Une nouvelle vie pour Sarah
Une fois dans la pièce, Sarah se précipita vers Lottie qui recula, lui faisant comprendre sa réticence.
« Lottie ! S’il te plaît, écoute-moi !
— Vas-y je t’écoute, dit-elle sèchement, et ne m’appelle pas Lottie.
— Je suis vraiment désolée. Si tu savais comme je m’en veux ! Le temps est passé tellement vite !
— Pas pour moi malheureusement, j’ai compté chaque jour. Après avoir passé la date prévue de ton retour, les jours m’ont paru interminables. Chaque semaine qui passait, ma détresse s’amplifiait et mes espoirs partaient en fumée.
— Je sais que je t’ai fait du mal Lottie… Charlotte…, se reprit-elle décontenancée, tu étais encore très jeune et tu avais besoin de moi, j’en suis consciente ! Mais il faut que tu comprennes que j’avais aussi des impératifs aux Indes !
— Tu aurais du tenir ta promesse ! Je te considérais comme ma deuxième maman et tu m’as abandonnée ! cria-t-elle.
— Charlotte, on était deux petites filles à l’époque, alors certes je t’ai fait cette promesse, mais je n’étais qu’une enfant ! Je ne me rendais pas compte de l’ampleur que pouvait prendre une telle déclaration ! »
Cette phrase fit réfléchir Lottie. C’était vrai que quand elle y pensait, elle savait pertinemment que même si Sarah était revenue, elle serait repartie sans elle.
« Et je ne t’ai pas oubliée! ajouta Sarah. Dès mon arrivée à Londres, j’ai tout de suite pensé à toi ! Tu es toujours restée dans mon cœur et mon affection pour toi est restée la même ! La preuve je suis là aujourd’hui, rien ne m’y obligeait. Seulement, certaines choses sont arrivées dans ma vie, et j’avais besoin de me détacher de mon passé…
— C’est bien ce que je disais, dit Lottie en lui coupant la parole, je faisais partie de ton passé, je ne comptais plus pour toi.
— Ce n’est pas ça ! Et s’il te plait arrête de tout ramener à toi ! Ta réaction est tout simplement puérile, tu es presque adulte tu devrais comprendre !», cria-t-elle agacée.
Sarah ne s’était jamais énervée contre elle, et en plus de cela elle sous-entendait qu’elle agissait comme une égoïste. Vexée, elle prit conscience qu’elle avait raison et les larmes commencèrent à lui monter aux yeux. Sarah prit une grande inspiration, se radoucit et reprit :
« Dès mon arrivée en Inde, j’ai ressenti un bien-être indescriptible m’envahir. Ce bien-être a comme chassé de ma conscience toutes les mauvaises choses que j’ai vécues au pensionnat. Et malheureusement, toi, ainsi que Peter et Marguerite vous faisiez partie de cette vie, alors inconsciemment, oui, je vous ai oublié, je l’admets, dit-elle pleine de culpabilité. Maintenant, si tu n’arrives pas à comprendre cela, je n’ai plus rien à faire ici ! »
Décidée mais à contrecœur, elle se détourna de Lottie et s’apprêta à quitter la pièce par la fenêtre lorsque la petite blonde la retint par le bras.
« Je suis désolée… dit alors Lottie en larme. Tu as raison, je suis égoïste, je suis restée focalisée sur ma souffrance, je n’ai pas pensé un seul instant, à ce que toi tu pouvais ressentir et je comprends maintenant pourquoi tu n’es pas revenue. Excuse-moi. »
Soulagée, Sarah la prit dans ses bras. La petite blonde, mit alors sa rancœur de côté, son amertume s’envola peu à peu, laissant la chaleur de l’étreinte l’envahir, et ainsi chasser la haine qu’elle éprouvait à son égard depuis bien trop longtemps.
« Nous allons rester quelques jours, dit alors Sarah, si tu le veux bien nous pourrons passer un peu de temps ensemble ?
— Oui, répondit-elle hésitante.
— Qu’y a-t-il Charlotte ? renchérit Sarah qui avait remarqué que quelque chose n’allait pas.
— Pour ce travail…, continua Lottie, un peu honteuse.
