Biohazard : Code Nivans II
L’atterrissage a été plutôt doux, comparé à tout ce qui s’est passé dans l’avion. Même les hôtesses de l’air nous saluèrent, l’air de rien, en nous souhaitant un bon séjour. Et maintenant, au lieu de m’inquiéter seulement pour Chris et en ce qui concerne les “projets“ de ma famille, je m’inquiétais en plus pour Jill et pour la révélation que Sherry devait me faire. J’essayais de ne pas penser à tout ça, mais ce n’était vraiment pas évident.
Depuis l’aéroport, nous avions à peu près une heure de jeep pour aller au QG du BSAA africain, dont le nom du capitaine m’échappait. Bizarre. D’habitude, j’apprenais bien mes leçons, mais là, aucun moyen de m’en souvenir. C’était le stress, sans doute.
Le QG de la BSAA Afrique était bien plus petit que celui de l’Amérique du Nord, évidemment, mais il était quand même impressionnant. Pour un bâtiment perdu dans la cambrousse, je veux dire. D’ailleurs, je n’étais sûrement pas le seul à le penser, car, à côté de moi, Sherry avait des étoiles dans les yeux, Jake faisait une grimace incrédule et Claire regardait aussi, d’un air fasciné.
-Venez, on entre, dit Jill de son ton sérieux habituel
-Ouais. J’ai tellement hâte de visiter un autre bâtiment militaire, ricana Jake
Je poussai un soupir, Jill eut un rire nerveux et Claire et Sherry se redressèrent en même temps pour lui mettre une tape synchronisée derrière la tête. Alors que nous entrions, une nuée de gardes à la peau foncée saluèrent Jill, et firent de même lorsque je passai, avec mon bel insigne du BSAA sur mon épaule. Je ne saisis pas tout de suite pourquoi ils saluèrent aussi Claire, mais je jugeai ça sans importance.
Nous fûmes conduits dans une salle de briefing, ressemblant un peu à celle de notre QG américain mais en plus coloré, et un soldat à déclaré à Jill que leur capitaine arriverait sous peu. Quel était son nom, déjà ? Bon sang, je déteste quand quelque chose m’échappe, comme ça. Enfin bref, nous nous assîmes en cercle autour de la table, comme le jour précédent, et nous nous mîmes à attendre.
Les bras croisés sur ma poitrine, ma tête se rapprochait dangereusement de la table. Je sentais déjà mes deux nuits de sommeil manquées me revenir en pleine poire, quand soudain…
-Jill ! Ça faisait longtemps !
Une voix de femme, avec un accent local charmant, me réveilla en sursaut. Je me redressai en faisant une tête sérieuse, pour ne rien laisser paraître, et je regardai les deux capitaines se saluer d’une accolade amicale. D’ailleurs, l’autre ne manqua pas de remarquer le bandage sur l’épaule de Jill, et son sourire disparut.
-Qu’est-ce qui t’es arrivé ? demanda-t-elle d’un ton inquiet
-Je te raconterai tout en détail, Sheva. Assieds-toi, c’est une assez longue histoire.
Maintenant ça me revient. Sheva Alomar. Celle qui avait aidé Chris à tuer Albert Wesker il y a quatre ans. Pas étonnant, après un tel exploit, quelle soit montée en grade aussi vite.
-D’accord, dit Sheva en nous regardant, et en s’asseyant à côté de Jill. Je t’écoute.
Jill commença donc son récit. Elle commença par nous présenter, Jake, Claire, Sherry et moi. Sheva fit une tête sincèrement surprise lorsqu’elle apprit les ascendants de Jake et Sherry, et fut ravie de connaître la teneur de la relation que j’avais avec Chris. Elle disait qu’elle s’en était un peu doutée, car, apparemment, Chris lui avait parlé plusieurs fois de moi dans les lettres qu’il échangeait avec elle. Je rougis, comme d’habitude, et, après un rire franc de Sheva, nous en revînmes aux faits. Chris avait disparu depuis maintenant dix jours, et tous les indices nous menaient ici, en Afrique centrale. Jill raconta aussi rapidement l’incident de l’avion, en évitant de mentionner ma parenté avec les présumés coupables. Sheva fronça franchement les sourcils.
