Professeur Layton et l'ultime énigme

Encore une fois, le professeur Layton et Luke retournaient au palais. C’était cependant la première fois qu’ils iraient sans la moindre escorte.

Les derniers événements avaient été complètement bouleversants,  la découverte du passage secret, la rencontre avec l’inspecteur et le kidnapping de Flora. Seule une chose les rassurait un peu dans leur for intérieur, c’est que maintenant que les choses étaient si compliquées, leur situation ne pouvait que s’améliorer. Même Layton nourrissait cette idée dans son subconscient, bien qu’il sût que ça n’allait pas être aussi facile.

Ce fut naturellement Nigel qui leur ouvrit la porte. Il fut très étonné de leur retour.

-Vous revenez bien tôt, se pourrait-il que vos enquêtes aient porté fruit ?

-En réalité, nous aimerions parler à Vladimir.

Nigel eut l’air légèrement sceptique.

-Monsieur ? Je crains que ce ne soit impossible. À cette heure-là de la journée, il a l’habitude de reposer dans sa chambre, et vous ne voudriez surement pas le déranger…

-Oh non ! Se plaignit Luke, nous n’avons vraiment pas de chance !

-Peut-être voudriez-vous l’attendre, suggéra le majordome.

-Nous l’attendrons.

Nigel accompagna le professeur et Luke à leur chambre, puis pris congé, tout en refermant la porte derrière lui, comme à son habitude.

-Combien de temps devrons-nous attendre ? Se demanda le jeune garçon, je suis vraiment impatient d’en savoir plus sur cette Penelope, et puis pendant que nous sommes ici à attendre, Flora est entre les mains de son ravisseur !

-Je sais Luke, mais, dans certaines situations, il faut savoir se montrer patient ; c’est le devoir de tout gentleman.

-Oui, sans doute…

Hershel Layton s’assit sur le fauteuil qui était contre le mur. Une étrange expression se dessinait sur son visage tandis qu’il fixait la porte.

-C’est plutôt étrange…

-Qu’est-ce qui est étrange, professeur ? Questionna son apprenti qui venait de remarquer son état.

-As-tu remarqué que Nigel nous suivait dans tous nos déplacements à l’intérieur du palais. Même maintenant que nous connaissant l’emplacement de notre chambre, il continue à nous y accompagner.

-Peut-être le fait-il par simple politesse ?

Layton se leva lentement en s’appuyant sur les deux bords du siège. Il marcha en la direction de la porte tout en répondant à Luke.

-Peut-être, mais dans ce cas-là, il n’y aurait aucune explication à cela…

Il agrippa la poignée, la fit descendre et poussa la porte. Mais elle bloqua.  Elle ne voulait pas s’ouvrir.

-Il nous a enfermés ! Comprit le jeune garçon.

-J’étais sûr d’avoir entendu le tintement des clés hier lorsqu’il nous a laissé ici, ce matin lorsqu’il est venu nous voir et juste à l’instant, murmura le professeur.

-Et à chaque fois, c’était toujours lui qui avançait vers la porte le premier. Il fait attention à nous enfermer en sortant, et quand il est venu ce matin, il a l’a simplement déverrouillée avant de frapper pour qu’on lui ouvre ! Renchérit Luke.

Mais son excitation s’estampa brusquement lorsqu’il comprit ce que cela voulait dire.

-Mais pourquoi nous ferait-il une chose pareille ? Il ne serait tout de même pas…

-Il est beaucoup trop tôt pour être sûrs d’une chose pareille, mais une chose est sure, c’est que Vladimir et Nigel nous cachent quelque chose. Pas forcément le meurtre, mais ils nous cachent quelque chose.

L’ambiance s’alourdissait de plus en plus.

-Je suis sure que Vladimir n’a rien à voir dans tout ça, protesta Luke, il veut nous aider, lui ! Le fait que Nigel soit son majordome ne veut pas forcément dire qu’il soit impliqué.

-Tu sais, Luke, spécialement au sujet de Nigel, tu n’as pas remarqué quelque chose ?

-Vous voulez dire, autre ce que vous venez d’énoncer ?

-Oui. En réalité…

Layton s’arrêta de parler car il avait entendu des pas. Le son devenait de plus en plus facile à distinguer ; puis on entendit quelqu’un saisir des clés et les rentrer dans le verrou. On frappa à la porte avant que celle-ci ne s’ouvrit.

C’était à nouveau Nigel.

-Je présume que vous n’avez toujours pas déjeuné, alors je vous ai ramené une petite collation.

En effet, le mystérieux majordome tenait un plateau qu’il déposa sur la table avant de s’adresser à ses deux « hôtes ».

