Une étourvol dans une cage dorée.
Au matin, Jonathan fut le premier à se réveiller. Il sortit discrètement de la grotte après s'être dégagé de l'aile d'étouraptor. Il fit sortir sa manternel et lui demanda de garder sa cachette pendant qu'il allait uriner dans un coin tranquille de la plage.
Quant il revint dans la grotte, Tornade et Xatu étaient réveillés, mais pas Marguerite. John fit chauffer de l'eau sur son réchaud à gaz pour faire du thé et sortit un paquet de biscuits de son sac. Il s'assit à côté de Marguerite pour la regarder dormir. Il lui caressa les cheveux gentiment, elle avait toujours l'air si jeune et si fragile, elle ne faisait pas ses dix-sept ans… Dans un gémissement mignon, la jeune femme se réveilla. Elle sourit en apercevant le visage de Jonathan à côté d'elle.
« Bonjour...
- Bonjour Princesse, répondit John d'une voix douce.
- Ça sent le citron.
- J'ai fait du thé. Tu en veux ?
- Oui, merci. »
Jonathan lui donna une tasse de thé et lui apporta des biscuits. La jeune femme ne put s'empêcher de partager ses petits gâteaux avec son Xatu. Bien sûr, Lombre en réclama lui aussi. Jonathan soupira, il avait déjà nourri ses pokémon avec des aliments adaptés, mais certains étaient de véritables ogres.
« Je vais peut-être aller cueillir quelques baies...
- Oh oui des fruits ! » S'enthousiasma Marguerite. Jonathan posa un regard perplexe sur son amie qui rougit de honte, mais ne put s'empêcher de sourire.
« C'est qu'au manoir, j'ai l'habitude d'avoir un jus d’oranges pressées et du fromage blanc aux baies remu tous les matins... »
John leva les yeux au ciel sans pour autant réussir à retenir un sourire. Il voulut sortir de la grotte mais Maelle lui bloqua le passage avec sa patte aiguisée comme un rasoir.
« Man.
- Qu'est-ce qu'il y a ? »
Jonathan fronça les sourcils et regarda dehors. Il chercha ce qui avait pu perturber Manternel et n'eut aucun mal à repérer les intrus. Plusieurs hommes ratissaient la plage. Il reconnut parmi eux Manu le plombier et Florian le garagiste qui travaillaient au manoir des De Richemensueur.
John, le visage contrarié revint à l'intérieur de la grotte. Marguerite s'inquiéta.
« Quoi ?
- Lambert aide Maelle à murer l'entrée. Il faut faire un trompe-l’œil.
- Lombre... Grogna Lambert.
- Arrête de râler et fais ce que je te dis.
- Jonathan, que se passe-t-il ?
- Ce que je craignais, ta famille te cherche. »
Marguerite se recroquevilla contre le mur, sans lâcher le sac de couchage de Jonathan. Le jeune homme s'approcha d'elle et la rassura tandis que ses pokémon commençaient à camoufler l'entrée de la grotte.
« Ne t'inquiète pas, ils ne nous trouveront pas.
- Mais... Mais on va rester ici encore longtemps ? Demanda Marguerite qui se sentait piégée comme une rattatac.
- Jusqu'à la tombée de la nuit, ensuite on plie bagage et on s'en va.
- Tu es sûr qu'ils ne nous rattraperont pas hein ? »
Jonathan hésita. Il préféra lui mentir pour la rassurer.
« Oui, je te le promets, ils ne nous retrouveront pas. »
La journée parut interminable. Marguerite essaya de se rendormir, mais à chaque fois elle se réveillait au bout d'une demi-heure et son sommeil était perturbé par d'abominables cauchemars dans lesquels son père l'enchaînait à un arbre mort et la faisait fouetter par des boustiflor. Sinon c'était Madame Piafabec qui se transformait en gigantesque rapasdepic et la poursuivait jusqu'à ce qu'elle tombe de la falaise au pied de laquelle il n'y avait pas des récifs mais un troupeau de krabboss aux pinces acérées.
Alors que Marguerite s'agitait une fois de plus dans son sommeil, Jonathan regarda par le mince interstice entre la paroi et le rocher obstruant l'entrée. Il leva les yeux et scruta le ciel dont la luminosité baissait, il ferait bientôt nuit. Il aperçut au loin un gros pokémon vol, du gabarit d'un roucarnage, il était persuadé que quelqu'un le chevauchait. La famille surveillait la voie des airs, rien d'étonnant vu que Jonathan et Marguerite s'étaient enfuis grâce à Etouraptor. Jonathan fronça les sourcils, contrarié : Tornade était la seule alternative à son Laggron et il savait désormais qu'il fallait l'oublier.
John rassembla ses affaires. En regardant dans la pochette où il rangeait les potions et les rappels il plissa les yeux.
« J'ai encore des vivres mais il nous faut des médicaments pour les pokémon au cas où on se ferait attaquer. Et Goda aura besoin de forces pour la traversée.
- Qu'est ce que tu proposes ?
- Il faudrait faire un détour par la boutique pokémon mais j'ai peur qu'on me reconnaisse...
- Surtout pas ! La boutique appartient à la famille de Piafabec !
John grommela et serra les poings, la fuite n'allait vraiment pas être évidente.
- Et le centre pokémon ? Proposa Marguerite.
- Pas à visage découvert. Je suis un dresseur, s'il y a un endroit où ils s'attendent à nous trouver c'est bien au centre pokémon.
- Alors on fait quoi ?
- On va aller se servir au centre, mais discrètement.
Marguerite fronça les sourcils, elle voulait être sûre de bien comprendre.
- Tu veux dire que tu vas voler ces médicaments ? »
La mine renfrognée de Jonathan en disait long sur ses intentions, il semblait tiraillé par sa conscience. On avait beau le traiter de vagabond il n'avait jamais rien dérobé de sa vie.
« Si je rentre par la grande porte pour demander de l'aide à l'infirmière Joëlle je risque d'être reconnu et ils sauront que tu n'es pas loin... » John avait les yeux dans le vague, Marguerite se demanda s'il n'était pas en train de réfléchir à voix haute plutôt que de lui parler.
« Ce n'est pas bien de voler... Dit timidement la jeune femme.
- Je sais, râla John. Mais on n'a pas vraiment le choix. »
Jonathan fit sortir Marguerite de la grotte, la nuit était tombée. Il la planta devant la caverne, escortée par son policombr, puis retourna à l'intérieur vérifier qu'il n'avait rien oublié. A l'extérieur, John saisit fermement la main de Marguerite et l'entraîna avec lui. La jeune femme le suivit docilement mais son visage exprimait une nette contrariété.
Trois ombres furtives quittèrent la plage à la lueur de la lune. Le village de Parmanie était très boisé, la végétation facilitait leurs déplacements discrets. Fantom en guise d'éclaireur, Jonathan avançait dans l'obscurité, ses doigts toujours fermement resserrés sur la main de Marguerite qui le suivait à pas feutrés. Les deux fuyards s'approchaient du coeur de la cité, ils empruntèrent les ruelles les moins éclairés par les lampadaires pour s'approcher du Centre Pokémon.
« Polich ! »
Fantom disparut brutalement sous leurs yeux. Marguerite fut très surprise mais Jonathan comprit que son pokémon s'était juste rendu invisible.
« Qu'est ce qu... Commença Marguerite
- Il a vu quelqu'un. » La coupa John.
Il fit signe à Marguerite de ne pas faire de bruit et s'avança prudemment de quelques pas pour voir ce qui avait affolé Polichombr. Devant la porte principale du centre pokémon se tenait la jeune infirmière Joëlle, vêtue de sa blouse blanche qui reflétait la lumière des réverbères. Elle portait également un gilet rose et serrait les bras, signe qu'elle avait froid. Elle parlait à quelqu'un. Jonathan dressa l'oreille, Marguerite fit de même.
« ... Et tu as déjà vu ma soeur : un mètre soixante-cinq, elle me ressemble beaucoup.
