Le dernier acte

Chapitre 1 : Madrigal guerrier et amoureux

7837 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 21/01/2021 09:46

Bon, à la base, ce devait être un OS, mais à presque dix mille mots, je me suis dis que c’était mieux de le couper en deux :’) Bref, voilà un petit Zachris (Zane x Tekris, j’ai découvert cet assemblage très récemment – et c’est plutôt cool !), rien de bien transcendant, juste histoire de se vider en période de partiels ! Enfin, je vous souhaite tout de même bonne lecture – bien que Zane ne soit pas vraiment aussi véhément que dans mes autres histoires ;)


Madrigal guerrier et amoureux


Assis sur une plaque de glace surélevée, légèrement à l’écart de ses deux compagnons plongés en plein entraînement, observant sans sourciller Tekris se retrouver jeté à terre par un « choc briseur » particulièrement sournois de Zair, Zane grogna fort peu aimablement, frottant vigoureusement ses bras frissonnant imperceptiblement sous le souffle du vent glacé parcourant les plaines vides de vies entourant le trio. Envieux, ses yeux passèrent rapidement du colosse, roulant dans la fine couche de neige à peine assez épaisse pour colorer ses vêtements, à sa fine coéquipière lâchant un juron étouffé face à son échec à mettre un terme définitif au combat en cours.

Il étouffa une brusque toux malvenue au creux du gant qui entourait jour et nuit ses poignets, en omettant la douche quotidienne obligatoire. Y compris la nuit. Ou presque. Sauf quand il faisait vraiment extrêmement chaud et qu’il ôtait les accessoires d’un tissu proche de la soie pour ne garder que les bandelettes remontant jusqu’au milieu de son avant-bras. Ce qui revenait à peu près au même puisque, sans être particulièrement frileux, Zane peinait à seulement transpirer. Était-ce de sa faute si la Terre se montrait si froide ??! Reprenant son attitude maussade ne le quittant que rarement, l’adolescent s’assura qu’aucun de ses coéquipiers ne remarquait son bref moment d’inattention. Les connaissant, ils iraient obligatoirement se faire il-ne-savait-quelle-idée totalement fausse à son sujet qu’il ne supporterait que très moyennement.

Déjà, le regard de Tekris quand, feignant la nonchalance, il avait prétendu ne pas vouloir participer aux combats par manque d’intérêt, laissait clairement supposer que le colosse n’était pas dupe de son excuse. Si seulement sa tête ne lui donnait pas l’impression de flotter dans un brouillard cotonneux, il serait bien allé achever une bonne fois pour toutes cet interminable entraînement ! Avec tout ça, l’irascible extraterrestre manquait pour la première fois en presque dix ans une séance de défouloir !

– Plus souple avec les bras, Tekris ! Et toi, Zair, de l’énergie si tu veux éviter correctement ses attaques ! beugla-t-il, croisant les bras sur sa poitrine de mécontentement.

Du moins aurait-il voulu inciter ses coéquipiers à s’activer, histoire de rentrer plus vite au chaud, dans la forteresse abandonnée quelques mois auparavant par Lokar. Hélas, même en convoquant toute la dignité et le soupçon de mauvaise foi si caractéristique de sa personne, sa voix sonna affreusement croassante à ses oreilles. Provoquant l’interrogation immédiate de ses coéquipiers, l’observant du coin de l’œil avec un manque de discrétion qui n’améliora guère l’humeur de leur chef d’équipe.

– Quoi encore ? Si vous ne faites que vous arrêter, ce n’est pas comme ça que vous finirez votre face-à-face, marmonna-t-il, tentant de sauver les apparences en se redressant de toute sa hauteur.

Hauteur insuffisante, s’aperçut-il rapidement, quand un Tekris d’une bonne tête de plus que lui se trouvait dans un périmètre aussi restreint. Remarque, l’arrêt des chocs dus aux attaques kaïru se révélaient particulièrement bienfaisant pour apaiser les percussions jouant la symphonie sous son crâne.

– C’est juste… hasarda Zair prudemment, guettant ses réactions. Tu ne parlerais pas un peu du nez ?

– Ouais, c’est ce que je pensais aussi, ajouta Tekris, essuyant son front humide d’un revers de la main, tentant tant bien que mal d’ignorer le regard purement meurtrier de son vis-à-vis à la peau verte en l’ignorant grossièrement.

Enfin, Zane espérait sincèrement qu’il ne s’agissait d’une tentative maladroite d’échapper aux réprimandes. Oui, ça ne pouvait être que cela, conclut-il intérieurement, se raclant la gorge plus bruyamment que prévu. Une grimace douloureuse s’échappa fugitivement sur ses traits, les aiguillons lui grattant le fond de sa tranchée lui donnant la nette impression qu’un hérisson venait d’y élire domicile.

– Ce n’est pas très prudent de rester dans le froid sans t’activer, renchérit Zair, marquant sa désapprobation en secouant la tête de droite à gauche. On devrait rentrer à l’intérieur de la forteresse.

– Pas avant que vous n’ayez terminé ce fichu combat, rétorqua furieusement Zane, examinant pourtant mentalement avec le plus grand sérieux la proposition.

Mais comment retourner dans la chaleur relative, quoique dix fois plus importante, régnant au sein de l’édifice, sans perdre la face ? Ou sans que ses coéquipiers n’aillent s’inventer des théories toutes plus fantasques les unes que les autres. S’il relâchait la main de fer enserrant sa personne, et surtout, sa réputation, qui savait ce que les deux autres iraient s’inventer ?

– Si vous insistez, venez, que je me batte à un contre deux ! Comme ça, vous serez rassurés !