-Ces gens ont du culot de prendre Chris, et de l’amener chez moi, déclara-t-elle d’un ton remonté
-Toi et es hommes n’avez rien vu de suspect le mois dernier ? demanda Jill
-Non, pas vraiment. Mais…
Soudain, un homme en uniforme déboula dans la salle, et fonça vers Sheva.
-Que se passe-t-il, Josh ? demanda Sheva d’un ton intrigué
-Téléphone, dit le dit Josh d’un ton inquiet
-File-moi ça, dit Sheva en prenant le téléphone. Allô ?
Sheva fit d’abord une tête sceptique, et le scepticisme se transforma en horreur.
-Chris ? Où es-tu ? s’affola-t-elle
Je me redressai sur ma chaise, et, à côté de moi, Claire et Sherry firent de même. Même Jake a tressailli. Jill s’approcha de Sheva, essayant d’écouter le téléphone, et son expression devint identique à celle de Sheva.
-Ne t’en fais pas, on… commença Sheva
Mais après plus rien. L’expression affolée passa à la tristesse.
-Qu’est-ce que vous voulez ? demanda Sheva
Un autre silence. Les deux femmes acquiesçaient lentement, et Sheva fit une tête surprise en me regardant, me faisant baisser les yeux. Ma couverture était grillée. Elle se retourna vers Jill, pour écouter de nouveau l’interlocuteur, avec une expression concentrée. Sheva et Jill se remirent à acquiescer, et Sheva rendit le téléphone à son collègue, qui repartit comme il était venu. Claire et Sherry se regardaient, et j’essayai de regarder ailleurs.
-On dirait que tu as oublié de me dire quelque chose, Jill, dit simplement Sheva
-Oui, soupira Jill. Je me suis juste dit que, si tu savais que les kidnappeurs avaient un lien avec Piers, tu le soupçonnerais.
-Et tu aurais sans doute eu raison, si Chris ne m’avait pas dit autant de bien de lui, dit Sheva en me regardant. Mais du coup, je n’en ai aucune envie. Si Chris lui fait confiance, alors moi aussi.
-Merci capitaine, dis-je d’un ton révèrent
-Pas la peine d’être aussi courtois, jeune homme, dit Sheva avec un petit sourire. Personne ne m’appelle comme ça ici, appelle-moi juste Sheva.
-Ok, dis-je en acquiesçant
-Alors comme ça, vous aussi vous en avez bavé avec mon modeste paternel ? lança Jake d’un ton sarcastique habituel
-Oui. De loin la mission la plus éprouvante que j’ai jamais faite. Je te donnerai les détails quand on aura sauvé Chris, ajouta-t-elle d’un ton impatient. Si vous êtes près, les jeunes, on va y aller.
-Minute papillon ! dit Jake en se redressant. Vous ne pensez pas qu’on a le droit de savoir ce qui se passe ?
-C’est vrai ! s’exclama Sherry. On a bien vu les têtes que vous faisiez. De quoi est-il question ?
Sheva et Jill se regardèrent avec un air entendu, avant de nous regarder de nouveau. Est-ce qu’elles se rendaient compte que chaque seconde qu’elles gaspillaient à ne rien dire et à réfléchir me faisait plus sombrer dans la folie furieuse ?
-En gros, quelqu’un m’a passé Chris, commença Sheva. Je ne sais pas ce qu’ils lui ont fait, mais il avait une voix fatiguée. Il m’a juste dit qu’il ne savait pas où il était, et il m’a demandé comment tu allais, dit-elle en me regardant. Après, l’autre a repris le téléphone et nous pour ainsi dire ordonné de le retrouver dans les ruines de Tricell dans six heures si nous voulions le revoir en un seul morceau.