- Oh ! C'est Pierre-Ant, murmf ! »
Jonathan plaqua brutalement sa main sur la bouche de Marguerite et la tira en arrière pour la forcer à se cacher avant que Pierre-Antoine ou l'infirmière ne les voient. Accroupis derrière la terrasse du centre pokémon, Jonathan et Marguerite tentaient de passer inaperçus, respirant à peine pour ne pas se faire remarquer. Ils écoutèrent la conversation dans la plus grande discrétion.
« Oui, le garçon que tu me décris je vois très bien de qui il s'agit. Il passe souvent ici pour faire soigner ses pokémon mais ça fait plusieurs jours que je ne l'ai pas vu.
- Bon. Si tu les vois, appelle ta sœur au manoir immédiatement.
- Entendu.
- Je te remercie. Je ne te dérange pas plus longtemps. Bonne soirée...
- Attends. »
Pierre-Antoine s'arrêta sur les marches du perron, à deux pas à peine de la cachette de John et Marguerite. Il tourna son regard bleu et froid vers l'infirmière qui venait de l'interpeller. Les sourcils de Joëlle étaient légèrement froncés. Elle semblait avoir quelque chose d'important à dire. Jonathan et Marguerite eux ne pouvaient pas voir l'expression de leurs visages, mais le ton de la conversation était suffisamment éloquent.
« Ma sœur m'a dit, pour elle et toi. »
Pierre-Antoine resta silencieux. Marguerite fit les gros yeux.
« Sarf surf ? » S'exclama-t'elle, sa voix heureusement étouffée par la main de Jonathan. L'infirmière Joëlle reprit de plus belle.
« C'est également comme ça que ça va se passer pour elle ? Lilie et toi vous serez traqués comme des pokémon sauvages ?
- Bien sûr que non ! Rétorqua Pierre-Antoine. Sa voix habituellement si morne flirtait avec les aigus, signe que la réflexion l'avait secoué.
- Alors quoi ? Tu vas l'épouser ? Comme si tes parents allaient te laisser faire, lança la sœur de Lilie sur un ton sec.
- Je ne m'enfuirai jamais avec ta soeur voyons. Ce serait irresponsable.
- Donc tu confirmes ce que je lui ai toujours dit : tu te sers d'elle comme d'un passe-temps.
- Je ne suis pas mon frère et tu n'es pas Lilie. » Lâcha brutalement Pierre-Antoine.
La phrase eut l'effet d'une gifle sur la jeune femme. Les mauvais souvenirs revinrent au galop dans la poitrine de Joëlle, comme un troupeau de galopa. L'infirmière aussi avait passé quelques heures dans le cabanon en compagnie de François, avant d'être abandonnée comme un canarticho boiteux.
« Je veux juste protéger ma sœur. » Reprit-t’elle, la voix étranglée par le sanglot qu'elle devait réprimer.
« Alors tu comprends ce que je ressens à propos de Marguerite.
- Elle est peut-être heureuse avec ce type, ce Jonathan Mells.
- Ça m'étonnerait. Elle est jeune et naïve. Elle se laisse emporter par ses émotions, elle ne se rend pas encore compte des conséquences. Elle s'apprête à gâcher sa vie. » Expliqua calmement Pierre-Antoine à l'infirmière Joëlle.
Marguerite ne disait rien, elle ne pouvait rien dire de toute façon, elle devait se contenter d'écouter. Alors qu'elle était toujours tapie dans l'ombre, fermement agrippée par John qui la serrait contre lui pour ne pas qu'elle bouge, elle leva les yeux vers lui, perdue dans ses interrogations. Et si Pierre-Antoine disait vrai ? Qu'était-elle en train de faire ? Elle s'apprêtait à tout abandonner, absolument tout. Elle s'était peut être laissée influencer par Jonathan, par sa trop grande confiance en lui et sa liberté si attirante...
« Et Lilie, elle n'est pas heureuse elle non plus ? Ou c’est toi qui ne veux pas gâcher ta vie ? » Demanda l'infirmière dans un murmure affligé.
De nouveau, Pierre-Antoine se mura dans le silence. Marguerite eut un pincement au coeur. Elle ressentait le malaise de son frère, elle le connaissait depuis sa naissance : il avait beau être distant et introverti, Pierre-Antoine n'était pas sans coeur, elle le savait très bien. Marguerite avait l'impression d'être un lovedisc, percevant toutes les émotions alentours. Elle avait envie de pleurer, la seule chose qui l'aidait à se retenir c’était les bras de Jonathan resserrés autour d'elle.
« Je te laisse... » Souffla Pierre-Antoine avant de s'éloigner rapidement. L'infirmière Joëlle ne le regarda pas s'en aller, elle frissonna avant de rentrer dans son petit hôpital. Jonathan soulagé, relâcha son étreinte sur Marguerite.
« Ma femme de chambre et mon frère... Dit Marguerite à voix haute pour se convaincre elle même.
- Tu n'en savais rien ?
- Bien sûr que non.
- C'est sûr que Pierre-Antoine est plus discret que tes deux autres frères.
- Je ne savais pas que lui aussi avait... »
Jonathan la regarda. Pierre-Antoine avait raison sur un point : Marguerite était naïve, ingénue même, et les filles comme ça sont fragiles. John en était conscient, il devait faire très attention, c'était un moment délicat pour Marguerite, s'il la lâchait ne serait-ce qu'un seul instant elle serait perdue pour toujours. Jonathan serra les poings, décidé.
« Bon. Il va falloir récupérer des medocs. Fantom où es tu ?
- Poli, chombr... »
Une brume glissa devant eux, comme une nappe de brouillard miniature, et la silhouette du polichombr réapparut lentement.
« Tu vas vraiment les voler alors ? Demanda Marguerite.
- La situation est encore pire que ce que je pensais. L'infirmière Joëlle est la soeur de Lilie. Si elle nous voit, ta famille sera tout de suite avertie et... »
Jonathan réfléchit. Les regards de teddiursa que lui lançait Marguerite ne l'aidaient pas à se sentir à l'aise. Une étrange idée lui trottait dans la tête... Les paroles de l'infirmière à l'adresse de Pierre-Antoine lui donnaient des raisons d'espérer. John soupira et prit la main de Marguerite avec douceur.
« Très bien, si tu ne veux pas qu'on les vole, alors on ne les volera pas. »
Marguerite sourit timidement, Jonathan l'aida à se relever.
« Viens, on va essayer autre chose. »
Il n'était pas du tout sûr de lui mais pour elle, il devait prendre le risque. Il entra dans le centre pokémon, main dans la main avec Marguerite et il se présenta ainsi devant l'infirmière Joëlle qui tomba dénue.
La jeune femme, les larmes aux yeux, leur offrit des total-soin, des super potions, des vitamines et tout ce dont ils pourraient avoir besoin. Elle n'eut pas la force d'appeler le manoir et de prévenir sa soeur ou Pierre-Antoine. Marguerite demanda malgré tout à Joëlle de prendre soin de Lilie et de pardonner à ses frères. Lilie devait être la seule domestique du manoir qui avait réellement eu de la sympathie et même de l'affection pour la jeune héritière. Dans un sanglot, l'infirmière Joëlle hocha positivement la tête et Jonathan lui tendit un mouchoir. Joëlle, sur son pas de porte, regarda les deux adolescents s'enfuir dans la nuit, ses cheveux roses flottant au gré de la brise nocturne...
Il leur fallut une heure pour atteindre les berges à l'Ouest de Parmanie. Marguerite était essoufflée, elle avait besoin d'une pause. Jonathan n'était pas tranquille, bien qu'il fut persuadé que la nuit était propice à leur escapade, il pensait que les recherches de la famille De Richemensueur continueraient dans l'obscurité, hors ils n'avaient croisé personne d'autre que Pierre-Antoine.
Le vent marin soufflait de plus en plus fort sur leurs visages tandis qu'ils s'approchaient des falaises. Ils descendirent dans la crique en suivant un sentier crayeux bordé de nids de doduo abandonnés. Ils arrivèrent enfin au bord de l'eau. Marguerite s'assit sur les galets pendant que John repérait les lieux. La mer lui semblait trop agitée, cela le contrariait. Il libéra son laggron puis se tourna vers Marguerite pour l'aider à monter sur le dos du pokémon.
