Les Train Twins

Chapitre 34 : Orgueil et compromis

11736 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 21/02/2022 17:42

Chapitre 34

 

Orgueil et compromis

 

Les Train Twins naviguaient à dos de wailord sur les eaux calmes de la mer intérieure de Kanto. Fry était frigorifié, l’air marin lui cisaillait les joues. Il était blotti contre Gali qui avait eu pitié de lui, son tout nouvel évoli lové entre ses jambes lui apportait également un peu de chaleur. Les jumelles et Scott discutaient en cercle autour de lui. Scott grelottait aussi, non pas de froid, mais d’anxiété, il ne se sentait toujours pas à l’aise sur Lord. Il se concentrait sur Jenny, toujours hypnotisé par sa beauté, ça l’aidait à oublier ses conditions de voyage peu conventionnelles.

« Une croisière ? Répéta Scott à voix haute pour être sûr d’avoir bien compris.

- C’est ça.

- Mais ça coute cher, je pensais que vous n’aviez pas d’argent.

- C’est une idée de Jane. Elle a réussi à nous faire embaucher, on va faire la traversée gratuitement, précisa Jessy.

- Embauchés ? Embauchés pour quoi ?

- Comme musiciens. »

Jessy réfléchit un instant en regardant Scott, elle n’avait pas prévu de l’emmener, mais maintenant qu’ils lui avaient dit oui, il fallait trouver une solution pour lui aussi.

« C’est vrai qu’on n’avait pas pensé à toi…

- Oh, il ne faut pas t’en faire pour moi. »

Scott farfouilla dans sa poche de jean et sortit une carte plastifiée bleue avec un petit bateau à moteur dessiné dessus.

« J’ai un Passe-Bateau.

- Rah le veinard ! » Lâcha Jessy.

Le passe-bateau était une carte de transport maritime illimitée valable dans tout le pays. Depuis quelques années, elle était nominative, elle ne pouvait donc pas être empruntée par un tiers, ce qui aurait pourtant bien arrangé les affaires des Train Twins, car Florine, Jacky et Reese en possédaient tous uns.

« Comment ça se fait que t’aies ça Scott ? Demanda Fry, gelé, en resserrant ses bras contre lui.

- Tous les gestionnaires qualifiés du système de stockage pokémon en ont un, vu qu’on est amené à voyager un peu partout… C’est d’ailleurs comme ça que Léo s’est retrouvé sur le bateau qui a fait naufrage. Pauvre Léo…

- Ouais, ben espérons qu’il ne nous arrive pas la même chose.

- Je ne te savais pas si peureux Fry, s’amusa Jenny. Ce sera plus confortable que sur Wailord. Par sécurité je le prends quand même avec moi, j’ai aussi récupéré mon tortank pour la traversée, au cas où.

- Tu te moques de moi, mais j’vois que tu anticipes le pire quand même.

- Ça va vous deux ! Protesta Jessy. Tous les rafiots ne terminent pas comme le Lavandia Sea !

- C’est drôle que vous ayez peur sur un bateau tous les trois, alors que c’est beaucoup plus dangereux de voyager à dos de pokémon… Euh… »

Scott perdit son sourire face aux regards appuyés de ses amis. Il baissa les yeux et rougit, encore une fois il avait loupé une occasion de se taire.

 

Ils accostèrent à Carmin-sur-mer en début d’après-midi. Ils se posèrent avec leur bazar au bout des docks. Escortées par leurs raichus, les jumelles partirent en reconnaissance à la recherche du bon navire, laissant Fry, Scott, Braségali, Tengalice et Lockpin avec leurs bagages. Jenny finit par trouver le Nymphéa. Elle envoya Sweet guider ses amis jusqu’à elles.

Après avoir discuté avec les vigiles chargés de surveiller l’embarquement en glissant quelques sourires, les Train Twins purent monter sur le bateau avec tout leur attirail. Le commissaire de bord les enjoignit de se présenter au directeur de croisière, Jerry Becket. Il tenait à rencontrer tous les nouveaux employés avant le départ, pour s’assurer de leur fiabilité et les briefer rapidement. Le commissaire leur confia un plan du bateau imprimé sur le livret d’accueil distribué aux passagers à leur arrivée.

Les adolescents laissèrent donc leurs pokémon et leurs instruments sur la plage avant du navire pour se rendre au bureau de monsieur Becket, il se situait sous la passerelle de navigation. Le quatuor attendit patiemment que l’employée précédente sorte du bureau pour se présenter poliment à la porte.

« Bonjour. Nous sommes les Train Twins, fit Jenny avec sa voix délicate et un sourire absolument charmant.

