de polices pour les prier de rebrousser chemin – l'alerte avait été donnée mais certains refusaient clairement d'obtempérer – et qui la dévisagèrent avec étonnement, tout en remarquant à sa suite deux autres personnes se hissant tant bien que mal hors de la voie. À ce même moment, sans que Raphaël ne nota particulièrement ce détail, la lueur du bracelet faiblit, avant de totalement s'éteindre. Il se dit que cela était dû à sa perte de concentration, en partie due elle-même à la présence de lumière tout autour d'eux, et passa outre cet événement sans importance.

Leur course-poursuite les mena jusqu'à un parc dont il oubliait constamment le nom. Cette immense étendue de verdure était très agréable et reposante, lorsque l'occasion s'y prêtait. Or, cette fois-ci, il était beaucoup trop inquiet du sort de Marie et de l'identité de cette femme pour s'adonner à une contemplation de la nature et de ses merveilles. Il remarqua un petit ruisseau, par-dessus lequel un pont avait été construit pour les passagers. Pour une raison qu'il ignorait, l'endroit lui paraissait étrange. Il comprit quelque peu la raison de ce trouble lorsqu'il vit la femme à l'armure argentée s'y précipiter. Serait-ce là la présence du portail qui mène au monde de Chris et des autres ? Alors elle-même en serait issue ?

« S'il vous plaît, attendez ! J'ai à vous parler ! » s'écria Marie en s'élançant dans un dernier effort désespéré sur la femme, lui attrapant la main dans sa tentative pour la stopper.

La scène se déroula au ralenti sous les yeux de Raphaël. Il vit l'inconnue disparaître faiblement, à la manière d'un mirage, d'une illusion, jusqu'à disparaître complètement de sa vue. Puis, lorsque la main de cette dernière commença à devenir aussi transparente que la vitre d'une fenêtre, ce fut de même pour celle de Marie qui la tenait fermement. Rapidement, la blonde disparut sous ses yeux, et il ne resta plus rien d'elle dans le parc boisé.

Raphaël fixa longuement le dernier endroit où il l'avait vue, avant de tomber à genoux, abasourdi.

Marie avait disparu.

Combien de temps s'écoula tandis qu'il fixait de son regard vide le dernier lieu où il l'avait vue ? Il l'ignorait. Lorsqu'il reprit un semblant de ses esprits, il chercha en vain à atteindre le portail. Il voyait cet espace trouble, comme une distorsion, mais malgré tous ses efforts, peu importait de quelle manière il s'en approchait, il ne pouvait que traverser cet espace sans emprunter le portail. Il avait été précisé que seules les candidates pouvaient le franchir. Alors, comment Marie avait-elle pu passer au travers ? Elle ne possédait pourtant pas de Symphogear !

« Marie ! appela-t-il en plaçant ses mains en forme de porte-voix devant ses lèvres. Marie, où es-tu passée ? »

Il commença à faire quelques pas dans les environs. Si c'était une farce, un coup monté, il ne trouvait pas ça particulièrement amusant.

« Marie, s'il te plaît, reviens... »

*

« Merde ! Merde ! MERDE ! »

Malgré les nombreuses salves de balles que tirait Chris, le nombre d'assaillants ne diminuait pas. Au contraire, même ! Elle avait le sentiment que plus elles se battaient et plus il en arrivait.

« On n'a pas d'autre choix, cria Kirika entre deux attaques à coups de faux, il faut qu'on utilise le module Ignite !

– Est-ce que c'est réellement une solution en soi ? grommela Chris. Si on n'y parvient pas là, ça sera la fin pour nous. »

Elle ne voulait pas prendre trop de risques. Et pourtant, ses cadettes la poussaient à le faire.

« Laisse-nous nous en occuper alors, death ! »

Elle soupira. Ces filles savaient ce qu'elles faisaient. Et puis, avec leur unisson qui leur était propre, elles parviendraient très certainement à vaincre tous leurs ennemis.