Si Chris était en un seul morceau, même abîmé, mon cœur, lui, venait de tomber en morceaux. Ils l’avaient torturé, qui sait à quel point, et, au lieu de presser son amie de venir le chercher, il avait demandé de mes nouvelles. Si j’avais encore des doutes sur ses sentiments pour moi, je n’en aurais plus, maintenant. Bon sang…
-Quelle bande d’enflures ! aboya Jake
Pour la deuxième fois en quelques mois, Jake et moi étions sur la même longueur d’ondes. Même si, au fond, je le trouvais un peu trop tendre pour le coup. Si je n’avais pas la gorge aussi nouée, j’aurais été bien plus vulgaire que ça.
-C’est loin ? demanda Claire en posant sa main sur l’épaule de Jake
-Non, dit Sheva. On a le temps de préparer notre expédition. Si ce sont des armes que vous voulez, nous avons tout ce qu’il faut ici.
-Je veux bien jeter un œil, dit Sherry. Tu viens Jake ?
-Deux secondes, répondit ce dernier. Je te rejoins
-D’accord.
Sheva partit, suivie par Claire et Sherry, qui m’offrit un regard d’encouragement, et Jake vint vers moi, une moue inquiète inhabituelle sur le visage, avant de s’agenouiller devant moi, qui étais encore assis. Je le photographiai, inconsciemment, parce que je savais que ça n’arriverait probablement plus jamais.
-Ça va toi ? me demanda-t-il d’un ton qui allait avec sa tête
Du coin de l’œil, je voyais Jill qui nous regardait de loin, en regardant négligemment son bras blessé. Je me demandais un peu ce qu’elle pensait de cette histoire, et de ce qu’elle voyait en ce moment, mais c’était le cadet de mes soucis, là. Je me retournai donc vers Jake, qui venait de poser une main rassurante sur mon genou.
-Autant que possible, admis-je d’un ton mou. Je t’avoue que je ne sais plus trop où j’en suis.
-Parce que l’apparent ennemi fait partie de ta famille ?
-Ouais. Ça et le fait que je ne sais pas du tout la raison du kidnapping de Chris, et ce qu’ils me veulent à moi. C’est évident, même pour moi, qu’ils se servent de la personne que j’aime le plus au monde pour m’attirer dans leurs filets, mais pourquoi maintenant ? Cette histoire a quinze ans, déjà.
-Cette histoire ? répéta-t-il en levant un sourcil
-J’ai été séparé de mes frères et sœurs il y a quinze ans. Quand mes parents ont divorcé.
-Il a dû se passer quelque chose pendant ce temps-là, devina Jake en même temps que moi. Et on mettra tout ça au clair quand on leur reprendra ton Redfield. Si tu refuses de t’en prendre à eux, on s’en occupera.
-Sincèrement, je n’en sais rien, soupirai-je. Va vite rejoindre Sherry, elle risque de se poser des questions.
-Je suis sûr qu’elle sait ce que je suis en train de faire.
Je ne répondis rien, cette situation compliquée revenant sans cesse dans ma tête, et tournai le regard, pour essayer de me concentrer sur quelque chose d’autre. Jake tapota mon genou d’une main, et posa l’autre sur mon épaule, me forçant plus ou moins à le regarder. Il m’offrit un sourire en coin que j’aurais adoré quelques semaines plus tôt, mais là, je n’avais pas vraiment la tête à ça. J’appréciais l’intention du moins, et je réussis presque à lui sourire aussi.
-Tout va bien se passer. Ok ?
-Ok, réussis-je à dire avec un ton un peu plus enthousiaste
Jake se releva et alla dans la même direction que les autres filles un peu plus tôt. Je tournai la tête vers Jill, qui discutait avec le type qui avait apporté le téléphone a Sheva. A ce moment-là, Jill tourna la tête vers moi, et me fit signe d’approcher, de sa main valide. Alors que j’approchais, le type me regarda arriver avec un air curieux.
