Troisième Chance

Chapitre 14 : Quelques heures hors du temps ...

Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/11/2016 21:25

 

Chapitre 14 - Quelques heures hors du temps ...


 

Note de l'auteur :
Les chapîtres 14 et 15 contiennent des scènes à caractère érotique, dont certaines décrivant des rapports sexuels de manière explicite.
La fiction sera donc officiellement côtée M à partir de maintenant.
Si vous n'accrochez pas à ce genre de description, rendez-vous au chapître 16.

 

Ils pénétrèrent dans le hall d'entrée, Elika emboîtant le pas du Prince avec appréhension. Une salle spacieuse et haute de plafond les accueillit, pourvue de grandes portes menant à des cours intérieures décorées de plantes, où des adeptes de Kiririsha étaient assis autour de larges bassins peu profonds, les pieds plongés dans l’eau, psalmodiant avec divers degrés de recueillement, le volume inversement proportionnel à la spiritualité ressentie par le fidèle concerné. Sur la gauche, des escaliers montaient à l’étage supérieur, tandis qu’une double porte, gardée par deux hommes imposants à l’air peu commode s’ouvrait sur la droite. Un portier de petite taille au visage mince, vêtu de robes d’un blanc immaculé, s’avança vers eux, s’inclina légèrement, et sollicita humblement leur attention, s'enquérant de savoir en quoi il pourrait leur être utile.

« Moi et ma sœur souhaitons nous baigner et nous détendre, et nous choisirons ce que vous avez de mieux à offrir, déclara le Prince. Montrez-nous le chemin ! »

Les coups d'œil inquiets et les messes basses échangées durant la journée furent laissées à la porte des bains ; la voix du Prince résonnait avec autorité, sans l'ombre d'un doute qu'il serait obéi. Elika se demandait silencieusement combien de facettes avait cet homme, combien de rôles il avait joué dans sa vie, voire même combien de temps avait duré cette vie. Il n'avait plus les traits lisses de la jeunesse, pourtant la lassitude des ans n'avait pas encore creusé de profonds sillons sur son visage. Comme tant d'autres choses, cela ne faisait que s'ajouter à la longue liste de questions sans réponses qu'il soulevait.

« Suivez-moi, monsieur, noble dame. » Le portier se conformait à l'autorité ainsi qu'il l'avait toujours fait, en sachant rester à sa place. Il les fit passer devant les gardes, les guida à travers un long corridor bordé sur la gauche de fenêtres d'un verre laiteux qui donnaient sur la cour centrale, et sur la droite de portes dépourvues de signes distinctifs. Tout en marchant, il se lança dans une explication alambiquée sur les prestations proposées, prenant bien soin de ne pas mentionner les tarifs, sous peine d'offenser ses hôtes, jetant si fréquemment des coups d'œil par-dessus son épaule qu'Elika n'eut pas été surprise s'il avait foncé dans un mur. Le Prince leva la main pour faire taire le portier qui n’en était encore qu’aux préliminaires, et dit :

« Il nous faudra deux baignoires pour nous laver, avec des servantes pour nous frictionner, et ensuite nous nous ferons masser par les plus expérimentées dont vous disposez. Préparez-nous un bain de vapeur privé, avec des bassins chauds et froids. Je souhaiterais aussi des rafraîchissements, rien de trop fort, juste des fruits et du vin léger. Vous ferez également nettoyer nos vêtements et les ramènerez une fois secs lorsque nous en aurons terminé. »

Le portier resta silencieux l'espace d'un instant, faisant le décompte des pièces et des bassins disponibles puis hocha la tête avec un large sourire.

« J'ai exactement ce qu'il vous faut, monseigneur. Si vous voulez bien me suivre », dit-il, tournant au bout du couloir et ouvrant une porte qui révélait une salle spacieuse pourvue de trois bassins entourés de marbre situés au centre, chacun d’eux profonds d'environ cinq pieds, équipés de bancs pouvant accueillir approximativement une dizaine de personnes. Des bancs de pierre couraient également le long des murs de la pièce, des pieds courbés supportant les assises moelleuses parsemées de coussins, et des fleurs en pots étaient disposées dans les coins, hors du passage, mais créant néanmoins une présence verte rafraîchissante. Une table était placée au centre, suffisamment large pour s'asseoir confortablement autour, mais suffisamment petite pour ne pas écraser la pièce, entourée de chaises sans dossier à pieds croisés. Une paire de pots de chambre richement décorés et recouverts apparaissaient dans le coin le plus éloigné, partiellement dissimulés par deux grandes plantes. La salle, d'une hauteur de deux étages au moins, était percée de deux fenêtres ornées de motifs floraux sculptés dans le calcaire et placées haut dans le mur, qui fournissaient l'unique source de lumière. Des braseros éteints pendaient au bout de longues chaînes depuis le plafond, suffisamment haut pour ne pas gêner, et suffisamment bas pour qu'un homme de grande stature puisse les atteindre, tandis qu'un trou dans le plafond permettait d'évacuer la fumée. Elika tentait d'étudier l'ensemble alors que leur hôte poursuivait son argumentaire commercial.

