Le dernier acte

Chapitre 2 : Polyphonie sans vers

Chapitre final

7132 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 21/01/2021 09:52

Polyphonie sans vers


La chaleur bienfaisante l’enveloppant disparut, tirant Zane de son sommeil bienheureux – et duquel il n’avait aucune envie de sortir. Une secousse désagréable à laquelle il avait bien cru dire adieu une bonne fois pour toutes quelques heures plus tôt.

Aussitôt, il sut que Tekris n’était plus là pour le réchauffer. Tout comme il sentait que la main fine posée sur son front n’appartenait pas au colosse.

– Tekris ? murmura-t-il, soulevant une paupière.

– Mauvaise pioche, répondit une voix féminine, bien plus proche qu’il ne le pensait.

Luttant contre le drap pour tenter de le repousser le plus loin possible de lui, Zane fut arrêté par une poigne légère, mais ferme, lui intimant de cesser. Dans un demi-sommeil, l’adolescent ouvrit la bouche pour l’invectiver, ne parvenant à articuler qu’un bien faible « Zair » avant de s’arrêter.

Portant la main à sa gorge, il l’effleura précautionneusement, se retenant d’avaler.

Bon sang, ce que ça pouvait lui faire un mal de chien ! Tout ne s’arrangeait pas, décidément. Sans parler du froid s’infiltrant jusque sous sa peau, s’étalant en plaques gelées spécialement prévues pour le tourmenter, évidemment ! Où était Tekris quand on avait besoin de lui, hein ?!

– Arrête de t’agiter, tu vas te faire mal pour rien, intervint doucement la jeune femme, essuyant la sueur coulant de son front avec un morceau de chiffon.

Zane la laissa faire, répugné. Voilà qu’il se mettait à exsuder comme dans un sauna !

Jamais, de sa vie, n’avait-il connu pire humiliation. Quitte à subir, autant se jeter tête baissée dans une mêlée quelconque ! Au moins serait-il alité à cause d’un coup mal placé, digne d’un guerrier !

Et pas à cause d’un minuscule machin impossible à voir à l’œil nu…

Cela faisait déjà près d’une demi-dizaine de jours qu’il laissait ses deux coéquipiers se charger de le soigner, trop exténué pour faire autre chose que suivre le traitement prescrit, manger quand il arrivait à avaler quelque chose (la nourriture, sa seule source de révolte, refusant de se laisser nourrir à la cuillère. Il n’était plus un bébé depuis des années, merci beaucoup), et utiliser Tekris tel un polochon grandeur nature. Tant pis s’il se vautrait sur le colosse fort peu glorieusement, tenant plus de la méduse échoué sur la plage qu’à un puissant combattant prêt à tout balayer sur son passage.

Il n’avait décidément plus l’habitude de tomber malade…

N’empêche qu’il lui manquait un élément plus qu’essentiel à son bon rétablissement.

– Où est Tekris ? croassa-t-il.

– Parti en ville. Le couple qui a proposé de l’adopter a demandé un entretien avec le directeur de l’orphelinat. Il devait absolument être présent. Ça doit faire une petite demi-heure, pas plus.

Zane hocha péniblement la tête. Impossible de contester pareille excuse ; pour moins que cela, lui-même s’était déjà absenté de nombreuses heures, en criant juste qu’il partait à ses coéquipiers.

N’empêche qu’il se sentait affreusement contrarié. Le colosse aurait quand même dû le prévenir en personne, au lieu de le laisser en plan avec Zair, seulement parce qu’un humain avait réclamé sa présence ! Et lui, il n’était pas assez important pour que son colosse reste à ses côtés ?

– J’ai remplacé les bouillottes, reprit la seule fille des Radikors, se redressant. Histoire de ramener un peu de chaleur. Je sais que c’est peut-être un peu prématuré, mais est-ce que tu veux boire quelque chose ?

Fixant d’un œil mauvais les bras dénudés de sa sœur, Zane mit un petit moment avant de comprendre qu’elle s’adressait bel et bien à sa personne.

– J’ai froid, s’obstina-t-il.

Maudites vessies trop grandes, et qui de toute façon ne servaient pas à grand-chose ! À peine plus qu’un confort illusoire, partant déjà au loin en le narguant grossièrement.

– Et mal à la gorge, parvint-il à ajouter, presque murmurant.

– Encore ?! Il reste du sirop pour la toux, si tu veux.

Retrouvant un peu d’énergie, l’adolescent secoua vigoureusement négativement sa tête. Plutôt souffrir mille martyrs ! Cette ignominie terrienne industrielle était encore pire que les inhalations. Beaucoup trop sucré, trop épais. À chaque gorgée, il éprouvait l’impression d’un mucus gluant se collant à son palais. Ignoble.

– Je vois… Et un grog ?

