Entre infini et au-delà
Après avoir passé une nuit à Joliberges, puis une autre à Féli-Cité, Cassy, Léa et Cynthia atteignirent enfin Charbourg. L'adolescente songeait que, avec son Galopa, il ne lui aurait sans doute fallu qu'une seule journée pour faire le trajet, et avec le Togekiss de la Championne quelques heures à peine. L'un étant à Kanto et l'autre ne pouvant transporter trois personnes, elles s'étaient contentées de marcher.
D'après Léa, cela faisait partie du quotidien d'un dresseur débutant qui effectuait son voyage initiatique, et Cynthia avait appuyé ses propos, ayant elle-même effectué le sien de nombreuses années auparavant. L'enfant se déplaçait toutefois avec une lenteur qui, à plus d'une reprise, manqua d'exaspérer Cassy.
Elle réclamait des poses régulièrement et, lorsque ce n'était pas le cas, elle s'arrêtait pour contempler le paysage ou cueillir des fleurs dans les hautes herbes, sans se soucier des pokémon qui pouvaient s'y terrer. Elle ne pensait même pas à combattre des créatures sauvages et encore moins à en capturer, accaparée par les lieux qu'elle découvrait.
Cassy ne fut pas mécontente lorsque les contours de la ville de Charbourg se dessinèrent enfin à l'horizon, alors que le soleil commençait à se coucher. Elle avait convenu avec Cynthia que celle-ci les escorterait jusqu'à la cité, où une chambre d'hôtel les attendait, et qu'elle regagnerait ensuite l'Élite des Quatre, considérant qu'elles seraient toutes deux en sécurité durant son absence.
Le Concours auquel Léa devait participer n'aurait lieu que dans une semaine et elle ne pouvait se permettre de déserter son poste si longtemps. Elle reviendrait le jour du grand événement pour ensuite les accompagner à Unionpolis, et surtout faire une petite halte aux Colonnes Lances.
Tous les établissements hôteliers étaient complets à cause des nombreux coordinateurs de passage et, quand Cassy et Léa se présentèrent à l'accueil de celui dans lequel elles allaient loger, la jeune fille supposa que Cynthia avait sans doute fait jouer son nom et son influence afin de leur obtenir un endroit où passer les nuits à venir.
- Oh ! s'exclama la fillette en découvrant l'intérieur. Ça a l'air douillet !
Un lit superposé les attendait, ainsi qu'une petite armoire dans laquelle elles pourraient suspendre leurs vêtements pour la durée de leur séjour. Une petite table, flanquée de deux tabourets, était installée sous l'unique fenêtre que comportait la pièce. Des échantillons gratuits, quelques prospectus et des bonbons au citron avaient été disposés dessus. Une porte entrouverte, au fond, donnait sur leur salle de bain personnelle.
Pendant que Léa déballait ses affaires, Cassy décida de descendre à la réception, où elle avait repéré des visiophones mis à la disposition des clients, pour appeler Régis. Elle ne l'avait pas encore contacté depuis qu'elle se trouvait à Sinnoh et elle était pressée de lui donner de ses nouvelles, même si elle n'avait rien de nouveau à lui apprendre.
Le rez-de-chaussée était tranquille à cette heure-ci. La plupart des gens étaient en train de dîner ou se trouvait dans leur chambre. À l'exception d'un homme qui lisait le journal en fumant un cigare, de deux adolescents qui jouaient au billard et du réceptionniste qui se tenait derrière l'accueil, il n'y avait personne. L'adolescente pourrait discuter avec son amie sans crainte de dévoiler sa conversation.
- Cassy ! s'exclama joyeusement Régis en décrochant. Je suis ravi de t'entendre ! Comment ça se passe ?
- Léa est très excitée par son voyage, je dirais même un peu trop... Nous sommes à Charbourg, où un Concours doit avoir lieu dimanche prochain.
- Cynthia est avec vous ?
- Non, elle a regagné l'Élite des Quatre. Elle pense que nous n'avons rien à craindre et je suis assez d'accord. Même si les gens qui ont agressé ma famille me traquent, je ne crois pas qu'ils oseraient s'en prendre à moi au milieu de la foule.
- Sois prudente, quand même, conseilla le garçon. Ne sors pas après la tombée de la nuit, évite les ruelles sombres et ne te sépare pas de Léa.
- Je n'en ai pas l'intention. Du neuf de ton côté ? Tu... Toujours pas de marque ? demanda-t-elle en baissant la voix.
- Non, rien. Par contre, j'ai réfléchi, et j'en suis arrivée à une conclusion.
- Laquelle ?
- Est-ce que ces symboles pourraient avoir un lien avec ce qu'Émilien a dit lorsqu'il a partiellement traduit les notes d'Éric ? Tu sais, au sujet des dix-sept types, formant une seule entité, et qui aurait vraisemblablement un rapport avec les humains.