« Très bien. Je reste derrière vous au cas-où ! »

Les deux adolescentes se tinrent debout, côté à côte, et main dans la main. Kirika, de sa main gauche, saisit le bijou formé par son pendentif logé sur sa clavicule, tandis que Shirabe faisait de même de sa main droite. D'une seule voix, elles s'exclamèrent :

« Ignite Module, dégaine ! »

Une mince pression sur le cristal le fit se déloger de son emplacement. Il lévita au-dessus d'elles, et se déploya en une forme bien plus allongée de lui-même ; un segment, aussi allongé et affûté qu'une lame, s'enfonça soudainement dans la poitrine des utilisatrices. Toutes deux retinrent leurs cris de douleur, serrant les dents avec difficulté. Elles embrassèrent la folie et la souffrance que leur apportait la lame maudite fusionnée avec leurs reliques, Dáinsleif.

Sitôt la furie de la relique domptée, ce qui ne leur demandait pas tant d'efforts que cela depuis le temps qu'elles l'utilisaient, leurs tenues changèrent radicalement. Elles devinrent bien plus sombres, les parties en tissus blanc furent changées pour une version noire et bien amoindrie de ceux-ci.

Le Symphogear de Shirabe changea son apparence de sorte à ce que ses deux couettes ne devinrent qu'une queue de cheval métallisée, deux éléments semblables à deux cornes servant de base à celle-ci sur le sommet du crâne de l'adolescente ; les segments de métal entourant ses avant-bras devinrent plus foncés et plus imposants autour du poignet, et se retrouvèrent incrustés de cristaux rose pâle. Ses jambières devinrent noires, et les éléments en cristal rosé dénotaient agréablement. La mini-jupe qui dissimulait quelque peu le haut de ses cuisses se scinda en quatre minces bandes de tissu noir de forme triangulaire qui flottaient au vent. Enfin, sur son poitrail, un élément dont la forme s'apparentait à celle d'un papillon aux ailes déployées et d'une couleur rose pâle se développa, les pointes des « ailes » arrivant au niveau des épaules de Shirabe.

À ses côtés, Kirika aussi subit quelques changements. Tout comme celui de sa camarade, son Symphogear prit une teinte bien plus sombre ; son chapeau s'allongea et s'assombrit, seul une petite partie à l'avant gardait sa teinte verte et on oreillette aussi prit une teinte d'un gris foncé. Ses épaulettes s'agrandirent jusqu'à prendre une forme que l'on pourrait croire tout droit sortie de l'enfer ; les parties à l'avant prirent une nuance d'un noir de jais, tandis que celles à l'arrière, aussi pointues que les lames de sa faux, brillèrent d'un vert émeraude. Ses avant-bras se recouvrèrent, à l'instar de Shirabe, d'un long gant grisé, tandis qu'à ses poignets luisaient deux gros bracelets foncés, dont le dos arborait un segment pointu bien plus clair. De plus, ses jambes se retrouvèrent recouvertes sur leur très grande majorité de bas de la même teinte grisée, agrémentée par endroits de parties plus foncées qui s'étiraient à la manière de lanières resserrant les jambes. Sur les côtés extérieurs, au milieu des cuisses, deux pointes métallisées ressortaient, et ses genoux étaient protégés par deux cristaux verts étincelants. Ses talons n'avaient que peu changé, ils paraissaient toujours aussi dangereux, affûtés et pointus. Tout comme Shirabe, sa jupe avait été divisée en quatre, et sur son poitrail brillait cet élément à l'allure de papillon d'une couleur verte pâle.

« Je vais tous les émincer, death ! Hurla Kirika avant de s'élancer dans le combat.

– Allons-y, Kiri-chan ! » encouragea Shirabe de sa voix douce, de laquelle on pouvait sentir une pointe d'amertume.