Cette fois, il releva le nez, bien plus intéressé. Une recette favorite du premier tuteur à les avoir acceptés, Zair et lui. Enfin, avant que l’homme ne puisse plus subvenir à leurs besoin (une excuse à laquelle Zane croyait très moyennement). De ses souvenirs, il n’existait pas de meilleurs remèdes qu’un bon grog pour soigner le rhume, et au point où il se trouvait, autant tester tout ce qui était à sa portée. Bon, d’après les qu’en dira-t-on, le bouillon de poule traînait une excellente réputation de panacée. Mais il n’y avait pas de rhum dans le bouillon de poule. Le bouillon, Zane ne l’aimait que pour cuire le riz (là où Zair ne supportait pas le goût). Non pas qu’il soit particulièrement attaché à la boisson. Mais il devait bien avouer qu’un verre de temps en temps, avec plus ou moins de modération, ne faisait jamais de mal.

Et peu importait que Zair prétende que son exceptionnelle capacité à supporter correctement les gueules de bois ne l’aidait pas à rester prudent !

– C’est fou comme je suis étonnée, soupira l’adolescente devant sa réponse positive, un demi-sourire aux lèvres.

Quittant la chambre sans un bruit, elle revint quelques minutes plus tard, tenant à la main un mug duquel s’échappait de délicieuses volutes délicates.

– Je l’ai préparé hier soir, il m’a juste fallu le réchauffer, expliqua Zair devant son expression interrogative.

Ravi de constater qu’au moins un bon aspect ressortirait de sa maladie (ou plutôt deux, s’il comptait celui déjà considéré comme sa bouillotte attitrée), Zane s’empara du récipient en terre cuite. Constatant qu’il n’était en réalité remplit qu’à moitié, il jeta un regard lourd de reproches à sa coéquipière, frustré.

Comment il allait faire maintenant, pour gérer son impression d’avoir été lésé ?!

Sa mauvaise humeur se dissipa en partie, la chaleur de l’alcool porté à ébullition réchauffant ses os gelés, en dépit de ses difficultés à déglutir. Bon, cela n’améliorait pas tellement sa gorge, mais au moins tremblait-il un peu moins, ses poumons se libérant légèrement de la charge pesant sur eux. Pourtant, une pointe de déception resta en lui, comme un arrière-goût au fond de son palais. Aussi appréciable cela soit-il, cela ne valait pas le réconfort que lui procurait Tekris avant de partir il-ne-savait-où !

Ah si, Zair le lui avait dit, quelque part en ville, l’histoire d’adoption.

Tekris n’allait pas partir pour de vrai, quand même ?! Au départ, habitué aux désillusions, Zane n’avait pas cru un instant que des humains pourraient désirer adopter un Radikors. Prendre un extraterrestre sous son aile relevait déjà de la rareté, alors un adolescent aussi étrange que pouvait l’être ceux de leur trio ? Pas avant qu’un biglesnipe ne débarque sur la Lune.

Et pourtant, plus les jours défilaient, plus ce projet semblait se concrétiser. À une vitesse d’autant plus grande, que Lokar, disparaissant de la Terre sans plus donner de nouvelles, leur laissait de fait le champ libre pour organiser leurs vies comme ils l’entendaient. Oh, bien sûr, Zane se méfiait quant à l’implication de Tekris, s’il se mettait à vivre à l’autre bout du monde. Tout en sachant qu’il s’agissait d’une chance unique pour le colosse d’avoir une vie à proprement parler, bien à lui. Il était censé se réjouir.

Enfin, un ami serait censé se réjouir. Zane était son chef d’équipe. Il en allait de son devoir de s’assurer du bon fonctionnement de ses coéquipiers, dusse-t-il composer avec un possible départ de Tekris.

D’humeur orageuse, il reposa son mug, marmonnant un remerciement peu aimable à l’attention de Zair, étonnée de son soudain silence. Toute amélioration imputable à l’alcool disparaissait promptement, le laissant seul avec ses douleurs. Sans Tekris pour… Sans Tekris !

Zair s’efforça de maintenir un semblant de conversation, suffisamment banal pour qu’il comprenne à peu près de quoi il en retournait. Les reliques, trop nombreuses pour que les Stax puissent toutes les récolter, le Redakaï, incapable de pallier la recrudescence, rassemblant son Conseil pour décider d’un plan d’action plus efficace, glissant entre deux explications que le colosse et elle avaient pu se rendre, de temps en temps, à quelques endroits récolter de l’énergie pendant que les Stax étaient occupés ailleurs.

Ignorant tant bien que mal sa fatigue, toujours aussi présente en dépit de son récent repos, l’adolescent répondit par de courtes phrases quand sa gorge le laissait un instant en paix, leva les yeux au ciel en apprenant que ses coéquipiers n’avaient pas respecté ses consignes, ricana à l’évocation d’un Redakaï incompétent. Surveilla d’abord innocemment, puis de moins en moins discrètement, la pendule affreuse que Tekris refusait de jeter, disposée sur sa commode.

Deux heures que le colosse était parti en ville. Deux heures et demi. Trois heures…

Le rythme soutenu et régulier des paroles de Zair le berça, vainquant sa volonté de ne pas se rendormir avant d’avoir pu s’assurer que Tekris rentre effectivement à la forteresse, l’irascible extraterrestre se coucha de nouveau sur les oreillers, plongeant comme une masse dans le sommeil.


µµµ


Plus que satisfait, Zane se retourna machinalement, se collant au corps chaud allongé près de lui, grappillant la moindre parcelle de chaleur.

Aucun doute, Tekris était bel et bien revenu.

