Professeur Layton et l'ultime énigme

Chapitre 20 : Quatre-vingt-cinq

1909 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 09/11/2016 21:39

-Quatre-vingt-cinq.

C’était une matinée dans l’appartement de Hershel Layton. Luke, qui venait de murmurer ce chiffre, était debout en face de la fenêtre du salon, les mains plaquées contre les vitres, le regard perdu dans le paysage.

-Quatre-vingt-cinq quoi ?

Flora qui venait d’arriver, était debout juste derrière lui. Il se retourna, quelque peu surpris. Visiblement, il ne s’attendait pas à ce que quelqu’un l’ait entendu.

-Quatre-vingt-cinq fois que le soleil s’est levé depuis notre retour de Folsense, répondit-il en regardant les rayons de lumière qui pénétraient par la fenêtre et formaient des dessins de lumière sur le plancher.

Le soleil se levait chaque jour un peu plus tôt ; et chaque jour, le jeune garçon se réveillait lui aussi plus tôt que la veille pour le voir.

-Tu t’ennuies tellement que tu comptes les jours, maintenant ? S’étonna la jeune fille.

-Je ne compte pas les jours, il y a une nuance : je compte les levers de soleil.

Il regarda les traces que ses mains avaient laissées sur le verre ; il fallait qu’il les essuie plus tard.

-Je ne vois pas la différence, répondit Flora, chaque lever de soleil marque bien un jour, non ?

-C‘est pourtant très différent, soupira Luke en s’assyant sur un canapé. Je n’arrive pas à considérer ces jours comme des « jours », puisqu’ils n’apportent absolument rien de nouveau. Pas de réponses… pas même de nouvelles aventures…

-Oui peut-être… mais on n’a pas trop le choix ; il va falloir faire avec, se contenta-t-elle de répondre, en attendant, j’ai une excellente solution pour te changer les idées : les petits biscuits que j’ai préparés hier étaient succulents ! Mais comme le professeur était trop occupé avec son travail, personne ne les a mangés. Ne bouge pas, je vais de ce pas t’en ramener !

Luke ne put s’empêcher de déglutir. Même si plusieurs mois étaient passés, les talents de Flora en cuisine étaient toujours les mêmes…

-Je suis désolé Flora… heu… j’ai quelque chose à faire… heu… Oui ! Je dois aller vérifier le courrier.

Et avant qu’elle puisse dire quoi que ce soit, il avait déjà quitté la pièce.

 

Non, il n’avait pas menti ; il devait effectivement aller vérifier le courrier, comme il le faisait chaque matin depuis leur retour de Folsense.

Quatre-vingt-cinq fois qu’il ouvrait la boîte aux lettres, d’abord avec espérance, puis avec désespoir. Et quatre-vingt-cinq fois qu’il était déçu car il n’avait pas trouvé ce qu’il cherchait.

Après la « fin » de cette histoire de meurtre, il réalisa quelque chose de très important, c’est qu’il ne pouvait pas vivre sans aventure. Tous ces mystères qu’il avait résolus avec le professeur, toutes ces énigmes, tous ces dangers… tout ceci lui avait terriblement manqué durant les quelques mois qu’il avait passé à l’étranger à cause du travail de son père.

Et c’est pour cette raison qu’il a décidé de revenir.

Et il a eu de la chance : convaincre ses parents aurait été bien plus difficile si ceux-là ne connaissaient pas aussi bien le professeur.

Mais le problème, c’est que depuis la prise de cette décision, il n’y a plus eu une seule aventure, pas même un minuscule petit mystère. Il vérifiait les lettres qu’on envoyait au professeur chaque matin en espérant que l’une d’elles contienne quelque chose : une personne appelant le professeur à l’aide, une nouvelle histoire, une piste pour l’ancienne qui restait toujours inachevée… mais il revenait toujours bredouille. Tout ce qu’il pouvait faire était de rester près de la fenêtre à compter les levers de soleil et rêver des jours où lui et le professeur parcouraient le monde en quête d’aventures…

Mais les choses avaient changé à présent.

Lorsque Luke ouvrit la boîte aux lettres, il trouva quatre enveloppes à l’intérieur. Ce serait mentir que de prétendre qu’il espérait quelque chose, mais il les inspecta quand même.

