Chaos Sanctuary
Chapitre 6 : La révélation, ou le pourquoi du comment
Catégorie: G
Dernière mise à jour 10/11/2016 05:40
Selon les dires de Noa – et je préférais autant me fier à ce qu'elle disait - , il y avait à Lavanville « une personne qui lui apporterait son aide ». Elle ne m'en dit pas plus de la soirée, et je dus me résigner à me blottir dans mon sac de couchage sans en savoir plus. Je n'ai jamais compris l'obstination de Noa à en dire toujours le moins possible, sans doute pensait-elle qu'elle était la seule concernée et donc la seule qui devait payer le coût de la vérité. Mais elle avait tort, cette fois.
Le lendemain matin, je fus presque surpris de ne pas me faire réveiller à l'aube par la fillette, qui avait des manières radicales lorsqu'il s'agissait d'être efficace. Le fait est que j'ouvris les yeux avant elle. Il devait être près de midi, le soleil était à son point culminant, et pas la moindre trace d'élément perturbateur. Je me levai lentement, le temps d'avoir les idées à peu près claires, et me tournai vers Noa. Elle était allongée dans son sac de couchage, sur le dos, les yeux encore fermés, la respiration lente et régulière. Je la contemplai quelques instants, puis m'approchai sans bruit, bien décidé à prendre ma revanche.
- Debout là-dedans ! m'exclamai-je en la secouant légèrement.
Noa mit dix minutes à sortir de sa torpeur, le temps pour moi de préparer le petit déjeuner, qui étant donné l'heure ferait office de repas. Une fois à peu près opérationnelle, elle se leva en s'étirant.
- Déjà midi ? s'étonna-t-elle.
Son réveil tardif ne l'empêcha néanmoins pas d'attraper un des sandwichs que je venais de confectionner et de mordre férocement dedans. Nous prîmes quelques minutes pour nous rassasier, puis je fus chargé d'aller soigner nos Pokémon au Centre du village en contrebas pendant qu'elle rangeait le pseudo-campement que nous avions établi la veille. La guérison pris un peu plus d'une heure, mais ils n'avaient subi aucun dommage inquiétant et nous ne fûmes donc pas trop retardés. Après quoi nous dûmes reprendre la route, en direction de Lavanville. Chemin faisant, j'engageai la discussion, pressé d'en savoir plus.
- Qui est-ce, cette personne qui pourra nous aider ? demandai-je l'air de rien.
J'avais volontairement employé le terme « nous », et si Noa sembla s'en étonner quelques instants elle ne s'en offusqua pas.
- Oh, un vieil ami, marmonna-t-elle. Il a pas mal de ressources, de plus il a une dette envers moi.
Je m'étonnai encore une fois de ce que venait de me dire la fillette. A douze ans, on avait déjà des « dettes » envers elle. J'ignorais de quel genre de choses elle voulait parler, mais ne m'interrogeai pas davantage à ce sujet. Je ne devrais apprendre que plus tard de quoi il s'agissait.
- Quel genre de ressources pourrait nous aider ? insistai-je.
La fillette sembla agacée par mes questions mais n'en fit rien. Néanmoins, elle se tourna vers moi et s'arrêta, d'une façon presque brusque.
- Les choses ne vont pas très bien, en ce moment, je ne sais pas si tu t'en es rendu compte. Toutes les ressources sont les bienvenues, affirma-t-elle.
- Oui, les catastrophes dans les villes, mais...
- Je ne parle pas de ça, me coupa-t-elle. Ça, c'est encore autre chose.
Elle se remit à marcher, m'invitant à la suivre – ce que je fis sans trop tarder, avant de reprendre.
- Kanto n'est plus ce qu'il était, finit-elle par dire. Autrefois il y avait une certaine liberté. La Team Rocket était encore active, certes, mais on trouvait toujours le moyen de l'empêcher de nuire. De jeunes dresseurs parcouraient les routes et ajoutaient au dynamisme du pays. De nombreux métiers étaient consacrés à l'étude des Pokémon, et on trouvait le moyen de cohabiter sans trop de soucis.
- Je sais tout ça, fis-je en acquiesçant d'un signe de tête, mais en quoi est-ce que les choses ne vont pas bien aujourd'hui ?