Libre de passer son bras sous son corps, le colosse le ramena doucement contre lui, glissant sa main dans sa chevelure. Oh, sûrement devrait-il s’offusquer de cette soudaine familiarité. Autant acceptait-il d’instaurer une certaine égalité avec les membres de son équipe, autant n’était-il pas obligé de se laisser tripoter à la moindre petite maladie qui traînait. Mais pour une fois qu’il profitait de quelque chose sans ressasser encore et encore les obstacles se dressant devant son équipe ces derniers, autant récupérer le maximum de repos possible. De toute manière, impossible de quitter le lit, alors…

Préoccupé uniquement par l’idée de garder Tekris près de lui, l’adolescent se détendit, bien à l’abri dans son cocon de chaleur et d’attention.

Malheureusement, ses préoccupations s’imposèrent à nouveau promptement, troublant impitoyablement son état de quiétude. Et avec elles, sa remembrance de ses douleurs en un cortège de pointes acides le mettant en rage. Sa rage l’épuisant tout autant, il se savait en trop mauvais état pour seulement lever le nez vers le colosse. Sans parler de quitter le lit.

Pourtant, le désir de savoir ce qu’avait bien pu donner l’entretien avec ses peut-être futurs parents tira suffisamment l’adolescent vers le réveil pour qu’il ouvre un œil éreinté.

Réalisant que son chef d’équipe se trouvait réveillé, Tekris resserra sa prise sur sa taille, ôtant précipitamment sa main de ses cheveux. Sur le point de protester en assénant un grand coup de poing sur son sternum, Zane écarta ses velléités de mauvaise humeur, le colosse plaçant sa paume contre son dos.

Mais pourquoi donc l’autre adolescent le tenait aussi précautionneusement ? Enfin, plus que d’habitude. Presque… comme une chose précieuse que l’on a guère envie de voir s’éloigner.

Un ricanement mauvais lui étant destiné s’échappa de ses lèvres, entrecoupé par une toux monstrueusement atroce sortant de sa gorge. Résigné, il tendit le bras, tâtonnant à la recherche d’un mouchoir que Tekris lui glissa dans sa main, désormais dépourvue de gant. Ce qui ne le satisfaisait pas le moins du monde, mais changer de paire toutes les heures avait vite eu raison de sa garde-robe. Et c’était dégoûtant.

Se mouchant bruyamment, il se détourna à demi, histoire que le colosse ne le voit pas, enfin, pas totalement, cracher les glaires engluant sa gorge comme autant de plaques l’empêchant de respirer convenablement. Une coquetterie quelque peu paradoxale, quand il vivait en permanence avec le colosse, assistant à toutes les manifestations possibles de sa maladie.

Au moins, cela lui donnait-il l’impression de conserver un minimum de dignité, songea-t-il ironiquement, lançant le mouchoir dans un sac poubelle à proximité avant de frictionner énergiquement ses mains de gel désinfectant. Il réalisa brutalement qu’à la place de Tekris, lui ne se serait peut-être pas autant investi pour son coéquipier malade. Oh, pour sa sœur, sûrement aurait-il été un peu plus investi malgré lui, surtout que l’irascible extraterrestre n’imaginait pas un instant, jusqu’à récemment, pouvoir tomber malade.

Mais pour le colosse ? Depuis longtemps, il aimait beaucoup l’adolescent en tant que bras bourrin de l’équipe, satisfait quand il parvenait à écraser sous ses attaques les Stax. De là à le considérer en tant que Tekris, et pas membre des Radikors ? Difficile à dire. Sa vie tournait autour du kaïru depuis si longtemps… Entraînement, tactiques, progrès, victoire et défaites, son humeur, ses réactions, peu de choses possédaient suffisamment d’importance pour l’intéresser et le détacher de la formidable énergie.

Néanmoins, coincé dans un lit duquel il ne parvenait à sortir, trop éreinté pour alimenter la colère et la soif de vengeance le guidant depuis des années, il lui fallait bien admettre que rien ne forçait le colosse à se montrer aussi prévenant.

Si seulement son statut n’approchait pas celui d’un impotent, peut-être aurait-il trouvé cela flatteur.

– Comment vas-tu aujourd’hui ? l’interrompit mentalement son vis-à-vis, inquiet de ne pas l’entendre parler.

Pour un peu, Zane en rirait à gorge déployée. Comment il allait ?!

– Soit gentil et porte-moi jusqu’à la fenêtre, que je m’y jette un coup.

– Désolé, je suis obligé de refuser cet ordre, rétorqua le colosse, la main crispée contre son vêtement.

– Plus sérieusement, ma tête va mieux, daigna avouer Zane.

Ne restait plus qu’à ce que sa gorge cesse de le brûler à l’acide, ses poumons se vident de leurs obstructions, et sa toux de le mettre à la torture aux moments où il s’y attendait le moins.

Remarquant enfin la mine maussade de son coéquipier, Zane se redressa légèrement, autant que ses bras le lui permettait.

– Le rendez-vous ? demanda-t-il, peinant à contenir sa nervosité.

– Ça ne se fera pas, déclara le colosse, fixant le mur devant lui.

Et cela sonnait comme une condamnation définitive.