- Qui ça ?

- Les musiciennes jumelles, répondit Jenny prise au dépourvue. J’ai échangé par mail avec monsieur Lee, le directeur des activités.

- Ah oui tout à fait, bonjour ! Bienvenue à bord !

- Merci… »

 Les quatre adolescents pénétrèrent dans le bureau petit mais classieux, leur présence réussit à remplir tout l’espace.

« Vous n’étiez pas censé être trois ? Demanda le directeur en dévisageant le pauvre Scott intimidé de la tête aux pieds.

- Scott est gestionnaire du réseau pokémon, comme c’est un ami il a décidé de prendre le même bateau que nous. »

Scott s’empressa de sortir son passe-bateau. Techniquement, il avait le droit de monter à bord, la convention entre la société de ferries et la Ligue Pokémon prévoyait ce cas de figure, mais la plupart du temps les techniciens et autres scientifiques prenaient des navettes directes. La croisière du Nymphéa durait quinze jours, Monsieur Becket n’avait pas envie de le nourrir gratuitement pendant tout ce temps, sans parler des accès à toutes les activités, cependant il ne pouvait pas demander à son personnel de surveiller et restreindre les allées et venues de Scott, ils avaient mieux à faire.

Le blondinet sentait nettement la contrariété dans le regard du directeur, mais il était bien décidé à se montrer discret pendant la traversée et à apporter son aide à ses amis ainsi qu’à tous les membres d’équipage qui en éprouveraient le besoin. Ce n’était pas dans sa nature de se comporter en parasite, c’était même tout l’inverse.

« J’imagine que tu sauras te rendre utile… Finit par lâcher Jerry avant de se tourner vers les trois musiciens. Bon écoutez les Train machins, si je vous ai recruté ce n’est pas tant pour votre crincrin que parce que vous êtes des dresseurs. Et si j’en crois vos cv, vous n’êtes pas parmi les plus nuls.

- Quels cv ? Demanda Jessy perplexe.

- Vos cartes de dresseurs ma grande. »

L’homme sortit du classeur sous son nez les copies de leurs cartes de dresseurs que Jenny avait fournies en guise de pièce d’identité, en prévision de l’embarquement.

« Jessy et Jenny Ketchum, Bourg Palette, Kanto. Qui de nos jours ne connait pas le fameux Sacha Ketchum ? J’imagine qu’il y a un lien de parenté.

- C’est notre grand-père. »

L’homme claqua des doigts d’autosatisfaction, il avait l’impression d’être d’une grande perspicacité.

« Et Fry Morgan, île Pomelo, Archipel Orange. Toi je t’ai tout de suite reconnu ! Renchérit le responsable en pointant Fry avec le coin d’une feuille de papier. Tu es le champion de la Ligue Orange qui s’est barré pour suivre une nénette.

- En fait je me suis barré pour suivre deux nénettes, répliqua Fry en forçant son humour et en penchant la tête en direction des jumelles.

- T’es une véritable star auprès des adolescentes. Je me souviens encore il y a deux-trois ans, ma fille n’avait que ton nom à la bouche !

- Vraiment ? Ah ah… »

Fry sourit en se frottant la nuque d’un air gêné. Monsieur Becket se tourna à nouveau vers les jumelles.

« Quant à vous deux, j’espère que vous ferez honneur à votre nom de famille.

- Attendez une minute, l’interrompit Jessy, qu’est-ce que vous attendez de nous exactement ?

­- Près d’un quart de mes passagers sont des dresseurs, ils veulent plus que des parties de quilles et des séances de massage, ils veulent de l’action : des combats pokémon ! »

Jessy sourit du coin de la bouche, elle commençait à vraiment apprécier ce projet de croisière.

« Si c’est vraiment ce qu’ils veulent, avec nous ils vont être servis, je vous le garantis !

- Bien parlé jeune fille ! J’aime autant qu’ils ne combattent pas dans leur chambre, on a eu de sérieux dégâts durant les voyages précédents. Vous allez les affronter dans la salle de gym, on l’a intégralement refaite en prévision. Voilà le planning. »

Il claqua sur son bureau une feuille A3 raturée et bariolée dans tous les sens.

« Tous les matins, de neuf heures à onze heures, Camille donne son cours de remise en forme dans cette pièce, je vous réserve la salle pour les après-midi de quatorze à dix-sept. Vous devez impérativement libérer la place pour le cours de yoga de dix-huit heures et laisser la salle propre.

- Et pour la musique alors ? Finit par demander Jenny.