- Laisse-moi terminer, fit-elle sans ciller, le fait est que beaucoup de libertés n'existent plus à présent. Le temps des dresseurs est révolu depuis longtemps, et l'on ne voit plus aucun intérêt à se pencher sur tous les mystères qui entourent les Pokémon, puisqu'ils sont passés en second plan. Est-ce que tu sais ce que c'est que le Chaos Sanctuary ?
- Bien sûr, fis-je, heureux d'avoir ce minimum de connaissances, le sanctuaire dans lequel on a enfermé les Pokémon légendaires.
- Exact, affirma-t-elle, le Sanctuaire du Chaos. Il renferme les trois oiseaux légendaires et les trois chiens légendaires : Artikodin, Electhor, Sulfura, et Raikou, Entei et Suicune. Tous ensemble, ils forment l'Hexagone.
- ... Et ? demandai-je, impatient. Donc ?
- Au temps dont je te parle, ils étaient en liberté et c'était l'une des intrigues majeures de l'époque. En effet ils ne dérangeaient personne, et l'on en venait même à douter de leur existence puisque seules de très rares personnes pouvaient prétendre les avoir rencontrés. Le temps des dresseurs a pris fin au moment où ces six Pokémon se sont fait capturer, à peu de choses près. Pour ce faire le gouvernement a déployé des forces phénoménales sur tout le pays, et la capture n'a pas pris plus de cinq semaines. Au bout de ce laps de temps ils étaient tous enchaînés et cloîtrés dans ce fameux Chaos Sanctuary.
- D'accord, acquiesçai-je, légèrement désespéré. Elle ne m'annonçait là que des choses que je savais déjà, moi qui espérais en apprendre davantage.
Comme si elle avait compris le fond de ma pensée, elle me regarda fixement un instant, avant de reprendre.
- Tu trouves ça normal, toi ?
Sa question me laissa perplexe quelques instants. Je n'y avais jamais vraiment réfléchi.
- Eh bien... bredouillai-je.
- Eh bien, rien du tout, ajouta-t-elle. C'est l'envie de tout contrôler qui a poussé le gouvernement à conduire une telle opération, alors que les choses auraient très bien pu rester telles quelles. En tous les cas ce fut la première oppression de cette longue liste qui marqua la fin de l'apogée de Kanto.
- Certes, mais pourquoi me parles-tu de Chaos Sanctuary ? finis-je par demander, allant droit au but.
- Tu ne le devines pas ? fit-elle, étonnée.
- Non, je ne vois pas où tu veux en venir, rétorquai-je, légèrement irrité.
Encore une fois, elle marqua un temps de silence, comme si elle tenait à me préserver dans mon ignorance quelques instants de plus.
- Tous ces ravages qui opèrent en ce moment dans tout le pays. C'est l'œuvre des Pokémon que renfermait le Chaos Sanctuary.
Il me fallut quelques secondes avant de réaliser ce qu'elle était en train de me dire.
- Hein ? m'exclamai-je. Tu veux dire que les incendies dans ma ville...
- C'était Sulfura, oui, acheva-t-elle. A n'en pas douter.
Je m'accordai quelques instants pour réfléchir. Jamais je n'aurais pensé à une telle éventualité.
- Si je comprends bien, repris-je, les Pokémon de l'Hexagone se sont échappés d'une façon ou d'une autre, et ils se sont mis à ravager les villes. Bon, la raison n'est pas très compliquée, ça doit être une forme de vengeance...
Noa acquiesça d'un signe de tête.
- C'est ça. En gros.
Je poussai un grommellement.
- Mais c'est complètement insensé, bordel... Dans ce cas, pourquoi est-ce que personne ne dit rien ? Pourquoi est-ce qu'on ne nous met pas en garde ?
La fillette haussa les épaules.
- La gouvernement cherche à cacher cela, à tout prix. D'un côté, c'est compréhensible. Imagine un peu ce qui se passerait si les gens savaient que leurs villes sont détruites et leurs familles brisées parce que le gouvernement a fait preuve d'un manque de vigilance. Il y aurait de véritables soulèvements, ainsi que des mouvements de panique, tout ça en plus des destructions qui opèrent actuellement. Sans compter qu'ils – je veux dire, les personnes haut placées, commencent à se douter que la Team Rocket mijote quelque chose, même s'ils n'en savent pas plus.