Elles commencèrent à entonner ensemble une mélodie, qui se trouvait être la fusion de leurs chansons respectives, qui étaient les deux moitiés d'un tout. Leur unisson était une particularité de leurs reliques. Igalima, la lame verte, et Shul Shagana, la lame rouge, s'assemblaient à la perfection. Leur relation si proche était-elle une conséquence de ces reliques sœurs, ou bien leur unisson découlait-elle de leur relation ? Nul ne le savait.

Je suis le sourire venu des enfers dont même les démons ont peur.

Voilà ma faux de la mort bourdonnante.

Kirika s'élança à corps perdu dans la horde de noise, les lacérant à une vitesse fulgurant de sa faux à la taille démesurée.

Ne me sous-estime pas à cause de ma petite taille,

Les scies circulaires sont les plus douloureuses, Understand?

Shirabe la suivit de près, tournoyant sur elle-même grâce aux roues situées dans ses bottes et décimant la population de noise de par la lame située dans sa queue de cheval.

J'ignore pourquoi, mon cœur rejette cette synchro,

Je veux sauver le « pourquoi ? » de mon cœur

Nyanyanya

Chris les observa de loin, du coin de l’œil, tout en se battant de son côté elle aussi. Il fallait qu'elle se tînt prête au cas où il lui fallait intervenir. L'inconvénient lorsqu'elles utilisaient le module Ignite était qu'elles étaient limitées en temps, et le plus compliqué ici était qu'elles n'avaient pas leurs superviseurs pour leur indiquer le temps restant. Alors si leurs gears venaient à se désactiver, et qu'elles se retrouvaient sans défense, c'était son devoir que de les aider.

Mais il se réchauffe

Je t'apporterai de la chaleur, Death

Elles se rejoignirent et, main dans la main, avancèrent au plus près de leurs ennemis. Elles commencèrent à tourner sur elles-mêmes, Kirika tenant sa faux à bout de bras, et Shirabe déployant sa scie circulaire, chacune tenant fermement la main de sa partenaire sans la lâcher.

Avec cette mélodie d'amour à seules nous deux

Puis elles se séparèrent une nouvelle fois, toujours en chantant dans cette unisson qui leur était propre. Chris survolait la scène du regard depuis un poste en hauteur, armes au poing, et s'assurait qu'aucun monstre n'échappe à leur génocide.

Quelque chose d'anormal attira son œil ; cela ressemblait à un noise rampant habituel, hormis le fait que d'étranges excroissances semblables à des cornes de bœuf s'étaient développées sur leur avant, au-dessus de leur « ventre » coloré de multitudes de nuances. De plus, après une courte réflexion, elle ne se remémorait pas en avoir vu de cette couleur-ci, au corps violet foncé et au ventre rosé. Les « antennes » allongées, quant à elles, étaient d'un bleu changeant, oscillant entre le bleu azur et le bleu nuit.

Elle changea ses mitraillettes en un fusil de précision bipied rouge bordeaux, qu'elle disposa devant elle. Les coins de son casque s'agrandirent afin d'étendre les capteurs des variations telle que la force du vent, et une visière descendit jusque devant ses yeux. Elle s'agenouilla, plaçant la crosse contre son épaule pour limiter le recul, et commença à placer dans son viseur sa prochaine victime.

La lune ne peut briller seule,

Que puis-je faire pour que le soleil protège la lune ?

Elle inspira un grand coup, et s'apprêta à appuyer sur la détente.

Au même moment, elle vit une brume noirâtre s'échapper du noise, et en un clin d’œil, celui-ci disparut de ses radars.

Sunshine, brille de mille feux !

En bas, la situation ne changeait pas. La quantité de noise diminuait à vue d’œil, maintenant que Kirika et Shirabe débordaient complètement d'énergie. Cependant, elle crut remarquer que quelque chose n'allait pas là-bas, mais elle ne parvenait pas à mettre le doigt dessus.

« Nous deux ne faisons qu'une ! » chanta gaiement Kirika en tranchant une énième créature.