- Comme convenu, je vous ai programmé deux soirées concerts. André et Stéphane vont vous briffer. Pour la salle de sport, vous voyez avec Lilas, c’est la responsable du pont supérieur. Je vous transfère une copie du planning par email.

- D’accord mais il nous faut encore quelques informations pour nous organiser. Vous avez de quoi soigner et nourrir les pokémon ? Demanda Jenny.

- Bien sûr ! On a un cabinet médical pour humains et pokémon, il est équipé d’une machine de soin. On a aussi tout un stock de nourriture pour les pokémon domestiques des passagers. Tout est indiqué sur le plan du bateau que je vais vous envoyer. »

Le quatuor quitta le bureau et Jenny téléchargea sur son smarphone le plan du bateau qu’elle transféra dans la foulée à Fry et Scott. Jessy conserva le seul plan sur papier qu’ils avaient.

« On lève l’ancre demain midi, il faut qu’on récupère tous nos autres pokémon avant, déclara Jenny en arpentant le pont, les yeux rivés sur son téléphone.

- Pourquoi donc ? S’étonna Fry.

- Si on doit combattre pendant quinze jours, il faut qu’on soit équipés. Pff, en tout cas il exagère ! Il aurait pu m’avertir en amont…

- Heureusement que Scotty a réparé la machine à transfert de maman ! S’exclama Jessy.

- Elle m’a dit que c’était le plus urgent alors... »

Les jumelles adressèrent toutes les deux un sourire reconnaissant à Scott, il en fut tout retourné.

« Vous pensez que ça vaut le coup que j’appelle mon paternel pour récupérer mon staross ?

- C’est toi qui vois, tu as déjà Friday à gérer.

- C’est un pokémon eau, elle va kiffer cette petite croisière. »

 

Le commissaire de bord confia une clef de cabine numérotée à Scott, puis une autre clef de forme différente à Jenny. Pendant que les Train Twins déposaient leurs instruments dans une soute privée de l’équipage, Scott s’en alla découvrir sa chambre. C’était une cabine d’entrée de gamme située au bout du pont principal, mais elle restait très cosy. Le lit était posé transversalement à la fenêtre doublée d’un épais rideau. Il n’y avait pour tout mobilier qu’une table de chevet, un petit bureau avec un tabouret, un long placard encastré dans le mur et un petit écran de télévision accroché en face du lit. La cabine n’était pas très différente d’une simple chambre d’hôtel terrestre. La salle de bain était minuscule mais impeccablement propre. Scotty déposa ses affaires par terre près du lit, il les rangerait plus tard. Il se hâta de rejoindre ses amis. Il les trouva dans la salle de réception au bout du pont promenade, côté poupe. Ils étaient en train de discuter avec deux hommes sur une grande estrade ronde.

André était saxophoniste de profession, mais sur le navire il était aussi adjoint du directeur des activités, responsable de la gestion de tous les artistes qui se produisaient lors des diners spectacles et des galas. Pendant les déjeuners et les soirées standards, c’était Stéphane le pianiste qui jouait de la musique d’ambiance.

« Avec l’accord du patron, je vous ai programmé votre premier concert mercredi et le deuxième lundi prochain, leur expliqua André. Ce serait bien de refaire votre spectacle de l’île Shamouti à ce moment-là, on sera dans l’Archipel Orange, ça devrait plaire aux clients. »

Fry grimaça malgré lui en entendant ces mots, il n’allait pas rentrer chez lui mais il sentait comme une épée de Damoclès au-dessus de sa tête.

« Pas de soucis, répondit Jessy.

- Si ça vous branche, vous pouvez venir jouer avec moi certains soirs, proposa Stéphane avec un sourire sympathique. Je vous préviens tout de suite : c’est pas payé en heures sup, mais les passagers laissent parfois des bons pourboires.

- Pourquoi pas, ça peut-être cool. Pas vrai Fry ?

- Ouaip. »

Jenny laissa Fry et Jessy répondre à sa place, elle ne cracherait pas sur un peu de temps libre pour lire ses livres de science, or pour avoir du temps libre il fallait que Jessy soit occupée ailleurs.

Après leur bavardage avec les musiciens de bord, les Train Twins reprirent leurs pérégrinations à travers le Nymphéa en direction de leur cabine. En compagnie de Scott, Pit et Chu, ils traversèrent tous les ponts du navire, pour l’instant presque désert. L’embarquement des passagers ne commençait officiellement que dans une heure, alors les rares personnes qu’ils croisaient étaient toujours des membres du personnel de bord. Jenny et Fry les saluaient chaleureusement pour essayer de créer un contact positif avec leurs futurs collègues. Egale à elle-même, Jessy ne se forçait pas, mais au moins elle était de bonne humeur, quant à Scott il restait très effacé.