- Tu penses que ce serait nous ?
- Ça corroborerait ses déductions, en tout cas. Et si, pour une raison ou une autre, ces glyphes étaient destinés à apparaître sur des humains ?
Cassy s'accorda quelques secondes de réflexion. Émilien avait effectivement mentionné une idée similaire et, avec l'apparition soudaine des marques sur sa peau et celle de Léa, elle ne devait écarter aucune piste. Malgré cela, elle avait beaucoup de mal à le croire.
- Une sorte de... Je ne sais pas. Réincarnation des plaques d'Arceus ? suggéra-t-elle. J'ai de sérieux doutes. As-tu déjà entendu une légende quelconque à ce sujet ?
- Non, rien, admit Régis, penaud. Même moi, ça me semble un peu gros, mais la situation est elle-même assez étrange.
- C'est vrai... Essaye de faire quelques recherches de ton côté, j'en parlerai à Cynthia lorsque j'en aurai l'occasion. Si ça lui évoque quoi que ce soit, je t'en tiendrai informé.
- Tu peux compter sur moi, mais ça risque de me prendre du temps. Depuis ton départ, je dois te remplacer le temps que mon grand-père embauche quelqu'un d'autre et je suis surmené. En plus de ça, il me garde à l'œil, pour s'assurer que je ne lambine pas.
- Je te fais confiance, je sais que tu feras de ton mieux.
Les deux amis échangèrent un sourire, puis se saluèrent avant de mettre un terme à la conversation. Tandis qu'elle regagnait sa chambre, Cassy tournait et retournait mentalement l'hypothèse de Régis dans son esprit. Une telle explication était irrationnelle, mais c'était également le lot de tout ce qui s'était produit jusqu'à présent.
En admettant qu'il ait raison, cependant, cela ne tirait pas davantage les évènements au clair. Pourquoi cela ? Et pourquoi elle, ainsi que Léa ? Qu'est-ce que tout ceci pouvait bien signifier ? C'était trop flou pour qu'elle soit convaincue par de telles explications. Elle avait besoin de réponses concrètes, non de nouvelles théories qui la plaçaient plus encore dans l'expectative.
Cassy attendit impatiemment le retour de Cynthia, le dimanche suivant. Elle arriva à Charbourg de bonne heure, alors que les deux filles étaient en train de prendre leur petit-déjeuner au restaurant de l'hôtel. Elle s'installa à leur table et commanda un café noir, ainsi qu'un croissant, car elle-même n'avait rien pris la peine d'avaler avant son départ de l'Île du Lys, depuis laquelle elle était venue en volant.
- Est-ce que vous avez eu l'occasion de visiter le Musée Minier ? interrogea-t-elle pendant que Léa finissait ses tartines.
- Non. Il subit actuellement des travaux et il est fermé au public jusqu'à la fin de la semaine prochaine, répondit l'adolescente. C'est dommage, j'ai lu dans le guide qu'il s'agissait de l'attraction de la ville.
- Hum... Je crois qu'on peut peut-être s'arranger si vous tenez à le voir. C'est la famille de Pierrick, le Champion d'Arène, qui en est responsable. Je suis certaine qu'il ne me refusera pas une telle faveur si je la lui demande.
- Vraiment ? intervint l'apprentie coordinatrice, enthousiaste. Ce serait super !
- En effet. Montez vous préparez, je vais le contacter à l'Arène par visiophone.
Léa, impatiente, ne se le fit pas répéter. Elle débarrassa la table de son plateau et quitta la salle de restauration, au contraire de Cassy qui s'attarda. Profitant de ce bref instant où elle se retrouvait seule avec Cynthia, elle mentionna l'hypothèse formulée par Régis et attendit patiemment son avis.
- Je ne connais pas le moindre mythe associant les plaques d'Arceus aux humains, ni à n'importe qui d'autre que l'Alpha, d'ailleurs, finit-elle par avouer. Je suis néanmoins d'avis qu'il ne faut négliger aucune piste. Qui sait ? Nous découvrirons peut-être un élément nouveau aux Colonnes Lances.
L'adolescente acquiesça, puis elle regagna à son tour l'étage, à la suite de Léa qui avait quelques minutes d'avance sur elle. Lorsqu'elle poussa la porte de la chambre, elle découvrit la fillette à quatre pattes sur le sol, le buste à moitié enfoncé sous le lit. Les couvertures étaient par terre, de même que les oreillers.
- Euh... Je peux te demander ce que tu fais ?
- J'ai perdu mes mitaines ! s'exclama-t-elle. Il faut absolument que je les retrouve !
- Ce n'est pas la fin du monde, la rassura Cassy. Tu peux porter des manches longues pour le Concours. Elles dissimuleront ton poignet.