Sautant prestement du monceau de glace lui servant de piédestal, l’adolescent oblitéra volontairement le ton rauque de sa voix pour prêter la plus grande attention à retomber sur ses deux pieds. Il ne manquerait plus qu’il s’étale face contre terre, continuant de manière insupportable une journée déjà détestable !

Zair leva les yeux au ciel, retenant une déclaration passionnée sur son inconscience probablement. Comprenant qu’elle ne tenterait pas de dissuader son chef d’équipe, persuadée qu’il fallait laisser les choses se faire comprendre à la dure, le colosse cala ses mains devant lui, paumes ouvertes, en une tentative d’apaisement, cherchant à retenir avec une discrétion plus que douteuse le vert là où il se trouvait.

– Pas la peine de t’énerver, ce n’est pas grave si tu n’es pas très en forme aujourd’hui. Demain, on pourra…

La suite de la phrase s’étrangla dans la gorge de Tekris, sous la poigne de l’irascible extraterrestre, l’ayant saisi sans douceur par le col, réunissant toutes ses forces disponibles pour amener son visage à quelques centimètres du sien. Bon sang, depuis quand ce simple geste lui demandait autant d’efforts ?!

– Je ne sais pas ce que tu insinues, mais je vais très bien ! Parfaitement bien, même ! Je n’ai pas été malade une seule fois en je-ne-sais-plus combien d’années sur Terre, alors ce n’est pas aujourd’hui que ça va…

Sa voix se brisant sur les dernières syllabes, Zane lâcha Tekris aussi rapidement qu’il l’avait empoigné, se détournant sur le côté. Il monta les mains à son visage, inspirant par à-coups pendant plusieurs secondes. Avant de troubler avec fracas le silence entourant les trois adolescents pour éternuer bruyamment, secouant sans douceur ses épaules déjà imperceptiblement frissonnantes.

Même Tekris en sursauta de surprise, le dévisageant avec des yeux ronds. Enfin, si Zane se fiait à l’expression médusée de Zair. Les épaisses montures épousant la forme du crâne du colosse empêcha le chef des Radikors de se faire une idée précise du diamètre présent de ses globes oculaires.

Oh que Zane détestait voir ces visages pleins de pitié l’entourer !

– Hum, de toute façon, je commence à avoir froid, prétexta Zair, mimant un frisson, inquiète. Je déclare forfait, Tekris, félicitations, tu as gagné. Pour le moment.

Exaspéré, Zane se pinça fortement le nez, prévenant toute autre récidive agaçante, reniflant bruyamment de mépris. Une opération peu aisée quand on ne parvenait à respirer que par la bouche. Ce que l’irascible extraterrestre se refusait à faire parce que, merci bien, il ne voulait pas ressembler à un poisson rouge !

– Bien, puisque vous insistez, marmonna Zane, imputant son léger zozotement à son nez toujours pincé, rentrons. Mais c’est vous qui l’aurez voulu. Cet après-midi, je zens d’ailleurs que je vais avoir envie de me battre un peu, histoire de me délasser. Hors de question de se relâcher, Lokar disparu ou non.

Visiblement peu ravi de sa victoire par trop facile, Tekris abandonna péniblement la moue tordant ses traits, se rapprochant à son tour de son chef d’équipe, hésitant.

Zane grogna peu aimablement. S’il osait ouvrir son clapet pour insinuer une autre ânerie…

Incapable d’achever sa pensée en dépit de ses efforts désespérés, l’adolescent décida que garder une main sur son visage n’était pas franchement bénéfique pour sa réputation. La baissant, il tourna les talons, ses coéquipiers dans son dos, avalant péniblement sa salive. Trois adolescents, censés se trouver sous la houlette d’un Maître les aidant à perfectionner encore et encore leur entraînement… Et abandonnés par celui-ci. Entre lui qui peinait à aligner deux pensées cohérentes, Zair qui n’avait pas mis les pieds à l’orphelinat depuis des années, et Tekris qui attendait fébrilement la réponse d’un couple désirant potentiellement l’adopter, ils formaient une belle brochette de paumés, tiens.

Reniflant une seconde, il réalisa son erreur, éternuant de nouveau, avant de partir dans une quinte de toux impossible à dissimuler, s’arrêtant en plein élan. Et voilà, maintenant il allait devoir déployer des trésors d’inventivité pour convaincre ses coéquipiers que ce n’était qu’une passade négligeable !

Courant presque à son camarade, Tekris plaça doucement sa main contre sa colonne, frottant vigoureusement son dos. Se détendant involontairement contre la solide poigne le soutenant, Zane envisagea un instant de clore ses paupières, juste pour empêcher la lumière aveuglante se reflétant sur la glace de continuer à l’agresser. Bah, les éléments pouvaient bien essayer de le réduire à l’impuissance, il prouverait bien un moyen de leur faire ravaler leurs prétentions. Plus tard, par contre, il se sentait un peu fatigué.

Cette fois, il ne lutta pas quand la paume du colosse, enhardit par l’absence de répliques mordantes, vint se poser précautionneusement sur son front. À la limite, la tiédeur qui en émanait le soulageait presque.

Refusant malgré tout de se laisser bêtement guider tel un impotent, l’adolescent repoussa rapidement les attentions dont il faisait tout à coup l’objet, repartant d’un pas raide en direction de la forteresse. Enfin, à l’exception de la main de Tekris dans son dos. Uniquement pour rassurer ses coéquipiers en leur donnant un peu de grain à moudre, histoire qu’ils se concentrent dessus et lui fichent la paix.

Par les Enfers, sa générosité finirait bien par le perdre !

