Aesragen

Chapitre 26 : Ce qui se dissimule derrière nos actions

10758 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 22/12/2020 23:50

Ce qui se dissimule derrière nos actions


Le silence envahissait les couloirs sombres de la forteresse, tout juste assez éclairés par la lueur orangeâtre émanant de ses murs pour permettre de se frayer un chemin au sein du dédale traversant la haute bâtisse. Oser s’aventurer dans ce qui fut le sanctuaire de leur petite équipée sans connaître un minimum l’endroit équivalait à se jeter dans le labyrinthe du Minotaure en comptant sur sa chance pour retrouver la sortie ; tant de chemins paraissaient se prolonger sur des kilomètres encore, pour s’achever abruptement par un cul-de-sac que rien n’aurait pu prévoir. Ou, au contraire, une salle aux dimensions démesurées s’ouvrait après des heures de marche, là où la longueur du couloir laissait penser qu’il faudrait encore continuer longtemps avant de rencontrer le moindre signe d’une présence humaine… ou extraterrestre. Même Zair et Tekris, habitués depuis longtemps aux détours sinueux exigeant d’eux une attention constante, découvraient des endroits dont ils ignoraient totalement l’existence, bien que dénicher la salle contenant autrefois le Cube kaïru leur ait permis de revenir sur un chemin qu’ils connaissaient bien mieux. Guère étonnant puisque la pièce se trouvait sur le trajet emprunté quand ils venaient confier le kaïru récolté à leur Maître Lokar. Une chance, étant donné que l’autoritaire homme interdisait l’accès à l’ensemble de sa demeure, en-dehors de ces quelques passages obligés, à ses E-Teens. Néanmoins, Zane n’avait guère attendu que son Maître quitte la Terre, et donc sa forteresse, pour profiter des occupations de l’homme et se livrer à quelques explorations interdites, parfois accompagné de ses coéquipiers impuissants à le dissuader.

Une manie qui avait repris de plus belle lors de l’installation des Radikors dans la forteresse, dussent-ils se trouver accompagnés du gosse. Dès que le trio extraterrestre avait une minute à lui, l’irascible extraterrestre procédait à une fouille minutieuse de l’endroit, rapportant ses découvertes à ses compagnons une fois sa visite terminée. À la différence qu’il trouvait sans cesse une excuse pour que personne ne vienne se mettre dans ses pattes. Cela leur permettait de visualiser relativement clairement les recoins jalousement cachés par Lokar, et établir des voies de sortie si jamais il leur fallait un jour quitter en catastrophe la forteresse.

Une vague de précautions qui, au final, ne servait pas à grand-chose. D’abord parce que de toutes les pièces de la forteresse, les deux adolescents s’étaient retrouvés dans une qui leur était totalement inconnue. Ensuite, l’intervention de Koz, ses soldats et les Stax fut bien trop rapide, imprévisible, pour mettre à exécution leurs plans de fuite. Ce n’était pas faute d’avoir voulu rejoindre la salle où Lokar siégeait en permanence ; de là, les larges fenêtres, occupant au minimum la moitié de la surface de l’endroit, leur offrait une issue idéale pour prendre leur envol, à condition d’envoyer une petite attaque kaïru rouge, offensive, afin de les briser.

Un vrai labyrinthe du Minotaure, oui. À ceci près que les rôles se trouvaient inversés, songea Tekris, palpant discrètement son flanc blessé. Les intrus censés se perdre dans les couloirs traquaient les habitants censés tenir le rôle de la bête sauvage. Et ces derniers, contrairement à la légende, tentaient de quitter à tout prix leur lieu de vie. Vraiment, il n’était pas certain d’apprécier l’ironie de la situation.

Vérifiant brièvement que rien ne viendrait surprendre le duo en pleine réflexion, le colosse s’efforça de carrer les épaules, se faisant le plus discret possible. Ce qui n’était guère aisé avec sa carrure plutôt développée, malgré ses presque dix-sept ans, à trois semaines près environ. Derrière lui, sur l’échange d’une regard entendu, Zair se coula sans paraître même déranger l’air le long de murs, s’avançant jusqu’à s’aventurer au croisement leur faisant face, tellement carré que la visibilité en était nulle. De longues secondes s’écoulèrent, lourdes d’interrogations et de tensions muettes, avant que l’adolescente n’indique d’un geste que la voie se trouvait libre. Pour le moment.

À deux reprises déjà, près d’accéder à l’une des sorties prévues par les Radikors, le duo fut forcé de battre en retraite, de lourds bruits de bottes ferrées frappant le sol les avertissant de la présence imminente de soldats. Au minimum. Le jeune prince loin de sa planète n’avait visiblement pas renoncé à l’idée que les Radikors se terraient toujours dans un recoin sombre de la forteresse – et, exceptionnellement, l’ancien Imperiaz ne se trompait guère, au plus grand agacement des principaux intéressés. Organisés en groupe de deux, les quelques soldats encore en état de marcher effectuaient de fréquentes patrouilles, portant cette fois chacun un X-Com au poignet, prêts à informer l’ensemble de leurs collègues si quelconque signe suspect les alertaient. Incapables de recouvrir l’entièreté de la superficie de la forteresse, les hommes armés se concentraient sur les probables issues de secours, une stratégie que les Radikors connaissaient comme la favorite d’Illian, et adoptée dès que possible par son seigneur. La majorité des étages supérieurs, lors de l’inspection du Redakaï de la forteresse suite au départ de Lokar, ayant été bouchés, ou les fenêtres recouvertes de plaques métalliques impossibles à détruire sans alerter jusqu’aux créatures de la banquise, les possibilités d’échappatoire se limitaient drastiquement. Bien plus que le duo ne l’avait d’abord escompté, pris au dépourvu de la rapidité d’exécution avec laquelle ces mesures avaient été prises. Sans compter les Stax, sillonnant les couloirs, X-Reader en main et Maya en tête, la jeune femme à l’affût de la moindre trace de kaïru suspecte, aussi efficace, voir davantage, qu’un des petits appareils de ses amis.

Pire encore, de ce qu’ils pouvaient déduire d’après les continuels bruits de va-et-vient près de la porte principale, et surtout, ceux d’une étrange fanfare totalement incongrue en ces lieux, mais suffisamment passionnée pour s’entendre dans la plupart de la forteresse, Koz avait probablement établi son camp sur le chemin menant à la porte principale. Les salles assez grandes pour contenir un contingent entier, plus possiblement les Stax, quand cédaient enfin les couloirs cubiques, n’étaient guère légion. Aussi, cela leur permettait au moins d’avoir une vague idée de la localisation de tout ce beau monde. Bien qu’aucun des deux adolescents n’ait réellement compris pourquoi Koz décida tout à coup que de la musique serait une bonne idée pour poursuivre ses recherches. Était-il tellement certain de la victoire qu’il en oubliait toutes les règles de la traque ?! Excepté lors de ses débuts en tant que vulgaire chien de chasse, jamais il ne s’était montré aussi peu prudent. Une constatation mettant Tekris intérieurement en rage ; pour le prince, leur capture était donc inévitable ?! Il fêtait sa victoire avant même d’avoir quiconque entre ses mains ?!

Cela ne le motivait que plus à lui filer entre les doigts.

D’un autre côté, cela parvenait parfois à l’inquiéter dans des proportions astronomiques. Et si, au contraire, ces célébrations se trouvaient justifiées ? Si le gosse, ou pire, Zane, étaient aux mains du prince ?!

