Une nouvelle vie pour Sarah
Après sa visite, Sarah décida d’aller découvrir la ville et machinalement, elle prit la route du marché. C’était d’ailleurs la seule route qu’elle connaissait. Les personnes qu’elle croisait, la considéraient avec bienveillance et n’hésitez pas à la saluer. Alors que lorsqu’elle était enfant, c’était de la pitié qu’elle ressentait dans le regard des gens. D’après ses souvenirs, le marché devait se situer à environs vingt minutes du pensionnat.
C’était le printemps, les arbres étaient verdoyants, les oiseaux gazouillaient gaiement et les rues grouillaient de monde. Elle descendit les marches pour passer sous le pont qui menait au quartier pauvre de la ville, et vit au loin un hôtel. Elle se remémora les moments passés avec son père, lorsqu’ils y avaient séjourné dès leur arrivée des Indes. C’était un grand bâtiment rempli de fenêtres. Un orchestre jouait le soir pour divertir les clients riches qui dinaient, elle pouvait presque entendre les magnifiques musiques, sur lesquelles elle dansait pendant des heures avec son père.
Elle arriva à l’entrée du marché qui commençait à se vider. Les marchands rangeaient leurs stands. Soudain, un flash lui revint. C’était ici qu’elle avait rencontré Peter. C’était son cocher attitré et il s’occupait de son poney, Jump. Le jour où Mademoiselle Mangin voulut expulser Sarah de l’école, il l’avait suppliée de ne pas le faire. James, le second intendant aussi mal odieux que Marie, l’avait viré comme un malpropre et elle ne l’avait plus revu, jusqu’à ce jour, où elle allait pour la première fois faire les courses au marché.
Il l’avait encore une fois aidée, Sarah avait perdu l’argent que lui avaient donnés les intendants et elle ne pouvait plus acheter les provisions demandées. Alors Peter s’était chargé de négocier auprès des marchands qu’il connaissait très bien, en échange de son travail pour chacun d’eux. Elle se serait faite grandement disputée s’il n’avait pas été là.
« Peter… », dit-elle dans un murmure.
Des larmes lui montèrent aux yeux. Peter était lui aussi cher à son cœur. Comment avait-elle pu l’oublier ? Elle se demanda ce qu’il était devenu et s’il habitait toujours ici. Elle décida alors de faire demi-tour, puis d’aller à la boutique où son père lui avait acheté sa poupée Emilie. Mais malheureusement le magasin n’était plus là, c’était un cordonnier qui y était installé.
Décidément, tout avait bien changé et elle sentit une grande tristesse monter en elle. Le fait d’être reparti en Inde lui avait fait perdre tous ses amis. Ses amis qui l’avaient tant aidée lorsqu’elle était dans le besoin. Elle s’en voulait terriblement de ne pas être revenue. Tous ses souvenirs lui arrachaient le cœur. Elle décida alors de rentrer, le cœur lourd.
Une fois revenue de sa balade, elle était exténuée. Elle n’était plus habituée à marcher autant. Les serviteurs Indiens la débarrassèrent de ses affaires et lui servirent le thé. Elle remarqua que Becky n’était pas encore rentrée. Elle devait passer un agréable moment avec sa famille. Cette pensée la rendit encore plus triste, mais elle était tout de même heureuse pour son amie. Assise dans le fauteuil en face de la cheminée, elle s’assoupit avec Lucky qui avait posé sa tête sur ses genoux.
« Sarah ? »
Elle se réveilla doucement.
« Becky ! dit-elle toute somnolente. Comment s’est passée ta journée ? Ta famille va bien ?
— Oui très bien. Mes frères et ma sœur ont tellement grandi ! Ils sont capables d’aider ma mère et elle vit désormais aisément.
— J’en suis contente ma petite Becky.
— Et toi ? Comment s’est passée ta journée ?
— Et bien… Beaucoup de souvenirs m’ont rendue triste. Melle Mangin est décédée et c’est Melle Amélia qui est la nouvelle direstrice. Marguerite est partie étudier en faculté de lettres et Lottie… la tristesse apparut sur son visage mais elle reprit, elle a quitté le pensionnat après le départ de Marguerite.
— Tu n’as pas l’air heureuse.
— Je suis contente pour Marguerite mais Lottie… Je lui avais promis de revenir.
— Ne t’en fais pas pour ça. Elle ne doit plus t’en vouloir depuis le temps.
— Probablement, mais je m’en veux… Et Peter… Lui aussi je l’ai oublié… Nous devons savoir où ils sont. Nous demanderons à Mademoiselle Amélia, où étudie Marguerite qui saura sûrement où se trouve Lottie. Puis pour Peter…
— Nous pouvons aller voir ses parents ? Ils habitent peut-être toujours ici ?