Dans le but de rassurer juste un peu plus les deux nigauds formant sa petite escorte, Zane tira un mouchoir de sa poche, se mouchant avec toute la dignité dont il était capable. Et pour un peu, Zair et Tekris auraient presque pu croire qu’il portait un morceau de tissu parfumé à son nez pour le protéger des inexistantes fragrances pestilentielles de la glace les entourant.


µµµ


Tekris se redressa lentement, se reculant doucement du lit de son chef d’équipe.

Ce dernier, aussi buté puisse être son caractère digne d’entrer dans les annales, n’avait pu résister longtemps aux frissons et à la toux secouant à intervalles réguliers ses membres. Prétextant un coup de fatigue passager, puis le besoin de réfléchir à un plan d’action maintenant que les Radikors se retrouvaient propulsés au rang de seule équipe se dressant face aux Stax, il s’était couché tout habillé sous les draps, prenant tout de même le soin d’ôter ses chaussures. Et de mettre les gants qu’il portait au sale. Il avait éternué dedans à plusieurs reprises, alors merci bien, il ne comptait certainement pas se contaminer davantage juste pour une question d’économie ! Coquetterie, s’il était possible de le concevoir ainsi, oblige, il avait malgré tout emprunté une secondes paire, plus épaisse cette fois, réservée aux missions effectuées dans les grands froids.

Quoique, ce n’était plus vraiment nécessaire de s’inquiéter de leur propreté, les mouchoirs ayant bien vite prit la place éventuelle du tissu. Juste pour se préserver, martelait l’adolescent de sa voix nasillarde. Avant de renoncer à émettre plus de trois sons à la suite, sa gorge le trahissant pour son plus grand énervement.

Soupirant le plus doucement possible, Tekris trempa le gant de toilette qu’il tenait dans une bassine d’eau tiède, le tordant soigneusement pour n’en plus laisser qu’une humidité tout juste supportable pour le vert.

Dans l’encadrement de la porte, Zair se mordilla nerveusement l’ongle du pouce, observant du coin de l’œil son frère étalé sous sa couverture, le dos de la main sur son front en attendant la simili compresse bienfaisante, seul moyen pour lui de supporter le mal de tête lui vrillant les tempes.

– On devrait appeler le médecin quand même, lâche-t-elle finalement à voix basse.

– Dan ! protesta immédiatement Zane, se redressant brutalement sur son matelas.

Regrettant immédiatement son mouvement d’humeur, l’adolescent gémit bruyamment, enserrant ses tempes de ses mains tandis qu’il se laissait retomber sans douceur. Incapable d’ajouter le moindre mot. Grimaçant de compassion, Tekris acheva sa manipulation, franchissant en deux enjambées la distance le séparant du lit, posant délicatement le gant de toilette sur le front brûlant de l’irascible extraterrestre.

Aussitôt, les bras de ce dernier vinrent se plaquer contre le morceau de tissu humide recouvrant en partie ses yeux, émettant un bref soupir de soulagement, sans se soucier que cela mouille les accessoires entourant ses poignets. De plus en plus inquiet, Tekris apposa brièvement ses poignes sur celles de son chef d’équipe, les pressant comme pour transmettre leur force. Avant de les laisser retomber, au cas où Zane s’énerverait de le voir si collant. Enfin, quand il retrouverait l’usage de la parole sans risquer de gémir.

– Peut-être que ce n’est pas une bonne idée, répondit enfin le colosse, hésitant à contredire les désirs du malade. Si on le fait contre son avis, il va sûrement s’énerver, et ce n’est pas très bon pour lui.

– Je t’en prie, tu veux vraiment le laisser dans cet état ?!

Haussant les épaules d’agacement, la jeune femme s’écarta du battant, résolue à empoigner son portable pour mettre à exécution sa déclaration. Nerveux de voir l’irascible extraterrestre tenter à toutes forces de prouver que ce n’était absolument pas la peine devant la « menace », Tekris tenta une nouvelle fois de la dissuader, se redressant pour la retenir par le bras.

– Et comment un médecin pourrait venir jusqu’ici ? Impossible de le transporter dans cet état !

– Arrêddez de barler gomme si je n’édais ba là ! grogna Zane, sa voix devenue presque un chuchotement.

D’ailleurs, je bais beaugoup mieux !

Joignant le geste à la parole, le vert repoussa avec une molle conviction la couverture le protégeant du froid, maintenant de l’autre main le gant de toilette contre sa peau. Avec une vivacité insoupçonnée de ses coéquipiers, il se redressa (enfin, presque, craignant un retour de son mal de crâne en se relevant trop soudainement, son échine resta légèrement courbée), franchissant le seuil de sa chambre pour se diriger résolument vers l’escalier menant à l’étage inférieur. Parvenant à traverser une bonne moitié du tunnel avant que ses coéquipiers, comprenant son objectif, ne viennent l’en empêcher.

Le sang de Tekris se glaça dans ses veines, le laissant pétrifié sur place l’espace d’une seconde. Trop longtemps pour emboîter le pas de Zair, déjà aux côtés de son frère pour lui barrer l’accès au palier. Pas assez pour ne pas les rejoindre en quelques pas. Comme quoi, avoir de grandes jambes aidait parfois.

– Arrête de faire l’enfant, tu vas te faire mal, protesta la seule fille des Radikors.

– Dan, je bais bien ! rétorqua Zane, croisant un bras sur sa poitrine, l’autre toujours plaqué sur son front.

Une nouvelle quinte de toux le coupa net, le pliant presque en deux. Instinctivement, Tekris passa un bras autour de sa poitrine, le maintenant pour ne pas le laisser tomber sur le sol à la limite du glacé. Attendant patiemment que le souffle de l’adolescent se régularise, le laissant pantelant, il l’aida à se redresser, déplaçant sa main autour de ses épaules. Il échangea un regard avec Zair, cédant enfin.