Impossible, se morigéna-t-il, rejoignant sa coéquipière en quittant son abri temporaire, mine de rien satisfait de pouvoir déplier ses muscles endoloris par cette brève station accroupie en dépit de l’élancement accompagnant son geste. Zane ne se laisserait jamais capturer aussi facilement. Sans compter qu’il refuserait tout aussi catégoriquement de livrer à l’insupportable prince, sans parler des Stax, ce qu’il considérait comme lui étant acquis, le gamin compris.

Pourtant, cela ne l’empêchait guère de sentir l’angoisse remonter en flèche dès que les premières notes d’une même ritournelle grotesque tant elle s’enflait de circonvolutions musicales résonnaient. Une fanfare qui ne daignait pas bouger de sa place, en plus de tout. À ce train-là, tous les cuivres lui seraient en horreur !

Reconnaissant finalement le couloir dans lequel ils se trouvaient, discrètement marqué à l’endroit où les murs rejoignaient le plafond de quelques symboles très proches des runes, qu’il avait appris à lire au contact de Zane et Zair, le colosse dévisagea sa coéquipière, incertain sur ce qu’il devait comprendre.

– Tu es au courant que là, on revient vers nos chambres, n’est-ce pas ? chuchota-t-il nerveusement.

La jeune femme acquiesça, prenant la tête de leur duo, sans apporter davantage d’explications. Vaguement inquiet, Tekris l’observa sans bouger, hésitant à l’emmener dans la direction opposée. Non pas qu’il s’imaginât que sa coéquipière s’arrangeait pour finir capturée, poussée par la culpabilité avouée dans la salle du cube kaïru, presque deux jours plus tôt. Elle reprenait autant que possible le contrôle de ses sentiments, poussée par une rage de vivre et de se battre que Tekris connaissait pour être profondément ancrée en elle, et ce dès leur première rencontre. Secouant le crâne, refoulant impitoyablement les éventuels prémices de souvenirs qu’il ne souhaitait guère convoquer en cet instant précis, le colosse se força à mettre un pied devant l’autre, préférant ne pas perdre de vue sa coéquipière. Il ne manquerait plus que cela.

Plongée dans ses réflexions, Zair eut un mouvement de surprise en s’apercevant de sa présence, à quelques centimètres seulement de son épaule, promptement dissimulé en croisant les bras, mimant le désintérêt. Si peu de traces subsistaient de son moment d’égarement, elle restait encore intérieurement perturbée, se torturant l’esprit chaque fois qu’ils évitaient une patrouille, cherchant le visage d’un homme qui n’apparaissait toujours pas. À une seule occasion, Tekris avait tenté de la rassurer en lui murmurant que ce Killian était peut-être en train de se rétablir au campement, raison pour laquelle il ne participait à la recherche. Ne réussit qu’à s’attirer un regard mêlé de diverses émotions, confusion d’être si facilement lisible, indignation qu’il la croit si impliquée pour un ennemi dont elle ne connaissait, au final, pas grand-chose, agacement de se trouver ainsi interrompue. Répliquant sèchement qu’ils avaient autre chose à faire que s’inquiéter pour la santé de soldats décidés à les pendre par les oreilles, ne se souciant guère de savoir que cela entrait en contradiction avec ce qu’elle avait déclaré un peu plus tôt, la discussion s’était trouvée close avant d’avoir commencée, le sujet n’ayant plus été abordé de nouveau. Qu’il s’agisse du soldat de Koz, ou même des Taïro. Pourtant, la jeune femme continuait de retourner encore et encore des pensées connues d’elle seule, se laissait encore davantage perdre dans le labyrinthe tortueux de son esprit lors des quelques pauses que le duo s’accordait. Impuissant à la tirer de ce qu’elle refusait de partager de nouveau, le colosse maudissait son incapacité à soutenir correctement ceux qui l’accompagnait depuis bien longtemps maintenant. Que ce soit Zair et ses peines à se rappeler pourquoi elle se battait ainsi, excepté pour suivre Zane, ou le chef des Radikors dont il ne parvenait à comprendre ses véritables intentions.

Néanmoins, il était tellement habituel que chaque Radikors garde ses impressions, hors du kaïru, enterrées au plus profond de ses pensées, les laissant surgir soit quand personne ne venait les déranger, soit, comme l’irascible extraterrestre, jamais autant que possible, qu’il ignorait totalement comment briser, même partiellement, cette barrière, intangible et pourtant plus réelle que bien des choses. Le silence posé sur leurs émotions et leurs souvenirs, pour la première fois depuis longtemps, commençait à montrer ses limites.

Intriguée par son absence d’insistance, Zair inclina lentement la tête sur le côté, sans pour autant interrompre sa marche. Il était vrai, réalisa le colosse, sentant une chaleur malvenue monter à ses joues, que ces derniers jours, chaque fois qu’ils empruntaient le moindre chemin pouvant peut-être leur permettre de quitter la forteresse, le colosse ne cessait de presser sa coéquipière, prétextant son impatience à retrouver les deux derniers membres des Radikors. Une cause somme toute tout à fait acceptable, se persuada-t-il. Elle se montrait vaguement étonnée parce qu’il n’avait pas pour habitude de vraiment prendre la parole. Et puis, il s’inquiétait réellement pour son chef d’équipe et le gamin. Ainsi que pour les réponses aux questions tourbillonnant sans arrêt sous son crâne, dès que la tension se relâchait ne serait-ce que d’un cran.

– Ce serait étonnant que les Stax n’aient pas trouvé nos chambres, finit-il par déclarer. Sans compter de les fouiller. Même si nous avons récupéré le plus important (il accompagna son geste en désignant son sac, contenant les quelques possessions ayant échappé à l’incendie de la forêt), mais rien ne nous dit qu’ils n’ont pas placé des pièges aux alentours. Des balles de plasma, par exemple.

– Je suis au courant, oui. Seulement, si nous coupons avant le couloir y menant, nous pouvons encore atteindre un des débarras de Lokar, tu sais, celui où le gosse s’est retrouvé coincé la nuit en voulant revenir avec toi ? Tout au fond, l’une des cloisons ne tient pas, et pour cause, c’est Zane qui l’a installée suite à ça pour éviter qu’il ne tombe à travers la fenêtre. Cassée depuis que j’ai envoyé Koz au travers. Une histoire de provocation au mauvais moment, crut-elle bon de préciser, juste au cas où.

Dire que Tekris fut surpris relevait de l’euphémisme. Croyant dans un premier temps à une mauvaise plaisanterie, la gravité de Zair le persuada du contraire. Sans compter que blaguer n’était guère malin dans leur situation actuelle. Ce n’était pas tant que Zane lui ait caché ce genre de détail qui le choquait tant, son chef d’équipe avait tendance à garder pour lui, eh bien, à peu près tout. Un peu moins depuis que Zair et lui avaient exigés de repartir sur un pied d’égalité, cependant, difficile de changer complètement un Zane.

– Tu es certaine que ce n’était pas plutôt parce que un accident, quel qu’il soit, aurait fait désordre ?!

– Nope. Enfin, ça aurait pu s’il n’avait pas promis m’étriper si ça remontait à vos oreilles, assura Zair, adressant au colosse un petit sourire en coin. Mais personne n’ira lui répéter que j’ai balancé, pas vrai ?

Pensivement, le colosse acquiesça. Après tout, ce n’était pas une si mauvaise chose que Zane cesse de vouloir se débarrasser du gosse, peu importe ce qu’il avait bien pu déclarer auparavant. Bientôt, Zair et lui sortiraient de cette forteresse inhospitalière, et partiraient rejoindre tous les points possibles de ralliement jusqu’à retrouver leurs compagnons. Et lui pourrait constater en direct quelle direction prendrait sa relation avec l’irascible extraterrestre. En espérant ne pas se faire rejeter comme un indésirable le moment venu.