— Mais oui ! Tu as raison ! Nous devons essayer ! Oh j’ai tellement hâte Becky !
— Moi aussi ! C’est comme partir à l’aventure ! »
Sur cette décision, elles allèrent se coucher.
Le lendemain matin, Sarah et Becky étaient déjà prête à partir. Elles se rendirent comme convenu au pensionnat. Mademoiselle Amélia leur annonça que Marguerite étudiait à l’université de Durham. Elles décidèrent ensuite de se rendre chez la famille de Peter, en espérant qu’ils habitaient toujours là. Ces derniers n’avaient pas hésité à l’accueillir, le jour où elle avait décidé de quitter le pensionnat et ils lui avaient assuré qu’elle serait toujours la bienvenue.
Elles arrivèrent devant la petite maisonnette et toquèrent à la porte. Une dame aux cheveux blancs ouvrit et fut surprise de voir Sarah, qu’elle reconnut immédiatement.
« Par mes aïeux ! Sarah !
— Bonjour Madame Adams !
— Je n’en crois pas mes yeux ! dit-elle presque choquée. Et vous, vous devez être Becky ?
— Bonjour Madame, répondit-elle en baissant sa tête pour la saluer.
— Oh ! Ne faites pas tant de manières ! Entrez donc ! »
Les filles obéirent et Madame Adams s’empressa d’appeler son mari.
« Georges !
— Qu’est-ce qu’il y a ? dit une voix légèrement ronchonne.
— Viens vite voir qui nous rend visite ! »
Des bruits de pas se firent entendre dans l’escalier, puis Monsieur Adams apparut. Il fut tout aussi surpris que sa femme.
« Bonjour Monsieur Adams, dit Sarah respectueuse.
— Sarah ! Quel plaisir de te revoir ! Tu es enfin revenue des Indes !
— Oui, comment allez-vous ?
— Magnifiquement bien ! répondit Madame Adams. Voulez-vous une tasse de thé ? Ce n’est pas tous les jours que nous avons l’honneur d’accueillir « la princesse diamant ».
— Oui avec plaisir, dit Sarah gênée.
— Asseyez-vous, je vous prépare ça tout de suite. »
Les filles s’exécutèrent accompagnées de Mr Adams.
« Alors ma petit Sarah. Que nous vaut ta venue ici ?
— Et bien… Elle marqua une pause. Mr Crisford était malade et il est décédé il y a quelques jour.
— Mon dieu, je suis désolée ma petite Sarah.
— Ce n’est rien ne vous inquiétez pas.
— Peter ne cessait pas de parler de vous. Et de vous aussi Becky. Ah si seulement il était encore là.
— Pour être franche, si nous sommes venues vous voir, c’est pour justement avoir de ses nouvelles. Il ne vit plus avec vous je suppose.
— Et non ! Vous savez, vous grandissez tellement vite vous les jeunes ! »
Madame Adams, de son prénom Suzanne, arriva avec le thé et des biscuits.
« Et où est-il maintenant ? dit Sarah avec une pointe d’appréhension.
— Il est parti vivre à Paris, répondit Suzanne.
— A Paris ! Mais comment se fait-il qu’il soit parti si loin ?
— Il a toujours admiré cette ville, et il s'est même fiancé figurez-vous ! Alors il n’a pas hésité une seconde, dit-elle avec une pointe d’amertume.
— Cela a dû être dur pour vous, intervint Becky.
— Oh nous savions que ce jour arriverait. Comme le dit si bien Georges, vous grandissez tellement vite vous les jeunes ! Puis il vient nous rendre visite assez souvent.
— Auriez-vous son adresse ? Nous aimerions lui rendre une petite visite, demanda Sarah.
— Oh mais bien sûr ! Quelle bonne idée ! Il sera ravi ! », cria Mr Adams.
Il se leva de sa chaise d’un bond et courut chercher un morceau de papier pour noter son adresse. Sarah et Becky furent étonnées par tant d’engouement. Il leur tendit ensuite le morceau de papier. Une fois le thé fini, il était temps pour les jeunes filles de partir.
« Merci beaucoup pour le thé et pour votre accueil, mais nous devons malheureusement partir.
— Tu sais que tu seras toujours la bienvenue chez nous, dit Madame Adams, et toi aussi Becky !
— Merci beaucoup. Portez-vous bien. Au revoir. »
Sarah et son amie partirent satisfaites de leur première journée. Demain elles partiraient en direction de Middlesbrough pour voir Marguerite à l’université de Durham.