Le commissaire de bord ne s’était pas embêté à séparer les filles des garçons, il avait attribué une seule cabine pour Fry et les jumelles sur la partie du pont inférieur dédiée à l’équipage. Cela ne les dérangeait pas outre mesure, ils avaient l’habitude de dormir ensemble dans les centres pokémon ou dans les bases secrètes de Fry, mais la mauvaise surprise c’est qu’on leur avait attribué une chambre étroite pour deux personnes dans laquelle un troisième matelas d’appoint avait été placé directement sur le sol, si bien que les deux occupants des lits superposés ne pouvaient pas sortir de leur niche sans marcher sur le troisième larron. Les adolescents furent obligés de se déchausser avant de pénétrer dans la pièce, seul Scott resta sur le pas de la porte, la chambre n’était vraiment pas grande.

« En voilà un qui n’a pas peur de l’inspection du travail… Geignit Fry.

- T’en doutais ? Il a embauché des mineurs et il nous paye en liquide sans trace écrite, je crois qu’il n’est plus à une magouille près. » Répliqua Jessy en se hissant sur le lit superposé.

Son raichu grimpa à ses côtés en escaladant le sommier en acier.

- Rai rai !

- Je pense qu’il vaut mieux que ce soit moi qui dorme là-haut et toi par terre. Tu te lèves toujours avant moi.

- Je sais, c’est précisément pour ça que je me mets là. » Répliqua Jessy avec un sourire goguenard.

Fry grimaça, elle avait vraiment l’intention de lui sauter sur la figure tous les matins ?

« Tu es diabolique… »

Elle tendit la jambe pour le repousser avec la plante de son pied, il lui attrapa la cheville dans l’intention évidente de lui jouer un mauvais tour, il ne savait juste pas encore lequel. Scott intervint poliment et les interrompit dans leur début de chamaillerie.

« J’ai une cabine avec un lit double, précisa le jeune technicien. Fry peut venir dormir avec moi, ou si vous préférez je vous la laisse et je dors ici avec lui.

- Je ne dirais pas non à un vrai lit ! » Répondit Fry en relâchant le talon de Jessy.

Jenny jeta à leur batteur un coup d’œil amusé, quand il était question de sommeil et de repos, il ne s’embarrassait d’aucune galanterie contrairement à Scott. Elle aurait apprécié de récupérer la cabine de son ami, mais le jeune homme était beaucoup trop gentil comme toujours, elle s’en serait voulu d’abuser de lui une fois de plus.

« Pas de soucis, moi ça me convient bien ici ! » Lança Jessy en balançant ses pieds dans le vide, donnant au passage de légers coups dans les épaules de Fry.

Elle interrogea sa sœur du regard, Jenny allait lancer une boutade pour dire qu’elle voulait bien dormir dans le lit double avec Fry et laisser Jessy et Scott ici, mais elle ne voulait pas faire de la peine au petit technicien pour une plaisanterie stupide, alors elle se tut et se contenta d’hocher positivement la tête pour indiquer à Jessy qu’elle était d’accord.

« J’ai aussi une salle de bain, si vous ne voulez pas partager celle de vos collègues.

- Merci Scott, tu es un ange. Ne t’en fais pas, on devrait se débrouiller je pense. »

Les mots et le sourire doux de Jenny lui réchauffèrent le cœur autant qu’ils le blessèrent. Oui il était un ange, ça suffisait pour qu’elle soit son amie, mais que pouvait-il faire de plus avec ses maigres atouts pour qu’elle soit plus que ça ? Il força son esprit à rester dans les rangs et à ne pas s’aventurer dans de nouvelles ruminations interminables et dépressives.

Une fois installés, Jenny téléphona au laboratoire et Fry appela sa mère pour savoir si elle pouvait lui transférer son staross. Ils filèrent ensuite au centre pokémon de Carmin-sur-mer avec Scott pour utiliser la machine à transfert. Jessy resta seule à bord, elle n’était pas tranquille d’abandonner son matériel flambant neuf, même sous clef. Jane récupéra ronflex, maskadra et lamantine. Sa sacoche à pokéballs débordait, elle n’était prévue que pour six capsules.