Sans oublier quelques instants pour se reposer, loin de tout le stress provoqué par la présence des Stax et leurs alliés juste sous leurs pieds, ajouta-t-il mentalement, retenant une grimace de douleur.

À force de nier à toutes forces l’existence de sa blessure, sans ménager ses efforts, son corps lui rappelait de plus en plus régulièrement l’inutilité à long terme d’une telle démarche. Sans l’espèce d’onguent appliqué par Zane, seul à en détenir de toute l’équipe, l’effet apaisant si efficace s’effaçait bien trop rapidement à son goût, le laissant seul avec l’interminable marche au travers des couloirs tout aussi longs.

Encore quelques heures à tenir, et il n’aurait plus besoin de se soucier d’un quelconque handicap en cas de bataille, s’encouragea-t-il, soulagé de voir que ses grandes enjambées lui permettait de rester au niveau de sa coéquipière, aux pas pourtant bien plus rapides. Ne pas se laisser distancier, surtout, se répéta-t-il encore.

Malheureusement, il ne put tenir la distance bien longtemps, en dépit de ses efforts, à présent que la course du duo ne se trouvait plus entravée par la nécessité de se dissimuler à chaque tournant. En effet, aucun bruit de bottes ne venait perturber la chape de silence recouvrant les lieux, poussant les deux adolescents à redoubler de prudence et de discrétion. Exceptionnellement, même la cacophonique fanfare restait muette, durant l’un des rares moments de quiétude qu’elle daignait accorder. Un détail qui troubla vaguement le colosse, remarquant la même expression méfiante sur le visage de Zair. Peut-être un évènement soudain poussait les soldats à rester dans leur campement ? Ou bien les Stax tenaient une réunion avec leur Maître, de quelque manière que ce soit ? Car il ne croyait pas une seconde que Koz ait renoncé à les débusquer.

Restons positifs, se morigéna-t-il ironiquement. La chance venait peut-être enfin de tourner.

Se tournant légèrement afin de désigner le couloir qu’ils devaient emprunter pour parvenir au débarras, Zair remarqua finalement la distance s’étant creusée entre elle et son coéquipier. S’arrêtant un instant afin de lui permettre de revenir à sa hauteur, la tentative de paraître surveiller les arrières opérée par l’intéressé ne sembla guère la persuader, au contraire. Mal à l’aise de se retrouver au centre de l’attention, ce qui était, finalement, particulièrement rare avant l’arrivée du gamin dans leur existence, le colosse s’engagea sans mot dire dans l’allée démesurée. Trois lui-même empilés les uns sur les autres n’auraient suffi à combler la distance entre le sol et le plafond. Songeant que certains couloirs peinaient à contenir sa carcasse, Tekris se demanda si cela était voulu par Lokar, participant à la désorientation que provoquait la forteresse.

– Tu as une sale tête, commenta soudainement Zair, guettant sa réaction du coin de l’œil. Ta blessure ?

Une seconde vexé de se trouver aussi facilement percé à jour, le colosse réalisa cependant rapidement qu’avec sa démarche raidie, il ne pouvait qu’être démasqué. Que Zair ne le remarque qu’à présent était davantage surprenant que l’inverse. Puisque mentir ne pouvait que lui apporter plus de soupçons encore (et il n’éprouvait guère le désir de se voir plus encore sujet de l’attention), il décida de jouer franc-jeu, haussant les épaules afin de minimiser encore l’impact de son flanc douloureux.

– Rien d’important, ça me lance un peu, c’est tout. Tout ira mieux quand on sera sortis d’ici.

– Pour le coup, je ne peux qu’être d’accord avec toi, soupira la jeune femme. J’aurais dû faire plus attention à ce détail, ajouta-t-elle, serrant les dents.

– Ne t’en fais pas, je n’ai pas senti grand-chose jusqu’ici, assura-t-il, étonné de sa propre assurance.

Opinant du chef d’un air entendu, Zair n’insista pas, se concentrant de nouveau. En dépit de leur proximité avec plusieurs ouvertures donnant directement sur l’extérieur, aucun son autre que le cliquètement discret du métal par moments, grinçant sous les assauts du vent, ne laissait supposer une quelconque porte de sortie. Pour autant, aucun ne s’inquiéta plus que nécessaire ; il s’agissait là d’un des énièmes piège de la forteresse. Le froid même, pourtant transperçant, circulant dans les couloirs depuis qu’ils avaient été abandonnés par Lokar, refluait drastiquement, repoussé par les nombreuses installations et va-et-vient des combattants et des soldats, aidés en cela par l’isolation relativement exceptionnelle de l’endroit. Tekris pouvait bien se plaindre de frissonner par moments, ce n’était qu’un maigre détail par rapport aux températures négatives arborées par les plaines glacées. Néanmoins, si un petit courant d’air avait pu lui indiquer la présence de la si désirée fenêtre brisée, l’adolescent ne s’en serait guère plaint, son pas, même ralenti par sa blessure, s’accélérant exponentiellement à mesure que lui et sa coéquipière se rapprochaient du Saint Graal.

– Je n’aime pas ce silence, reprit à nouveau Zair, profitant régulièrement de ses ralentissements volontaires en faveur du colosse pour se retourner, sondant les ombres relatives s’étalant derrière eux. C’est étrange.

Comme pour démentir ses paroles, tout juste prononcées, le son régulier d’un bip sonore résonna dans l’air, la pochette accrochée à la cuisse de l’adolescente vibrant frénétiquement, attirant immédiatement l’attention de sa porteuse. Elle échangea un regard soupçonneux avec le colosse. Un piège orchestré par les Stax ?

Résolue à ne pas se laisser trahir de manière aussi peu héroïque, l’adolescente ouvrit l’écrin d’un blanc sillonné de petites bandes noires fines par endroits, s’emparant du petit appareil qu’il renfermait. Tout aussi intrigué, Tekris imita ses gestes, débouclant la pochette accrochée à sa ceinture, son X-Reader s’étant à son tour mis à s’affoler. Un regard aux écrans luisant d’un jaune-orangé suffit pour qu’ils comprennent la raison de la soudaine manifestations de leurs détecteurs de kaïru.

– Wow. Il y a un paquet d’énergie qui vient de se réveiller, manifestement, commenta le colosse.

– Peut-être, mais une seconde auparavant, nos X-Readers ne détectaient absolument rien.

Tout en parlant, Zair fit un tour sur elle-même, cherchant à déterminer la provenance d’une telle quantité de kaïru. De l’obscur, si Tekris avait un tant soit peu appris à reconnaître correctement les différents types de kaïru. Impossible, pourtant. Une année auparavant, Ky Stax, manipulant un tout nouveau kaïru, le kaïru prismatique, avait purifié l’ensemble du kaïru obscur sur Terre, excepté les attaques et monstres déjà détenus par les combattants. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle Lokar ordonnait à ses derniers élèves de disséminer les Échos un peu partout sur Terre ; ces étranges plaques étaient censées, une fois disposées exactement là où le voulait Lokar, contrer l’antidote au kaïru obscur détenu par le chef des Stax, permettant ainsi le retour de l’homme et l’accomplissement de ses plans. Bien que personne, Zane comprit, ne sache quels étaient les plans en question. De toute façon, Lokar n’avait jamais cru bon de les exposer, et ce depuis l’entrée de Tekris sous ses ordres, à ses E-Teens. À eux de déduire et comprendre, s’ils le pouvaient.