« L'un des bassins est froid, celui-ci est tiède, et celui-là est chaud », dit le portier en les désignant du doigt. « Cette porte mène au bain de vapeur, et celle-ci chez les domestiques », dit-il en montrant la dernière porte qui donnait sur l'extérieur. « Je vous en prie, prenez un siège, je vous fais immédiatement porter des rafraîchissements. »

Le Prince fouilla dans sa chemise, récupéra sa bourse, plongea la main au fond, et lorsqu'il la ressortit, deux morceaux d'or scintillaient à l'intérieur. Il les laissa tomber sur la table en disant « Dites-nous si cela couvre les frais ». Il fourragea à nouveau dans sa bourse d'ou il sortit encore une pièce d'argent, et cette fois, il la lança au portier qui la rattrapa au vol. « Et voici pour le dérangement ».

L'homme s'inclina profondément, appuyant la pièce sur son front, le remerciant abondamment et louant sa générosité d'une manière qui donna la chair de poule à Elika.

« Et ma sœur aura également besoin d'une chemise de bain, pour des raisons de pudeur. »

« Bien sûr, monsieur, j'y veillerai. Autre chose, monsieur ? »

« Non, vous pouvez disposer », dit le Prince en le renvoyant.

« Merci, monsieur. Tout de suite, monsieur » dit l'homme, s'inclinant et se retirant à reculons. Une fois à la porte, il tourna les talons, et à travers les boiseries qui assourdissaient le son, ils l'entendirent battre le rappel sans conviction pour que soient faites les quatre volontés de ses illustres hôtes.

« Je ne voudrais pas de son job », remarqua Elika alors qu'ils s'asseyaient à la table. « Je me demande ce qui est le pire, le voir se rabaisser de façon si écœurante, ou te voir jouer les seigneurs et maîtres tout puissants en le regardant de haut. »

« Nombreux sont ceux qui tueraient pour avoir son job, et il a probablement fait des choses qui te donneraient des cauchemars, pour s'élever aussi haut qu'il l'a fait. Tu n'avais pas de domestiques dans la vallée ? »

« Pas de cette façon. Il y avait ceux qui assuraient le service, ceux qui étaient artisans, ceux qui cultivaient la terre, mais au final, nous étions tous les serviteurs d'Ohrmazd, égaux à ses yeux, chargés du même devoir sacré dont chacun s'acquittait au mieux de ses capacités. »

« Dans ce monde, les forts écrasent les faibles, et la place d'un homme est déterminé par sa naissance. Si tu n'agis pas comme tu es supposée le faire, tu attires l'attention, et c'est exactement ce qu'on cherche à éviter. »

« Et c'est une raison suffisante pour humilier ceux qui ont moins de chance que toi ? »

« Ce n'est pas moi qui établis les règles, Nastaran, la seule chose que je puisse faire est de le gratifier d'un généreux pourboire. »

« Les règles sont mauvaises. Il faut les changer », dit-elle avec véhémence.

« Même si c'est vrai, ce n'est pas notre priorité dans l'immédiat, dit-il, apaisant. A l'ouest, les philosophes hellènes parlent d'égalité entre tous les hommes, et de la possibilité que tous aient leur mot à dire sur la façon de gouverner la cité. Mais ils disent aussi que l'amour véritable ne peut exister qu'entre hommes, et que les femmes ne sont bonnes qu'à porter les enfants, donc je prends leurs idées avec des pincettes.»

« Comment se fait-il que ceux d'en bas supportent ça et ne renversent pas ceux d'en haut ? » demanda t-elle, incapable d'imaginer comment une minorité pouvait écraser une telle majorité.

« Ca arrive parfois. Les paysans se révoltent. Les gens des villes se soulèvent. Ils meurent pour la plupart, mais même s'ils gagnent, une fois la poussière retombée, ils se rendent compte qu'il n'ont fait que remplacer le joug d'un oppresseur par un autre. Les hommes sont cruels, étroits d'esprit et ignorant par nature, Nastaran, et s'ils ont quelque chose à gagner en marchant sur les autres, ils n’hésiteront pas. »

« Parfois, je me demande vraiment comment tu fais pour te lever le matin », dit-elle avec un profond soupir. Elle se tourna, ses ongles de pieds devenus tout à coup particulièrement intéressants, la raideur de ses épaules trahissant à elles-seules à quel point tout cela l'ébranlait.

« Je vois le monde tel qu'il est. Toi, tu vois ce qu'il pourrait devenir », dit-il, en posant sa main sur les siennes. « Je vois à quel point le système est perverti, mais je me contente simplement de le contourner, alors que tu rêves de ce qu'il devrait être. Tu as en toi le pouvoir de créer un monde meilleur, et un jour tu le feras. Mais pour l'instant, laisse-moi te guider à travers ce qu'il est. Tu n'as pas à accepter l'injustice, la cruauté, la souffrance qui nous entoure, mais nous devons nous attacher à ne livrer qu'un seul combat à la fois.»