« Dans une demi-heure nous serons de l'autre côté de la baie, au Bourg Palette. »
Jonathan était en train de confier son sac de voyage à Marguerite lorsque des aboiements tonitruants et menaçants les interrompirent dans leurs préparatifs. Marguerite se leva d'un bond et son visage blêmit.
« Les malosses de père ! Vite ! »
Jonathan serra les poings. La tête baissée, les yeux rivés sur les galets, il savait qu'il était trop tard. Paniquée, Marguerite chouina en lui agrippant le bras encore plus fermement que des serres de roucarnage.
« Jonathan vite ! Par pitié ! »
John leva les yeux vers elle, son regard était noir et mauvais. Marguerite ne l'avait jamais vu dans cet état, il lui faisait peur. Les malosses aboyaient comme des fous et se rapprochaient. Marguerite regarda en direction de la meute et vit derrière les chiens son frère François en train de sauter sur les rochers pour venir vers elle.
« Non-non... » Geignit-t'elle en pleine crise de panique. Jonathan redressa le buste pour faire face à François, accompagné des six malosses et de la gouvernante, Madame Piafabec, complètement essoufflée et décoiffée. Marguerite tremblait de la tête aux pieds, John lui resta très calme mais sa colère était palpable.
« Marguerite éloigne-toi de Goda.
- Quoi ? La jeune femme s'étrangla à moitié.
- Il est trop tard pour fuir, il va falloir faire face.
- Jonathan non ! Ils...
- Ne discute pas, dit John d'une fois ferme. Viens à côté de moi. »
Les yeux de Marguerite luisaient de peur. Elle déglutit avec difficulté et obéit à Jonathan. Les deux jeunes gens se tenaient côte à côte, dos à l'océan. Le ciel était dégagé et pourtant l'atmosphère était lourde comme une nuit de tempête. François s'approcha d'eux avec un sourire tordu et satisfait plutôt effrayant, Laggron poussa un grognement de mise en garde mais le jeune aristocrate l'ignora.
« Enfin vous voilà... J'avais vu juste en cherchant une piste à partir du Centre Pokémon. Joëlle pouvait nier autant qu'elle le voulait, le flair de mes malosses ne se trompe jamais.
- Marguerite... Implora la gouvernante derrière François. Je vous en conjure ressaisissez vous ! »
La jeune femme terrorisée se crispa et vint se coller au dos de Jonathan, pour se protéger des mots et des regards.
« Marguerite n'y est pour rien, déclara François en fusillant John du regard. C'est ce petit salopard qui est à l'origine de tout ça. Pierre-Edouard avait raison, c'était une grave erreur de t'embaucher au manoir. M'est avis que tu avais repéré ma soeur bien avant de te faire attraper par ce bon à rien de Jacques.
- Tu n'y es pas du tout Don Juan, répondit Jonathan cynique.
- Oh non ! Bien sûr ! Clama François sur le même ton. C'est Marguerite... La petite Marguerite, discrète, timide, faiblarde, naïve, crétine même ! Toujours sage, Marguerite l'ingénue, Marguerite la soumise. C'est elle qui t'a séduite et qui t'a convaincu de l'enlever. C'est ça que tu veux me faire avaler Jonathan Mells ? »
John ne répondit rien mais soutint le regard de François. L'homme changea de ton, il en avait assez de l'ironie. Sa voix se fit plus grave, plus froide et plus menaçante.
« Elle est mineure, ce que tu viens de faire est un kidnapping. Il n'y a pas que nous qui te cherchons : l'agent jenny et ses collègues policiers ont été prévenus. Tu vas finir en prison si tu continues. Une fois que Jenny est sur une affaire elle ne lâche rien, son tempérament est pire que celui de son caninos... »
François retrouva brusquement son sourire arrogant.
« C'est fou ce qu'on arrive à obtenir d'une femme une fois que l'on a couché avec elle, n'est ce pas John ? »
Jonathan tremblait de rage en regardant François. Il comprit qu'il n'y avait pas d'issue, pas d'issue pour lui en tout cas mais il pensa à Marguerite...
« Il a raison… »
Jonathan inclina la tête, résigné. Marguerite sentit son cœur se serrer, elle était au bord de la crise de nerfs. John releva brusquement le menton et dévisagea François.
« Je ne suis pas un kidnappeur, je n’ai pas enlevé ta sœur.
- J’ai du mal à te croire, ricana François.
- Jo… Jonathan… Implora Marguerite. L’ancien jardinier se retourna brusquement vers elle, son regard était si dur qu’elle avait peine à le reconnaître.
- Marguerite je vais devoir te poser une question et je ne te la poserai qu’une fois. »
Il se tut un instant, Marguerite sentait son cœur cogner fort dans sa poitrine, ses battements couvraient presque le bruit de la mer et des flots s’éclatant sur les rochers.
« Je ne t’emmène pas avec moi. »
La jeune femme sentit les larmes couler depuis le coin de ses yeux, elle était désespérée, alors Jonathan haussa le ton, il fallait à tout prix qu’elle entende ce qu’il avait à lui dire.
« Tu as le choix : ou tu rentres avec ton frère au manoir, ou tu traverses ce détroit.
- Je… Je ne comprends pas, hoqueta Marguerite entre deux pleurs.
- Je te dis juste que tu as un CHOIX à faire et que tu es LIBRE de le faire. Tu es libre de rentrer chez toi ou de continuer ta route.
- Mais je… Mais tu…
- Tu n’as pas entendu ce que j’ai expliqué à ton frère ? Je ne t’ai pas enlevé et tu le sais bien. Tu es partie de ton plein gré, je t’ai juste accompagné durant ces quelques heures. »
Jonathan entendit François émettre un petit "uh" sceptique et méprisant, il entendit également une sorte de grommellement venir de la gorge de Madame Piafabec. Marguerite, complètement perdue, le fixait toujours avec ses grands yeux de lamantine, alors Jonathan continua de sa voix claire et forte.
« Bien sûr, si tu souhaites continuer ton chemin, je veux bien t’aider à traverser ce canal. Je ne laisserai jamais une jeune femme se risquer seule sur une mer agitée, c’est évident… »
Les yeux de Marguerite tremblaient d’émotion mais aussi d’incompréhension. Elle essayait de réfléchir quand son frère, agacé par le discours de Jonathan, fit un pas en avant et reprit la parole.
« Ton petit manège ne te mènera nulle part Mells ! Lança François avec un rictus au coin de la bouche. Viens Marguerite, on rentre ! »
François tendit la main vers sa sœur à plusieurs mètres de lui pour l’inciter à le rejoindre.
Marguerite fixa Jonathan d’un œil désespéré, elle voulait de l’aide mais John restait là, immobile, comme une statue de pierre. Marguerite avait la sensation qu’il attendait quelque chose mais quoi ?
La jeune femme était déboussolée, elle tremblait comme une feuille, plus fragile qu’un granivol pris dans un cyclone. Elle regarda d’un œil craintif la main de son frère, avant de tourner son attention vers la gouvernante, cette horrible vieille bique qui se tenait derrière François et qui attendait en la toisant avec ses yeux de rapasdepic.
Marguerite, à la fois angoissée et sur le qui-vive resserra ses mains contre elle. C’est là qu’elle les sentit : ses trois pokéballs recroquevillées dans sa poche. Krabboss, Kecleon et Xatu… Qu’allait-il leur arriver si elle rentrait au manoir ? Soudain, elle comprit ce que Jonathan essayait de lui dire depuis le début. Une dernière fois, elle le regarda et le dresseur en voyant l’étincelle dans les yeux de la jeune femme murmura : « Tu as le choix... »
Elle lut le message sur ses lèvres. Alors, ses sourcils se froncèrent et elle se tourna à nouveau vers son frère, le regard dur et assuré. Elle avait enfin du pouvoir : le pouvoir de ses trois pokémon. Leur force devenait la sienne, elle lui donnait le pouvoir de choisir et de faire respecter ses choix.