– De plus en plus bizarre, murmura Zair. D’après mon X-Reader, la source provient directement de nos chambres. Enfin, de l’une d’entre elles. Sauf que nous n’avons rien laissé de ce genre derrière nous.

– Comme si les Stax n’avaient pas tout passé au peigne fin, commenta sobrement le colosse.

Une fraction de seconde, aucun des deux ne parla, tentant de deviner ce qui pouvait bien se tramer à leurs dépends. Zane s’était-il arrangé pour placer une petite surprise à retardement pour les Stax et leur royal allié ? Non, il n’aurait jamais eu le temps d’installer quoi que ce soit. Tekris était bien placé pour savoir que l’irascible extraterrestre avait été particulièrement occupé jusqu’à l’arrivée de leurs ennemis.

– Et s’ils n’avaient pas eu le temps ? Ça ne fait que trois ou quatre jours qu’ils sont ici. Si jamais ils trouvent un seul détail leur permettant de remonter jusqu’aux Échos, ils ne tarderont pas à en informer le Redakaï, risquant de prévoir nos actions. Voir de nous coincer. Lokar, et même Zane, ne nous pardonneront pas d’avoir laissé passer une telle erreur !

– Tu es folle ? s’exclama spontanément Tekris. La sortie est juste à côté ! Hors de question de faire demi-tour ; d’après Lokar, nous avons presque terminé d’exécuter ses ordres. Une fois de nouveau tous ensemble, nous n’aurons plus à craindre qu’ils ne retrouvent, et cette fois nous serons préparés !

– Peut-être, mais tu crois vraiment que notre cher Maître retiendra cette explication ? N’oublie pas que même extrêmement affaibli par sa défaite contre Maître Baoddaï, il reste capable de nous faire payer ce qu’il définira comme de l’insubordination. Et ce ne sera jamais de sa faute, tu le sais très bien!

Partagé, Tekris observa le couloir empli de promesses s’étalant devant leurs yeux, presque moqueur tant il paraissait inaccessible en dépit de sa proximité. Évidemment qu’il était au courant du caractère, comment dire, autoritaire de leur Maître. Tout comme il avait eu quelques démonstrations des manifestations de sa colère. Mais de là à renoncer à leurs chances de s’échapper sur la base d’une supposition.

– C’est bon, sort la pièce. On va décider au sort, soupira-t-il. Mais fais vite !

Le seul moyen de départager des Radikors campant sur leurs position, songea ironiquement le colosse, observant sa coéquipière tirer de sa pochette un petit rond métallique. D’environ une dizaine de centimètres de diamètre, polie par des années passées au fond d’une poche puis manipulée sans réelle douceur, noircie par endroits là où l’argenté dominait entièrement autrefois, Tekris n’avait plus besoin de l’observer pour reconnaître l’étrange blason sur le revers représentant un drôle de bâton s’achevant par une lame de la longueur de son avant-bras, si elle était réelle, devant une rune stylisée, légèrement différente de celles utilisées pour repérer leur chemin, rappelant deux ailes de prédateur acérées. Tout comme il savait que la seconde face, arbitrairement désignée comme pile, était ornée d’une forme humanoïde féminine au visage dissimulé par des ombres imaginaires, vêtue d’une armure dont le dos était protégé par un bouclier rectangulaire au bas pointu. Puisque personne ne choisirait de céder du terrain, il préférait régler tout de suite le problème en croisant les doigts ; ainsi, aucune chance de tricher. Et puis, ce n’était pas une si mauvaise idée au fond. Des années plus tôt, alors qu’il n’était encore qu’un enfant tenant la main d’une gamine terriblement bornée, cette pièce l’avait poussé à traverser les lignes des geôles sans certitude de réussir à atteindre l’autre côté.

Étant donné qu’il se trouvait où il en était aujourd’hui, il pouvait affirmer que cela l’avait presque sauvé.

– Je prends face, déclara Zair, comme à son habitude ; la jeune femme ne changeait jamais, par superstition.

Calant la pièce sur l’ongle de son pouce, elle la fit sauter avec force, le colosse suivant son ascension avec nervosité. Pourvu que cela tombe sur pile, pour une fois.

Au moment où Zair récupéra son bien, s’apprêtant à le retourner sur le dos de sa main, les X-Readers des deux combattants s’affolèrent brutalement, leur coque commençant à chauffer la paume de leurs possesseurs. Tekris ouvrit la bouche, sans avoir ce qu’il comptait dire. Un rugissement furieux rebondit sur les murs, ébranlant jusqu’aux fondations de la forteresse. Du moins, c’est ce qu’il crut bien ressentir. Impossible, à moins que les Stax ne soient soudainement atteints de surdité, qu’ils n’aient pas entendu !

– C’était quoi ce truc ? s’exclama Zair, renonçant au tirage au sort et rangeant la pièce à sa place.

À la périphérie de son champ de vision, le colosse distingua une vague forme sombre venue du couloir perpendiculaire. Se dirigeant bien trop rapidement vers eux pour que ce soit amical, d’après son expérience.

– Filons d’ici ! cria-t-il, approuvé promptement par sa coéquipière.

Soudainement entourée d’une nuée de brouillard surgit de nulle part, la seule fille des Radikors ne dut son salut qu’à ses réflexes, et sa rapidité. Avisant un faible espace entre deux nappes fantomatiques, elle bondit, passant au travers du filet se resserrant une seconde avant que celui-ci ne se referme, roulant sur le sol pour amortir et se relever dans le même mouvement. Le brouillard, d’un violet profond, parcourut d’agressifs éclairs d’un bleu légèrement plus clair accompagnés de bulles d’une couleur indéfinissable, s’abattit avec violence sur le métal, dans un fracas épouvantable.

Secoué, Tekris posa une main au sol, priant pour ne pas s’échouer face contre terre. Pas avec ce truc juste sous son nez. S’il se fiait aux battements frénétiques de son X-Reader, fermement serré dans sa main, il s’agissait de la source de kaïru obscur. D’accord, ce dernier pouvait se montrer doté d’une certaine forme d’initiative, quitte à se comporter comme pourvu d’instincts de destruction innés. Mais de là à les attaquer avec autant de conviction, cela dépassait quelque peu son entendement.

Sentant la présence de sa coéquipière à ses côtés, bien moins impactée par les tremblements secouant le métal, le colosse tourna le visage vers elle, afin de lui enjoindre de se transformer pour éliminer leur ennemi au plus vite. Tant pis pour la discrétion, de toute façon disparue depuis le premier assaut de ce truc ! Se figea en constatant la surprise pure figeant les traits de la jeune femme, qui ne semblait pas seulement le voir.

Suivant son regard, Tekris étouffa à grand-peine un cri de surprise.

La masse nuageuse de kaïru obscur se tordit affreusement, perdant en largeur ce qu’elle gagnait en hauteur à mesure de sa transformation hideuse. L’énergie se rassembla, jusqu’à créer une sorte de silhouette dépassant de plusieurs têtes celle de Tekris, dotée de bras démesurés, plus épais que sa coéquipière, tout aussi paralysée que lui. Mais même en ne distinguant que des contours irréguliers, sans cesse mouvants, le colosse crut, au détour d’un remous, reconnaître vaguement les traits d’êtres mécaniques qu’il n’imaginait pas revoir un jour.

– Attends, quoi ? Les Hiverax ? laissa-t-il échapper, se redressant en grimaçant.