Elle se stoppa cependant, puisqu'elle n'avait pas entendu Shirabe chanter avec elle. Et pour cause, elle vit celle-ci non-loin de là, vêtue de son uniforme scolaire, et non plus de son Symphogear. Pourtant, elles avaient encore du temps, puisque elle-même le revêtait encore. Alors pourquoi ne le portait-elle plus ? Que se passait-il... ?

Elle remarqua une horde de noise – combien étaient-ils ? Elle ne pouvait les compter – qui s'approchait dangereusement d'elle et l'encerclaient avec un air menaçant. Elle allait se faire tuer si elle n'agissait pas rapidement !

« Kiri-chan, appela Shirabe, en pleurs, Kiri-chan, viens m'aider, je t'en supplie... !

– Shirabe !! Tiens bon ! »

Elle prit ses appuis, et se propulsa en sa direction à l'aide de ses propulseurs dorsaux, desquels jaillirent quelques flammes. Elle prépara sa faux, prête à découper tous ses ennemis.

Rassemblons et tenons chaleureusement notre amour,

Les pleurs de Shirabe, qui se retrouvait tétanisée, envahissaient ses oreilles jusqu'à occuper la totalité de ses pensées.

« Allons, ne faisons qu'un !!! » hurla-t-elle en assénant violemment un coup de sa lame dans un des corps mous.

Elle sentit quelque chose de chaud et épais sur la peau de son visage. Elle se stoppa net, constatant que c'était parfaitement anormal. Elle lâcha son arme, et porta sa main à son visage, et l'essuya du bout des doigts, seulement pour constater sa couleur rouge écarlate.

C'était du sang.

Celui de Shirabe.

Elle sentit son cœur se briser en mille morceaux. Lorsqu'elle baissa les yeux vers elle, elle vit son corps inerte, grisâtre et poussiéreux, devenu cendres. À ses côtés se trouvaient les restes d'un énième spécimen de noise.

Elle retint un hurlement de douleur, qu'elle ne put contenir très longtemps ; elle s'effondra au sol, sur ses genoux, qui heurtèrent violemment les dalles de pierre. Le silence se fit autour d'elle ; c'était à peine si elle entendait le bruissement de l'eau de la fontaine qui agrémentait la place non-loin de là.

Elle implora, la voix brisée par les sanglots, que Shirabe reprît vie et se réveillât. Mais rien n'y faisait, elle était tombée en cendres, et ne se réveillerait plus jamais.

Son Symphogear finit par se désactiver, la laissant vulnérable au milieu d'un champ de bataille. À quoi bon continuer, si Shirabe n'était plus à ses côtés ?

« Eh ! Kirika ! Qu'est-ce qui t'arrive ?! »

Elle entendit la voix de Chris, inquiète, qui s'approchait d'elle. Elle semblait ne pas avoir assisté à la scène...

« Kiri-chan ! Derrière toi !! »

Quoi ?

Avait-elle rêvé, ou bien... ?

Quand elle se retourna pour vérifier de ses propres yeux si c'était bien elle qui l'avait interpellée, elle constata avec effroi qu'un gigantesque noise rampant, plus gros que la moyenne, et aux couleurs différentes de celles qu'ils revêtaient d'ordinaire, la surplombait de toute sa hauteur. L'espace ventral aux teintes roses pâles sembla s'ouvrir telle une bouche gigantesque prête à ne faire qu'une bouchée d'elle. Elle retint un grognement écœuré, et tenta de ramper à reculons, une expression de terreur dessinée sur son visage. Avant même qu'elle ne réalisât qu'elle venait de fouler le tas de cendres devant lequel elle pleurait peu de temps auparavant, une gigantesque flèche vint percer de long en large le monstre, le détruisant instantanément.

« C'était le dernier, soupira Chris avec soulagement. Je n'en peux plus. »

Elle se tourna vers Kirika, qui était aussi désorientée que déboussolée.

« C'était quoi ça ? Qu'est-ce qui t'a pris ?!