Je ne dis rien. Effectivement, c'était une situation plus que délicate.
- En vérité, le monde dans lequel on vit est en train de subir des bouleversements majeurs, à tous les niveaux. Le calme provisoire instauré par le gouvernement a tenu un temps, mais tout cela a été chamboulé. C'était instable de toutes façons.
Je comprenais enfin ce qu'il en était de toutes ces destructions partielles ou totales à travers tout le pays, bien que je n'en sache pas plus au sujet du complot de la Team Rocket ou du rôle que Noa avait à jouer là-dedans. Ces histoires de gouvernement et d'autorité ne m'avaient jamais intéressé, pour ma part, et je me sentais complètement dépassé par ce que Noa venait de m'annoncer. J'étais totalement ignorant, et elle en savait bien plus que moi, je m'en rendais compte à chaque instant.
La pluie commença à tomber une heure après. Plongé dans mes réflexions qui suivirent les révélations, je ne le remarquai pas vraiment dans un premier temps. Puis vint un moment où mes vêtements se retrouvèrent trempés, et moi avec, et où je commençai à avoir réellement froid. L'arrivée à Lavanville n'était prévue que dans quelques heures, si nous avancions à bon rythme, et je dois avouer que je n'étais pas sûr de tenir jusque là.
J'avais déjà demandé à Noa, par pure paresse, pourquoi nous n'utilisions pas son Dracaufeu pour nous déplacer d'une ville à une autre, puisque manifestement le voyage allait être long. La réponse avait été un cruel « non » suivi d'une justification, comme quoi un si gros Pokémon ne passait jamais inaperçu et que, de toutes façons, il pleuvait et que ça ne lui plairait pas. Inutile de discuter avec elle lorsqu'elle prenait ce ton là, et je reconnus avec amertume qu'avec moi, elle avait plus souvent le dernier mot que le contraire. Mais elle était tellement différente que ce qu'aurait dû être une enfant de douze ans à mes yeux que ce n'en était presque plus choquant. Presque plus. A vrai dire, Noa ne cesserait jamais de m'étonner.
Au bout d'un certain temps, l'absence de parapluie en vint à se faire sérieusement ressentir, et je me mis à grelotter et à claquer des dents malgré moi. La fillette quant à elle se portait comme un charme, comme si les péripéties de la météo n'avaient aucune influence sur elle. Elle me demanda plusieurs fois si j'allais bien, ce à quoi je répondis un « oui » peu convaincu. Qu'aurais-je pu faire d'autre ? Fort heureusement, quelques minutes après, nous arrivâmes devant un petit abri. Dans un premier temps, je ne compris pas ce que cette construction éphémère faisait là, au bord d'une petite route de terre. Ce fut Noa qui compris la première – pour ne pas changer.
- C'est un abri de bus... reconnut-elle.
Effectivement, en se rapprochant, nous découvrîmes l'itinéraire et les numéros caractéristiques. Et, bien évidemment, il allait en direction de Lavanville. La brunette se retourna vers moi d'un air radieux.
- Eh bien, voilà qui va nous faciliter la tâche ! lança-t-elle, toujours d'aussi bonne humeur malgré la pluie qui tombait dru.
Pour ma part, j'avoue avoir été un peu grognon sur ce moment, mais il faut avouer que le mauvais temps ne m'a jamais réussi.
- Si on l'avait su plus tôt... marmonnai-je.
- Bah, ça nous aura fait une promenade, renchérit la fillette.
C'est ainsi que nous nous retrouvâmes sous un abri de bus par une pluie diluvienne à attendre les bonnes grâces du prochain conducteur prévoyant.
Le Boss frappe la table de son poing. « Bon sang, n'êtes vous qu'une bande d'incapables ? » grommelle-t-il. Levis, quant à lui, attend que la colère passe. Il a l'habitude, avec le Boss, et après tout mieux vaut qu'il exprime son mécontentement sur son bureau que sur un des membres du personnel. Le jeune homme reste donc là, patiemment, le temps que le Boss se calme. Lorsque ce dernier semble quelque peu reprendre son sang-froid, Levis tente une explication.