-Piers, voici Josh, me dit Jill en montrant ce dernier. Josh Atone. C’est l’adjoint direct de Sheva.
-Salut, me dit Josh avec le même accent que Sheva, mais avec un ton plus souriant
-Enchanté, réussis-je à dire en lui rendant son sourire. De quoi parliez-vous ?
-Du bon vieux temps, dit Josh, toujours aussi souriant. Pendant que Chris et Sheva affrontaient Wesker, Jill et moi avons affronté une invasion de zombies pour aller les aider. J’aimerais vraiment aider Chris, mais Sheva absente, je ne peux pas bouger d’ici. Et je dois prendre soin de Jill. Encore.
Josh ricana, ayant appuyé sur le dernier mot de sa phrase, et même Jill a eu un petit rire, qui avait une teinte hystérique. Je n’osais pas rire, moi, en revanche. Jill m’avait demandé d’être plus familière avec elle, mais je ne savais jamais vraiment où étaient les limites avec les gens comme ça.
-Sinon, vous vouliez me parler, Jill ? demandai-je, l’air de rien
-Pas vraiment. Je vous voyais tout seul dans un coin, alors…
-Ah. D’accord.
N’ayant pas grand-chose à dire, j’écoutais Josh et Jill parler de leur expérience commune, quatre ans plus tôt, me contentant d’acquiescer naïvement lorsque Josh me prenait à témoin, pour une chose ou une autre. Sa bonne humeur avait un côté rassurant, rien à voir avec la tête qu’il avait dû faire quand il avait entendu Chris au téléphone. Peut-être qu’il avait juste la géniale capacité de rester positif en toute circonstances. Comme je l’enviais, surtout maintenant.
Quelques minutes plus tard, Sheva, Sherry, Claire et Jake revinrent, avec des sacs qui devaient être pleins de munitions. Moi, je me contenterais du pistolet de mon père, en espérant que je n’aurais pas à m’en servir. Cela me fit penser à ce que m’avait dit Jake tout à l’heure. Malgré tout ce qu’ils avaient fait, c’était quand même mes frères et sœurs. Oui, je leur demanderai des explications, mais si elles n’étaient pas valables, serai-je capable de faire feu sur eux volontairement ?
Mes pensées furent interrompues par Sherry, qui se planta devant moi, avec une expression partagée sur le visage. Elle me tendit deux chargeurs, que je mis dans mes poches.
-Piers ? A quoi tu penses ? me demanda-t-elle soudain
-A plein de trucs. Je t’en parlerai quand on ira chercher Chris.
-D’accord. Quand tu veux mon grand.
Sherry me fit un bisou sur la joue et alla près de Jake et Claire, qui se partageaient les munitions, eux aussi. Sheva apparut dans le comité, dont elle était devenue le chef, en chargeant sa propre arme. J’en profitai pour remarquer qu’elle était gauchère, elle aussi. C’était un petit détail, mais ça me faisait plaisir. Il n’y en avait pas beaucoup dans l’armée.
-Allez les enfants ! déclara-t-elle. On a un super capitaine à aller sauver !
-Et un super pote ! ajouta Sherry
-Et un super partenaire, dit Jill
-Et un super frère, dit Claire en riant un peu
Tous les filles de l’assemblée me regardèrent en même temps, et je compris, en bouillonnant gravement.
-Et un super… un super… bégayai-je
-Et un super emmerdeur ! me coupa Jake
Claire et Sherry lui mirent une tape sur la tête, et notre groupe se dirigea vers la sortie, suivi du regard par ceux qui devaient rester. Tous les soldats que nous croisâmes sur le chemin nous saluèrent avec entrain, comme s’ils avaient entendu nos propres encouragements, et, une fois dehors…
-Et un super petit-ami, marmonnai-je, encore rouge
Jake me mit une tape dans le dos, avant d’aller devant avec Sheva, et Claire et Sherry me prirent chacun une main. Plus j’essayais de penser à autre chose, et moins j’y arrivais. Attendez-moi, Chris. Je viens à votre secours.