Zane grimaça, ne sachant s’il se sentait triste pour son camarade, ou soulagé de le savoir auprès de lui pour un bon moment. Ignorant comment améliorer l’humeur du colosse, l’irascible extraterrestre glissa à son tour les mains contre les flancs musclés, posant sa tête contre son épaule. Pas la position la plus confortable, mais cela sembla plaire un peu à l’adolescent, acceptant le semblant d’étreinte avec reconnaissance.

Mal à l’aise, Zane dut mobiliser toute sa volonté pour ne pas remuer sans arrêt. Consoler, ce n’était pas vraiment son fort. Il ne se sentait pas légitime.

– Qu’est-ce qui s’est passé ? articula-t-il finalement.

Le colosse se tendit, pianotant avec le bout de ses doigts.

– J’ai refusé.

– Quoi ?!

Une quinte de toux cueillit l’irascible extraterrestre, regrettant immédiatement d’avoir élevé la voix.

Patiemment, Tekris l’aida à se redresser pour qu’il ne s’étouffe pas, gardant la boîte de mouchoirs à portée de main, tapotant son dos.

Par les milles tourments que pouvait connaître l’Univers, qu’il haïssait sa faiblesse ! Et plus encore que sa haine l’épuise davantage !

– Pourquoi ?! réussit-il à demander, fixant son coéquipier avec des yeux ronds.

– Je ne pouvais pas…

Le colosse se tut, la gorge nouée. Inspirant profondément, il reprit, presque inaudible.

– Quitter l’équipe, partir à l’autre bout du monde, surtout si tu es malade comme ça, c’était impossible.

– Pitié, tu ne vas pas me faire le coup de l’altruisme, le taquina Zane, ne sachant quoi répondre d’autre.

Tekris rit doucement, passant une main dans sa tignasse en bataille. Égoïstement, le vert ne put s’empêcher de se sentir soulagé de savoir que l’équipe importait suffisamment à son coéquipier pour qu’il renonce à une chance qui risquait de ne jamais se représenter.

Mais pourquoi se sentir honteux d’une telle pensée ?! Après tout, c’était le mieux qu’il puisse se produire pour sa quête du kaïru. Il ne devait pas oublier ses projets – une fois cette fichue maladie écartée –, d’autant plus que la décision de Tekris n’était nullement de son fait.

Pourtant, la tenace culpabilité enserrant sa poitrine refusa de s’apaiser pour autant.

– Oh non, il n’est pas question d’altruisme là-dedans. Au contraire, je me suis montré terriblement égoïste.

Sans laisser le temps de réfléchir à Zane, il lui sourit avec sincérité à travers sa tristesse. Ajouta :

– Quelle ironie… Le seul d’entre nous qui a une chance de devenir quelque chose d’autre qu’un serviteur de Lokar refuse la voie qui s’offre à lui. Je vais vraiment croire que mes muscles ont réduit à néant le peu de réflexion que j’avais, soupira Tekris.

– Si c’est pour me polluer avec tes bêtises, tu peux te taire tout de suite, grogna Zane.

Puis il continua, plus doucement :

– Si tu as choisi de rester avec nous, c’est que tu as une bonne raison. Même si c’était effectivement stupide. À ta place… Laisse tomber. J’aurais jamais accepté de rencontrer des humains. Est-ce que, enfin… Si tu décides soudainement que ce n’est pas si mal, c’est possible de recontacter les anciens adoptants ?

– Je ne le ferai pas. Crois-moi. C’est étrange, mais j’ai l’impression d’avoir gagné au change. Honnêtement, je me sens plus tranquille comme ça. Repose-toi juste.

Sans trop savoir pourquoi, Zane le crut sur parole, chassant les bouillottes décidément bien trop encombrantes. Sûrement parce qu’il ressentait ce calme évoqué par Tekris.


µµµ


Depuis quelques jours, Zane se rétablissait, quittant enfin le sanctuaire que formait le lit de Tekris sans nécessairement s’appuyer contre le bras du colosse. Bien sûr, il continuait à éternuer vigoureusement à chaque changement de température, toussant encore de temps en temps. Mais au moins, ses poumons ne lui donnaient plus l’impression de mijoter dans un mucus gluant. La disparition de son mal de tête avait été la première étape importante vers une guérison complète, éclaircissant ses pensées en même temps que ses capacités de réflexion daignaient s’installer de nouveau sous sa boîte crânienne.

Intérieurement, Zane se trouvait persuadé que sans sa bouillotte attitrée pour lui éviter de grelotter sans arrêt, il serait passé près d’un incident de santé bien moins sympathique. Mieux encore, Zair et Tekris cessaient progressivement de s’inquiéter, guettant le moindre signe d’aggravation. Surtout le colosse. Les derniers jours avaient été presque insupportables pour l’irascible extraterrestre ; non pas qu’il déteste passer sa vie dans la chambre de son coéquipier, profitant de sa présence sans vergogne. Mais à force, les sollicitations incessantes, même de bonne volonté, commençaient à sérieusement taper allègrement sur ses nerfs encore à vifs. Du moins, était-ce ce que le colosse en concluait, d’après les quelques remontrances endurées dès que Zane avait en partie retrouvé l’usage de la parole.

– Alors, tu vas comment aujourd’hui ? demanda-t-il doucement.