- Plusieurs de nos hommes ont été blessés accidentellement, Monsieur, minaude-t-il. Ce qui explique que nous ayons eu du mal à déployer nos forces de façon organisée, et...
- Assez ! le coupe son interlocuteur. C'est la troisième fois cette semaine que l'un d'entre eux vous échappe, je commence réellement à penser que vous êtes incapables de vous prendre au sérieux.
- Il ne s'agit pas de ça, Monsieur, renchérit toujours l'autre. C'est réellement difficile.
- Rien n'est trop dur pour des hommes de la Team, voyons ! râle le patron.
Puis il se prend le menton au creux de la main, et toise Levis d'un air hautain.
- Enfin, en théorie...
Le jeune homme se retient de pousser un soupir. Le Boss est difficile, comme toujours, et ne souhaite pas tenir compte des difficultés rencontrés en chemin. Ce qui compte, c'est le succès final, et tant pis si des imprévus ont eut lieu pendant l'action. Seulement, aux yeux de l'officier, les imprévus sont de taille. Il a perdu un camarade jeudi dernier, sous les piques de glace d'Artikodin, et un autre a été grièvement blessé par Electhor, pour finir par lui aussi trouver la mort un peu plus tard. Sans compter la petite douzaine de blessés graves l'avant-veille, sous les coups d'un des chiens légendaires. Levis a réchappé à leurs trois tentatives, mais en tant qu'officier, il a toujours été le seul à avoir à affronter la colère du Boss. Et parfois, il se demande s'il n'aurait pas mieux valu se trouver à l'hôpital avec une blessure superficielle que dans ce bureau sombre et désagréable.
- Quelles sont les prévisions pour le prochain passage ? finit par demander le Boss.
C'est la première étape, c'est à dire qu'il accepte enfin que ses hommes aient échoué, et leur redonne une chance. Enfin, leur « redonner une chance » , c'est ce qu'il dit. Levis est plutôt d'avis qu'il les envoie au casse-pipe, de plus en plus nombreux, pour avoir plus de chances de réussite. Le succès, encore et toujours, voilà tout ce qu'il lui importe.
- Suicune fait route vers Lavanville, selon nos spécialistes, marmonne l'officier. J'ai déjà alerté le Repère de Lavanville, ils sont prêts à agir à tout moment et rassemblent leurs forces en prévention d'un déploiement d'urgence.
- Bien, bien, fait le Boss qui n'en a pas l'air plus enthousiaste.
Il prend son front dans sa main, comme pour exprimer son mépris vis-à-vis de ses hommes, et son exaspération. Levis n'en tient pas compte, bien décidé à sortir de cette pièce sans s'être attiré davantage la hargne du Boss.
- Et pour la fillette, aucune trace, depuis Céladopole ? insiste-t-il. Ni du garçon qui l'accompagne, manifestement ?
- Non, aucune trace. Son Pokémon volant s'est enfui en direction de Safrania, et d'actives recherches ont été menées dans la ville et dans ses environs mais ce n'était manifestement pas leur direction initiale. Nos agents se tiennent prêts, là aussi.
Un long soupir s'ensuit, comme pour insister davantage. L'officier a trouvé le Boss bien grossier la première fois, et surtout, bien audacieux d'exprimer ainsi son mépris alors qu'il reste collé à sa chaise à attendre impatiemment que les choses se fassent. Mais, ce n'est plus une surprise pour lui maintenant, et il commence à prendre l'habitude.
- Drake, rétorque le patron, mine de rien, c'est important. Si cette gamine trouve le moyen d'alerter quelqu'un, elle peut nous mettre de sérieux bâtons dans les roues, voire faire foirer le plan de A à Z.
C'est la première fois de l'entrevue que le patron appelle Levis par son nom de famille. Celui-ci prend ça comme un bon signe et se permet un remarque.
- Si je puis me le permettre, Monsieur... tente Levis. Elle n'a que douze ans.
Mauvaise idée. Le Boss tape à nouveau son poing contre la table.