 

Dimanche, le navire leva l’ancre à onze heures. Tous les passagers, encore en vêtements d’hiver, étaient agglutinés le long du bastingage pour admirer les quais de Carmin-sur-mer qui s’éloignaient. Ils faisaient de grands signes aux quelques promeneurs de l’esplanade si lointain qu’ils les distinguaient à peine désormais. Jessy se fichait royalement du port, entre les deux raichus elle observait les vacanciers avec une pointe d’inquiétude, elle craignait de se faire suer ; leur patron prétendait qu’il y avait beaucoup de dresseurs à bord, mais Jessy voyait surtout des mémères à chaglam et sans doute tout autant de prétentieux-arrogants. Fry marchait derrière elle, ses mains gantées fourrées dans ses poches de veste. Il se sentait comme en vacances et répondait avec courtoisie à toutes les filles qui lui souriaient en rougissant. Jenny et Scott fermaient le petit cortège.

Le cocktail de bienvenue était officiellement ouvert aux membres du staff, il s’agissait surtout de se montrer auprès des passagers afin qu’ils puissent les reconnaître. Le plus difficile fut de décoller Fry du buffet, Scott mangeait à peine plus que les jumelles avec leur appétit d’étourmi.

Le quatuor fila au gymnase installé sur le pont soleil en face de la piscine, pour l’instant fermée. La salle de sport était très vaste et le revêtement du sol et des murs flambants neufs, au point que cela empestait fortement le plastique. Une immense verrière couvrait la moitié de la salle. Dans la partie pleinement couverte, le mur du fond était couvert de miroirs doublés de pvc pour les protéger de chocs malencontreux. Des barres de danse étaient fixées sur les deux autres parois. Au sol, des limites en bandes blanches étaient tracées et dessinaient au centre du gymnase, entre la verrière et le toit, une pokéball schématique. La pièce avait visiblement été rénovée de manière à accueillir presque exclusivement des combats pokémon, toutes les machines de sports avaient été déplacées dans ce qui était anciennement un petit salon de plaisance.

« C’est dingue, on se croirait dans une arène pokémon. » S’exclama Fry avec bonne humeur.

Il libéra une partie de son équipe pour qu’ils se familiarisent avec les lieux. Scott lui tendit gentiment la copainball de Friday pour qu’il rejoigne Katy, Marvy et Riha. Pit et Chu couraient d’un bout à l’autre de la salle en faisant la course. Jessy s’étira les bras au-dessus de la tête, elle semblait ravie.

« C’est la bonne surprise de la semaine !

- Je ne voudrais pas gâcher ta joie, mais je doute qu’il y ait des adversaires à ta hauteur à bord, dit gentiment Jenny.

- Probablement pas, mais les dresseurs vont venir à moi et ça c’est confort !

- Si c’est vraiment ce que tu veux, tu n’as qu’à devenir championne d’arène, intervint Fry.

- Yerk, non. Végéter dans un trou paumé toute ma vie sûrement pas. En plus j’ai vu comment ça se passait avec Violine et Régis, ils ne peuvent jamais se donner à fond sinon personne ne gagnerait de badge. Ça craint… »

Le trio fut perturbé dans sa discussion par l’arrivée d’un jeune homme blond très élégant d’un petit quart de siècle. Les deux raichu s’arrêtèrent de courir et le toisèrent en dressant les oreilles. Le museau de Chu frétilla, il reniflait à distance le nouveau venu, il sentait le pokémon.

« Rai rai ! » S’écria Chu avec excitation.

Le jeune évoli observa attentivement ses amis électriques et décida de les imiter, il y avait sans doute une bonne raison pour qu’ils agissent de la sorte.

« Mesdemoiselles ! » Salua précipitamment le richard en arrivant près des jumelles.

Il n’avait vraisemblablement pas envie de se perdre en politesse d’usage, une question lui brûlait les lèvres :

« La rumeur coure que vous seriez apparentées à Sacha Ketchum. Est-ce exact ?

- Exact ! Répliqua Jessy, son regard bleu électrique se mit à étinceler.

- C’est formidable ! J’insiste pour être votre premier adversaire de cette croisière ! » S’écria-t-il en dégainant une pokéball.

Il passa une main dans ses cheveux avec élégance, Fry haussa un sourcil, il devait se croire dans une publicité pour un shampoing. Jessy bondit devant lui comme un chimpanfeu.

« C’est courageux de votre part ! Nous n’avons pas encore défini les règles de nos combats, du coup je vous laisse le plaisir de choisir.

- Je n’imaginais pas qu’il en soit autrement ! » Répliqua l’homme en riant à moitié.