Étroitement calé contre son torse, Zane fit mine de réfléchir un instant, concentré sur l’écran de son X-Reader tenu en main. Il s’en détourna néanmoins rapidement, lui adressant un sourire qui se voulait rassurant. Enfin, en étirant narquoisement les lèvres, le vert lui prouvait qu’il retrouvait son caractère habituel, n’étant plus assommé par la maladie.

– Presque complètement guéri, pour être honnête. Et j’ai pris la décision de ne plus jamais tomber malade.

– La meilleure nouvelle que j’aie entendue depuis longtemps, approuva Tekris, caressant tendrement son dos du bout des doigts.

Avec la guérison prochaine de Zane, le colosse voyait le moment de la séparation s’approcher davantage chaque jour. Pourtant, et aussi étrangement cela lui avait-il parut au départ, il n’éprouvait aucune envie de voir son chef d’équipe s’éloigner de nouveau de lui. L’irascible extraterrestre tolérait momentanément sa présence et ses attentions, mais dès qu’il se retrouverait en pleine possession de ses moyens, il s’empresserait de retourner dans sa propre chambre, recommençant à concocter des dizaines de machinations destinées à faire tomber les Stax, ou essayerait à toutes forces de deviner où Lokar pouvait bien se cacher, s’efforçant de se persuader que l’homme n’avait pas tout bonnement abandonné ses E-Teens à leur sort.

Une illusion que Tekris maintenait de moins en moins bien sur lui-même…

Néanmoins, il refusait de détromper son chef d’équipe. Lui, en tant que garçon costaud, replissait à merveille le rôle de bon bourrin, pas idiot mais pas forcément des plus élevés intellectuellement, servant la personne qu’il décidait de suivre et qui se montrait suffisamment persuasive pour l’inciter à suivre sa route. Zane, lui, était né avec l’âme et le désir d’un conquérant. Renvoyé du monastère et n’ayant aucun moyen de se faire prendre comme élève d’un membre du Redakaï, il ne lui restait plus que Lokar pour qu’il développe ses capacités de maîtrise du kaïru. Car les Radikors avaient appris, à leurs dépens (et en particulier ceux de Zane), qu’aussi puissant soit leur chef, son manque d’expérience et de connaissances creusaient des lacunes, comblées par l’enseignement d’un homme maîtrisant l’énergie kaïru comme une extension de sa personne. Oh, Tekris ne doutait pas qu’à force d’essais et de tâtonnements, Zane découvrirait tôt ou tard les secrets des arcanes de la fabuleuse énergie. Mais cela prendrait bien plus de temps que si un maître dispensait son enseignement aux trois adolescents. Or, le vert ne disposait que d’une patience limitée… et seul le kaïru, ainsi que la puissance que ce dernier pouvait lui apporter, semblait avoir un sens dans sa vie.

Le colosse laissa échapper un long soupir, mi-triste, mi-résigné. Oui, le kaïru reprendrait sa place première dans la vie de Zane, le reléguant, lui, Tekris, au rôle de coéquipier bourrin. Jamais il ne parviendrait à prendre la place de bras droit de Zair, et de toute manière, ce n’était pas son vœu. Même s’il parvenait à s’imposer suffisamment pour que Zane le regarde de nouveau autrement que comme un camarade de mission, l’irascible extraterrestre ne pourrait jamais oublier sa haine envers le Redakaï, et en particulier Ky, ni son désir de vengeance à assouvir en écrasant ses adversaires définitivement. Y compris s’il laissait ses coéquipiers l’accompagner jusqu’au bout dans cette quête.

Pire encore, Tekris ne pourrait plus s’empêcher de l’épauler, quoi qu’il lui en coûte. Cela s’infiltrait insidieusement en lui, alors qu’il serrait le corps grelottant contre lui, transmettant sa chaleur corporelle sans se soucier de tomber à son tour malade. Ou qu’il veillait sur les nuits agitées de Zane, effaré et angoissé de voir le si solide adolescent tourmenté par des songes dont il ne parlait jamais.

Il n’y pouvait absolument rien. Il vivait pour pouvoir passer encore une heure, encore une journée, une vie, auprès de l’adolescent qui occupait la plupart de ses pensées désormais.

Tout comme il jouissait sarcastiquement de le voir se détourner de lui, pour pouvoir ramener son attention et s’assurer être suffisamment important pour que Zane continue de compter sur lui.

Un mince sourire résigné tordit un instant ses lèvres, alors qu’il promenait son regard sur la silhouette passant en revue ses attaques kaïru, penché sur son X-Reader, un pouce sur la lèvre inférieure. Au final, à part Zane et Zair, il n’avait absolument rien. De même que Zair ne possédait pas grand-chose en dehors de son frère et du colosse. Quoique Tekris ne douta pas de sa capacité à rebondir face aux évènements de la vie.

Zane, par contre, vivait pour sa vengeance et pour la gloire, son orgueil ne souffrant d’aucune autre alternative. Sa vie se bâtissait autour du pouvoir et de la puissance, et de ce que cela pouvait lui apporter. Il vivait pour un avenir qu’il se dessinait à coup de rêveries et d’entraînements acharnés.