– Impossible, ils ont été détruits par Lokar ! balbutia Zair, complètement perdue.

En partie formée, la créature à demi Hiverax leva le poing. Comprenant ses intentions, Zair empoigna brusquement le poignet de Tekris, l’entraînant dans une course désespérée dans la direction opposée.

Trop lentement.

La masse de kaïru obscure s’abattit avec violence alors que les adolescents n’avaient pas faits trois pas.

Le sol craqua sinistrement, de larges fissures se creusant, se propageant le long des murs, du métal, frappant les plaques soutenant le duo Radikors. Puis l’ensemble céda dans un hurlement proche d’une explosion, entraînant les adolescents, débris volant en tous sens, plateformes assez larges pour broyer un corps qui aurait la malchance de se trouver sous elles, dans un enchevêtrement impossible à démêler en fragments.

Un cri de peur franchit la barrière des lèvres de Tekris, sentant la poigne de sa coéquipière se desserrer sans pouvoir la retenir. Sans qu’il ait pu avoir le temps de voir sa vie défiler devant ses yeux ou réfléchir à un miracle pour les sortir de là, son corps traversa un premier plafond cédant sous le poids des décombres, peut-être un deuxième, difficile de distinguer quoi que ce soit, les bras levés devant son visage dans une veine tentative de le protéger.

Sa chute ne dura que quelques secondes, une dizaine au maximum ; pourtant, il eut l’impression que cela faisait une éternité qu’il tombait, avant que son corps n’entre subitement en contact avec un sol qui ne s’effondra pas à son tour. Il cria de douleur, la vision troublée d’un flou lui empêchant de distinguer quoi que ce soit clairement. Néanmoins, au travers de sa confusion, il comprit rapidement que la chose très sombre filant vers lui à une vitesse folle n’allait pas daigner s’écraser à côté de lui.

Mobilisant toute sa volonté pour mouvoir son corps endolori, il poussa sur ses bras, roulant sur le côté alors que le souffle d’air provoqué par la plaque de métal qui s’encastra dans une verticalité parfaite manquait de le projeter plus loin encore. Ahanant, il n’osa plus faire le moindre geste, paumes contre sa nuque et visage contre le sol, écoutant avec angoisse la pluie des décombres s’échouant tout autour de lui.

Il ignora combien de temps s’écoula avant que seul le son de la poussière s’écoulant en une mince cascade coulant des étages supérieurs ne résonne dans la lourdeur. Même ainsi, il fallut plusieurs secondes supplémentaires avant que le colosse n’ose remuer lentement ses muscles. Tentant de se mettre à genoux, tête baissée afin de la secouer et de la débarrasser des fines particules la recouvrant, Tekris cria de douleur, plaquant une main contre son flanc, l’autre le soutenant pour ne pas qu’il s’effondre.

Foutue blessure, pesta-t-il, le souffle court. Décidément, il fallait qu’elle se réveille au pire moment !

Une toux éperdue retentit, tirant le colosse de son immobilisme. Inspirant profondément, déplaçant sa main jusqu’à son nez pour ne pas éternuer, il glissa prudemment afin d’épargner son flanc blessé.

– Zair ! Tout va bien ? parvint-il enfin à articuler, sentant la poussière le prendre à la gorge.

N’entendant d’abord aucune réponse, il craignit le pire. Il suffisait d’une mauvaise chute, et l’adolescente pouvait très bien ne plus jamais revoir la lumière du soleil. Lui-même avait bien manqué se faire trancher en deux, moins d’une minute auparavant !

Heureusement, la toux s’apaisa peu à peu, laissant la place à la voix de sa coéquipière, rauque d’avoir inhalé autant de poussière. Soulagé, Tekris soupira lourdement, frottant cette fois les verres de ses lunettes pour en ôter l’écran opaque l’empêchant de voir davantage que des formes indistinctes. Pourvu qu’elles ne se soient pas brisées durant la chute ! Sans elles, il ne pouvait se battre, et il était difficile d’en dénicher une paire.

– Je hais cette forteresse, lâcha Zair avec spontanéité. Mais je suis encore vivante ; c’est l’essentiel.

– Parfait, répondit Tekris, entièrement d’accord. Maintenant, tirons-nous avant que…

L’adolescent se tut, à demi-relevé. Désormais, il pouvait désormais examiner relativement clairement les alentours, concluant qu’ils avaient bien traversé deux étages, et non pas trois.

Cependant, son regard se retrouva accroché par deux iris dorés, quelques mètres plus loin. Le fixant avec une stupéfaction digne de la sienne. Tout comme ses trois compagnons humains, figés par la surprise.

Comprenant dans quel pétrin ils venaient encore de se fourrer, le colosse laissa échapper une injure qui, si Zane était présent, lui aurait valu une bonne semaine de corvée supplémentaire.


µµµ


Progressant le long des interminables couloirs de la forteresse, comme il en prenait l’habitude depuis quelques temps, perdu dans de sombres pensées, Koz se retourna pour la énième fois, scrutant les environs avec attention. Reprit sa route, soulagé de ne croiser personne, et en même temps angoissé que cela soit bientôt le cas. Il ne se sentait pas la force de lutter une nouvelle fois contre ses parents, qui n’acceptaient certainement pas ses conditions de retour sur Mandraliore, tout en refusant de concéder quoi que ce soit. Ou encore, de rencontrer Ézéchiel, et de se comporter le plus froidement possible avec lui.

Que ferait-il si le jeune soldat à la chevelure de cuivre se présentait à lui, seul, au beau milieu des couloirs assez larges pour qu’une dizaine de chevaux y passent de front ? Et s’il le trouvait étrange, lui demandait ce qui pouvait bien le pousser à s’éloigner subitement de ses hommes, lui qui prenait toujours le temps de s’asseoir non loin d’eux, écoutant les conseils de son capitaine ? Peut-être croirait-il que la visite inopinée de ses parents n’était pas étrangère à cette nouvelle attitude.

Et, Koz devait bien se l’avouer, ce n’était pas totalement faux. Quelques mois plus tôt, accueillir sa famille, l’aurait seulement inquiété de la manière dont il allait expliquer le manque de résultats de sa traque. Mais tant de choses avaient changé entre-temps ! Tellement que le jeune homme ne savait guère quoi en penser. À commencer par la nature… sodomite de ses soldats. Excepté Illian, heureusement, sinon, il commencerait à craindre pour sa vertu. Certes, aucun n’avait jamais fait mine de l’approcher en cachant des intentions pédérastes, seulement, se détacher de toutes les histoires murmurées aux détours des couloirs du palais, assénées depuis sa petite enfance, ne pouvaient être oubliées en un claquement de doigts.

Plus encore, la présence de ses parents, leur façon de réclamer sa présence pour le moindre prétexte, leurs tentatives fort peu subtiles de le faire abandonner sa quête, les domestiques dormant à même le sol, séparés du froid par une simple couverture… l’humiliait davantage qu’autre chose. Devant les Stax, réprobateurs à chaque caprice royal, le jeune prince ne rêvait que d’une chose : ordonner à ses hommes de plier bagages, et courir, loin, très loin. Et cela ne le rendait que plus honteux.

Cela ne suffisait pas que son corps le trahisse pour un autre homme, tout juste de son âge, il se détournait lui-même de ses parents, et de son plein gré. Rien que cela suffisait à le condamner définitivement aux yeux du couple royal. Plus encore, il tremblait à l’idée que les penchants de la majorité de ses hommes ne soient découverts, mais pas seulement à cause des conséquences que cela pourrait provoquer sur le nom de sa famille : il osait s’inquiéter pour ses soldats en sus de tout, allant jusqu’à réfléchir à un moyen de les mettre hors de portée de l’autorité de ses parents. Lui, censé devenir le bras droit de Diara, sa jeune sœur, dès qu’elle désirerait prendre le trône !