En temps normal, il aurait été vexé par l’audace de son adversaire, elle avait l’air de penser qu’elle menait la danse, alors que c’était lui le client, c’était lui qui avait le pouvoir. Mais il était tellement heureux de pouvoir affronter une Ketchum qu’il lui pardonna son manque de professionnalisme. Jessy de son côté avait tellement en hâte d’en découdre qu’elle ne releva même pas l’arrogance épouvantable du nouveau venu.

« Un duel à l’ancienne et honorable. » Déclara-t-il en ouvrant une luxeball.

Un couafarel chromatique à la coupe étoile en sortit.

« Oh un shiny ! Jenny va être contente ! » S’exclama joyeusement Jessy en faisant signe à sa sœur.

Jane sortit de sa besace un carnet à croquis sous le regard intéressé de Scott. Fry lui fixait le jeune homme puant de bourgeoisie qui se pavanait devant Jessy, le champion tapotait nerveusement ses avant-bras, ce type ne lui inspirait pas confiance, il n’avait pas l’air de réaliser à qui il avait affaire et il risquait d’énerver le léviator rouge du Bourg Palette. A ses côtés, Pit et Chu faisaient grésiller leurs joues, ils mouraient d’envie d’en découdre. Jessy invita son raichu à la rejoindre d’un petit mouvement de tête, aussitôt le rongeur électrique accourut et s’arrêta dans un dérapage contrôlé à deux mètres du couafarel pour le narguer.

« Rai rai !

- Waourf ! » Répliqua le couafarel avec dédain, il n’avait pas l’air beaucoup plus aimable que son maître.

Le richard posa un regard suffisant sur le raichu et se mit à sourire du coin de la bouche.

« Les dames d’abord. » Dit-il en s’inclinant légèrement avec une fausse galanterie.

Jessy haussa les épaules sans grâce.

« Comme vous voulez. Pit, souplesse ! »

Couafarel tenta d’esquiver l’attaque, mais il fut surpris par la vitesse de raichu et avec un pied jeté dans une rotation sur lui-même, le pokémon de Jess frappa le canidé et l’envoya valdinguer à l’autre bout du terrain. Friday se mit à sautiller sur place comme un excité.

« Evo évo évo ! »

Fry s’agenouilla pour le caresser et le contenir un peu, il retint un petit sourire moqueur en regardant le couafarel dérouté secouer sa tête pour se remettre les idées en place, il n’avait pas compris ce qui venait de se passer. Son dresseur aussi semblait mécontent.

« Rai rai ! » Appela Pit pour inciter Couafarel à venir le rejoindre pour combattre.

Il avait clairement envie de se défouler. Le couafarel grogna et revint se mettre en position.

« Très bien, c’est du sérieux à ce que je vois.

- Ah vous en doutiez ? » S’écria Jessy en riant à moitié, le richard prit cette réplique comme une provocation.

« Vengeance ! »

Couafarel n’avait même pas attendu la fin du mot pour se mettre à courir vers raichu, le pokémon électrique sauta sur le côté pour éviter l’attaque et sans que Jessy ait besoin de lui ordonner quoi que ce soit, il riposta aussitôt avec un bluff. Couafarel fut bousculé mais ne tomba pas cette fois.

« Coup bas ! » S’énerva le richard.

Cette fois Pit ne put échapper à l’attaque. Couafarel le heurta violemment et le rongeur fut repoussé en arrière, il conserva son équilibre au mieux et tenta de freiner avec ses quatre pattes en serrant les dents.

Le couafarel avait un bon niveau global, évidemment c’était sans comparaison avec le niveau des pokémon de Jessy, mais on sentait bien que son dresseur le faisait combattre souvent et prenait son entrainement à cœur. Pit avait senti cette force et ça l’excitait encore plus. Ses joues crépitaient, mais Jessy et lui voulaient faire durer le plaisir, il était hors de question d’utiliser les attaques électriques maintenant.

« Retour Pit !

- Morsure ! »

Le raichu sauta par-dessus le couafarel et échappa aux premières morsures, puis il donna un nouveau coup de pied à son adversaire. Il semblait s’amuser comme un petit fou face à cet adversaire, hargneux mais pas suffisamment doué pour représenter une réelle menace.

« Continue Charles ! » Cria le richard à son pokémon.

Le couafarel s’acharna jusqu’à réussir à mordre le mollet de raichu. Le pokémon de Jessy poussa un cri de douleur et lança un petit coup d’jus pour forcer le couafarel à lâcher prise. Le richard retrouva son sourire, il jeta un coup d’œil aux quatre adolescents, probablement espérait-il voir dans leurs attitudes une certaine détresse ou au moins une préoccupation liée à l’issue du match, mais non.