Les mots du devoir apaisèrent sa colère, ainsi qu’ils le faisaient toujours ; son front se plissa alors qu'elle retournait ses paroles dans sa tête, mettant de côté pour l'instant ses idées d’injustice sociale. « Tu lui as donné un bon pourboire, au moins ? »

« Bien sûr, plus d'un semaine de salaire. Il faudra qu'il partage avec ceux de l'étage, et s'il a un peu de bon sens, avec ceux du rez-de-chaussée, mais il lui restera encore assez pour passer la nuit à se taper des putes et à picoler. » Sentant plus qu'il ne vit son regard réprobateur, il s'empressa d'ajouter : « Ou mettre de côté pour des jours meilleurs. »

Alors qu'ils discutaient, deux filles à la peau sombre arborant des robes blanches dépouillées et de larges sourires, firent leur apparition et disposèrent devant eux une assiette en étain regorgeant de fruits en abondance. Elles s'inclinèrent légèrement et s'éclipsèrent par la porte des domestiques pour réapparaître en portant un paravent pliant de couleur crème, tandis que quatre garçons amenaient deux grandes baignoires en bois en les trimballant laborieusement par leurs poignées de bronze. Les servantes installèrent en silence le paravent entre les deux baignoires, rapides et efficaces, sans avoir l'air pressé, pendant que le Prince se délectait nonchalamment d'une grappe de raisin, et qu'Elika sentait grandir son mal être. Elle n'avait pas de problèmes avec le concept de domesticité. Malgré ce qu'elle avait dit au Prince, il restait encore suffisamment de monde dans le royaume pour que la fille unique du roi n'ait pas à hisser sa propre baignoire jusqu'à sa chambre ; et elle avait hâte de se faire frictionner le dos par des mains expertes, c'était la présence du Prince qui la mettait sur le fil du rasoir entre anxiété et excitation.

Elle appréciait l'ironie du contraste entre d'une part, garder la tête froide pour combattre un dieu maléfique et marcher le front haut vers la mort, et d'autre part, souffrir d'un cas typique de papillons dans le ventre à la perspective de se retrouver nue dans la même pièce que le Prince. Elle ne pouvait pas faire grand chose pour endiguer la confusion qui régnait en elle sans partage ; ce n'était pas une chose à laquelle les livres avaient pu la préparer, la fébrilité du premier amour lorsque chaque petit geste insignifiant pèse le poids du monde et que chaque sourire échangé irradie jusqu'au plus profond de l'âme.

Son agitation intérieure, même si elle ne passa pas inaperçue, fut quasiment ignorée du Prince. Il suivait son propre chemin ainsi qu'il l'avait toujours fait, ses yeux bleus ravageurs ne reflétant qu'une curiosité oiseuse pour ce qui l'entourait. Il reposait ses pieds fatigués, suivant paresseusement des yeux les valets qui ne cessaient d'amener des seaux d'eau fumante, tandis que les servantes s'activaient et allumaient les braseros, apportaient deux serviettes, une chemise de bain pour elle, et un caleçon large pour lui. Lorsqu'ils eurent terminé, Shamash avait déjà gagné le monde souterrain, terrassant des hordes de démons avant d'émerger victorieux à l'aube du jour suivant, alors que seules les flammes dansantes projetaient leur chaude lueur sur le bain.

Alors que le dernier garçon se retirait par l'entrée des domestiques, le Prince se leva de sa chaise, et se dirigea vers sa baignoire, tout en se débarrassant de ses vêtements. Sa ceinture avec l'épée qui pendait atterrit sur le châssis du paravent peint installé entre les deux baignoires, et la bourse à l'origine accrochée à son cou suivit prestement le même chemin sans plus de cérémonie. Il ne restait plus grand chose à l'intérieur ; et de toute façon, l'établissement était aussi digne de confiance que possible, et voler de la menue monnaie à des clients qui payaient bien était toujours une mauvaise affaire pour toutes les personnes impliquées. Il retira sa chemise et la jeta sur la chaise avant même qu'Elika n'ait réalisé ce qui se passait. Ses yeux s'écarquillèrent tout d'abord, l'observant avec fascination alors qu'il luttait torse nu avec les lanières des ses sandales. Elle revint sur terre à la vue de l'expression accablée qui apparut sur son visage lorsque l'odeur de ses pieds lui parvint.

« Alors, tu viens ? » dit-il en relevant les yeux, tout en bataillant avec l'autre sandale.

« Umm … oui. » Elle se sentit prise au piège, détourna les yeux, puis son regard vacilla à nouveau vers lui, pour s'en écarter vivement lorsqu'elle le vit s'attaquer au cordon qui retenait son pantalon. Elle se leva brusquement ; en trois pas rapides, elle se retrancha de l'autre côté du paravent.