– Un médecin ne serait peut-être pas une si mauvaise idée, concéda-t-il.

Méfiant, son étreinte se resserra, au cas où Zane se cabrerait de nouveau, protestataire. En vain ; vidé de son énergie, l’adolescent se contenta de rester mollement appuyé contre le large torse du colosse, marmonnant des paroles incompréhensibles probablement censées exprimer sa désapprobation.

Hochant la tête en guise d’approbation, Zair jeta un regard inquiet au vert.

– Ramène-le dans sa chambre en attendant, déclara-t-elle. Je trouverais bien un docteur, et j’irai lui décrire les symptômes de Zane pour voir ce qu’il en pense. C’est à peu près tout ce que qu’on peut faire, je crois.

Tekris approuva, aussi silencieusement que possible pour ne pas aggraver le mal de tête de l’irascible extraterrestre, sa prise de décision. Il savait pertinemment ne pas avoir l’étoffe d’un leader, préférant exécuter les ordres lui étant transmis… dans une certaine mesure, ajouta-t-il mentalement, se rappelant la prise d’ego monumentale de son chef d’équipe, l’année précédente. Tant que cela ne se révélait pas excessivement injuste. Ou maltraitant. En tous les cas, voir Zair se charger de la mise en place de la suite des opérations le soulageait grandement. Aussi guida-t-il précautionneusement Zane en direction de sa chambre, laissant Zair ouvrir la première fenêtre venue pour décoller sur-le-champ. Espérant voir son retour le plus rapidement possible.

Et avec l’assurance qu’il ne s’agissait que d’une maladie sans gravité. Et si la constitution extraterrestre de Zane faussait le diagnostic du médecin, provoquant l’aggravation de l’état de son chef d’équipe ?! Ou… pire ? À cette pensée, son cœur se compressa douloureusement dans sa poitrine, manquant le priver d’air.

Impossible, se morigéna-t-il, rien ni personne ne pouvait avoir raison très longtemps de Zane. Dusse-t-il subir les pires défaites, ou encaisser la pire des attaques kaïru, le vert se relevait toujours, plus décidé encore à mordre la vie à pleine dents – et à faire payer l’affront à l’impudent ayant osé s’opposer à lui.

Non, ça ne pouvait être qu’une faiblesse négligeable. Qui savait ? Demain, peut-être, réveillerait-il Zair et Tekris à coups de véhémentes protestations contre leur ridicule inquiétude ?

Heureusement, dans un sens, le colosse n’eut pas l’occasion de se tourner les sangs plus longtemps. Comprenant l’intention de son coéquipier et refusant catégoriquement de rendre les armes aussi facilement, Zane pila net, satisfait dans la brume bloquant la majorité de ses capacités de réflexion de constater que Tekris suivit le mouvement. Le colosse se gardant bien de lui avouer qu’étant donné son peu de forces actuel, cela n’avait été qu’un bête réflexe pour ne pas le blesser. Ou le vexer plus encore.

Désespéré de le voir ruer en dépit de tout bon sens, Zane ayant décidé que non, il n’était pas malade, alors il ne voyait certainement pas pourquoi il retournerait dans sa chambre bien gentiment, Tekris leva les bras au ciel comme pour le prendre à témoin de son calvaire. Un glapissement surpris l’avertit que l’irascible adolescent se maintenait peut-être un peu plus qu’il ne le croyait à son bras, le colosse glissant de justesse son bras autour de la taille de son fardeau, lui évitant une chute aussi peu glorieuse qu’humiliante.

Zane lui décocha un regard sûrement plein de reproches, mais qui apparut davantage fatigué qu’autre chose.

Vérifiant au passage la sûreté de la prise passée autour de lui, laissa sa tête reposer sur l’épaule du colosse.

Surpris de le sentir s’abandonner, même brièvement, à son étreinte, l’inquiétude s’immisça insidieusement dans le cœur de Tekris. Pourquoi son camarade, si virulent une seconde auparavant, se laissait brutalement aller sans autre forme de protestation ?! Son angoisse crût encore quand, secouant doucement l’adolescent, seul un vague marmonnement incompréhensible lui répondit, suivie d’une vague de frissons n’améliorant guère ses craintes. Et si, en luttant sans céder, il venait d’aggraver encore l’état déjà peu glorieux de l’adolescent ?!

De moins en moins rassuré, désireux de voir le plus vite possible son chef d’équipe à l’abri sous un monticule de couvertures bloquant l’accès du corps glacé contre le sien au froid, le colosse poussa la porte de ses propres pénates, bien plus proches que celles de Zane maintenant que celui-ci avait tenté de reprendre malgré tout l’entraînement. Claquant des dents, tout juste conscient de son environnement, Zane se laissa docilement conduire sous les draps, faisant croître d’un degré supplémentaire l’appréhension du colosse, se rencognant étroitement autour de l’oreiller de son coéquipier. Sa joue épuisée se colla contre le tissu, Tekris aidant un bras fatigué à remettre correctement en place le gant de toilette.

– Je reviens tout de suite, souffla-t-il, ouvrant son armoire pour récupérer une seconde couverture qu’il déposa sur l’irascible extraterrestre. Juste le temps de récupérer la bassine dans ta chambre. Et d’appeler Zair pour lui dire d’acheter quelques bouillottes, rajouta-t-il quand Zane s’enserra étroitement à la recherche d’un peu plus de chaleur.

S’apprêtant à quitter la pièce, le colosse se stoppa un instant sur le seuil, se retournant à demi.