Jenny s’était installée par terre contre le mur avec son carnet de croquis et dessinait avec application le beau couafarel. Scott se tenait debout, sage et immobile à côté d’elle. Il regardait uniquement le papier et le crayon de Jane, le combat ne l’intéressait pas le moins du monde. Fry, à genoux près de Jessy, caressait gentiment son évoli et affichait un sourire absent, il regardait surtout les mouvements fluides de raichu, Pit et Chu étaient les raichus les plus forts qu’il avait croisé dans sa vie, il aimait les regarder combattre. Quant à Jessy, elle avait un flegme digne de celui de son camarade champion de la Ligue Orange. Le richard se sentit blessé dans son orgueil, puisque ces gamins ne le prenaient pas au sérieux, il allait passer à la vitesse supérieure.

« Charles, regard touchant !

- Waourf ! »

Le couafarel aurait préféré foncer tête baissée contre raichu, mais il obéit à son dresseur. Raichu avait un peu mal à la patte, il commençait à avoir envie de faire comprendre à ce chien de Kalos qui était le plus fort, mais le regard touchant réussit à apaiser sa rancœur naissante, diminuant un peu son attaque également.

« Et maintenant bélier !

- Frotte-frimousse ! »

Raichu encaissa le choc du bélier et il profita de cette soudaine proximité avec couafarel pour le paralyser. Le frottement de leurs deux museaux dérouta le couafarel, il ne s’attendait pas à ça. Jessy hochait lentement la tête de droite à gauche, elle avait envie de rigoler. Fry lui jeta un rapide regard en biais, elle commençait à agir comme lui, il ne savait pas s’il devait s’en amuser ou se sentir flatter.

« Ça suffit maintenant ! Brailla le richard, pensant à tort qu’il avait l’avantage. Façade !

- Poing éclair ! »

Raichu plissa les yeux en regardant le couafarel foncer vers lui en vrai chien fou, il chargeait son petit poing fermement serré en électricité. Dans un réflexe fulgurant, il frappa le canidé juste avant qu’il ne le heurte dans sa façade. Un flash aveugla le dresseur du couafarel quand Pit asséna son poing éclair. Le couafarel électrocuté fit un vol plané impressionnant et retomba sur le sol du gymnase, évanoui.

« Ch… Charles ? Balbutia l’aristocrate hébété.

- Bravo Pit.

- Rai rai ! » Répondit le raichu content de lui en faisant briller ses joues jaunes.

Jessy fit un check avec son pokémon, tandis que le jeune homme rappelait son couafarel dans sa luxeball d’une main tremblante. Jessy s’avança avec un beau sourire vers lui pour lui serrer la main.

« Merci pour le combat, c’était sympa. »

Le type la fusilla du regard comme si elle venait de l’insulter de tous les noms avant de quitter le gymnase au pas de course sans se retourner.

« Bah qu’est-ce qu’il a ? S’étonna Jessy.

- Je crois que tu l’as vexé, dit doucement Fry en s’approchant d’elle.

- Eh ! Pourtant j’ai essayé d’être sympa ! Tu peux pas dire le contraire cette fois ! » Se défendit Jessy, elle avait toujours dans un coin de sa tête les reproches que Fry lui avait fait dans la Forêt de Jade.

« Je sais, j’ai vu et je ne dis pas le contraire, il est juste vexé que tu l’aies battu.

- Ah bah ça il va devoir s’habituer ! Quand on combat, il faut accepter le risque de perdre.

- C’est facile à dire pour toi, madame j’ai-perdu-un combat-et-demi-dans-ma-vie ! Rigola Fry.

- Euh… Je crois que ces demoiselles ont envie de combattre elles aussi. » Intervint timidement Scott en pointant un doigt discret vers l’entrée dans la salle.

Jenny jeta un regard suspicieux au troupeau de filles venue progressivement s’agglutiner dans le gymnase pendant le combat de Jessy. Elles ne venaient pas pour les jumelles celles-là, c’était l’évidence. D’ailleurs, Jane doutait même qu’elles soient là pour combattre contrairement à ce qu’affirmait Scott. Elle aurait parié sa plus belle robe qu’elles venaient pour mater Fry. Parfois, Jane avait l’impression qu’ils étaient suivis par la même meute de femelles depuis l’île Pomelo.

Jessy haussa un sourcil sceptique en les regardant à son tour, elle aussi commençait à reconnaître les effets du magnétisme du bel insulaire.

« Tu t’y colles champion ? » Lança-t-elle à Fry.