Et sûrement était-il celui qui souffrait le plus de la fuite de Lokar.

Tekris, par contre, se fichait bien de Lokar désormais. Il lui en voulait, au contraire, d’avoir entretenu cette flamme destructrice, dévorante, brûlant dans la poitrine de son ami. Le colosse ne doutait pas que l’ancien Maître du Mal connaissait la vengeance rampant sous la moelle de Zane, l’amplifiant encore et encore, ne lui laissant voir aucun autre chemin en lui promettant la force, les moyens de le rendre assez puissant pour, un jour, régner sous l’égide de Lokar après avoir écrasé le Redakaï. Le seul accroc dans le plan de l’homme ayant sûrement été que Zane ne comptait certainement pas rester un sous-fifre toute sa vie. Ou plutôt, sous-estimait ses capacités à prendre sans se soucier des conséquences.

Peu importait, au fond. Le résultat était le même.

Et Lokar pouvait bien revenir, son sort n’importait plus à Tekris. Seules compteraient les futures ambitions de Zane ; si le colosse restait jusque-là sceptique quant aux méthodes de son chef d’équipe, il ferait n’importe quoi pour rester près de lui, près de… son attention.

– Tu parais bien pensif, aujourd’hui, lâcha Zane.

Se retenant de ne pas tourner la tête vers lui, craignant que ses pensées ne se lisent sur son visage, Tekris haussa les épaules, resserrant le bras qu’il maintenait autour des épaules du vert.

– Rien d’important. Je pensais à… après ta guérison…

Zane ne répondit rien, hochant silencieusement la tête. Ses doigts avaient cessé de pianoter sur l’écran de son X-Reader. Mal à l’aise, il passa une main dans ses cheveux fraîchement lavés, fixant le petit appareil sans paraître le voir. Peut-être commençait-il à imaginer reprendre, une deuxième fois, la place de Lokar, se rappelant au dernier moment que l’homme s’arrangerait pour surveiller sa dernière équipe, tôt ou tard.

Puis, sur un coup de tête, le vert s’appuya sur le bras de son coéquipier, se surélevant légèrement pour venir effleurer de ses lèvres les siennes.

Surpris, le colosse se figea, se demandant s’il rêvait, ou venait de vivre l’un des moments les plus réjouissants de l’ensemble de son existence. Une fraction de seconde plus tard, Zane avait repris sa place, de nouveau concentré sur son X-Reader, comme s’il n’avait jamais bougé.

– Zane… souffla le colosse, trouvant enfin le courage de l’observer en face.

Seul un regard maussade lui répondit, daignant s’élever un bref instant.

– Que veux-tu, Tekris ? lâcha-t-il, presque sèchement, sans être tout à fait désagréable.

Indécis, l’intéressé hésita. Et si ses désirs personnels l’avaient fait délirer, même une seconde ? Ou si Zane se doutait de ses sentiments, jouant avec lui pour déterminer quelle était la vérité ?

Paniqué à cette idée, il se reprit, balbutiant quelques mots incompréhensibles avant de répondre.

– Rien, enfin, hum, tu as des idées de plans pour la suite ?

Son visage se tordant en une moue déçue, Zane se détourna, s’écartant du foyer de ses bras, rangeant son X-Reader dans sa pochette avant de piocher quelques cuillères de riz cuit au bouillon.

Intérieurement, Tekris se réjouit de le voir retrouver un appétit correct.

Lentement, Zane se retourna, promenant ses pupilles onyx sur l’ensemble de la chambre. Là, son dernier pyjama utilisé se trouvait soigneusement plié sur le dossier d’une chaise, au pied de laquelle une quelconque chiffe du colosse traînait en boule, s’attirant un regard désapprobateur du vert.

Pourtant, Tekris multipliait les efforts pour tenter de le contenter au maximum, le chef des Radikors le savait. Ou plutôt, s’en rendait compte. Le rhume, ou quoi que ce soit d’autre, l’avait peut-être momentanément abruti, mais pas au point de ne pas finir par comprendre quelque chose d’aussi évident. Tout comme le colosse augmentait exponentiellement la température dans sa chambre depuis que Zane y avait élu domicile, finissant souvent en petite tenue, ou luttant pour rester immobile, la joue du vert posée contre sa poitrine, alors qu’il mourait d’envie de remuer dans tous les sens et de chasser la couverture au loin. Une situation qui ne déplaisait pas à Zane. Après tout, cela ne lui faisait que de la chaleur en plus.

Cependant, il avait dû limiter les élans altruistes de son ami. Même lui finissait par crever de chaud dans cette baraque ! Parfois, il se disait que Zair ne se trompait pas en affirmant que Tekris allait finir par lui offrir le monastère sur un plateau, histoire de ne pas le contrarier.

Pourtant, contrarié, Zane l’était. Sans comprendre, en partie, pourquoi.

Après tout, il se sentait bien mieux, depuis trois jours ! Enfin, aurait-il eu envie d’ajouter. Presque un mois sans pouvoir se battre, la moitié du temps échoué dans le lit de Tekris, manqua détruire une bonne fois pour toutes son image de féroce combattant auprès de ses coéquipiers !