-Bon, sur ce, je vous laisse. Bon appétit.

Il avança vers la porte, mais fut à peine arrivé au seuil qu’il fut surpris par le professeur qui l’interpellait.

-Un instant,  je vous prie, j’ai une petite question à vous poser, Nigel.

-Je suis désolé, répondit-il simplement en se retournant vers son interlocuteur, mais je ne crois pas que je puisse vous aider en quoi que ce soit, je ne suis qu’un simple majordome. Vous devriez attendre que monsieur…

-Pourtant cette question vous concerne personnellement avant de concerner votre maître.

-Plaît-il ? Demanda Nigel sans pour autant perdre son ton calme.

-Nigel, cela me semble être un détail insignifiant, mais j’ai l’impression que vous n’avez pas vieilli pendant cinquante et une années. Lorsque je vous ai vu pour la première fois, j’ai cru que le gaz hallucinogène était réapparu, mais cette théorie s’est dissipée lorsqu’on a croisé Vladimir ; le gaz ne peut pas faire effet sur vous uniquement.

À ces mots, loin de paniquer, Nigel baissa la tête et sourit ; la lumière venant de l’extérieur se reflétant sur ces lunettes lui donna un air si effrayant que Luke ne put s’empêcher de reculer d’un pas.

-Très perspicace, monsieur Layton, j’allais presque croire que vous n’aviez pas remarqué.

Pouvez-vous donc nous expliquer ?

-Hélas, je crains fort que cela ne soit impossible, s’excusa le concerné en tournant les talons, certaines choses perdent leur charme si elles ne sont pas dites au bon moment.

Il n’ajouta pas un mot et ne leur laissa pas le temps de protester, puisqu’il quitta aussitôt la pièce, laissant Luke et son mentor dans une profonde incertitude.

-Cette histoire n’est qu’un tissu de mensonges, soupira le jeune disciple, tout le monde nous ment, tout le monde nous cache la vérité. Pourquoi les gens ne sont-ils pas plus sincères, cela simplifierait les choses…

-Je dois avouer que cette histoire est assez… unique en son genre.

Luke, qui était au bord du désespoir, continua de se lamenter.

-Nous n’avons aucune preuve, aucune donnée vérifiée. Les seules choses que nous avons sont des témoignages truffés de mensonges présentés par des gens qui trouvent du plaisir à nous cacher des choses pour nous compliquer la tâche !

-Allons Luke, ne soit pas si pessimiste.

-Je vous assure, professeur, arrivés à ce stade-là, je ne serais même plus étonné de savoir qu’il n’y a jamais eu de meurtre et que tout le monde se moque de nous depuis le début !

-Laisse-moi deviner, dit le professeur en souriant, tu penses que tout ce que nous faisons n’a aucun intérêt puisque nous nous basons entièrement sur les dires de quelques personnes qui pourraient très bien nous mentir. ?

-Euh… C'est-à-dire… Oui, c’est à peu près ça, balbutia Luke, mais… je suis sur que vous savez ce que vous faites… je ne cherche pas à vous contredire…

Layton arrangea son chapeau de sa main droite.

-Non, Luke, tu as raison.

Il avança vers la porte à son tour, suivi par le regard de son apprenti.

-Et c’est pour ça que nous allons enquêter nous-mêmes sur les lieux du crime, termina-t-il enfin.

-Mais… heu… Nous n’étions pas venus pour parler à Vladimir ?

-Si, mais, comme tu l’as dit tout à l’heure, pendant que nous sommes ici à attendre, Flora pourrait être en danger. Nous devons agir !

Luke avança vers son mentor.

-Il y a aussi le problème de la porte, nous ne pouvons pas sortir puisque Nigel l’as verrouillée.

-Justement Luke, cette fois-ci, j’ai bien prêté l’oreille, et je peux te dire…

Il posa la main sur la poignée.

-… Qu’il ne l’a pas fermée à clé cette fois ! Termina-t-il en ouvrant la porte.

-Hein ! Mais pourquoi ?

-Je dois avouer que ce détail m’intrigue.

Ils hésitèrent un instant, puis Layton franchit le seuil de la porte. Il se doutait que Nigel avait une idée derrière la tête en laissant la porte ouverte et qu’il n’avait pas simplement oublié, mais c’était une opportunité à saisir quoi qu’il en soit.

« Même si nous ne trouvons rien, je doute qu’on puisse être embrouillés davantage » songea-t-il.

Encouragé par cette nouvelle piste, Luke décida de suivre son mentor.