« Tu es trop mignonne quand tu rougis », lui parvint la voix de l'autre côté, et bien qu'elle pût à peine distinguer les contours que projetait l'ombre du Prince sur le tissu du paravent, elle pouvait parfaitement se représenter son sourire suffisant. En dépit de son exaspérante arrogance, il avait raison, et son visage se fit plus écarlate encore lorsque la silhouette en contre-jour, à l'instar de l'original, laissa tomber le pantalon sur ses chevilles, s'en débarrassa, et le lança d'un coup de pied sur le reste de ses vêtements près de la table au centre de la pièce. Les sous-vêtements suivirent le même chemin, alors qu'elle restait debout, fascinée, à la recherche de détails qu'elle savait être là, mais qui s'estompaient dans les flammes vacillantes. Il entra dans la baignoire, désigna d'un geste ses vêtements, et demanda à la servante de s'assurer qu'ils seraient propres et secs une fois qu'ils en auraient terminé.

« Tout de suite, monsieur », répondit la servante, sortant pour la première fois de son silence depuis qu'elle était entrée dans la salle d'eau, d'une voix étonnamment agréable et sereine. Elle rassembla ses vêtements et quitta la pièce à la hâte pour les déposer dans les bras aux aguêts de l'un des garçons qui patientait dehors, afin qu'ils soient emmenés dans l'arrière-cour du bain où des femmes plus vieilles attendaient, plus assez jolies pour sourire aux riches, penchées sur des éviers de l'aube au crépuscule, voire au delà, jour après jour, année après année, jusqu'à ce qu'elles ne soient plus assez vaillantes pour assurer leur gagne-pain.

Elika réalisa qu'elle était encore complètement habillée alors que le Prince finissait de se plonger dans le bain, et donnait libre cours à sa satisfaction par un interminable soupir. Elle commença par quitter l'une de ses sandales, pleinement consciente du fait que les braseros dessineraient sa silhouette sur le mur, comme ils l'avaient fait pour celle du Prince, voire même davantage puisque la lumière de son côté l'éclairait directement depuis l'arrière, alors que celle qui traçaient les contours boueux du Prince sur le paravent traversait la pièce de part en part.

Il est en train de m'observer, se dit-elle, et il apprécie probablement davantage mon embarras que la vue que peuvent offrir les ombres de mon corps. Elle détestait l'idée qu'il puisse la mettre ainsi sens dessus dessous sans même dire un mot, lui donnant l'impression qu'il pouvait lire dans son esprit et y implanter des pensées. Une flamme de défi s'alluma en elle. Elle était une reine en devenir, pas l'idiote du village dont on se jouait. Elle se contrôlerait, même si cela devait la tuer. Elle se débarrassa de son autre sandale d'un coup de pied, et au lieu de tourner le dos au paravent, elle se positionna de côté, fit glisser sa chemise par dessus sa tête, et s'étira, sentant la lumière caresser son corps, dessiner ses contours avec de délicats effleurements mordorés sur la toile. Elle hésita l'espace d'une fraction de seconde sur ce qu'elle devait enlever ensuite, puis dénoua le coin de l'écharpe enroulé deux fois autour de sa poitrine. Elle retira le vêtement et le déposa dans les mains de la servante qui attendait près de la baignoire. Elles échangèrent un sourire de conspirateur, complices l'espace d'un instant ; la servante savait elle aussi à qui s'adressait ce buste si cambré. Puis une main froide lui agrippa les tripes et les enserra ; le bâteau monté par le Prince faisait d'elle sa sœur, et une sœur n'était certainement pas censée aguicher son frère. Un embarras d'une autre nature l'envahit, et elle quitta sans plus de cérémonie son pantalon et ses sous-vêtements, abandonnant toutes formes de danse ou d'ondulation.

Tandis que sa servante s'empressait de disparaître avec ses vêtements, Elika s'allongea dans la baignoire, et un soupir identique à celui du Prince s'échappa de ses lèvres. La chaude étreinte de l'eau procurait une sensation apaisante à sa peau déshydratée. Jamais par le passé elle n'avait été privée si longtemps du confort élémentaire de la propreté ; l'espace de quelques instants bénis, tout le reste fut occulté, le Prince juste à côté derrière le paravent, sa gaffe une minute plus tôt, les cerbères de l'ombre qui réclamaient sa tête. Elle ferma les yeux, laissa retomber sa tête sur le bord de la baignoire, et ses muscles se relâchèrent pour la première fois, tandis que l'indescriptible panique liée à l'attaque des brigands du désert commençait enfin à s'estomper. Elle sentit la présence de la domestique près d'elle, plus qu'elle n'entendit ses pas. Ouvrant lentement les yeux, elle leva le regard. La servante tenait un plateau chargé de petits pots remplis de crèmes, de sels et de poudres qui subjuguaient les narines d'Elika de leur dizaine de parfums.