Et c’est là que son regard fut captivé par quelque chose… Ses yeux bruns s’ouvrirent largement et il lui fallut se retenir pour ne pas déchirer l’enveloppe sur place.

Qui a dit que les miracles n’existaient pas ?

 

 

Hershel venait d’ouvrit la fenêtre de sa chambre. Celle-ci donnait sur un coin d’une rue isolée. En conséquent, peu de lumière pénétrait dans la pièce, ce qui la rendait encore plus morose.

Il regarda les quelques plantes disposées sur le balcon. Cela devait faire quelques semaines qu’il s’était découvert une passion pour le jardinage. Enfin, « passion » était peut-être un mot trop fort. En réalité, il voulait juste exercer un passe-temps complètement différent de ce qu’il avait toujours fait auparavant. Loin des énigmes, loin de l’archéologie… Était-ce une manière comme une autre pour fuir la réalité ? Il ne le savait pas.

Posant les deux mains sur la rambarde du balcon, il regarda la petite ruelle abandonnée. Il faisait plutôt frais, pour une journée d’été ; le soleil s’était levé depuis peu et la journée n’était qu’à son début.

Le professeur soupira en continuant à regarder la ruelle. Certes, il était devenu plutôt pessimiste ces derniers temps, mais ce jour-là, il l’était encore plus… à cause de ce cauchemar.

Layton s’appuya un peu plus sur la rambarde tout en repassant dans sa tête les événements auxquels il avait assisté durant son sommeil.

Ce cauchemar, il le faisait très souvent. C’était toujours la même femme, qui marchait dans la même ambiance, qui appelait le même nom, qui ne recevait pas de réponse, puis qui finissait par disparaitre d’une façon tragique.

La façon dont elle disparaissait différait cependant. Si ce n’était pas un animal féroce qui la dévorait, c’était un ouragan qui s’abattait sur elle, une bombe, une flèche empoisonnée venue de nulle part…

Mais cette nuit-là, le rêve a connu un dénouement différent.

Le professeur Layton se dit qu’il ne s’était jamais souvenu d’un rêve avec autant de clarté de toute sa vie.

Le début était pareil aux précédents. Mais au moment où la femme a appelé son nom, le sol s’est fissuré sous ses pieds et elle glissa dans le vide. Il crut qu’elle allait tomber et disparaitre, mais au dernier instant, une main l’agrippa, la sauvant d’une chute périlleuse. Il chercha du regard à qui appartenait cette main, mais ne put distinguer autre chose que sa silhouette. C’était la silhouette d’une petite fille ; et même si elle semblait trop faible pour supporter à elle seule le poids d’une femme bien plus âgée qu’elle, elle s’accrochait et refusait de la lâcher.

Et lui, il était là, debout, ne pouvant rien faire à part regarder. Soudain, la fille se retourna vers lui. Et même s’il ne pouvait pas distinguer les traits de son visage, il comprit qu’elle lui demandait de l’aide. Il tenta d’avancer, mais ne parvint pas ; comme si un mur transparent l’eut empêché. Il réessaya, mais toujours en vain. La fille se débattait pour retenir la jeune femme, se tournant vers lui dès qu’elle le pouvait et le suppliant avec des gestes de venir à son aide ; mais il ne pouvait pas.

Ne pouvant plus résister, sa main lâcha. Et la femme tomba dans le noir avant que le sol ne se referme sur elle. La fille qui avait tout fait pour la sauver resta un moment agenouillée sur le sol, la tête baissée, les mains tremblantes. Puis elle se leva et avança doucement vers lui qui n’avait été que spectateur du drame.

Et plus elle avançait, plus ses traits devenaient plus clairs. Lorsqu’elle s’arrêta finalement devant lui, il pouvait parfaitement la reconnaître. Quelle ne fut donc sa surprise de voir que ce n’était autre que Penelope Koldwin qui était debout en face de lui !!!

Elle le regarda d’un air qui mêlait tristesse et colère, avant de s’adresser à lui.

« J’ai tout fait pour la sauver, mais vous avez refusé de m’aider. Et c’est pour ça qu’elle est morte ! »

Ces mots résonnaient encore dans la tête du professeur tandis que Penelope s’éloignait. Juste avant de se réveiller, il se rappelle avoir murmuré ces dernières paroles :

« Encore une fois je t’ai laissée mourir, Claire… »

 

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