- Ne recommencez pas avec ça ! crie-t-il presque. Douze ans ou pas, c'est un danger, et en tant que danger nous devons l'empêcher de nuire.
Le Boss ne semble pas en condition d'accepter d'autres remarques désobligeantes de sa part. Levis choisit donc de se taire, et un long silence se fait, signe que l'entrevue est terminée. Mais il reste là, debout, à attendre que le Boss lui donne l'autorisation de partir.
- Vous pouvez disposer, finit-il par annoncer. Ah, et encore une chose, Levis...
L'officier qui avait déjà tourné les talons se retourne.
- Oui ?
Le Boss affiche un de ses sourires inquiétants, ce qui signifie qu'il a une idée en tête.
- Débrouillez-vous pour rendre la chose publique, annonce-t-il. Je veux que tous les habitants de Kanto aient peur.
Levis comprend immédiatement, le Boss lui en a déjà parlé. Il hoche affirmativement la tête.
- Bien, Monsieur, ce sera fait.
L'ami de Noa était un dénommé Renji, qu'elle me présenta le lendemain de notre arrivée à Lavanville. Evidemment, elle recommença son petit manège, et tandis que j'allai dormir au Centre Pokémon, elle me donna rendez-vous le lendemain, et ce fut un de ses Pokémon qui vint me chercher au lieu donné pour m'amener chez ce jeune homme en question, où je retrouvai Noa.
Renji avait deux ans de plus que moi, et une démarche particulière. Physiquement parlant, je dirais qu'il était assez étrange. Il avait deux immenses yeux noirs, et les cheveux d'un bleu azur, qui coïncidait bien avec son visage étroit et sa démarche traînante. En tous les cas, il se révéla un hôte agréable, bien qu'aux habitudes un peu tordues. En outre, c'était aussi un excellent dresseur, un hacker confirmé et un très bon connaisseur de Kanto tout entier, comme me le révéla Noa. Dans un premier temps, ils ne firent pas attention à moi, et la première journée passa, de mon côté à me reposer et à explorer la demeure de mon hôte, de leur côté, à discuter de je ne sais quoi, ces choses qui les concernaient. Ce fut au moment du repas du soir qu'ils m'abordèrent enfin.
- Falke, m'annonça Noa, si tu souhaites rentrer chez toi, mon Dracaufeu pourra t'y reconduire, ça ne devrait pas prendre très longtemps. Une heure tout au plus.
Non seulement l'idée de passer une heure sur le dos du Pokémon feu m'était assez désagréable – j'avais déjà fait l'expérience lors de notre fuite de Céladopole, et je puis vous dire que ça n'avait rien de confortable, mais surtout, l'idée que Noa envisage de me renvoyer d'où je venais après ces quelques péripéties vécues ensemble me répugnait. Je ne servais donc à rien, à ce point là ? Je poussai un soupir exaspéré.
- Je ne veux pas rentrer chez moi, marmonnai-je. J'ai fui, à la base, sinon tu ne m'aurais pas trouvé l'autre jour.
Noa acquiesça d'un signe de tête, comme si elle comprenait très bien ce que je disais.
- Je me doutais un peu que tu préfèrerais rester, affirma-t-elle sans l'ombre d'un soupçon.
Je m'étonnai un instant de son audace, mais la laissai continuer sans faire de commentaire.
- Simplement, c'est plus compliqué qu'il n'y paraît. C'est assez... gros, comme histoire.
- Oh, je veux bien le croire, rétorquai-je. Et si tu ne veux toujours pas me mettre au courant, peu importe, j'attendrai. J'ai tout simplement horreur de savoir que quelque chose se passe, d'autant que ça a l'air important, et que je reste les bras croisés à attendre.
- Oui, c'est compréhensible, fit-elle, pensive. Dans ce cas, reste avec nous, tu sauras tout en temps voulu.
Si j'aurais dû lui être reconnaissait, j'avoue que je fus tout d'abord terriblement jaloux. Renji, qui l'avait accueillie la veille, était déjà compté dans le « nous » tandis qu'elle m'en avait expulsé lamentablement, sans cérémonie. Je me considérais déjà son compagnon, étant donné que je lui avais apporté mon aide, et pas qu'une fois. Ce sentiment serait d'ailleurs présent un bon bout de temps, jusqu'à ce que je comprenne qu'elle m'était reconnaissante, à tout point de vue. Mais nous n'en sommes pas encore là.