- Ah non ! Je ne peux pas me permettre de porter n'importe quel habit ! L'apparence compte presque autant que la performance dans ce genre de compétition. J'ai une jolie robe dans mon sac, que ma maman m'a offerte avant mon départ, et elle ne descend pas plus bas que les épaules.
La jeune fille poussa un soupir, et aida Léa à chercher ses gants. Lorsque Cynthia les rejoignit, la chambre était encore plus en désordre, sans qu'elles aient pour autant réussi à mettre la main sur les accessoires. À la vue de ce capharnaüm, la Championne posa la même question que Cassy juste avant.
- Hum... J'ai peut-être une idée, affirma-t-elle quand elle eut entendu leurs explications. Je préfère ne rien dire pour le moment et t'en faire la surprise, Léa, mais quelque chose me dit que tu vas apprécier.
- Oh... S'il vous plaît, donnez-moi au moins un indice !
- Non, non. Maintenant, dépêchez-vous de ranger tout ça et de vous rendre au Musée Minier. J'ai pu joindre Pierrick, il va nous retrouver là-bas pour vous offrir une visite guidée exceptionnelle. Je vous rejoindrai sur place.
Cynthia afficha un sourire énigmatique qui fit trépigner Léa. Cassy était également curieuse de savoir ce qu'elle pouvait avoir en tête, mais puisque cela venait d'elle, ce serait forcément une bonne idée. Le Maître de Sinnoh leur faussa donc compagnie pendant qu'elles remettaient la chambre en ordre et qu'elles achevaient de ranger leurs affaires.
Une dizaine de minutes plus tard, elles se présentaient à l'accueil pour rendre les clés au réceptionniste, puis se mirent en route pour le musée, situé au nord de Charbourg. La cité était très animée en ce dimanche matin, et les deux filles croisèrent de nombreux passants en chemin.
Enfin, elles atteignirent le bâtiment devant lequel elles étaient déjà passées à plusieurs reprises au cours de leur séjour. Il était vraiment splendide. Composé de deux parties distinctes, mais adjacentes, l'une d'elles possédait des murs gris en pierre, tandis que l'autre, une serre gigantesque, était entièrement constituée de verre. Léa observait les lieux d'un œil admiratif.
Puisque ni Cynthia ni Pierrick ne semblait se trouver dans les environs, Cassy décida de s'asseoir sur un banc en attendant, pendant que son amie faisait sortir Bulbizarre de sa pokéball. Elle s'était d'abord montrée méfiante vis-à-vis de lui suite à l'attaque Fouet-Lianes qu'il lui avait infligée, mais après une semaine passée à s'exercer en vue du Concours, c'était désormais de l'histoire ancienne.
- Je ne m'attends pas à gagner cet après-midi, confia Léa, mais je me suis entraînée si dur pour parfaite l'enchaînement que j'ai mis au point que je serais déçue de ne pas être au moins qualifiée au terme de la première manche.
- Tu le seras, affirma Cassy. Tu t'es donné beaucoup de mal, et ton pokémon aussi. Le travail est presque toujours récompensé.
La fillette acquiesça, puis s'accroupit pour caresser son Bulbizarre qui était en train de lui donner des coups de tête affectueux contre les mollets. Elle lui offrit ensuite un bonbon qu'elle avait dans sa poche, acheté dans une boutique spécialisée en friandises pour pokémon.
- Ponctuelles, à ce que je vois ! lança soudain une voix.
Elle appartenait à un séduisant jeune homme qui remontait le chemin en pierre conduisant à l'entrée du musée. Doté de cheveux rouges qui ne passaient pas inaperçus, il portait des lunettes qui masquaient une partie de ses traits fins, une combinaison grise, d'apparence confortable, et des chaussures de sécurité, semblables à des bottes épaisses.
- Enchanté, je suis Pierrick, se présenta-t-il, une fois à leur hauteur. Et vous, vous devez être... Cassy et Léa, c'est ça ? Les amies de Cynthia. Tiens, d'ailleurs, où est-elle ?
- Ici ! lança l'intéressée dans son dos, qui arrivait à son tour.
La Championne pressa le pas pour rattraper son collègue et l'embrassa chaleureusement sur chaque joue, avant qu'il serre la main des deux adolescentes. Léa rougit légèrement, comme lorsqu'elle faisait face à un inconnu.
- C'est gentil à toi d'avoir accepté de leur faire découvrir le Musée Minier malgré les travaux, déclara Cynthia.
- Je ne peux rien refuser au Maître de Sinnoh, affirma Pierrick avec un sourire. À présent, mesdemoiselles, si vous voulez bien me suivre... C'est par ici.
Cassy fut la première à lui emboîter le pas, suivie de près par Léa. La Championne fermait la marche, tandis que le petit groupe se dirigeait vers l'entrée, qui s'ouvrit à l'aide du badge que le propriétaire de l'Arène de Charbourg tenait à la main. Les portes coulissèrent, et il les invita à le précéder à l'intérieur, afin de commencer la visite.