– Tu me promets de ne pas essayer de te lever ?

Un geste agacé du poignet fut la seule réponse qu’il obtint, prévu à l’origine pour être menaçant. Juste avant que le bras ne retombe lourdement, vaincu, à la grande frustration de son propriétaire.


µµµ


– D’après la doctoresse, ce n’est rien de plus qu’un gros rhume, expliqua Zair, époussetant sa veste des monticules neigeux s’y étant déposés.

Elle plia négligemment le vêtement sur son bras, le nez baissé comme si elle faisait particulièrement attention à ne pas le laisser dégoutter sur le sol de la chambre de son coéquipier. Pourtant, Tekris ne manqua pas la lueur d’indécision qui passa dans ses yeux pâle, toisant sans en avoir l’air son lit.

Toujours accompagné de son fidèle gant de toilette, Zane le releva un tout petit peu, juste assez pour lui dédier une expression de lointain triomphe, semblant lui rétorquer avec fierté quelque chose comme « tu vois, je l’avais bien dit ! ». Le plus surprenant étant qu’en dépit de son apparence proche de la baleine échouée, le chef des Radikors parvint à garder une façade de dignité pendant une bonne demi-minute, avant de céder, retournant s’enfouir sous la couronne d’oreillers que Tekris lui avait arrangées.

L’adolescent se trouvait roulé en boule autour des boules rembourrées de synthétique, abandonnant ses gants jetés en travers de la pièce à la suite d’un retour de mauvaise humeur, une couverture autour de son corps et une double paire de chaussettes de ski au pied, sans oublier la demi-douzaine de bouillottes formant comme un petit nid tout autour de son corps courbaturé. Le tout l’entourant tel un cocon de chaleur. Si le colosse trouvait, tout comme sa coéquipière le lui faisait clairement muettement comprendre, que c’était un chouïa exagéré, cela semblait au contraire apaiser un peu l’irascible extraterrestre. Mieux encore, oubliant pour un temps ses velléités de rébellion, Zane avait cédé au sommeil durant le voyage de Zair, sous le regard attentif de Tekris, surpris de le trouver plus à l’aise aussi entouré.

– Juste un rhume ? Aussi véloce ? s’étonna le colosse.

– C’est comme la plupart des maladies, ça commence par aller dans le pire, avant d’aller mieux. Ça ne sert à rien d’utiliser des antibiotiques pour un rhume, et la doctoresse a prescrit de quoi calmer les symptômes. Pour le reste, eh bien, il faut attendre…

Comme pour se moquer, Zane éternua à ce moment précis, juste avant de partir dans une quinte de toux monstrueuse. Fort peu rassuré par l’assurance dont faisait montre Zair, Tekris s’assit sur le rebord du lit, passant lentement la main dans le dos de son chef d’équipe. Un grognement s’éleva en guise de protestations, mais ne rencontrant aucune résistance franche, il continua son mouvement circulaire, tentant de réchauffer la peau qu’il sentait glacée à travers le tissu. Il n’aimait pas l’idée de devoir attendre. Et encore moins celle de devoir attendre sans pouvoir faire grand-chose, à part apaiser les symptômes de ce fichu rhume.

– Ne t’inquiète pas, ça ira bientôt mieux, reprit Zair, sans que ni l’un, ni l’autre, des garçons ne sache auquel elle s’adressait. Et puis c’est un bon prétexte pour prendre un peu de vacances, renchérit-elle, son ton faussement enjoué ne cachant pas totalement son manque d’assurance.

Tekris ne répondit rien, se penchant vers Zane avec précaution.

– Zane ? Tu te sens comment ?

– À don abis ? soupira l’adolescent, ouvrant péniblement une paupière.

Définitivement, il avait renoncé à prétendre aller bien.

– Tu veux quelque chose à boire, un truc comme ça ? proposa encore le colosse.

– Dan… Bais, du peut vérifier si des religues zont détecdées ? marmonna son vis-à-vis.

– Euh, tu ne vas pas courir après le kaïru alors que tu ne tiens pas sur tes jambes ? intervint Zair, soudainement bien plus angoissée.

Tentant un soupir théâtral, s’achevant en une quinte de toux, Zane renonça à répliquer vertement, renfonçant son nez dans le moelleux des oreillers.

– Dan… Je beux savoir gombien on rate de religues.

– On s’en occupe, assura Tekris. Dors, en attendant, ça te fera du bien.

Zane marmonna ce qui ressemblait à un remerciement, ramenant plus proche de lui encore les couvertures de son coéquipier. Laissant Zair s’éloigner à pas furtifs, mal à l’aise de constater la faiblesse momentanée de son grand frère, le colosse continua ses caresses dorsales jusqu’à ce qu’il sente le vert se relâcher complètement, basculant dans un sommeil bénéfique. Dans le doute, il mouilla de nouveau le gant de toilette, le disposant soigneusement sur le front trop froid pour qu’il ne se pose pas une montagne de questions.

Retenant sa respiration, le temps de s’assurer que sa manœuvre n’avait pas réveillé l’endormi, le colosse se glissa hors des draps, suivant le trajet emprunté un peu plus tôt par Zair sans bruit, refermant doucement le battant de la porte coulissante. Tournant les talons, il s’enfonça dans les profondeurs de la forteresse, ne tardant pas à retrouver sa coéquipière, jambes ballantes au-dessus du vide, dans la salle où Lokar convoquait ses E-Teens pour leur transmettre leurs ordres. Levant un visage soupçonneux, elle se détendit en réalisant qu’il ne s’agissait que de Tekris, l’observant silencieusement s’asseoir à ses côtés, X-Reader en main.

– Il se repose, déclara le colosse.