« Non, dit-elle fermement.
- Non ? Répéta François incrédule.
- Non, affirma Marguerite. Je ne rentrerai pas avec vous.
- Marguerite soyez sensée ! » Supplia Madame Piafabec en avançant de quelques pas sur la plage. François lui harponna le bras et la repoussa en arrière. Lui par contre s’approcha encore de Marguerite d’un pas menaçant.
« Tu n’es qu’une gamine ! Tu n’as pas le choix, tu es mineure alors tu fais ce que je te dis et tu rentres à la maison !
- NON ! » Gronda la jeune femme.
Hors de lui, François se précipita vers sa sœur, le bras levé prêt à la frapper. Aussitôt, Jonathan s’avança pour la protéger mais Marguerite fut plus rapide. Elle recula vivement et François balança sa gifle dans le vide, il manqua d'en perdre l’équilibre. Marguerite se saisit d’une de ses balls et la brandit.
« Je suis une dresseuse maintenant ! Ni toi, ni Père, ni cette espèce de fossile de ptéra que tu traîne derrière toi ne me forcera à rentrer ! »
Madame Piafabec eut un haut le cœur, elle était plus que choquée, elle était affligée, brisée. François au contraire éclata d’un rire à la fois nerveux et moqueur.
« Tu n’es pas une dresseuse ! Même si ton jardinier chéri t’a offert un pokémon, tu n’es pas inscrite à la Ligue Pokémon, tu n’es donc rien d’autre qu’une petite fille avec un pokémon de compagnie. Alors tu vas rentrer au manoir, maintenant !
- Une fois de l’autre côté du canal, elle trouvera le professeur Chen et il l’inscrira. Dit calmement Jonathan qui sentait que Marguerite ne pourrait pas tenir tête seule à son frère trop longtemps.
- S’il tient à sa carrière, je lui déconseille de faire ça.
- Vous menacez un jeune chercheur pokémon maintenant ? Bravo…
- Ca suffit ! » Cria François. Il menaça Jonathan du doigt.
« Toi ! Tu te tais et tu t’écartes de ma sœur immédiatement ou je te réduis en miettes !
- Je crois qu’on a fini de discuter. » Lança précipitamment Jonathan en sortant une pokéball. Il jeta un regard méfiant à François, John sentait que l’homme était dangereux.
« Malosses ! En position d’attaque ! Tenez-vous prêts ! »
Tout en braillant après ses chiens, François sortit une hyperball. John fronça les sourcils, il savait pertinemment ce qu’elle contenait, Marguerite le savait également.
« Fantom j’ai besoin de toi ! »
Jonathan libéra son policombr tandis que son amie regardait alternativement Laggron, Jonathan, François et sa meute, elle était terriblement crispée. Elle en oublia même qu’elle tenait toujours dans sa main la loveball de son Xatu. Jonathan l’appela et la fit sursauter. « Marguerite, il faut que tu utilises Krabboss.
- Pourquoi tu n’utilises pas Goda ? Il est de type eau-sol, il ne fera qu’une bouchée des malosses.
- Si on le fatigue il ne pourra pas nous faire traverser le détroit, répondit Jonathan sans quitter des yeux son adversaire.
- Démolosse à l’attaque ! »
La ball de François libéra le chef de meute : un grand démolosse, élancé, au poil court, d'un noir profond. Ses yeux rouges sang lui donnait un regard plus pénétrant qu’une aiguille.
« Marguerite, répéta John, range Xatu et utilise Krabboss, c'est le seul qui peut tenir tête à tous ces malosses en même temps.
- Mais je n’ai jamais combattu de ma vie ! »
Jonathan lui attrapa le poignet et le serra fort. Ses yeux étincelaient de confiance.
« J’ai vu tous les livres sur les pokémon que tu avais dans ta chambre, tu vas y arriver. Tu es prête pour ça, tu es faite pour ça. »
Il lui embrassa fugitivement les doigts de Marguerite avant de se tourner vers l’autre De Richemensueur. Bien que le baisemain fut rapide et discret, François le vit et le mit hors de lui.
« A l’attaque ! Réduisez ce rattata et son polichombr en charpie ! »
Les malosses se ruèrent aussitôt vers le couple et le pokémon spectre. Fantom utilisa son ombre portée et repoussa cinq malosses. Quant au sixième, qui échappa à l'attaque de Policombr, il se prit un puissant pistolet à ô en pleine face. John se retourna et vit son laggron en position d'attaque, la gueule mouillée et encore ouverte.
« Fantom attaque onde folie ! Goda restes en arrière !
- Gron, laggron... Protesta le pokémon qui s’agitait et voulait combattre.
- Fais ce que je te dis Goda ! »
L'onde folie hypnotisa trois malosses, les pokémon déboussolés n'entendaient même plus la voix de leur maître. Peu importait à François, il lui restait trois autres fauves en plus de son démolosse.
« Tu crois pouvoir me tenir tête uniquement avec ton petit spectre ? Pitoyable ! Démolosse lance-flamme ! Malosses flammèches !
- Kyaaah !!!
- Pol'combr ! »
Le nuage de flammes fut terriblement impressionnant. Marguerite cria en se protégeant le visage, prostrée derrière Jonathan. Les joues de John le brûlaient, le feu était trop proche de lui, pourtant le garçon ne faillit pas et regarda le brasier ardant recouvrir son pokémon. Policombr encaissa du mieux qu'il put. Son type spectre était un avantage, sa résistance aux attaques physiques était élevée, mais une autre rafale enflammée comme celle là et le fantôme s'évaporerait définitivement. Jonathan serra les dents et lança une autre ball, François avait vu juste : Policombr ne faisait pas le poids contre quatre pokémon en même temps. Heureusement les trois autres malosses étaient toujours confus.
« Lambert viens m'aider !
- Lom, lombr ! »
Lombre jaillit de sa pokéball et atterrit sur ses pattes arrière fléchies, il était déjà prêt à attaquer (depuis sa ball il avait ressentit toute l'agitation de l'extérieur).
« Ca ne va pas être une partie de plaisir Lambert.
- Lombr. (Je sais.)
- Alors surf ! »
Lombre bondit en arrière et plongea dans l'eau près de Laggron. Lombre attira la vague vers lui et la déversa sur les six malosses et leur chef de meute. Les chiens poussèrent des glapissements aigus en luttant contre l'eau, durant deux secondes ils eurent l'impression de se noyer. Seul démolosse fit face au courant et utilisa ses crocs éclairs dans l'eau. Lambert se prit à violent coup de jus. John ne s'inquiéta pas trop pour lui, il savait qu'il était costaud et que son double type eau-plante limitait l'impact des attaques électriques. Il se tourna plutôt vers Polichombr.
« Fantom ball ombre !
- Polombr ! »
Le policombr profita de l'ouverture créée par la technique surf pour lancer sa propre attaque. La grosse boule d'énergie négative explosa sur l'un des malosses et le propulsa en arrière. Le chien tomba lourdement KO sur les galets derrière Sibylle Piafabec qui sursauta.
« Qu'est-ce que vous attendez vous ? » Aboya François après la gouvernante.
La vieille femme, le bras tremblant, farfouilla dans sa poche de gilet en jetant un dernier regard au malosse affalé à côté d'elle. Jonathan était certain qu'elle allait en sortir une pokéball. Il se tourna vivement vers Marguerite.
« Marguerite ! M'dame piafabec elle a quoi comme pokémon ? »
La situation était critique et Marguerite était hypertendue mais la question de Jonathan avait vraiment quelque chose de drôle, elle ne put s'empêcher de rire nerveusement. Jonathan, en voyant l'expression de son amie, comprit immédiatement de quoi il retournait.