-Je suis sur que c’est une excellente idée, mais si les inspecteurs ont déjà enquêté, allons-nous vraiment trouver quelque chose ?

-Rien n’est sur… Mais nous n’avons pas besoin de trouver quoi que se soit : l’emplacement de la scène du crime pourrait être en soi un indice.

-L’emplacement ? Vladimir a dit que le corps a été retrouvé dans le jardin, non ?

Soudain, Luke ouvrit grand les yeux en réaction à une déduction qu’il venait de faire.

-Attendez… Il ne voulait tout de même pas parler du jardin sauvage que nous avons traversé pour avoir accès au passage souterrain ?

-Il ne me semble pas avoir vu d’autre jardin autour du palais, confirma le professeur.

-Mais… si c’est le cas… alors nous sommes passés deux fois sur la scène du crime sans nous en rendre compte ! s’écria le jeune garçon, horrifié.

-C’est tout de même étrange… Katia tuée dans cet endroit précisément… Près du passage secret… Pourquoi spécialement là ?

Il se retourna vers son disciple qui était encore sous le choc.

-Luke, il va falloir qu’on aille revoir cela de plus près.

-Heu… oui, je vous suis.

…

D’abord courants, puis marchants rapidement, ils finirent par ralentir un petit peu, de fatigue mais surtout de peur de se faire remarquer. Et puis cela ne servait à rien de courir, le palais était immense et ils pouvaient aisément s’y perdre s’ils se précipitaient.

Ils étaient donc en train de marcher dans l’un des couloirs de la grande demeure en direction de la sortie. Luke savait que ce n’était pas le moment, mais il ne pouvait s’empêcher d’admirer la somptueuse décoration de cet endroit. Les riches tapisseries, les magnifiques toiles accrochées aux murs, les lustres luxueux, les vases… Tout avait été choisi avec un tel gout que, même si ce n’était pas la première fois qu’il passait par ici, le jeune garçon était toujours aussi impressionné.

« Vladimir doit être quelqu’un de très méticuleux, et il doit aimer tout ce qui est luxueux, pensa-t-il , mais c’est un duc  après tout ; et puis Nigel doit être un excellent majordome pour pouvoir s’occuper à lui seul d’un si grand palais »

Ils avançaient donc vers leur destination. Mais tandis qu’ils passaient devant l’une des nombreuses portes closes du palais, ils eurent l’impression d’entendre un léger bruit.

-Professeur, vous entendez ce bruit ? Ça semble venir de cette chambre-là.

-Oui, on dirait des gémissements de douleur, dit le gentleman en avançant un peu vers la porte fermée, non ! C’est une personne qui demande de l’aide…

Luke avança à son tour, et entendit distinctement ces mots-là. C’était visiblement la voix d’un homme :

« Ah… Ma tête… Mon Dieu… Ou suis-je ?... Il y a quelqu’un ?… Ah… »

-Mais…

Luke ne put dire autre chose, car cela n’avait aucun sens.

Qui était cette personne ? De quoi soufrait-elle ? Et surtout, pourquoi était-elle enfermée, ici, au palais de Vladimir ???

Layton, plus pragmatique, préféra agir et laisser les déductions pour plus tard.

-Nous devons le secourir, mais la porte est fermée à clé !

-Professeur, regardez ! S’exclama Luke en pointant du doigt une armure qui décorait le couloir, nous pourrions nous servir de son épée pour défoncer la serrure !

-Excellente idée, Luke, je déteste avoir recours à ce genre de méthodes, mais la vie de quelqu’un pourrait être en danger !

Sitôt dit, sitôt fait. La serrure se brisa et la porte s’ouvrit. Ils pénétrèrent dans la chambre qui sombrait dans les ténèbres ; le noir les empêchait d’ailleurs de voir qui était cet étrange inconnu qui appelait au secours. Mais lorsque celui-ci entendit la porte s’ouvrir et deux personnes entrer, il se leva lentement d’un lit sur lequel il était allongé et les scruta de son regard.

-Est-ce que vous allez bien ? Lui demanda le professeur, ne pouvant toujours pas le voir.

-Hershel Layton?

Le professeur reconnut immédiatement la voix faible qui appelait son nom. Il avança doucement jusqu’à ce qu’il put distinguer clairement le visage de cette personne.

Pendant une fraction de seconde, Luke et Layton restaient là, pétrifiés ; ils s’attendaient à tout sauf à cela. Eux qui croyaient que le mystère avait déjà atteint son paroxysme, ils venaient de découvrir qu’ils avaient eu tort.

C’était bel et bien lui.

Layton se résolut enfin à parler.

-C’est à peine croyable de vous trouver ici… Dr. Schrader…