– Shirabe... Shirabe est morte... Tu ne l'as pas vue... ? Je l'ai tuée avec ma faux... et un noise l'a emportée... »

Kirika était en larmes, inconsolable. Chris posa une main amicale sur son épaule, et lui fit un signe de tête pour lui dire de regarder sur le côté, ce qu'elle fit. Elle vit Shirabe, vêtue de son gear, qui arrivait à toute vitesse. Lorsqu'elle fut à sa hauteur, elle se jeta dans ses bras. Elle aussi avait les yeux embués de larmes.

« J'ai eu si peur ! Je te voyais entourée de noise, et tu ne bougeais plus... ! J'ai cru que j'allais te perdre...

– C'est à moi de dire ça... Comment ça se fait que tu... ? »

Son cœur se serra lorsqu'elle repensa à ce qu'elle venait de vivre. Son esprit était si confus...

« C'était l’œuvre d'un noise. Je l'ai vu, il a émis une fumée noire, avant de disparaître. Quand je l'ai retrouvé, il s'apprêtait à te dévorer. Au vu de ton état, il a dû te manipuler quelque peu, te faire halluciner.

– Un noise qui crée des illusions, dit Shirabe en affichant un air songeur. Nous devrions le rapporter, non ?

– Je vais m'en charger. Venez avec moi jusqu'au portail. Ensuite, rentrez au manoir le plus vite possible. Retrouver les autres, parlez-leur de ce qui s'est passé. Et toi, renchérit-elle en fixant Kirika droit dans ses yeux verts, tu te reposes et te détends pour évacuer tout ça. Compris ?

– Compris, répondit Shirabe en acquiesçant.

– Compris, death, » conclut Kirika avec un mince sourire.

Elles se rendirent à pied jusqu'à la station de métro la plus proche, quelque chose qui s'appelait Châtelet – Les Halles d'après ce que Chris pouvait déchiffrer, et se postèrent face à une carte de la ville. Elles identifièrent le parc par lequel elles étaient arrivées – le parc Monceau – et cherchèrent comment s'y rendre. Malheureusement, ce n'était pas une tâche aisée, puisque toutes les lignes ne s'affichaient pas sur le même plan. À la manière des transports de Tōkyō, il y avait plusieurs services différents. Ici, il y avait un tramway en bordure de la ville, un « RER » – cela signifiait « réseau express régional » et ne concernait que la région d'Île-de-France – et un métro, en plus des nombreuses lignes de bus. Kirika fit notamment la réflexion que ça ressemblait à la capitale japonaise mais en plus petit, ce qui les amusa quelque peu.

Il leur fallait donc prendre un train de ce réseau express, jusqu'à la place de l’Étoile, où elles devaient changer pour un métro qui les mènerait jusque devant le parc. Ce n'était pas compliqué ; leurs communicateurs leur permettaient de passer les portiques – cette technologie était formidable – et elles purent se rendre rapidement jusqu'à leur destination.

Il y eut quelque remue-ménage lorsqu'elles arrivèrent à la station Charles de Gaulle mais, trop pressées par le temps, elles ne s'en préoccupèrent pas. Tout ne les concernait pas nécessairement.

Elles furent soulagées lorsqu'elles parvinrent enfin au parc tant convoité. Les environs étaient tout calmes, c'était agréable de s'autoriser une petite promenade après le stress de la journée. Kirika et Shirabe courraient ensemble à en perdre haleine entre les allées de verdure, jouant à cache-cache derrière les arbres aux troncs gigantesques, sous le regard bienveillant de Chris. Cela leur faisait du bien de se lâcher un peu parfois, de se déconnecter de leurs responsabilités. Elle-même appréciait beaucoup ces moments de calme ; puisqu'elle en avait été privée pendant si longtemps, elle savourait chacun de ceux qui se présentaient.

Le portail n'était plus trop loin. Elle en voyait l'aspect distordu qui le rendait invisible aux yeux de ceux qui n'y prêtaient pas attention ; de toute façon, personne ne pouvait le traverser, alors elles pouvaient être tranquilles et n'avaient pas à s'en inquiéter.