Personne ne se faisait d’illusion. Son père le roi adorait bien trop sa chère princesse blonde pour le laisser occuper la place lui revenant pourtant de droit. Peu importait sa qualité d’aîné, et d’héritier actuel. Il suffisait d’un mot de sa sœur pour que tout lui coule entre les doigts. Le pire, étant qu’au fond, cela n’était pas forcément une si mauvaise chose, si le prince en personne se détournait du droit chemin.

Gémissant de souffrance intérieure, Koz passa une main nerveuse sur son crâne désormais dépourvu d’une bonne partie de son ancienne chevelure. Capturer les Radikors, prouver au Redakaï que Lokar ne comptait guère davantage qu’une vieille paire de chaussettes usagées, montrer que les coups bas passés n’étaient guidés que par la main d’un homme avide de pouvoir, menaçant les Imperiaz de s’en prendre à leurs parents si jamais ils n’obéissaient pas. Et un petit peu de rivalité entre combattants, sûrement. Mais au moins, en réduisant à néant la dernière force dont disposait encore Lokar, il s’assurait l’approbation du Redakaï, achevait de faire la paix avec lui-même. Surtout, surtout ! Ses parents, ses sœurs, tout le monde aurait vu qu’au final il détenait de la force, qu’il pouvait diriger, régner, traquer !

– Qu’a fait le Redakaï pour arrêter les Radikors, hein, pendant tous ces mois?! Est-ce que les Stax ont traversé des forêts boueuses, des marécages piégeux, franchi des montagnes en manquant d’échouer au fond d’un ravin ?! Personne d’autre que moi et mes soldats ont essayé de les arrêter, soi-disant que d’autres préoccupations les occupaient, occupés à récolter le kaïru ! Combien de reliques ai-je raté, de pouvoir, juste parce que je poursuivais ces maudits Radikors, hein ? Combien de fois Maître Baoddaï m’a félicité de respecter le Code d’Honneur à la lettre ! Qu’est-ce que j’ai obtenu en retour ?! Mes parents me prennent pour un fou, les Stax pour un incapable ! Sans parler des Radikors, qui se croient invincibles !

Peu importait la difficulté dans laquelle il finissait par fourrer l’équipe extraterrestre. Chaque fois, les trois adolescents revenaient se confronter à lui, entourés d’une aura d’impudence déclenchant en lui une colère âcre. Plus insupportable encore était Zane, et ses remarques cinglantes le rabaissant sans cesse ! Rien ne pouvait effrayer le chef d’équipe, toujours premier à déclencher les hostilités et à se moquer de son adversaire. Et encore, si seulement le jeune homme pouvait être son plus grave problème ! Depuis qu’il avait réalisé s’égarer bien trop au sujet d’Ézéchiel, chaque nuit, ses rêves se peuplaient du visage parfaitement formé du jeune homme, de ses mains fines, de son corps trop délicat pour porter les plastrons guerriers ornés du blason de la famille royale. Ah oui, allait-il oublier, sa sœur se trouvait enceinte de ce qui serait son futur enfant, enfant pour lequel il devrait prétendre avoir eu une aventure avec une humaine, hors mariage. Un bébé qui arriverait bientôt, désormais. Il ignorait même combien de temps les enfants devaient rester dans le ventre de leur mère jusqu’à récemment, peu soucieux de ce qui était censé rester éloigné de lui encore longtemps !

Pourquoi Lokar ne pouvait-il pas périr une bonne fois pour toutes ? Et pourquoi les Radikors ne suivaient pas le même chemin, au lieu le tourner en dérision, lui et ses hommes ?

– Koz ! Attends !

Le jeune prince se figea, angoissé à l’idée que ce Ézéchiel qui vienne, sur ordre d’Illian ou de sa propre initiative, le retrouver durant l’une de ses pérégrinations à travers la forteresse. Sa gorge se bloqua, l’empêchant de déglutir. Quelqu’un avait-il entendu sa déclaration solitaire, un peu plus tôt ?

Il suffisait d’une personne, une servante de ses parents, courant rapporter la nouvelle à ses maîtres…

La panique se muant en angoisse, il se retourna lentement, craignant le pire.

Son corps se détendit immédiatement, tandis qu’il fixait stupidement l’équipe des Stax, venant à sa rencontre. Un court instant, aucune pensée cohérente ne daigna se formuler dans son esprit, submergé par le soulagement. Suffisamment pour que l’équipe monastèrienne parvienne à sa hauteur, X-Reader en main.

Plus surprenant fut la présence d’Illian à leur côté, le quadragénaire s’inclinant respectueusement à la vue de son seigneur. En effet, depuis son léger débordement, les Stax évitaient soigneusement de se retrouver en présence du capitaine de Koz, Ky en particulier se montrant agacé du manque d’attention que leur apportait l’adulte à leurs reproches sur son comportement indigne. Illian tendait toujours à se montrer dédaigneux quand ce n’était pas son seigneur, ou les hommes sous son commandement, qui lui adressaient la parole. Y compris, parfois, envers les parents de Koz. Ou plutôt, perdu dans ses tâches habituelles, le capitaine tendait à oublier de traiter avec plus d’égards encore les altesses royales que leur fils aîné.

– Ça fait une bonne heure qu’on te cherche, déclara Boomer, courbant le dos, mains sur les genoux, le temps de reprendre son souffle. Faudrait que tu arrêtes de te promener n’importe où comme ça.

– Au moins, quand tu gardais ton escorte, le bruit des bottes nous indiquait à peu près ta position, tenta de plaisanter Maya, décochant un coup de coude dans les côtes du blond. Heureusement, Illian a accepté de nous guider aux endroits où il pensait que tu serais.

– Illian ? Vraiment ? répéta Koz, étonné que les Stax aient fait appel à lui.

Autant qu’il l’était que son capitaine sache à peu près où il se rendait. Tout en le remerciant intérieurement de n’avoir jamais cherché à l’interrompre durant ses vagabondages au travers de la forteresse.

Réajustant l’épais bandage entourant son crâne, le capitaine confirma les dires des monastèriens, inquiet d’avoir froissé son seigneur en le dérangeant alors qu’il désirait rester encore un instant en solitaire.

– J’espère que vous me pardonnerez, mon prince. Il me semblait que la situation exigeait que vous soyez mis au courant de ce que ces adolescents ont à vous dire.

Ne sachant quoi répondre, le jeune prince hocha machinalement, encore sous le choc d’avoir frôlé la catastrophe. Scrutant enfin les humains de part et d’autre de son corps, il remarqua leurs visages rayonnants, ainsi que le trépignement impatient de leurs semelles sur le sol métallique de la forteresse. Plus encore, une surprise sincère marquait les traits de Ky, les yeux rivés au petit appareil qu’il tenait en main, observant son ancien ennemi du coin de l’œil comme s’il le soupçonnait de leur cacher quelque chose.

Comprenant enfin que la remarque de Maya attendait en réalité une réponse, il balbutia, nerveux.

– J’avais juste besoin de m’aérer un peu la tête. Juste pour rassembler mes idées.

– Sans blague ? Avec la crécelle qui crie à tout bout de champ sur l’inconfort de la forteresse, pas étonnant que le moindre commis d’office profite de la plus petite excuse pour filer à l’autre bout du bâtiment.