« A quelle fragrance madame accordera t-elle sa préférence ? Quelque chose de léger et de frais peut-être, comme ce mélange de magnolia et d'agrumes ? Ou quelque chose de plus provocant ? Des fleurs de lys écrasées dans de l'huile de rose peut-être ? »

Elika leva légèrement la main, pas assez pour remonter à la surface de l'eau, mais la servante comprit le geste, et sa phrase mourut sur ses lèvres.

« Comment vous appelez-vous ? »

« Puabi, madame. »

« Surprenez-moi, Puabi, s'il vous plait », dit-elle avec un doux sourire et sa tête retomba sur le bord. Les lumières vacillantes des braseros illuminaient à peine la pièce spacieuse, la chaude infusion de l'eau et l'odeur de miel sucrée des sels de bains que Puabi versait dans la baignoire emplissaient ses sens d'émerveillement, et d'une magie bien différente de celle qui surgissait du bout de ses doigts. La servante se déplaçait autour de la baignoire, s'agenouillant juste derrière Elika, et la poussant délicatement vers l'avant. Elle relâcha sa vigilance et laissa faire Puabi, prenant appui sur ses genoux lorsque celle-ci commença à s'affairer sur sur son corps avec une éponge douce, frottant d'abord son dos avec douceur, puis avec des caresses de plus en plus vigoureuses, déplaçant ses mains d'un côté à l'autre, du haut vers le bas, jusque dans le creux de son dos. Elika ronronnait presque, sentant les semaines de sel, de sable et de sueur s'effacer sous les soins attentionnés de la fille qui se tenait derrière elle. Cela faisait trop longtemps qu'elle aspirait au luxe élémentaire qui ne se résumait pas à quelques gorgées d'eau ; le désert offrait rarement de telles opportunités, et les envies de repos et de détente du matin même furent balayées par les émotions qui se déversaient en elle.

« Vous êtes vraiment très belle, madame », dit Puabi, faisant en sorte d'éviter de respirer dans les oreilles d'Elika et se tenant aussi en retrait que possible, malgré ses mains en train d'errer sur son dos nu et la position penchée.

« Merci, répondit Elika. Vous n'êtes pas mal non plus. »

« Madame est trop gentille. »

La paisible intimité du bain vola en éclats lorsqu'un grognement de satisfaction se fit entendre de l'autre côté du paravent.

« Ouais, pile au bon endroit. Juste un peu plus bas. Oooh oui. » Elika fusilla du regard la gauche du paravent, essayant de tirer des conclusions en fonction des formes sur le tissu. Comme elle, le Prince se faisait frictionner le dos, et à en juger d'après le bruit, certaines parties ne demandaient qu'à être frottées. Les réflexions d'Elika se trouvèrent confirmées un instant plus tard par un gémissement du Prince.

« Frottez plus fort … très bien. Vous avez de l'or dans les mains, ma grande, personne ne vous l'a jamais dit ? »

« Il est entre de bonnes mains avec Enana, madame. » Elika fut surprise par Puabi qui lui parlait, toute proche. « Elle connait bien les limites, vous n'avez pas besoin de surveiller votre amoureux. »

Sans voix l'espace d'un instant, Elika se ressaisit vivement et se récria. « C'est mon frère, pas mon amoureux. »

« Nous voyons souvent des ''frères et sœurs'' ici, madame. Vous n'avez pas à vous inquiéter. La discrétion fait partie des services de la maison » dit Puabi d'un ton rassurant, sans une once de remontrance ou de jugement.

« Ca se voit tant que ça ? » demanda Elika, penaude, allant dans son sens au lieu d'essayer d'expliquer l'imbrication complexe de confiance, de désir et de loyauté qui les liaient elle et le Prince. La servante se leva lentement, s'avança jusqu'à l'autre côté de la baignoire et s'agenouilla à nouveau sur le sol.

« Aucune soeur n'essaierait d'impressionner son frère comme vous avait tenté de le faire, ou alors la malédiction des dieux ne tarderait pas à s'abattre sur cette famille », dit-elle en souriant, et elle plongea son bras dans l'eau, en sortit le pied gauche d'Elika, lui tendant la jambe. Elika sentit l'étirement de ses muscles restés contractés depuis trop longtemps et s'efforça de se relaxer au contact de Puabi, tandis que la servante s'attaquait à ses plantes de pied. « Et aucun œil fraternel ne flamboiraient au point de percer des trous dans le paravent comme les siens l'ont fait. »

« Là, tout de suite ? »

« Absolument, madame. Il vous observait comme un faucon. »

Elles parlaient à voix basse, le son masqué par le doux clapot de l'eau du bain, échangeant un sourire ou un rire nerveux de temps à autre, tandis que l'eau devenait progressivement de plus en plus trouble autour d'Elika. Elle ignorait combien de temps s'était écoulé depuis que Puabi lui nettoyait les jambes jusqu'à mi-cuisse et les bras, alternant les gestes lents et doux avec l'éponge et les fortes frictions, s'attaquant plus particulièrement aux pellicules de crasse incrustées, que l'eau transformait en boue. Elle finit par se relever et s'assit sur ses talons.