– Tant mieux. Ça fait bizarre de ne pas l’entendre pester contre un rien. La forteresse en est… calme.

Tekris approuva du chef. Bon, le fait qu’ils cessaient séance tenante les entraînements aidait tout autant, néanmoins, l’habitude d’entendre son chef d’équipe exposer à grands renforts de déclarations enflammées comment il allait dominer le monde qui lui appartenait à lui tout seul, ou élaborer des plans minutieux et compliqués dans le but de réduire à néant une fois pour toutes les Stax lui pesait bien plus qu’il ne l’avait imaginé. Un Zane au lit, ce n’était pas normal. Ça contrevenait à la stabilité de l’équipe !

– On fait quoi en attendant ? demanda-t-il le plus sérieusement du monde.

– Examinons nos X-Readers pour voir de combien de reliques les Stax vont nous doubler, comme il l’a demandé, soupira-t-elle lourdement.


µµµ


Émergeant tant bien que mal d’un sommeil fort peu reposant, Zane pesa un long moment le pour et le contre, avant d’ouvrir prudemment un œil. Depuis combien de temps naviguait-il dans cette bourbe mentale, au fait ? Une bonne journée, au moins. Non, deux, puisqu’il se souvenait vaguement d’une journée plus ou moins ensoleillée dont il avait passé la moitié à essayer de se lever dès qu’il se retrouvait seul. L’autre moitié réservée à ses maugréassions internes devant son incapacité à atteindre son objectif.

Un bon point cependant venait nuancer sa frustration : si son crâne jouait encore aux cymbales avec passion, il n’était plus obligé de garder ce maudit machin pendouillant sur son front pour supporter le marteau-piqueur sous stéroïdes essayant de forer le béton s’amusant dans sa tête. Il y avait du progrès…

Maussade, il ramena tout contre son torse son oreiller, maudissant la pile de couvertures au-dessus de lui incapable de le réchauffer convenablement. L’idée que cela ne convenait pas à un futur dirigeant de l’Univers ne l’effleura même pas ; juste avoir chaud lui semblait la plus délicieuse des récompenses possibles.

Captant un mouvement sur sa gauche, l’adolescent fit le suprême effort de tourner le visage, rencontrant les deux taches grises recouvrant les yeux de son coéquipier. Instinctivement, il se détendit. Non pas que cela le rassurait de le savoir présent ; simplement, chaque fois qu’il ouvrait les yeux, même brièvement, ses pupilles onyx rencontraient toujours la silhouette massive du garçon. Parfois accompagné de Zair, vaquant à il-ne-savait-quelles-occupations, la jeune femme restant toujours le temps de s’assurer que son frère restait en partie conscient, et tenait tant bien que mal le coup.

Mais Tekris, chaque fois, veillait près de lui, bien réveillé – à l’exception d’une fois, en pleine nuit, où le sommeil avait eu raison de lui – et prêt à répondre à ses moindres demandes. Une part de lui s’amusait de le voir si empressé, courant presque pour améliorer autant que possible son confort (avoisinant pour le moment le zéro, Zane devait bien l’avouer). L’autre s’en vexait affreusement, sachant pertinemment que ce n’était pas une quelconque aura d’autorité qui poussait le colosse à filer ventre à terre, mais plutôt une forme de pitié qu’il abhorrait. Remarque, vautré au beau milieu d’une mare de coussins et de bouillottes, Mookee lui-même, mascotte extrêmement facilement impressionnable des Stax, ne l’aurait guère plus craint qu’un bambin humain. Et mieux valait ne même pas parler d’un éventuel potentiel de charme.

Vraiment, sans se voir, Zane se douta bien qu’il ne ressemblait à absolument rien…

Alors, la présence de Tekris l’apaisait malgré lui, soulagé de constater que le colosse restait envers et contre tout à ses côtés, dusse-t-il évacuer le monticule de mouchoirs usagés dans le sac poubelle au pied du lit.

L’adolescent grimaça à cette pensée. Glamour, vraiment, cette histoire…

Heureusement, Ky n’était pas là pour observer sa déchéance. Voilà qui serait la cerise sur le pompon balancier. Là, rien ne l’aurait empêché de se jeter par le toit.

– Tekris ? souffla-t-il faiblement, détestant le peu de forces que trahissait sa voix.

Le colosse quitta immédiatement son fauteuil pour s’approcher du lit.

– Je n’étais pas sûr que tu étais réveillé, avoua-t-il, passant doucement la main dans ses cheveux.

Refermant un instant les paupières, Zane savoura la douceur de la caresse, apaisant sur son passage son mal de crâne. Trop peu, songea-t-il, le sentant revenir dès que la large paume s’éloignait un peu trop.

– Zair ? articula-t-il, étirant avec maintes précaution ses jambes engourdies.

– Partie surveiller les reliques. Et faire à manger, aussi. Tu as faim ?

Avant de répondre, l’adolescent avala sa salive, évaluant la grosseur du hérisson dans sa gorge.

Il grimaça, consterné. Ce n’était pas fantastique, mais oui, son estomac exigeait qu’il se sustente. Se contenter de picorer à droite à gauche et de boire quand sa gorge le laissait tranquille ne lui suffisait plus. Il hocha péniblement la tête, ne manquant pas le mince sourire soulagé étirant les lèvres de son vis-à-vis.

– Combien de temps, que je suis malade ?

Bon, il parlait encore un peu du nez, mais ce n’était pas aussi catastrophique qu’au début de son rhume. Par contre, essayer d’imposer quelconque autorité était encore un peu prématuré.

La main dans ses cheveux se décala, glissant sur son épaule avant de continuer son œuvre bienfaisante sur sa colonne. Ça, par contre, même sans tomber malade il aurait apprécié l’attention.