Une nouvelle fois, Maya frappa son coéquipier, du talon cette fois, sur les orteils, tirant du solide garçon un glapissement médusé. Accompagnant son geste d’avertissement d’un regard lourd de reproches, elle tenta de lui faire comprendre que parler ainsi d’une mère devant son fils relevait de l’indélicatesse la plus caractérisée. Si seulement elle n’avait pas paru si désolée pour ledit fils d’avoir à supporter un tel arbre généalogique, Koz pourrait peut-être la remercier de l’attention.

Réalisant finalement son erreur, Boomer se tut sagement, se redressant en mimant un intérêt soudain et irrésistible pour son propre X-Reader. Personne ne pensa utile de faire semblant de croire son excuse.

– Dis plutôt qu’il tente de fuir notre compagnie, railla Ky, fixant le prince droit dans les yeux.

Immédiatement piqué au vif, Illian le dévisagea d’un regard glacé, croisant les mains derrière son dos pour ne pas laisser voir la crispation s’étant emparée d’elles. Connaissant suffisamment son capitaine, Koz se douta que s’il ne tentait pas de se montrer irréprochable pour ne plus tâcher le nom de son seigneur, le brun n’aurait peut-être pas échappé à un sermon en règle.

Le chef des Stax était le plus dubitatif des monastèriens – à part Maître Baoddaï peut-être –, et ne se gênait pas pour le lui faire bien comprendre. Étrangement, alors que les parents des Imperiaz se trouvaient encore enfermés dans les geôles de Lokar, il avait été le plus compréhensif de son équipe quant à leur situation précaire. Néanmoins, depuis la libération de ceux-ci, les machinations et autres tentatives de l’équipe princière du temps où elle travaillait encore pour Lokar semblaient lui revenir en mémoire, le poussant à se montrer particulièrement revêche. Les méthodes employées par Koz et ses soldats entraient également en totale contradiction avec ses principes personnels, et cela ne s’était pas arrangé avec la menace du gosse traînant avec les Radikors par Illian. Peu importait que Koz tente de se montrer coopératif, acceptant les reproches les dents serrées, incapable de regarder ses hommes dans les yeux après chaque aveu d’échec de sa part. Chaque fois, le brun paraissait dépité que le Redakaï ait accepté de confier la traque (enfin, la « recherche » dans le but de les empêcher de nuire selon les termes des Maîtres) à un adolescent pas même capable de remporter un défi kaïru en équipe. Il fallait vraiment que le monastère manque d’effectifs pour s’en remettre à des soldats armés, sûrement.

Le jeune prince ne savait pas même comment Maître Baoddaï réagirait en apprenant le déroulement des derniers évènements ! Car il l’apprendrait, obligatoirement. Ses élèves ne manqueraient pas de lui transmettre un rapport détaillé de la situation, et le vieil homme n’apprécierait guère d’apprendre qu’un enfant avait été menacé ? Jusque là, l’exploration de la forteresse, et la recherche des deux Radikors peut-être encore entre ses murs empêchaient les Stax de retourner au monastère. Mais cela ne tarderait pas non plus.

En l’absence de résultats probants, Koz risquait fortement d’être remercié, et renvoyé à sa vie de château, avant que le bébé de Teeny ne naisse… et sans avoir pu mener à bien sa quête.

Le Redakaï d’un côté, ses parents de l’autre exigeant son retour à toute force, le temps jouait contre lui.

Une petite minute, les Stax communiquaient chaque jour avec leur Maître, se rappela-t-il soudainement, une sueur glacée coulant le long de son front. Était-il possible que l’homme soit déjà au courant ? Attendait-il que Koz parvienne à capturer, ou non, les Radikors avant de décider de possiblement l’écarter ?

Il lui fallait absolument des résultats, et le plus vite possible ! Il devait prouver sa valeur ! Continuer de protéger ses hommes et leurs mœurs étranges en les gardant sous le couvert de son prestige. Personne n’oserait s’en prendre à eux si sa réputation s’enorgueillissait d’avoir capturé et livré la plus grande menace actuelle du Redakaï. Et surtout pas à Ézéchiel. Il ne pouvait se permettre de céder au tourbillon interne de confusion l’emportant dès que le jeune soldat pénétrait dans sa tente pour effectuer ses tâches quotidiennes, mais il lui restait possible de s’assurer qu’aucun mal ne lui soit fait, à lui ou aux autres membres le suivant.

– Alors, tu as perdu ton sens de la répartie ? le provoqua de nouveau Ky, un sourire narquois aux lèvres.

Cessant un instant de jouer la comédie, Boomer ne put se retenir d’éclater de rire, laissant le jeune prince rouge de gêne. D’habitude, il ne se laissait pas aussi facilement perturber ! Enfin, il s’efforçait de garder beaucoup plus de dignité. Trouver un moyen de détourner la conversation, et vite !

Mimant un retour de mal de tête, trop fréquent ces derniers temps pour que Koz ne s’en inquiète pas, Illian porta la main à sa tempe, déployant juste assez son bras pour heurter du coude le chef des Stax. Sursautant de surprise, le brun serra les mâchoires, laissant le temps au jeune prince de reprendre un semblant d’assurance, drapé dans une attitude hautaine bien plus propice à son statut.

Remerciant mentalement son mentor, Koz croisa les bras, feignant l’indifférence.

– En fait, j’attendais que tu me dise ce qui t’amènes ici. Je croyais que c’était important, mais puisque nous perdons notre temps à discuter, je suppose que je peux continuer de marcher encore un peu.

Cette fois, ce fut Maya qui pouffa, dissimulant son amusement dans une quinte de toux très mal imitée.

– Difficile d’échanger avec un type qui refuse d’ouvrir la bouche, rétorqua, un peu sèchement, le chef des Stax. Mais puisque tu as retrouvé l’usage de la parole, nous allons pouvoir passer aux choses sérieuses. Maître Baoddaï nous a chargé de te rapporter que ton plan a bizarrement fonctionné.

Le cœur de Koz se mit à battre plus fort. Véritablement ? Son idée, prise sur un coup de tête, était la bonne ?

– Ah ? Oh, eh bien, je n’en ai pas douté une seconde, déclara le jeune prince, redressant l’échine.

Machinalement, ses doigts se portèrent à sa poitrine. Là, contre sa peau, soigneusement conservé dans une pochette cousue à même le vêtement, le portait du gosse accompagnant les Radikors sembla le réchauffer.

– Tant mieux pour toi, marmonna Ky, laissant sous-entendre que lui seul croyait en ses chances (lui et ses soldats, se corrigea-t-il. Il ne doutait pas une seconde que son contingent soutenait corps et âme ses décisions). Bref, d’après mon oncle, Zane et le gamin sont dans une ville dont j’ai oublié le nom…

– Zangari, intervint Maya, souriant à son chef d’équipe. Je ne connais pas grand-chose de ce lieu, mais si ton oncle travaille là-bas, ce ne doit pas être un endroit très recommandable, non ?

– Aucune idée, ça faisait longtemps que je n’avais pas eu de nouvelles, répondit Ky, haussant les épaules afin de marquer son ignorance. Bref, l’avis du recherche du gosse a porté ses fruits. Bientôt, les deux devraient être appréhendés et David s’arrangera pour que Zane soit remis au Redakaï. J’ai hâte de voir la tête de notre extraterrestre préféré quand il apprendra être accusé d’enlèvement et de séquestration !

– Arrête, Ky, nous n’aurions pas dû accepter de transformer la fugue de ce garçon en enlèvement, rétorqua Maya, mal à l’aise. C’est un mensonge, après tout, même si nous devons arrêter les Radikors.