« Souhaitez-vous que je m'occupe de votre ventre, madame ? » Elika s'interrogea l'espace d'un instant. Le toucher de Puabi était doux et efficace, intime sans être érotique, mais il y avait certaines choses qu'Elika préférait faire elle-même. Elle tendit la main pour prendre l'éponge et dit : « Merci, je vais me débrouiller. »

« Comme vous voudrez, madame », dit Puabi, obéissante et elle se leva d'un mouvement fluide. « Je serai juste à côté, madame », dit-elle en quittant la pièce. Tandis qu'Elika s'occupait des parties de son anatomie inaccessibles à la servante, Puabi, bientôt rejointe par Enana, amena deux tables en bois léger, les installa à côté de chaque baignoire, les recouvrant de nappes en laine et disposant sur chacune d'elle un vêtement blanc propre avec les gestes aisés que conférait l'expérience.

Lorsqu’Elika eut terminé, Puabi se tenait à nouveau près de la baignoire, serviette en main. « Levez-vous madame, vous ne ferez que vous salir encore davantage si vous restez assise là. » Elika s’exécuta, l’eau tombant en cascade sur son corps. Elle baissa les yeux, s’émerveillant de la noirceur qu’elle laissait derrière elle.

« J’ai l’impression qu’il me faudrait un autre bain pour être vraiment propre. Et mes cheveux sont toujours emmêlés », remarqua t-elle, tandis que la servante s’acquittait de sa tâche, la frictionnant consciencieusement sur toutes les parties du corps pour la sécher.

« Un bon massage suivi d'un bain de vapeur vous nettoiera en profondeur, madame, mais si vous désirez un autre bain, il vous suffit de demander, je serais ravie de vous servir. Et quant à vos cheveux, je connais des femmes qui, après une journée entière à se faire chouchouter par une dizaine d'esclaves, tueraient pour être comme vous lorsque vous êtes arrivée. » Elle aida Elika à sortir du bain, et laissa tomber la serviette.

« Vous exagérez, Puabi », dit Elika en s'installant sur la table en position allongée sur le ventre, la tête face au paravent. Elle se demanda ce qui rendait le Prince silencieux à ce point depuis si longtemps et éprouva un accès de jalousie à l'idée que les mains d'une autre s'affairaient sur lui, mais décida d'en faire abstraction. Un champ de mine affectif l'attendait dans cette direction et c'était quelque chose qu'elle préférait éluder dans l'immédiat. Les protestions de Puabi la ramenèrent à la réalité.

« Absolument pas, madame », dit-elle, plongeant ses doigts dans l'huile et l'étalant sur ses mains. « Vous êtes fine comme une gazelle, avec des seins fermes et parfaits, un cou gracieux et une texture de peau dont sont s'inspire celle des statues de déesses. »

« Vous me gênez. Ouch », siffla Elika, tandis que la servante enfonçait ses doigts dans ses épaules.

« Souhaitez-vous que j'y aille plus doucement, madame ? »

« Non, continuez. Ces noeuds me gènent depuis des jours. »

« Alors faisons-les disparaître, qu'en pensez-vous ? »

Tandis qu'Elika fondait dans une flaque de muscles, d'os et de tendons décontractés par les soins experts de Puabi, de l'autre côté du paravent, le Prince se débattait avec une préoccupation qui lui était jusque là complètement étrangère : que faire d'une fille sublime manifestement amoureuse de lui, maintenant qu'il avait en sorte qu'elle se déshabille. Même si un peu plus tôt, il avait repoussé doucement mais fermement la main d'Enana alors qu'elle voulait décrasser certaines parties de son anatomie plus profondément que ne l'exigeaient les standards de propreté les plus élevés, il n'était à présent plus très sûr que c'était une si bonne idée d'attaquer le reste de la nuit avec des semaines d'énergie sexuelle refoulées, en quête d'un exutoire. Il avait réussi à se contenir après avoir fui la Cité de la Lumière, à se retenir au dernier moment après l'attaque des brigands, et sa maitrise de soi, loin d'être son point fort, commençait à s'amenuiser dangereusement. Malheureureusement, autant ne pas compter sur Elika pour être la plus maligne dans ce genre de situation, se dit-il avertume, cette fille n'avait absolument pas conscience de la façon dont elle s'était jetée à sa tête, agissant davantage comme une jeune fille en fleur transie d'amour, que comme la reine à la détermination d'acier qui se dressait contre un dieu. Et bien que selon sa philosophie générale, ne pas dire non plusieurs fois signifiait clairement qu'on ne demandait qu'à être séduite, il éprouvait de violents scrupules à coucher avec Elika, chose qu'il ne pouvait s'expliquer de manière cohérente, même à lui même.