« Tu plaisantes ? » Demanda-t'il les yeux écarquillés. Marguerite hocha négativement la tête. Jonathan, abasourdi mais bien décidé à en découdre, choisit une nouvelle pokéball. Madame Piafabec envoya son pokémon au combat. De sa vieille pokéball, surgit un grand rapasdepic au plumage sombre.
« Tornade vas-y ! »
Un combat aérien, Jonathan n'avait vu que cette possibilité pour vaincre la gouvernante. Il regarda à tour de rôles ses trois pokémon, il savait qu'il n'arriverait jamais à gérer trois combats en même temps.
« Démolosse morsure ! Malosses suivez le ! Cria François d'une voix autoritaire.
- Fantom coup bas ! Lambert dynamopoing !
- Rapasdepic, technique furie !
- Tornade reflet ! »
Le ciel se remplit d'une vingtaine d'Etouraptor identiques, le rapasdepic commença à foncer au hasard parmi les illusions. Jonathan en profita pour évaluer la vitesse et la force de l'adversaire. L'oiseau était âgé, il était moins véloce qu'étouraptor. Avec un peu de chance, songea Jonathan, son âge avancé a affaibli sa défense et sa défense spéciale.
John réfléchissait à une stratégie ; son polichombr contra l'attaque de démolosse mais ne put éviter la morsure d'un des malosse. Lambert repoussa son propre adversaire avec un éclatant coup de poing, le chien retomba sur le sol complètement sonné. Un de moins se dit Jonathan mais il était toujours inquiet pour son polichombr.
« Marguerite. »
Le ton grave de John déplut à la jeune femme.
« Fantom ne tiendra pas le coup face à Démalosse, il faut que Krabboss prenne le relais.
- Quoi ? S’étrangla Marguerite.
- Marguerite j'ai besoin de ton aide ! » Répéta Jonathan d'une voix forte lorsque le cri de détresse de son étouraptor lui fit détourner la tête. Tornade venait d'encaisser une aéropique, Jonathan serra les dents, il ne pouvait pas détourner les yeux du champ de bataille une seule seconde et Marguerite demeurait tétanisée, la tension de John monta en flèche.
« Tornade cru'aile ! Fantom ball'ombre ! Lambert brouhaha ! »
La technique brouhaha avait l'avantage de toucher la totalité des adversaires mais ce qu'espérait surtout Jonathan c'était mettre KO le malosse que Polichombr venait de frapper avec sa ball'ombre et dont la défense spé. avait baissé. Le combo fonctionna parfaitement, il n'y avait plus que trois malosses à vaincre en plus du démalosse.
Dans le ciel, rapasdepic et étouraptor se faisait front.
« Rapasdepic, technique bec-vrille !
- Tornade esquive avec ta hâte ! »
Etouraptor fila comme une fusée et sortit du champ de vision de rapasdepic. Le vieil et imposant oiseau fit volte-face et réessaya son bec-vrille mais Tornade était trop rapide. La gouvernante changea de stratégie.
« Technique mimique ! »
Le rapace boosta sa vitesse en utilisant lui aussi la technique hâte, mais malgré ses efforts l'oiseau ne pouvait se rajeunir et la jeune étouraptor restait toujours plus vive. Jonathan sut qu'il avait l'avantage.
« Tornade vive attaque !
- Ekourrou ! »
L'étouraptor fonça sur rapasdepic, bien que toujours dans sa hâte, Tornade le rattrapa et le heurta en plein vol.
« Rapasdepic ! Cria la gouvernante, inquiète pour son pokémon.
- Laissez tomber cet oiseau de malheur et occupez vous des malosses ! Maintenant ! »
Madame Piafabec hésita un bref instant. Elle finit pourtant par se détourner de son rapasdepic et elle s'approcha à petites foulées des malosses évanouis près de François.
« Le rapasdepic est livré à lui même, c'est le moment Tornade : ouragan ! Fantom feinte !
- Malosse, démolosse mâchouille ! »
Etouraptor battit frénétiquement des ailes et lança un ouragan sur Rapasdepic. L'oiseau sinistre voulut réagir, il se dégagea tant bien que mal de la tornade et tenta une aéropique. Jonathan comprit la manoeuvre.
« Tornade poursuite !
- Ekourrou ! »
John baissa les yeux vers son polichombr pour vérifier qu'il s'en sortait. Le spectre s'épuisait à vue d'oeil mais il restait plus rapide que les malosses et Lambert le débrouillard était là pour l'épauler. Le jeune homme posa alors son attention sur Madame Piafabec, penchée au dessus des malosses. Il écarquilla les yeux, effaré, lorsqu'il se rendit compte qu'elle était en train de leur administrer des rappels.
« Merde ! »
BOUM !
John sursauta, son lombre et la gouvernante aussi, seul Polichombr qui sentait ses points de vie baisser dangereusement resta concentré sur son combat. Rapasdepic venait de tomber comme une masse au milieu du champ de bataille, mis KO par l'étouraptor de John. Le jeune homme parut soulagé l'espace d'un instant mais François ne lui laissa pas une seconde plus de répit.
« Lance-flamme ! »
Les quatre chiens encore debout crachèrent de puissants jets de feu sur leurs deux adversaires. Polichombr esquiva l'attaque mais lombre qui regardait toujours le corps gisant de rapasdepic fut touché par les flammes.
Tornade descendit en piquet pour aider ses camarades pokémon mais un malosse tout juste réanimé par les médicaments de la gouvernante bondit sur son aile et la mordit jusqu'au sang. L'oiseau hurla de douleur, le cri était si aigu que Marguerite, jusqu'alors tétanisée, se plaqua les mains sur les oreilles.
« Ekouuuu !!!
- Tornade !!! Lambert aide là ! Fantom onde-folie ! »
Madame Piafabec venait de réveiller les deux autres malosses, ils avaient toujours l'air hagard. Lambert, brûlé, rassembla ses forces et dans un coup d'boule il heurta le malosse qui mordait Etouraptor. Tornade se dégagea de l'emprise du molosse et vint se poser à côté de Jonathan, elle poussa un roucoulement faiblard. Le jeune homme jeta un coup d'oeil à l'aile du pokémon, la blessure avait vilaine allure. L'onde folie frappa deux malosses mais démolosse évita l'attaque.
« Démolosse frustration ! »
Sur ordre de François, le chien fonça sur la première cible venue : Lombre. Le choc fut violent et Lambert s'écroula. Jonathan ferma les yeux un instant pour contenir son émotion. Il envoya Lombre se reposer dans sa pokéball.
« Découragé Mells ? Démolosse morsure !
- Fantom coup bas ! »
Le pokémon faucha démolosse avant qu'il ait le temps de le mordre. Jonathan soupira, François était fort mais pas assez subtil pour le prendre par surprise. Mais le dresseur n'était pas rassuré pour autant : il ne pourrait pas affronter tous ces pokémon juste avec Fantom. A contre cœur, n’attendant plus que Marguerite se lance elle aussi dans la bataille, Jonathan balança la pokéball de Florie. Marguerite toujours paralysée par la peur regarda l’empiflor sortir de sa ball face à la meute de malosses.
« Tu es fou ! Florie va se faire carboniser !
- Je n’ai pas d’autre alternative, répondit sobrement Jonathan qui en lui-même hurlait à sa compagne de réagir et d’envoyer Krabboss. L'empiflor regarda son dresseur d'un oeil inquiet.
- Emflow...
- Il faut résister Florie, tu vas y arriver.
- Flow. »
Florie acquiesça, elle était prête à tout pour Jonathan. A côté d'elle, Polichombr tenait bon malgré sa fatigue. Tornade s'agitait elle aussi, mais John lui ordonna de rester en arrière, sa blessure était trop grave. Marguerite regardait la scène, les larmes aux yeux. Jonathan prit sa décision, la première chose à faire était de réduire à nouveau le nombre d'adversaires.
« Poudre dodo ! »
Florie cracha un gros nuage de spores soporifiques en direction des malosses, malheureusement François réagit vite.
« Flammèches ! »
Dans un mouvement synchronisé, les cinq molosses crachèrent leurs flammèches droit devant eux et carbonisèrent les spores avant qu’ils ne les atteignent. Un seul malosse ne fut pas assez rapide, il respira la poudre et s’endormit aussitôt.