Il ne lui manquait plus que de rendre visite à Zair pour lui demander s’il était enfin guéri, et tout serait terminé. Oui, tout serait terminé…

Et c’était justement ça qui le contrariait. Ce pourquoi, sur un coup de tête, il avait tendu les lèvres vers Tekris, ne sachant exactement ce qu’il voulait, au juste. Renonçant au dernier moment à aller au bout de son geste. Bon sang, en plus d’une heure de recherches intenses sur son X-Reader, il n’avait retenu ni le nombre de reliques récupérées par les Stax, ni les attaques de kaïru obscur ayant résisté à la soi-disant purification par le kaïru prismatique, ni… Ni rien, au final.

– Je devrais y aller, marmonna-t-il.

Quittant les draps à son tour, Tekris se leva, se plaçant derrière lui pour lui caresser machinalement le dos. Fermant à demi ses paupières, Zane savoura le plaisir du geste, songeant que peu de choses l’avaient autant contenté que cette bête action. Et qu’il n’avait encore laissé personne, ou presque, le toucher aussi régulièrement, et aussi proche. Quoi que cela veuille dire.

Vraiment, avec les récents bouleversements dans sa vie, à la fois kaïru et de santé, Zane en éprouvait une satisfaction proche de celle ressentie lorsqu’il recevait une nouvelle attaque kaïru.

L’adolescent se crispa, provoquant une interruption brève de la caresse, celle-ci reprenant une seconde plus tard avec appréhension. Il éprouvait un plaisir égal à celui d’une possible montée en puissance ? Plus encore, il ne ressentait, même en y réfléchissant avec attention, aucune de ces pointes amères et douloureuses perçant son cœur, chaque fois qu’il songeait au kaïru, le menant inévitablement à cheminer vers ses futures vengeances ?!

Oh, il ne les oubliait pas, mais son esprit concentré sur un autre sujet laissait couler sa haine, emportée par le rythme lent, hypnotique, de la paume tiède caressant sa peau à travers le tissu. Pour la première fois depuis des années, il se sentait presque… stable.

Plissant le front, le chef des Radikors s’écarta, considérant obliquement son compagnon, les traits de ce dernier fripés comme s’il craignait une réprimande brutale.

Son esprit lui hurlait de reconstruire ses barrières mentales à une vitesse phénoménale, afin de se protéger d’un changement qui ne pouvait lui être que préjudiciable. D’un autre côté, il se montrait terriblement curieux de cette nouvelle envie, tellement différente, assez forte pour se frayer un chemin jusqu’à sa conscience, capable de supplanter un instant tout ce qui fut le moteur de son existence ces dernières années. Avec la disparition de Lokar, il avait craint de perdre sa seule chance de mener à bien sa haine et sa vengeance. Qu’avait-il d’autre, à part elles ?

Son équipe ? Il l’entretenait depuis si longtemps avec sa fureur, l’avait créée pour sa vengeance. Zair ? Oui, une part de lui tenait à elle. Mais il se savait être un pitoyable frère aîné. La culpabilité le rongeant, trop puissante au point d’éteindre par moments sa colère sans qu’il ne sache comment l’atténuer, il l’avait impitoyablement chassée, se concentrant sur ses objectifs. Oblitérant le lien de sang l’unissant à sa sœur, s’en moquant même, puisque cela ne changeait rien à la grande destinée lui étant promise. D’accord, il avait été odieux… Seulement, personne…

Zane coupa net le fil de ses pensées. Il ne savait même pas comment achever cette idée.

Toujours était-il que le kaïru était devenu le noyau de sa vie. Et cela avait fonctionné, si longtemps.

Jusqu’à maintenant. Maintenant où autre chose le passionnait assez pour qu’il daigne le conserver un instant avec lui, sans le repousser systématiquement. Quelque chose totalement en-dehors du kaïru, et des tenants et aboutissants de sa recherche.

Et s’il voulait tenter de voir où le menait cette voie incertaine, inédite ?

Et si cela le blessait plus qu’autre chose, si le début de respect, ou du moins d’attention, dont il parvenait à gratifier Tekris ces derniers temps se brisait définitivement, le laissant plus seul encore que jamais ?

Serrant les dents, il se retourna, face au colosse.

– Non.

– Non quoi ? questionna son vis-à-vis, confus.

– Tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement.

Nerveux, le colosse monta une main à sa nuque, grattant les petits cheveux que Zane devinait éparpillés sur sa peau, tentant vainement de comprendre ce que son compagnon voulait dire par là. Peut-être le vert aurait-il dû préciser sa pensée.

Si seulement il savait comment exprimer ce qu’il ressentait. Que quitter cette chambre n’était pas seulement le symbole qu’il quittait tout ce qu’il avait pu vivre en son sein, ses contacts rapprochés avec Tekris, leurs nuits pénibles durant lesquelles celui-ci le calait aussi confortablement que possible dans ses bras alors que lui ne tenait pas en place, énervé de sa faiblesse. Et tant de choses.

Non, c’était plus que ça. Imaginer voir Tekris quitter le trio d’extraterrestres, accueilli par une famille humaine qui ne permettrait plus de le saluer quotidiennement, avait déjà été plus difficile que Zane voulut se l’avouer. Un enfer, presque. Oh, il résidait bien une part d’égoïsme dans cette sensation amère : conquérir le monde nécessitait des bras, et des dispositions quasiment permanentes.