Il avait envie d'elle, il voulait laisser errer ses mains dans ses cheveux, l'attirer contre lui et dévorer ses lèvres dix fois par jour, il voulait l'entendre soupirer de plaisir et crier son nom dans l'étreinte de velours de la nuit. Cent fois tout au long de leur périple dans le désert, il avait imaginé comment il la guiderait sur le chemin d'un art plus ancien que les mots écrits, se la représentant comme une élève insatiable, avide de toutes les expériences que la vie lui avait refusées jusque là. Ces escapades au pays des rêves éveillés ne lui facilitait guère la vie pour chevaucher confortablement, mais il n'y avait pas grand chose qu'il puisse faire pour s'y soustraire. Cependant, malgré le désir qu'elle lui inspirait, malgré la façon dont ses mains se coulaient dans les siennes, dont son esprit s'accordait avec toutes ses réparties cyniques, malgré la façon dont elle semblait lire en lui au combat, malgré les indices insignifiants et ceux évident et lourds de sens, qui lui disaient tous autant qu'ils étaient que leur couple fonctionnerait, il sentait toujours un énorme « mais » planer au-dessus de tout ça. Ce « mais » signifiait qu'il ne pouvait pas se permettre de se louper sur ce coup-là. Il avait laissé s'enfuir un dieu maléfique, pour elle, et pour d'autres à-côtés qu'il gardait pour lui dans l'immédiat, et il était bien dans son intention d'enterrer cette menace dans le monde souterrain auquel elle appartenait. Et si le sexe compliquait les choses, l'amour les compliquait encore plus, même si cela faisait bien longtemps qu'il n'avait plus pensé en ces termes en ce qui le concernait. Jetez dans le mixeur les attentes d'une jeune vierge et la circonspection d'une prêtresse et vous obtenez un mélange plus qu'explosif. Il n'était pas envisageable qu'une querelle d'amoureux puisse mettre en danger l'humanité toute entière. Une culbute dans la paille ne devait pas leur faire oublier qu'il fallait trouver un moyen de replacer le couvercle sur le puits où se tenait jadis l'Arbre de Vie. Ils menaient une course contre une horloge invisible, et même s'il pouvait différer l'écrasante réalité de la tâche qui les attendait le temps d'une heure ou d'un jour, chaque minute de perdue laissait plus de temps à Ahriman pour émerger de sa planque dans le désert et engloutir le monde le plus proche.

Il était tellement perdu dans ses pensées, déchiré entre désir et raison, que l'heure qu'Enana passa à lui masser le dos, les bras, et les jambes avec des huiles parfumées passa sans même qu'il s'en aperçût, en dehors d'une sensation générale de bien être. Il ne revint à la réalité que lorsque les mains furent remplacées par une serviette, parcourant lentement son dos pour le sécher. Il cligna deux fois des yeux, et demanda sans bouger un muscle :

« C'est terminé ? »

« Je suis à votre disposition pour d'autres requêtes, monsieur », dit-elle en dissimulant derrière son sourire un ton plus que lourd de sous-entendus.

Il se releva lentement à quatre pattes sur la table, puis s'étira comme un chat.

« Soyez gentille, donnez-moi ce caleçon et aller chercher un pichet de vin et deux chopes. »

« Tout ce que vous voudrez, monsieur. » Elle tendit le vêtement au Prince, et disparut à sa vue, balançant juste assez ses hanches pour que son regard la suive. Elle lui avait fait clairement comprendre, à la fois par des contacts physiques et de doux murmures, que la formule tout compris était disponible sur demande du client. C'eut été une solution facile à son problème, mais pas celle qu'il souhaitait.

A travers la petite fenêtre placée en hauteur, il pouvait voir les étoiles briller d'une lueur étincelante, deux heures peut-être s'étaient écoulées depuis le coucher du soleil. Alors que la fraîcheur de la nuit venue du dehors assurait à la pièce une température d'un confort optimal pour un corps dénudé, le Prince rendait silencieusement grâce au génie anonyme qui avait dessiné les plans de l'édifice, pour autant que la conception en eut été intentionnelle et réfléchie. Les bassins d'eau tiède et d'eau chaude dégageaient suffisamment de chaleur, indépendamment des volutes de condensation qui s'échappaient de la porte fermée du bain de vapeur, pour compenser celle qui se perdait dans les rues. S'il s'avérait qu'ils ne passaient pas la nuit entière dans un bain, il leur faudrait retrouver leur chemin dans la cité obscure, songea t-il ; l'établissement devait bien disposer de chambres quelque part. Il haussa mentalement les épaules, éludant la question, enfila le calecon blanc sommaire et noua le lien sans serrer le noeud.