« Recommencez ! » Ordonna François.
Encore une fois, les quatre chiens ouvrirent la gueule et crachèrent leurs flammes ardentes sur la pauvre Florie. Au milieu du cercle de feu, elle entendit son maître lui crier d'utiliser sa giga-sangsue. A travers le rideau enflammé, Florie absorba une petite partie de la force vitale de démolosse. Elle sentit cette énergie étrangère parcourir son corps et soigner ses brûlures. Lorsque les flammes se dissipèrent, Jonathan anxieux regarda son empiflor à la peau noircie.
« Empi… Flo…
- Tu tiens le choc Florie ?
- Flo…
- Bravo ma belle.
- Ca devient pathétique, se railla François.
- Phytomixeur ! »
Florie, déterminée, enferma le démolosse dans un tourbillon de feuilles tranchantes. Le pokémon cracha un lance-flamme pour percer le mur végétal mais des tranch'herbes lui lacérèrent la peau. François, fou de rage hurla après les malosses encore libres de leurs mouvements.
« Attaquez lance-flamme pleine puissance !
- Non ! Fantom feinte !
- Pol’chombr ! »
Le Polichombr frappa le premier malosse à sa portée, mais les autres crachèrent leur feu sur la pauvre Empiflor déjà bien affaiblie. Jonathan hurla.
« Florie !!! »
Marguerite n’eut pas le temps de comprendre ce qui se passait - l’une des balls bougea dans sa poche puis un trait de lumière en jaillit. Les flammes frôlèrent l’empiflor, l’extrémité de ses feuilles fut à nouveau brûlée et prit une teinte marron mais le reste de son corps demeura intact et pour cause : Kecleon était sorti de sa superball et s’était interposé entre Florie et l’attaque feu. Le jeune pokémon avait tout encaissé. Il gémit de douleur tandis que son corps verdâtre devenait aussi rouge que la bande qui ornait son ventre. Sa capacité spéciale "déguisement" entrait en action, il était désormais du type feu.
Florie, épuisée mais inquiète, cria après le jeune Kecleon.
« Flor… Empiflo !
- Keclé ! »
Marguerite affolée ouvrit la bouche pour crier elle aussi mais aucun son ne sortit.
« C'est quoi ce machin encore ? » Grogna François en fusillant du regard le petit kecleon, son démolosse libéré du phytomixeur.
« Carbonise-le. » Démolosse ouvrit la gueule et cracha un nouveau lance-flamme sur kecleon, Empiflor voulut s'interposer mais Tornade la retint avec son aile valide. Kecleon fut englouti par les flammes mais lorsque le feu et la fumée disparurent, le pokémon se tenait toujours debout. Sa peau avait conservait sa teinte rouge carmin et il ne semblait pas avoir subi le moindre dommage supplémentaire. Marguerite n'en croyait pas ses yeux, Florie poussa un cri de joie.
« Flow, empiflow !
- Un pokémon caméléon, j'avais oublié... Marmonna François. Qu'importe, il ne fera pas long feu, démolosse mâchouille sur Kecleon ! Malosses tous sur le polichombr !
- Graw warf !
- Fantom grincement ! Marguerite réagit ! Kecleon est en danger ! »
Le démolosse aux crocs acérés se rua vers le petit kecleon. Marguerite cherchait désespérément un moyen de le protéger. Elle essaya de se remémorer ce qu'elle avait lu à propos des kecleon dans son encyclopédie sur les pokémon exotiques, mais elle était si angoissée que sont esprit s'embrouillait. Florie fit claquer ses fouets lianes pour stopper le démolosse. Le chien s'arrêta en dérapant dans le sable mouillé. Il recula de quelques pas avant de cracher des flammèches sur empiflor pour la forcer à ranger ses lianes.
Le grincement sinistre de Fantom immobilisa tous les malosses sauf le plus gros (le plus téméraire). Il bondit sur Polichombr qui contra avec une ombre portée. Démolosse bondit sur Kecleon. Marguerite hurla la première chose qui lui passait par la tête.
« Copie ! »
Kecleon ouvrit sa grande bouche et cracha un lance-flamme que démolosse prit en pleine face. La technique feu ne fut pas très efficace mais elle réussit à perturber démolosse qui ne s'y attendait pas du tout. Marguerite entrouvrit la bouche, impressionnée par son propre pokémon.
« Marguerite ! »
Jonathan hurla mais elle ne réagit pas à temps : un malosse s'était échappé de la bataille contre Polichombr et s'était jeté sur kecleon. Le chien s'acharna à coups de morsures sur le kecleon.
« Laisse-le tranquille ! Cria Marguerite.
- Flor !!! »
Empiflor sortit à nouveau ses fouets lianes, ligota malosse, le souleva et l'expédia dans la mer. Les autres malosses avaient tous repris connaissance, l'effet de l'onde folie s'étant dissipé, ils regardèrent en direction de Florie. Ceux qui combattaient Polichombr se désintéressèrent du spectre et foncèrent tête baissée sur Empiflor pour venger leur compère. Ils ouvrirent la gueule simultanément.
« Florie attention !!! Cria John
- Non Kecleon ! »
Kecleon tenta à nouveau de s'interposer, Marguerite paniquée lui donna un nouvel ordre au hasard.
« Etonnement ! »
Kecleon attaqua un malosse qui se recroquevilla, effrayé, mais les quatre autres crachèrent leurs flammes sur Florie. L'empiflor poussa un cri déchirant, Jonathan sortit précipitamment la pokéball de Florie et la renvoya à l'intérieur avant qu'elle soit complètement calcinée. John regarda vers François, il vit son regard perçant et haineux. L'héritier des De Richemensueur n'avait aucun scrupule, la vie des pokémon ne valait rien à ses yeux. Kecleon se mit à pleurer.
Marguerite regardait la scène, horrifiée, ce combat devenait de plus en plus violent. D’une main tremblante, non plus de peur mais de rage, elle sortit la filetball de Krabboss et la lança. Enfin ! S'exclama intérieurement Jonathan.
« Tu n'es pas sérieuse ? Demanda François d'une voix glaciale. Après le spectacle lamentable de ce kecleon, tu veux vraiment m'affronter ? »
L'aristocrate rappela ses chiens auprès de lui, Polichombr profita de ce court répit pour reprendre des forces. Le dernier malosse sortit de l'eau, épuisé et s'écroula sur la plage. François n'y accorda pas la moindre attention. Madame Piafabec se jeta à genoux auprès de son rapasdepic évanoui.
François et Marguerite se toisèrent. Le frère vit la détermination dans les yeux de sa soeur, il comprit qu'elle n'abandonnerait pas.
« Très bien. De toute façon je te ramènerai au manoir, de gré ou de force. Démolosse !
- Graw !
- Marguerite, je vais m'occuper des malosses. Ne t'inquiète pas pour moi et Fantom, concentre-toi sur démolosse uniquement. »
Marguerite, le regard grave, hocha positivement la tête.
« Démolosse attaque frustration ! »
Le chien de feu fonça sur krabboss, la gouvernante eut tout juste le temps de rappeler son pokémon avant d'être bousculée par le démolosse qui chargeait.
« Malosses flammèches !
- Ecume ! »
Krabboss cracha ses bulles sur Démolosse mais l'attaque ne fut pas assez puissante pour l'arrêter. Il heurta krabboss dans sa frustration. Fantom de son côté esquivait tant bien que mal les flammèches des malosses.
« Onde folie !
- Tu commences à me fatiguer avec tes ondes folies ! Feinte ! »
Les malosses encerclaient le polichombr, tour à tour ils attaquèrent le spectre, ballotté de tous les côtés. Fantom combattait depuis trop longtemps et avait encaissé trop d'attaques. Krabboss lui s'en sortait plutôt bien. François n'essaya pas d'utiliser les attaques feu de son démolosse, c'était peine perdue, cependant les mâchouilles ne fonctionnaient pas très bien non plus, la carapace de Krabboss était trop épaisse. Marguerite reprenait peu à peu son calme et put réfléchir posément.