- Nous allons rester quelques temps à Lavanville, finit par annoncer Noa. A priori, personne n'a remarqué notre arrivée, et nous avons besoin d'éclaircir quelques idées, avec Renji. Profite de l'occasion pour améliorer tes Pokémon et faire le tour de la ville, ça pourrait te servir.
Encore une fois, j'étais mis de côté de leurs activités, mais je ne m'en offusquai pas de peur qu'elle revienne sur sa décision précédente de me permettre de rester. Il ne me faudrait pas très longtemps pour en apprendre plus, du moins, c'est ce que je pensais.
Le lendemain matin, j'allai dans la forêt voisine dans le but de relâcher Caninos, qui m'avait accompagné plus de temps que prévu, au final. Je le relâchai donc, et lui donnai quelques petites tapes pour l'inciter à partir.
- Au revoir, mon vieux, fis-je avec un sourire. T'es libre.
Le canidé s'avança de quelques pas, la truffe en l'air, analysant chaque détail autour de lui, comme si l'environnement forestier lui était totalement étranger. Il s'aventura encore quelques mètres plus loin, tandis que je le regardai, tenant à le voir disparaître dans les fourrés en guise d'adieu, mais à ma grande surprise, il s'arrêta là et se retourna vers moi, pour finir par revenir en jappant. Je m'en étonnai et insistai en le poussant légèrement vers l'avant.
- Eh bien, marmonnai-je, qu'est-ce que tu attends ?
Mais il opposa un refus catégorique et partir et se planta là, devant moi, en bon chien fidèle. Dans un premier temps, je ne compris pas, mais ses intentions finirent par devenir évidente. Il ne voulait pas être relâché.
J'avoue que j'en fus stupéfait, puis heureux. Après tout, ce Pokémon m'avait accompagné durant toute mon enfance, et même si je le jugeai quelque peu décrépi, j'avoue que j'éprouvais pour lui un certain attachement. Je n'eus donc d'autre choix que de le garder avec moi, et revins chez Renji avec la même équipe que lorsque j'étais parti. Cette petite anecdote marqua le début de mon séjour à Lavanville, même s'il ne devrait lui non plus pas durer longtemps.
Je passais les premiers jours à aller entraîner mes deux Pokémon dans la forêt, lieu que je jugeai le plus apte à leur offrir toutes les ressources possibles. Et si, pour commencer, je perdais plus de combats que j'en gagnais, je finis par prendre l'avantage sur les Pokémon sauvages que je rencontrais, et je constatai finalement avec surprise que mes deux compagnons avaient gagné de l'assurance, et commençaient à réellement se débrouiller en combat singulier. Evoli apprit la Vive-Attaque, presque de lui-même, et si la Charge et la Vive-Attaque qu'il maîtrisait n'étaient pas des attaques très puissantes, j'arrivais la plupart du temps à allier les deux de façons à tourner la situation à mon avantage. Quant à Caninos, je dus reconnaître qu'il avait pris un coup de jeune et qu'il faisait de nombreux efforts, comme pour me féliciter de l'avoir gardé.
De leur côté, Noa et Renji s'amusaient moins que moi. Ils passaient leurs journées à parler, étudier des cartes, échafauder des plans. Le soir venu, nous nous retrouvions tous autour de la table pour partager un repas préparé par les soins de Noa, et parlions de tout et de rien. Parfois de mes péripéties forestières avec mes Pokémon, mais jamais de leur propre travail, comme s'ils s'étaient donné le mot pour me maintenir dans l'ignorance un peu plus longtemps. Je ne m'en offusquai pas, mais était toujours tiraillé par cette jalousie, en tentant de ne pas en prendre compte.
Cette routine qui s'établit rapidement au bon consentement de tous ne devait durer que trois jours, et encore une fois, nous dûmes fuir précipitamment à cause d'un imprévu. Et cet imprévu avait un nom : Suicune.