« J'ai fini, Nastaran » appela t-il à travers le paravent d'un ton normal, mais qui dans le silence de la salle d'eau, parut aussi bruyant qu'un cri. De doux murmures se firent entendre de l'autre côté du paravent, et le Prince balaya les alentours du regard, indécis. Il ne pouvait décemment pas aller s'asseoir à la table chargée de fruits entre les trois bassins, cela lui aurait donné une vue imprenable sur la table de massage d'Elika ; et bien que le Prince eut l'impression qu'Elika se fut volontiersdénudée pour peu qu'on le lui demandât suffisamment gentiment, il imaginait qu'elle se sentirait offensée d'être observée à la dérobée. Il se hissa donc d'un bond sur sa table, face au paravent, appuyant ses pieds nus sur sa baignoire à présent remplie d'eau tiède. Même si s'écarter de ses principes pour espionner portait atteinte à son éthique alambiquée, qu'il soit damné s'il détournait le regard alors qu'il se passait quelque chose d'intéressant juste sous ses yeux !

Il n'eut pas à attendre longtemps. Les deux braseros suspendus derrière la table d'Elika projetèrent des ombres claires et nettes sur le paravent qui les séparait, traduisant la scène en une pantomime noire et blanche. Puabi alla chercher une autre serviette sur l'étagère, ainsi que la chemise de bain, jetant au passage un coup d'œil au Prince en revenant vers Elika. Après avoir été frictionnée avec douceur, la serviette absorbant l'essentiel de l'huile, Elika s'assit lentement, et s'étira dos aux lumières, montrant les lignes gracieuses de sa taille. Le Prince l'observait tandis que Puabi l'aidait à passer la chemise, un autre vêtement blanc et dépouillé qui descendait à peu près jusqu'aux genoux.

« Tu es décent ? » appela t-elle.

« A peu près aussi moralement décadent que la dernière fois que j'ai vérifié, mais oui, je suis habillé », répondit-il, et elle fit le tour du paravent, alors que Puabi et Enana s'affairaient au fond de la pièce, versant du vin, rassemblant les serviettes et les flacons d'huile et de sels de bain. La réplique mourut sur les lèvres d'Elika lorsqu'elle se retrouva face au Prince. Seulement couvert des genoux à la taille, les muscles huilés luisant dans la lumière dansante des flammes, le fait de le voir nonchalamment renversé en arrière sur la table, en appui sur ses bras, faisant jouer l'ensemble de ses muscles savamment entretenus, provoqua en elle une douce sensation dans son bas-ventre telle qu'elle en avait rarement ressentie auparavant. Bien qu'il eut remarqué le chemin que les yeux erratiques de la princesse traçaient sur son torse, le Prince sentit sa gorge s'assécher à son tour. La chemise, conçue à l'origine pour garantir un minimum d'intimité, n'était pas assez épaisse pour dissimuler le fait qu'après qu'Elika ait abandonné la chaleur de la table de massage, ses deux tétons s'étaient transformés en pointes rigides, et que le triangle sombre au-dessus de son entrejambe repondait à la question qu'il s'était souvent posé durant ses rêveries éveillées, à savoir si les femmes de la Vallée se rasaient le pubis. L'instant où le tissu rencontrerait l'eau l'emplissait d'appréhension et d'excitation à la fois ; il avait hâte de voir à quel point cela laisserait alors peu de place à l'imagination. Le désir monta en lui, et il dut lutter pour maîtriser d'autres stimulis, plus visibles.

« Comment tu as trouvé le bain ? » demanda t-il, s'efforcant d'adopter un ton détaché et relevant vivement les yeux vers le visage d'Elika.

« Excellent, j'ai eu l'impression de renaître », dit elle, et il sourit à cette plaisanterie qu'eux seuls pouvaient comprendre. « Et le tien ? » demanda t-elle.

Les platitudes d'usage lui furent épargnées par Enana qui s'avançait vers eux, leur proposant deux gobelets de vin coupé d'eau. Le Prince vida le sien en trois grands traits et le tendit pour qu'on le reserve à nouveau, imité par Elika qui réalisa soudain à quel point elle était assoiffée. Lorsqu'Enana eut à nouveau rempli les coupes, Puabi qui avait achevé ses dernières corvées, vint se poster à côté de sa collègues, les mains jointes devant elle.

« Désirez-vous autre chose, monsieur, madame ? » demanda Enana, tendant la main pour prendre les gobelets et les remplir une fois encore du léger vin rouge dilué.

« Vous pouvez disposer pour l'instant, dit le Prince. Si nous avons besoin de quoi que ce soit d'autre, nous viendrons à la porte et nous vous appellerons. Autrement, nous ne souhaitons pas être dérangés. »

« Vos désirs sont des ordres », dirent-elles à l'unisson, en s'inclinant légèrement.

« Attendez une minute », dit le Prince et il alla vers le paravent chercher sa bourse. Il fouilla à l'intérieur et en sortit deux pièces d'argent, déposant chacune d'elles dans les mains des servantes. « Pour votre excellent travail ». Un long torrent de gratitude débordante s'ensuivit, dont une partie réellement sincère, avant que le Prince ne les renvoie d'un geste de la main, enfin tranquille avec Elika.

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