« L'attaque écume n'était pas assez puissante, il faut que j'essaye autre chose. Krabboss bulles d'o ! »
Dans un bruit de sussions peu ragoûtant, Krabboss expulsa une cinquantaine de bulles d'o. Les bulles éclatèrent sur le museau et le corps du démolosse, il avait l'impression de se faire pincer par des dizaines de kraby miniatures. Il aboya de mécontentement. Marguerite prenait confiance et Krabboss se sentait invulnérable.
« D'accord petite peste, tu l'auras voulu...
- Krabboss force-poigne !
- Tricherie ! »
Krabboss venait d'attraper démolosse avec sa pince massue. Le pokémon de Marguerite voulut écraser son adversaire avec sa force-poigne quand soudain il se sentit basculer en arrière. En se débattant, démolosse utilisa la force de son adversaire pour le renverser. Marguerite ne connaissait pas cette technique et ne put que déplorer sa grande efficacité.
« Krabboss tu vas bien ?
- Kr-blork boss...
- Tu croyais que ce serait aussi facile "soeurette" ? »
Krabboss se releva sans trop de dommage mais le démolosse aussi semblait toujours en pleine forme. Marguerite perdit de son assurance, elle se tourna vers Jonathan pour lui demander conseil mais constata qu’il avait ses propres problèmes.
« Fantom résiste !
- Polombr...
- Grarf warf ! Grrr...
- Fantom, châtiment ! »
Polichombr était épuisé, son châtiment porta sur le premier malosse venu pendant que les autres fauves le brûlaient avec des flammèches. Il était désormais trop fatigué pour esquiver les attaques des chiens. François en observant le combat, comprit qu'il était temps de donner le coup de grâce.
« Malosses, baston ! »
Les cinq chiens se jetèrent en même temps sur Polichombr. Le spectre poussa un long cri d'agonie et disparut dans un nuage de fumée. Il se matérialisa à nouveau devant John, flottant dans les airs évanoui, comme un magicarpe mort dans son bocal. En colère, Tornade déplia ses ailes et cria pour intimider les malosses, son aile blessée se remit à saigner.
« Non Tornade arrête ! Calme-toi ! »
Le Krabboss se déplaça en crabe et fit barrière entre sa dresseuse et les chiens. Il cracha quelques bulles d'écume pour les dissuader d'avancer. Pour éviter que Tornade ne reprenne part à l'affrontement, John l'enferma dans sa pokéball, il rappela également Polichombr.
Marguerite savait que Jonathan et elle étaient en très mauvaise posture, mais il était désormais hors de question qu'elle retourne au manoir, plutôt mourir... Elle regarda Jonathan lancer la ball de Manternel.
« Maelle à toi !
- Et que feras-tu lorsque tous tes pokémon seront broyés Jonathan ? Demanda François avec un sourire tordu. Tu me rendras docilement Marguerite ? Ou vous vous jetterez ensemble de la falaise, main dans la main ?
- Tu es un monstre François ! Cria Marguerite, des larmes de rage au coin des yeux. Kraboss tir de boue ! »
François et son démolosse ne s'y attendaient pas. Le démolosse se prit l'attaque en pleine figure. Un peu sonné et sa vitesse diminuée, le chien se mit en position de défense. Les malosses vinrent à la rescousse du chef de meute mais Manternel leur barra la route.
« Maelle plaie-croix !
- Man man !
- Maintenant bulles d'o ! »
L'attaque eau frappa le démolosse déjà affaibli par le tir de boue, François sentit la chance tourner, il devait réagir.
« Crocs éclair ! »
Le poil mouillé et empêtré dans la boue, le démolosse de François n'avait plus rien d'élégant. Il se jeta la gueule béante sur Krabboss. Le choc fut violent, l'électricité parcourait le corps du pokémon secoué de spasmes. Le coup était critique, Marguerite se mordit la langue, elle était si près du but, Démolosse était à bout... Elle beugla.
« Krabboss griffe acier !!! »
Démolosse avait toujours les crocs refermés sur l'une des pattes de Krabboss. En pleine électrocution, Krabboss rassembla ses dernières forces pour lever sa lourde pince. Il l'abattit sur le crâne du démolosse comme marteau d'acier. Le pokémon de François s'écroula dans les galets, KO. Autour de lui, les malosses qui étaient en train d'harceler la pauvre Maelle avec leurs flammèches, s'arrêtèrent de se battre pour regarder le chef de meute, gisant sur le sol. L'un des malosse hurla à la mort, les autres se mirent à grogner méchamment. John anxieux parla à sa manternel.
« Maelle ça va ?
- Man...
- Bravo Krabboss ! Krabboss ? »
Krabboss ne répondit pas à sa dresseuse. Il n'était pas évanoui mais les crocs éclairs l'avait complètement paralysé, il ne pouvait plus bouger ses pinces, ne serait ce d'un millimètre. Marguerite le réexpédia dans sa filetball, François la fusilla du regard après avoir renvoyé son chien dans son hyperball.
« Petite garce... »
Marguerite fronça les sourcils, elle se rappela des guides de stratégie qu'elle avait lu dans la bibliothèque du manoir, elle était bien décidée à en finir... Sans quitter le champ de bataille des yeux, elle glissa sa main dans sa poche et prit sa loveball. Elle la caressa du bout des doigts, tout était désormais planifié dans sa tête, François n'aurait pas une seule ouverture. Elle sortit vivement la ball de sa jupe.
« Xatu j'ai besoin de toi! »
Xatu jaillit de sa love-ball dans un rayon de lumière rose.
« Non ! Brailla Jonathan hébété. Rappelle le, les malosses vont le massacrer ! »
Marguerite ignora la réflexion de Jonathan. Elle cria d'une voix forte :
« Onde folie ! »
L'onde folie de Xatu avait plus d'ampleur que celle de Policombr. Les ondes atteignirent les oreilles et le cerveau de tous les malosses avant qu'ils puissent s'approcher de Xatu et de sa dresseuse. Deux des chiens déboussolés se heurtèrent l'un contre l'autre. Marguerite ne perdit pas une seconde et enchaîna son combo.
« Oeil miracle ! »
Les yeux de Xatu brillèrent d'une lueur rose intense, brusquement la plupart des chiens ténébreux furent parcouru d'un étrange frisson. Les malosses, toujours confus commencèrent à se battre entre eux.
« Du calme ! Coucher ! Gronda François.
- Prescience ! » Cria Marguerite
Jonathan lançait à Marguerite des regards à la fois inquiets et perplexes, essayant de suivre sa stratégie. Il commençait peu à peu à comprendre...
« Echange psy !
- Xu xu ! »
Le pokémon vol déploya une nouvelle fois ses ailes et expédia une onde psychique rose droit sur le groupe de malosses. Les deux tiers des chiens s'immobilisèrent un instant, les yeux perdus dans le vide puis, lentement, ils se retournèrent vers François en grognant.
« Qu'est-ce que vous faites ? Coucher ! Coucher !!!
- Grrr... »
Marguerite sourit, d'un sourire tordu, malin et suffisant : un sourire de De Richemensueur. John écarquilla les yeux. Bon sang !
« Xatu, retour. »
L'oiseau détendit une nouvelle fois ses ailes et expédia une onde psychique lumineuse vers les malosses qui aboyèrent de douleur. Puis une deuxième vague - celle de la prescience - rayonna du corps de Xatu, sauf qu'au lieu de frapper les chiens, elle pénétra en eux comme un fantôme prenant possession d'un pantin. Stimulés par la douleur et l’hypnose, les chiens encore confus s'élancèrent à l'assaut de leur maître.
« Nonnnn !!! » François s'enfuit en hurlant pour échapper aux mâchoires acérées de ses malosses. Tandis qu'il détallait comme un laporeille, poursuivi par ses propres pokémon, Marguerite se rua sur Madame Piafabec à genoux sur le sol en train de sangloter.