– Trois jours, à quelques heures près. Tu te sens comment ? Mieux ?

L’adolescent se tut, plissant le front tandis qu’il testait le reste de son corps.

– J’ai mal partout, mais le nez n’est plus trop bouché. Ma gorge est en feu, j’ai mal à la tête et aux poumons. Et j’ai froid.

C’était probablement le pire, d’ailleurs.

S’aidant de Tekris pour se caler plus confortablement, l’adolescent se mit à tousser comme un perdu, éternuant quand il était obligé d’inspirer profondément. Dans le doute, il laissa Tekris le redresser, concluant que s’étouffer ne figurait pas parmi les morts qu’il acceptait éventuellement de subir dans un lointain avenir.

Très doucement, Tekris fit de larges mouvements circulaires dans son dos, le laissant s’appuyer contre son torse. S’étonnant de se trouver en pyjama au lieu de sa combinaison habituelle, Zane sentit le dépit augmenter drastiquement. À tous les coups, il n’avait pas été capable d’effectuer cette tâche seule. Quel fantastique combattant que celui ne pouvant se déshabiller sans l’aide de son coéquipier !

D’ailleurs, depuis combien de temps ne s’était-il pas lavé, en fin de compte ?!

Plissant le nez de dégoût, Zane préféra éviter de calculer, lorgnant la porte qui, il le savait, menait à la salle de bain de son coéquipier

– Un bain, ou même une douche, ne me fera pas de mal, soupira-t-il.

– Oh, oui, bien sûr. Je vais te chercher des vêtements propres, attends-moi là, s’empressa de déclarer Tekris.

Profitant de la brève absence du colosse, Zane s’appuya résolument des deux poings sur le matelas, bien décidé à ne pas retomber face contre les oreillers. Inspirant profondément, il bascula ses jambes sur le rebord du lit, l’une après l’autre, s’interrompant le temps que le tournis l’ayant surpris se calme.

Et dire qu’après s’être remis debout, il lui faudrait encore marcher jusqu’à la salle de bain…

Cependant, ces quelques mouvements avaient dû lui prendre plus de temps que calculé, puisque Tekris s’engouffra de nouveau dans la chambre alors qu’il mobilisait seulement ses forces pour entamer son mouvement ascendant extrêmement technique. Soupirant dramatiquement, le colosse déposa les affaires à même le sol, franchissant la distance le séparant du vert pour glisser un bras sous ses aisselles.

– Tu ne pouvais pas m’attendre ? demanda-t-il sans trace d’ironie dans la voix – ce que Zane détestait.

Au moins n’en profitait-il pas pour lui faire la leçon, ou lui rappeler l’importance du rôle du colosse pour le moment. Au contraire, l’accent dans la voix rauque était presque tendre. En tout cas, suffisamment doux pour ne pas aggraver le mal de tête du vert.

– Hors de question de devenir impotent, rétorqua-t-il, dépourvu de sa verve habituelle.

Le colosse se contenta de tordre ses lèvres en une moue désapprobatrice, caressant machinalement la chevelure pas coiffée pour un sou de son chef d’équipe. L’aidant à s’avancer jusqu’à la porte de douche, Zane s’efforçant de conserver une attitude hautaine, avant d’y renoncer, trop fatigué, il l’aida à en franchir le rebord, laissant son fardeau pour récupérer les affaires toujours laissées sur le sol, déposant à leur côté quelques serviettes. Hésitant d’abord, le colosse finit par déguerpir quand il comprit que Zane, n’esquissant pas le moindre mouvement devant lui, refuserait de se laver en sa présence.

Ravi d’être un peu seul, l’adolescent batailla de longues minutes contre ses vêtements, les arrangeant avec précision sur le dossier de la chaise disposée près de lui par Tekris. Il ouvrit le robinet d’eau chaude, savourant la chaleur écartant enfin le souffle frigorifiant s’emparant de son corps depuis plusieurs jours déjà. Et puis, l’eau délassait merveilleusement ses muscles courbaturés. Satisfait de réussir à frictionner son corps humide, Zane renonça à se laver les cheveux, déjà vidé de son énergie par sa douche rapide. S’asseyant sur le rebord, il se sécha mollement, regrettant sincèrement que Tekris ne soit pas présent pour lui prêter main forte.

Enfiler les vêtements propres le laissa pantelant sur la chaise, une main sur ses tempes et des frissons parcourant l’ensemble de son corps. Mais au moins, avait-il pu aller au bout de sa mission !

Appelant Tekris aussi fort qu’il le put, Zane se laissa néanmoins aider avec soulagement pour marcher jusqu’à la salle à manger, s’appuyant contre les bras puissants le ceinturant étroitement.

Adossée contre le mur, Zair se redressa en voyant arriver l’étrange petit convoi, anticipant en tirant une chaise hors de la table. La remerciant sans paroles, Zane se laissa tomber plus qu’il ne s’assit, frottant ses bras recouverts d’un large pull. Étant donné qu’il n’en possédait aucun dans sa garde-robe, il supposa que Tekris avait choisi l’un des siens désormais trop petit afin de le réchauffer un peu.

Une attention qui le satisfit grandement, éloignant un instant sa maussaderie. Laissant ses coéquipiers entre eux pendant qu’il avalait à petites bouchées les aliments étalés devant lui, répondant par onomatopées quand Zair s’enquérait de sa santé. Il lutta pour ne pas piquer du nez dans son bol, tentant de se concentrer sur la conversation en cours. Sans résultats probants. Ha, si, au moins découvrit-il que le Redakaï ralentissait sa course au kaïru, persuadé que l’absence des Radikors était le résultat d’un abandon, suite à la disparition de leur Maître. L’adolescent ricana intérieurement. Comme si cela suffisait pour leur faire déclarer forfait.