Dès qu’elle avait apprit la manipulation opérée par Koz, puis appuyée par l’oncle de Ky à la demande de ce dernier, la jeune métisse s’était fermement opposée à cette manière de procéder, prétextant que cela n’avait rien de glorieux. Voir assurant que cela relevait davantage d’une malhonnêteté.

– C’est difficile, je suis d’accord, intervint Boomer, posant une main réconfortante sur l’épaule de sa coéquipière. Mais nous devons à tout prix arrêter les Radikors, et tu sais que l’enlèvement d’un jeune garçon agite plus les autorités qu’une simple fugue. Et puis, dans un sens, ce n’est pas vraiment un mensonge, personne de censé n’irait suivre les Radikors et les plans de Lokar. Ce gosse a sûrement eu la tête monté par des promesses de pouvoir et de puissance, comme tous les E-Teens (Koz se racla fort peu discrètement la gorge. Pour sa part, ç’avait plutôt été « travaillez pour moi ou de fais du mal à vos parents », bien loin de la déclaration de Boomer. Hors de question de se retrouver assimilé aux Radikors, de quelque manière que ce soit). Alors c’est aussi pour son bien si on fait ça.

– Je maintiens que c’est une mauvaise idée, rétorqua Maya, croisant les bras pour cesser le débat.

– C’est marrant que l’oncle en question s’appelle David, murmura Koz, réfléchissant à tout autre chose puisque personne ne semblait s’intéresser, excepté Illian, à sa présence. Un de mes hommes s’appelle David aussi. Je me demande si le mien a des origines terriennes, pour porter un prénom aussi étrange.

– Oh sérieusement, Koz, c’est tout ce qui t’intéresse ?! soupira Ky, excédé.

– Un peu de respect pour vos aînés ne vous ferais pas de mal, siffla Illian, parvenu au terme de sa patience.

– Je n’ai pas de respect à avoir pour un type capable de s’en prendre à un enfant !

– Cela tombe bien, mon prince n’en a menacé aucun !

– Je vous en prie, calmez-vous, tenta Koz, rappelant au capitaine ses obligations, le poussant à se taire difficilement. Le plus important, c’est que les Radikors sont presque entre nos mains !

Ravi de cette diversion, Boomer approuva le prince, malgré tout modéré dans son enthousiasme par leur antagonisme respectif. S’avançant jusqu’à son chef d’équipe, il se plaça entre lui et le capitaine.

– Entièrement d’accord. Et puis, nous éloigner de la forteresse ne nous fera pas de mal, mine de rien. Tout ce petit monde commence à me taper sur le système, déclara faussement joyeusement le blond.

– Je m’en vais prévenir mes hommes, et je me tiens libre de vous accompagner, en profita Koz.

– Comment ça ? Tu ne comptes pas nous accompagner ?

– Ben, ben si, balbutia le jeune prince, ne s’attendant guère à une telle réaction. Je veux dire, mes soldats sont capables de garder la forteresse correctement, et c’est quand même grâce à moi que Zane a été retrouvé.

– Il est hors de question de te laisser monter une nouvelle fois… commença Ky, agacé.

– Une seconde, coupa Maya, une main posée sur son front. C’est difficile à croire, mais je détecte une immense quantité de kaïru obscur, juste au-dessus de nous ! Comme s’il était apparu…

Le reste de sa phrase se perdit dans un brouhaha monumental, indescriptible. Enfin, si, un peu, songea Koz, levant le nez au plafond puisque le bruit semblait venir de là. Cela lui rappelait la destruction des murs d’enceinte du palais, lors de l’attaque de Lokar. Rien d’agréable à se remémorer.

La cacophonie s’amplifia davantage, poussant Boomer à se boucher les oreilles, Koz hésitant à faire de même. Étrangement, plus les secondes passaient, plus cela semblait traverser les étages pour se frayer un chemin jusqu’à eux. Si seulement il n’avait pas laissé son X-Reader sous sa tente, il…

– Tenez, mon seigneur, fit Illian, comme lisant dans ses pensée.

Se tournant vers son capitaine, Koz le vit tendre une pochette de tissu robuste, pourtant égratigné par endroits, cousue du symbole de la famille royale de Mandraliore décoloré, encore.

– Que ferais-je sans vous, Illian ? questionna le prince, fixant la pochette à sa ceinture.

– Il me semblait judicieux de s’assurer que mon prince puisse se défendre si besoin, répondit sobrement le quadragénaire, son regard semblant indiquer qu’il songeait pourtant davantage aux Stax qu’à autre chose.

Koz ne répondit pas, incertain tout à coup de ses capacités à lire un X-Reader. À moins qu’il ne se trompe, non seulement Maya avait raison en annonçant l’arrivée de kaïru obscur sans avertissement préalable, mais le signal ressemblait presque à la perfection à celui émit dans la jungle cambodgienne. Juste avant que Balthazar ne rapporte le sort réservé au village avoisinant, choquant pour longtemps l’homme déjà d’un certain âge.

Un bras robuste ceintura le jeune homme, lui arrachant un cri de surprise. Brutalement tiré en arrière, fermement maintenu pour ne pas qu’il tombe lamentablement. Levant le regard vers le plafond, il le vit se fissurer, si promptement qu’il eut à peine le temps de suivre les failles. De larges plaques se détachèrent dans un concert de craquements et de grincements abominables, s’effondrant à quelques pas seulement de l’endroit où il se tenait, accompagné des Stax et de son capitaine.

Illian n’accepta de le lâcher qu’une fois certain que le sol supporterait le choc de l’impact, et ne s’amuserait pas à craquer à son tour. Koz lui adressa un signe de tête en guise de remerciement.

Un cri de souffrance le figea sur place. Trouvant seulement l’énergie de tourner le regard, il ne vit d’abord qu’une ultime plaque foncer vers le sol, sur le point d’embrocher une forme perdue dans la poussière.

Se trouva plus surpris encore quand la silhouette en question roula sur le côté, évitant de peu une fin atrocement douloureuse. En réponse à son réflexe salvateur, le bruit d’une toux sonore retentit.

– Zair ! Tout va bien ?

Un court instant s’écoula, durant lequel aucun des cinq combattants, chacun à leur manière, ne put répondre, tant la stupeur les figeait.

– Je hais cette forteresse, lâcha enfin l’intéressée, un peu plus loin. Mais je suis encore vivante ; c’est l’essentiel.

– Parfait, répondit Tekris, entièrement d’accord. Maintenant, tirons-nous avant que…

Le colosse se tut, croisant enfin le regard du prince, qui y lut la même réflexion que celle se formant dans son propre esprit.

Décidément, la vie possédait un bien étrange sens de l’humour.


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Bonjour, ou bonsoir !


Bon, le chapitre ne devait pas s’achever sur un cliffangher, néanmoins cela aurait rajouté au minimum trois pages – ce qui en soit est un poil long :’)


Quelques petits détails sont révélés au fil de ce chapitre, quelques autres précisés ; et si vous ne voyez pas vraiment qui sont les Hiverax, ne vous en faites pas, c’est fait exprès ! Les explications en bonne et due forme viendront plus tard… Introduction d’un nouveau personnage également, totalement fictif par rapport à la série originelle (je pense que vous voyez de qui il s’agit xD)


J’espère que le chapitre vous aura plu ! Si c’est le cas, ou si vous avez la moindre question, n’hésitez pas à laisser un commentaire !


Sur ce, bonne journée, ou soirée !


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