« Marguerite ? Marguerite non arrête !
- Xu xu ! »
John courut après Marguerite pour la rattraper. Madame Piafabec se recroquevilla dans une position de soumission.
« Mad... Mademoiselle... » Implora la vieille femme.
Marguerite se jeta sur elle et la gifla avec violence. Xatu regarda sa maîtresse, attendant qu'elle lui donne une consigne quelconque mais la jeune femme lui fit signe de ne pas s'avancer. La gouvernante se massa la joue, mais la douleur physique n'était rien à côté de la douleur mentale, elle pleurait à chaudes larmes.
« Ma... Marguerite, je... Je vous ai... Elevée comme ma... Ma propre fille... »
Des larmes de colère au coin des yeux, Marguerite hurla à s'en casser la voix au dessus de la gouvernante tremblante.
« SORTEZ DE MA VIE VIEILLE FOLLE !!! »
Madame Piafabec, fébrile, rampa sur le sol sur quelques mètres puis tenta de se redresser tant bien que mal. Elle trébucha sur le corps inerte du malosse noyé, abandonné là par François. En tremblant comme un cheniti effrayé, Madame Piafabec se retourna une dernière fois vers Marguerite. Elle entrouvrit la bouche pour parler mais Xatu écarta ses ailes d'un air menaçant et Marguerite gronda :
« Partez ! »
La vieille femme éclata à nouveau en sanglots et s'enfuit en boitillant sous le regard dur de Marguerite. Bientôt, Madame Piafabec et François ne furent plus que des points à l'horizon. Ils disparurent derrière les falaises de craie.
Jonathan s'approcha de Marguerite, il posa délicatement les mains sur ses épaules et d'une voix douce il dit :
« Viens maintenant. Il faut prendre le large avant qu'ils ne reviennent. »
Il entraîna la jeune femme vers son laggron qui les attendait toujours près de la rive. Alors qu'ils étaient au bord de l'eau et s'apprêtaient à grimper sur le pokémon, Marguerite s'arrêta nette. Jonathan, étonné, la dévisagea. Elle avait un regard dur et sérieux, elle faisait beaucoup plus adulte brutalement. En la voyant ainsi, John reçut un petit électrochoc.
« Jonathan, qu'est-ce que tu aurais fait si j'avais accepté de repartir avec mon frère au lieu de combattre ? »
John ne répondit pas immédiatement. Un peu surpris par la question, il comprit néanmoins l'arrière-pensée de Marguerite. Il tenta de détourner la conversation.
« Tu ne l'as pas fait, alors c'est inutile d'en parler.
- Réponds-moi. »
Jonathan et Marguerite se fixèrent dans le blanc des yeux. Un silence lourd s'installa. Derrière John, Laggron poussa un petit gémissement d'impatience. Son dresseur retint un soupir. Sur un ton grave, il répondit à Marguerite.
« Je t'aurais laissé partir.
- Sans rien tenter ?
- Non. »
Marguerite sentit une boule se former dans la gorge. Elle repensa à son Xatu qui l'avait secouru plus d'une fois parce qu'il l'aimait, elle revit son kecleon intervenir et sauver Empliflor pour la même raison. Marguerite reprit la parole, la voix cassée.
« Je croyais... Que tu tenais à moi...
- Je ne vois pas le rapport, trancha John.
- Pourquoi m'aurais tu laissée partir alors ?!? Hurla Marguerite, les yeux brillants. Tu dis que tu veux me protéger et tu étais prêt à me laisser y retourner ? Ils m'auraient envoyé en pension ! Ils...
- Ce n'est pas à moi de choisir ce qui est bien pour toi ! La coupa violemment Jonathan. Tenir à quelqu'un ce n'est pas le forcer à faire des choses contre son gré ! Ta famille... Tes parents, tes frères, ta gouvernante : ils ont toujours tout choisi pour toi en prétextant que c'était pour ton bien, moi je ne ferais jamais ça ! Car c'est à toi, et à toi seule, de décider de ce que tu vas faire de ta vie ! »
La jeune femme déglutit avec difficulté. Jonathan un peu calmé reprit plus posément.
« Tu ne comprends toujours pas ? Je ne t'ai pas donné un pokémon pour que tu te sentes moins seule, je t'ai ouvert une autre voie.
- Et... Et malgré tout ce que tu as fait pour moi tu l'aurais laissé m'emmener ? Après tout ce qu'on a traversé tous les deux ? Balbutia Marguerite, déboussolée.
- Marguerite, je pouvais te sortir du manoir, mais je ne peux pas te libérer de la cage que tu as dans la tête. Il n'y a que toi qui le puisses. »
Un nouveau silence s'installa, brisé par le vent de la côte qui soufflait de plus en plus fort. Comme Marguerite restait toujours immobile, il dut reprendre la parole une fois encore.
« Le vent se lève, il faut prendre le large avant que ça ne dégénère.
- Jonathan...
- Oui ?
- Tu veux vraiment que je t'accompagne ? Je veux dire, maintenant que je suis libre en quelques sortes et que j'ai des pokémon, je peux partir de mon côté si tu ne veux pas de moi.
- Ne dis pas de bêtise ! » Répondit Jonathan, sidéré par la réflexion.
« Tu ne t'en sortiras pas sans moi, reprit le jeune homme avec un peu plus d'assurance. Tu te feras manger par des gradhyena sauvages à la première occasion, ou dépouiller par des sbires de la Team Rocket.
- Tu es sûr ? Tu le veux vraiment ? » Insista Marguerite, elle restait terriblement sérieuse. John dut abandonner l'idée de faire de l'humour. D'une voix plus ténue, il répondit :
« Oui. J'en suis sûr.
- Pourquoi ?
- Parce que je... Je... »
Jonathan baissa les yeux et ravala un grognement énervé, énervé contre lui-même : il n’arrivait plus à parler, ce n'était pourtant pas son genre. Il s'en voulait d'être aussi lâche. Il redressa la tête et s'avança vers Marguerite. Il prit le visage de la jeune femme entre ses mains et l'embrassa. Marguerite, surprise, ne ferma pas les yeux, elle les écarquilla. Jamais il ne l'avait embrassé comme ça, avec autant de fougue et de passion. Elle finit par se laisser aller, emportée par le parfum de Jonathan, bercée par la chaleur de ses lèvres et de sa langue.
Jonathan libéra son amie de son long baiser et posa son front contre le sien.
« Allons-y maintenant. »
Il donna la main à sa partenaire et l'aida à nouveau à monter sur le dos de Laggron. Il hissa son sac derrière elle, puis il grimpa devant Marguerite. Il se pencha vers la tête de son pokémon et lui caressa le cou.
« La-grrron ? (Où on va ?)
- Droit devant Goda, cap sur le Bourg Palette.
- Gron. (Ok.) »
Laggron prit le large et fendit les flots avec autant de facilité qu'un voilier. Marguerite sentait l'eau froide éclabousser ses jambes, elle frissonna. Elle se blottit contre le dos de Jonathan, sans dire un mot.
Tandis qu'ils s'éloignaient rapidement de la côte, Jonathan, mal à l'aise, tourna la tête vers Marguerite. Pour une fois, il n'arrivait pas à la regarder dans les yeux et il dut faire un gros effort psychologique pour parvenir à briser son propre silence.
« Marguerite, il y a quelque chose que je dois te dire... J'aurais dû le faire depuis un moment mais je n’en ai pas eu le courage...
- Quoi ? » Demanda Marguerite, un peu inquiète en regardant John, il avait l'air vraiment gêné.
Le coeur de la jeune femme palpita, quelle terrible révélation pouvait-il encore avoir à lui faire ? Ces derniers jours avaient déjà été suffisamment éprouvants.
Jonathan se pinça nerveusement les lèvres, il ne trouvait toujours pas ses mots, bien qu'il n'y ait pas loin à chercher... Il finit par prendre une profonde inspiration et leva les yeux vers son amie. Le coeur de Marguerite s'arrêta de battre une seconde.
« Je t'aime. »