Grimaçant de dégoût, il s’empara du fond de verre contenant l’ignominie que Zair appelait sirop censé apaiser sa toux. L’avala d’un trait, s’efforçant de ne surtout pas respirer. Cela valait mieux que les espèces de machins, là, les inhalations. Certes, le résultat pour déboucher son nez ne s’était pas fait attendre ; mais transpirer du visage alors que le reste de son corps se trouvait gelé était un contraste difficilement supporté par l’adolescent. Sans parler des trente-six minutes passées à essayer de coller son nez au-dessus de la casserole, parce que la vapeur l’empêchait de se positionner comme il le voulait !

Zane se remit brusquement à tousser, lâchant les couverts fièrement saisis un instant auparavant, tremblant de froid. Sans couvertures pour atténuer un minimum ses frissons, il avait l’impression de se tenir au beau milieu d’une tempête de neige, sans neige et sans vent.

Dépité de ne plus parvenir à avaler la moindre bouchée de nourriture, le vert s’échina un instant, ne se rendant à l’évidence que quand le verre d’eau qu’il tenta d’avaler lui râpa désagréablement la gorge. S’essuyant rageusement les lèvres, il laissa Tekris l’aider à se lever, son geste de colère ayant définitivement achevé de le vider de son énergie. Inquiet à l’idée de devoir parcourir tout le chemin menant à sa chambre à coucher, un soulagement intense l’envahit quand le colosse coulissa la porte de ses propres personnelles, aidant Zane à s’installer confortablement.

Sans les bouillottes, retirées car ne réchauffant désormais guère plus qu’un paquet de plastique rempli d’eau, il ne tarda à grelotter de nouveau, maugréant intérieurement contre la couverture, épaisse mais étouffante, le recouvrant. Inquiet, Tekris posa une main sur son front, hésitant à reprendre le gant de toilette pour tenter de l’apaiser. S’asseyant au bord du lit, il réajusta les oreillers, regrettant vaguement que son préféré soit présentement complètement accaparé par son chef d’équipe.

– Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? finit-il par demander, frustré de son impuissance.

– Froid, marmonna seulement Zane, ramenant les jambes contre son torse.

– Oh, oui, bien sûr ! Tu veux une couverture en plus ?

Émergeant sa tête des coussins, l’irascible extraterrestre foudroya du regard son coéquipier. Ou du moins, tenta de le foudroyer, n’obtenant du colosse qu’une expression intriguée. Trop fatigué pour avoir envie d’expliciter son idée, Zane fit un vague geste de la main pour lui signifier de laisser tomber. Hors de question de supporter une couche de plus, ou il allait périr écrasé ! Enfin, s’il ne crevait pas de froid avant.

– Je ne comprends pas pourquoi tu es aussi frigorifié, murmura pensivement Tekris. Personnellement, je meurs de chaud dans cette fichue chambre.

Le visage du colosse s’éclaira, comme un gosse trouvant la cachette des bonbons de ses parents.

– Attends, j’ai peut-être une idée ! Mais tu dois me promettre de ne pas essayer de m’arracher la tête.

Sans attendre de réponse, Tekris ôta ses chaussures, se glissant sous les draps à son tour, sans se soucier de la surprise de son vis-à-vis. Faisant une petite moue réflexive devant son impossibilité de franchir le rempart d’oreillers face à Zane, il le contourna prudemment, prenant soin de ne pas heurter le malade. Clignant des paupières, sans réellement comprendre, ce dernier jeta un regard en arrière, renonçant à suivre son mouvement quand la sourdine de son crâne l’avertit qu’il ferait mieux de ne pas trop tourner la tête.

À présent dans le dos de Zane, Tekris glissa doucement un bras le long de son flanc, vérifiant ne pas reporter son poids dessus, l’entourant du mieux qu’il put. Le dos collé au torse du colosse, le vert ne sut s’il devait éclater de rire, ou s’inquiéter du tour vraisemblablement hallucinatoire que venait de prendre sa maladie.

Évitant de le serrer trop fortement contre lui, Tekris frotta son dos de sa main libre, préférant de la passer sous le corps, allongé sur le côté, du vert tant qu’il ne se sentait pas mieux.

– Tu vas tomber malade, toi aussi, souffla Zane, très bas, la voix rauque.

– Mais non.

Rien d’autre. Juste un « mais non » tranquille, qui calma inexplicablement les cogitations de Zane. Décidant qu’au final, cela ne servait à rien de se creuser les méninges, il se contenta de fermer les paupières, laissant la chaleur corporelle de son coéquipier se transmettre lentement à son corps. Effectivement, le colosse n’avait pas menti en déclarant avoir chaud !

Et puis, ce n’était pas désagréable de sentir la poigne puissant du colosse autour de lui, sans qu’elle ne s’appuie de tout son poids sur lui. Son souffle, qui aurait pu le refroidir en tombant contre sa nuque, avait même été tellement réduit que Zane ne sentait qu’un léger déplacement d’air loin de le déranger. Il se sentait presque… bien. Pour la première fois depuis le début de sa maladie, il parvint à se détendre sensiblement, laissant aller sa tête contre le tissu rembourré accueillant sa joue.

Vraiment, sentir Tekris aussi proche de lui le rendait… euphorique ? Non, sûrement les huiles essentielles prescrites par la doctoresse lui montaient au cerveau. On ne savait jamais avec ces machins-là.

Les frissons s’apaisant enfin, l’adolescent sombra dans le sommeil.

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