Mais s’éloigner de cette chambre, définitivement, y compris pour rentrer dans une cambuse à quatre portes de là… L’irascible extraterrestre en avait mal. Physiquement. Sa poitrine se serrait douloureusement, l’envie de serrer le colosse dans ses bras pour ne plus le lâcher si violente qu’il dut inspirer profondément pour se calmer.

Tekris était à lui, un point c’est tout ! Et personne n’avait le droit de s’en approcher – à part Zair, évidemment. Or, naïve comme pouvait l’être sa masse musculaire préférée, Zane devait absolument s’assurer qu’il le comprendrait… de toutes les manières possibles.

– C’est ma chambre aussi, balbutia le vert.

Pour un peu, il se serait frappé. Plus nébuleux encore, il pouvait le faire ? Non ?

– Hum… Tu veux dire que…

Tirant sur le col de son t-shirt, en proie à une chaleur soudaine, le colosse referma les lèvres, reprenant plusieurs fractions de secondes plus tard sa phrase. Immédiatement, Zane devina que ce n’était absolument pas ce qu’il avait l’intention de demander en premier lieu.

– Pardon, des idées. Tu veux changer de chambre, c’est ça ?

– Oh, voyons, mon Tekris, ne te fais pas plus bête que tu ne l’es, susurra le chef des Radikors, ravi de constater l’effet qu’une seule pensée produisait sur son coéquipier.

À moins qu’il ne se leurre totalement, et que ce n’était pas de l’anticipation pleine d’espérance qui gênait tant le colosse, mais l’angoisse viscérale d’une situation qu’il détestait ?!

Impossible. Tekris se montrait bien trop attentionné pour que ce ne soit que de la gentillesse empreinte de pitié, n’est-ce pas ?!

– Ta chambre ne m’intéresse pas. C’est toi que je veux.

Voilà, c’était dit. Comme ça, il n’aurait pas à attendre très longtemps avant de se trouver fixé.

Tant pis si Tekris paraissait sur le point de tourner de l’œil, ou s’il tournait frénétiquement la tête à la recherche de caméras cachées. Pourvu que Zair ne soit pas dans les parages, ou il lui faudrait partir s’enterrer six pieds sous terre, le temps qu’il parvienne à regarder de nouveau ses équipiers droit dans les yeux.

Cessant son manège, Tekris scruta le visage de son vis-à-vis, mordillant sa lèvre inférieure. De manière bien trop désirable selon l’irascible extraterrestre.

– Arrête ça, souffla Zane, ou je ne réponds plus de rien.

– Tu es sûr de ce que tu dis ? demanda précipitamment le colosse, comme si entendre une autre voix que la sienne était parvenu à le faire sortir de sa transe.

– Ai-je l’habitude de revenir sur mes paroles ? rétorqua l’adolescent.

Glissant plus qu’il ne marcha sur le parquet, le vert posa sa joue contre le torse de Tekris, écoutant les battements affolés de son cœur. Comme il était bon de se savoir désiré !

Avec une lenteur délibérée, il glissa ses mains sur les avant-bras du colosse, les passant autour de sa taille.

Immédiatement, Tekris resserra son emprise, embrassant ses cheveux, ému.

– Pitié, ne sois pas aussi timoré, ricana Zane.

Levant le visage, il plaqua ses lèvres contre celles de Tekris. Peut-être un peu brutalement, songea-t-il.

Le colosse se figea. Glissa une main le long de son échine, répondant au baiser avec une ferveur laissant Zane presque sans souffle. Se séparant de lui, il déposa de petits baisers sur la gorge du colosse, effleurant ses joues de ses doigts.

– Je te jure que ce soir, ce ne sera pas moi qui finira épuisé sur le lit, pour changer, lâcha-t-il. Mais pour l’instant, tu vas devoir t’arranger pour que mes affaires se retrouvent, dans leur intégralité, dans cette chambre. Et trouver un moyen d’annoncer… nous (le mot roula délicieusement sur sa langue ; autant qu’il fit naître une sourde crainte au creux de ses entrailles), à Zair.

Tekris recula légèrement, amusé.

– Sérieusement ?! Et toi, qu’est-ce que tu feras pendant ce temps ?

– Mon Tekris, sache que je sors tout juste d’un rhume terrible, qui a bien failli me coûter la vie. Les efforts intenses, sans parler des fortes émotions, me sont encore interdites !

Le colosse éclata de rire, embrassant de nouveau l’adolescent. Pourquoi aurait-il été étonné ? Zane restait Zane, dusse-t-il avouer à l’instant, à demi-mots, ses sentiments.

Surtout, pourquoi protester, et retarder encore le début d’une vie à deux ?

Il savait pertinemment qu’il céderait, de toute façon.


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Et voilà! Alors, qu’en avez-vous pensé de notre Zane malade ? J’ai tenté de conserver malgré tout son caractère ! J’hésitais à écrire un lemon, mais bon, l’histoire était déjà assez longue comme ça, enfin, à mon avis. Et vous, qu’en pensez-vous ?


J’espère que cela vous aura plu !


Bonne journée, ou soirée !


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