Elle aperçut non loin de leur destination une silhouette familière. Elle grinça quelque peu des dents en reconnaissant Raphaël, mais un détail chez lui la fit s'inquiéter à son sujet plutôt que regretter de l'avoir vu. Il restait assis sur un banc, le regard perdu dans le vide, penché en avant et les coudes posés sur ses genoux. Quand Kirika le vit, elle l'appela de loin. Il mit quelques instants avant de sembler la remarquer et de lui répondre.

« Quelque chose ne va pas ? demanda gentiment Shirabe, de son calme habituel.

– Marie n'est pas avec toi ? ajouta Kirika d'un air surpris. On dirait pourtant que vous ne vous quittez jamais, death.

– Est-ce qu'il s'est passé quelque chose ? » insista finalement Chris face au manque de réponse de sa part.

Il leva vers elles ses yeux ambrés, rougis par les larmes. Lui qui ne voulait en aucun cas se montrer dans ses moments de faiblesse, voilà qu'il s'affichait totalement vulnérable face à ces filles qu'il détestait. De plus, c'était de leur faute si ça s'était produit.

« Marie... a traversé le portail.

– Quoi ? »

Elles avaient lâché cette exclamation sur trois tons distincts : la surprise démesurée, l'incrédulité et l'incompréhension. Ce fut Chris qui prit la parole pour demander plus d'informations à ce sujet.

« Quand vous êtes parties vous battre, on a profité pour fuir le commissariat. Le métro qu'on a pris a été attaqué par du noise. Une de vos comparses, une grande aux cheveux roses et à l'armure argentée, nous a sauvés, et Marie a tenu à lui courir après pour lui parler. Et quand cette fille a traversé le portail, Marie l'a suivie, juste en lui tenant la main.

– Je ne pensais pas que quelque chose comme ça se passerait, fit Chris en réfléchissant à voix haute. Il faudra que j'en parle à Elfnein.

– Vous devez me la ramener ! Qu'est-ce que je vais dire à sa mère !? Qu'est-ce que je vais faire sans elle ?... »

Il commençait à s'emporter, et manquait de se jeter sur elles pour évacuer sa colère. Peut-être que laisser les filles avec lui n'était pas une bonne idée...

« Je dois retourner au QG, annonça durement Chris. Les filles resteront avec toi jusqu'à mon retour pour vous protéger au cas où il y a une attaque. Si possible, essaie de réunir des informations pouvant nous aider à identifier l'origine du problème. Je reviendrai le plus vite possible, avec Marie. Je le promets. »

Elle ne lui laissa pas le temps de rétorquer. Elle activa Ichaival, salua Kirika et Shirabe, à qui elle avait déjà transmis les instructions à suivre, et traversa le portail, en s'assurant que le rouquin ne pût la suivre, et en espérant que la jeune femme se trouvait bel et bien de l'autre côté, chez eux...



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Sidenotes


La chanson chantée par Shirabe et Kirika est Gizagizarari*FullThrottle ; il s'agit de leur duo de la saison 4.


Il est beaucoup question d'unisson (ou unison, ユニゾン) dans Symphogear, surtout dans AXZ. L'unisson, c'est quand deux gears (ou plus) sont, eh bien, à l'unisson. Cela améliore grandement leur puissance, notamment parce que l'accumulation de gain phonique se fait par deux personnes, et non pas par une seule. Un duo à l'unisson est bien meilleur qu'un simple duo, et parfois, cela surpasse des trios jusqu'aux sextets.

Dans le cas de Shirabe et Kirika, leur unisson est d'autant plus puissant qu'elles possèdent des reliques sœurs, et que leur relation est fusionnelle. De plus; le module Ignite améliore grandement la synchronisation entre deux gears, ce qui a permis dans AXZ l'unisson de Chris et Maria, Tsubasa et Shirabe, et Hibiki et Kirika. L'unisson est une arme redoutable, au même titre que le module Ignite.


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