— Ne t’en fais pas. Je ne suis pas venue ici pour te juger.
— Merci », répondit-elle, reconnaissante.
Il commençait à se faire tard, il était temps pour Sarah de partir, elle lui proposa de déjeuner en compagnie du groupe le lendemain et redescendit par la fenêtre aidée par Ram Dass qui attendait à l’extérieure avec Becky et Hank. Le jeune homme se glissa à son tour dans la chambre et vint vers Lottie.
« Alors ? Comment tu te sens ? demanda-t-il.
— Soulagée, merci pour tes conseils. Elle m’a fait prendre conscience que j’avais été égoïste et que mon attitude était purement puérile.
— Ce qui est important c’est que tu t’en rendes compte, l’important c’est de savoir reconnaitre ses erreurs pour ne plus les reproduire (il s’approcha d’elle et reprit) on vient de se rencontrer, mais j’aimerais te revoir si tu le veux bien.
— Ce sera avec plaisir, d’ailleurs je mangerai avec Sarah, Ram Dass et Becky demain, tu pourrais venir toi aussi ? répondit-elle avec un grand sourire.
— Et bien, je ne voudrais pas abuser…
— Oh allez ! Tu leur as rendu service après tout ! Je suis sûre qu’ils accepteront !
— Oui… Mais tu sais, ils ne sont pas du même monde que moi, je risque d’être gêné…
— Et moi donc ! dit-elle en lui coupant la parole, on pourra se soutenir mutuellement !
— Bon d’accord… De toute façon je ne peux rien te refuser, répondit-il avec un clin d’œil.
— Très bien. Je te laisse redescendre tout seul et on se voit demain.
— J’ai hâte d’y être. »
Il déposa un baiser sur la joue de Lottie et s’en alla. Une fois la porte refermée, la petite blonde se sentit comme sur un petit nuage. Ce jeune homme lui plaisait beaucoup, tant physiquement que mentalement, puis surtout il la comprenait et ne la voyait pas comme un simple amusement ou un objet sexuel, mais comme une jeune fille de 16 ans, qui pour vivre correctement avait décidé de se lancer dans la prostitution. Pour la première fois, elle sentit que sa vie allait prendre un nouveau tournant et elle espérait plus que tout tourner cette page sombre de son existence, afin de laisser la place à une nouvelle histoire qu’elle comptait bien écrire aux côtés de Hank.
Ram Dass aida Sarah à descendre de la fenêtre. Elle raconta ce qu’il c’était passé quand Hank sortit du pub.
« Merci Hank, lui dit aussitôt Sarah.
— Oh c’était avec plaisir ! J’ai d’ailleurs très envie de la revoir !
— Et bien qu’à cela ne tienne, dit Sarah, vous pourriez déjeuner avec nous demain ? Charlotte sera là. Nous sommes au Hilton Hôtel en centre-ville.
— Oui je sais à peu près où c’est, j’accepte votre invitation avec plaisir, merci beaucoup.
— Et voici comme promis l’argent.
— Merci, je vous souhaite une bonne soirée.»
Il s’en alla gaiement à l’idée de pouvoir enfin dormir sous un toit puis le groupe se mit en route vers l’hôtel. Sarah remarqua que Becky et Ram Dass se tenaient la main le plus naturellement du monde.
Elle les regarda discrètement et devint envieuse. Elle sentit une certaine alchimie entre ses deux amis, le sentiment que quand on les regardait, on sentait qu’ils étaient faits pour être ensemble et elle se demanda si on ressentait la même chose lorsqu’on les regardait elle et Daniel.
Puis soudain, ce fut le visage de Peter qu’elle vit. Maintenant que Lottie lui avait pardonné, ils allaient se rendre à Paris où elle pourra enfin retrouver son ami d’enfance, qui avait toujours été là pour elle, qu’elle eût été riche ou pauvre, il l’avait soutenue et aidé dès qu’il le pouvait. Elle était anxieuse et excitée à l’idée de le retrouver. Ce soir elle s’endormirait sereine. le malaise vis-à-vis de Lottie s’était envolé, Becky et Ram Dass commençaient une nouvelle histoire, Marguerite était une étudiante brillante, tout était parfait à ses yeux.