Dans un geste désinvolte, il se frotta le haut du crâne. Comme Jane, il doutait qu’une seule de ces demoiselles ait la moindre pokéball sur elle. Coup de chance, un autre dresseur débarqua dans la salle de gym, lui aussi avait entendu parler de la présence de deux Ketchum. C’était un homme très élégant, beaucoup plus âgé que le précédent dresseur, plus poli aussi même si dans son regard on lisait la même fierté de classe. Le vieil aristocrate eut néanmoins la décence d’ôter son couvre-chef avant de s’adresser aux adolescents.

« Excusez-moi, j’ai ouïe dire que les petites-filles de Sacha Ketchum étaient sur ce navire ?

- Elles y sont, répondit Fry avec courtoisie en désignant d’un geste majestueux Jessy comme s’il présentait une œuvre d’art. Mais puis-je vous proposer un combat contre moi d’abord ?

- Et à qui ai-je l’honneur ?

- Fry Morgan Monsieur, champion de la Ligue Orange. »

Une série de gloussements hystériques s’éleva de la plèbe œstrogènée. Scott et le vieux dresseur jetèrent un même regard circonspect à cet étrange assemblée avant de se reconcentrer sur Fry.

« Evo ! Evo-vo !

- Non Friday, retourne voir Scott pour l’instant.

- Vo ! »

Katy fut obligée de venir attraper l’évoli par la peau du cou et l’emporta dans sa gueule jusque sur la touche comme s’il était son petit. Elle s’assit posément entre Jenny et Scott et posa sa patte sur la queue de Friday pour l’empêcher de bouger. Fry trouvait la scène terriblement mignonne, mais ce n’était rien à côté de ce qui se passait dans le cœur et l’esprit des spectatrices en pamoison. Riha sentit qu’elle devait venir aider son dresseur et elle s’approcha pour se présenter au dresseur en costume. Elle fit une petite référence au vieux gentleman et une fois encore les spectatrices furent charmées par cette scène pleine de mignonnerie.

« Et bien soit, Fry Morgan. Balthazar Nouvaria, de Neuvartault. Selon la formule : que le meilleur gagne. »

Le gentleman dégoupilla une pokéball pour libérer un galopa de Galar. L’espace d’un instant, toutes les filles venues admirer Fry se désintéressèrent du séduisant champion et de la jolie pashmilla pour contempler la beauté sublime de la licorne.

Marvy trépignait d’impatience dans le dos de Fry, lui aussi avait envie de combattre et il jalousait Riha. Katy à ses côtés lui jetait des regards en biais, elle trouvait son coéquipier presque aussi folâtre que le jeune Friday coincé sous sa patte.

Fry affichait son sourire confiant hérité de Reese en attendant que son concurrent lance la première attaque. Il ne voulait pas dévoiler trop vite la puissance de Riha, souvent sous-estimée par ses adversaires.

« Vent féérique ! »

Le vent féérique était une technique magnifique à regarder. Tant mieux, se disait Fry, elle servirait à mettre en valeur sa Pashmilla.

« Boule roc ! »

La souris blanche se roula en boule et traversa la vague rose scintillante comme un boulet de canon en supportant la douleur. Elle frappa le galopa qui recula de deux mètres en freinant des quatre sabots, il ne s’attendait pas à une telle force chez une si petite pokémon.

Un puissant : « Woouuuaaaah ! » s’éleva de l’assistance féminine.

Balthazar plissa les yeux, le vieil homme avait beaucoup voyagé, il perçut immédiatement le haut niveau de son rival. Il devait se montrer prudent.

« Éclat magique ! »

Balthazar avait décidé de privilégier les attaques à distance, car il devinait que Pashmilla n’avait pas grand-chose en réserve pour riposter. Fry hésita, il regarda l’éclat magique frapper Riha et l’aveugler, le plus simple aurait été d’utiliser le mégaphone, mais il avait envie d’épater la galerie et Pashmilla résistait très bien face à ce galopa autrement plus faible qu’elle.

« Météores ! »

Une constellation d’étoiles scintillantes traversa la pièce et fusillèrent galopa. L’équidé encaissa, il avait mal, Balthazar le voyait bien, mais dans le public, les spectatrices avaient l’impression d’assister à un concours pokémon plutôt qu’à un combat avec cet enchainement de techniques fées et normales.

« Plumo-queue ! » Cria Fry.

Aussitôt, Riha sautilla rapidement jusqu’à son adversaire en profitant d’un moment de flottement lié aux météores qu’il avait pris en pleine face. Sa première attaque ressemblait presque à une souplesse en moins violent. La pashmilla sautait et frappait, encore et encore, comme des petites gifles balancées avec sa queue. C’était gracieux et presque amusant à regarder, sauf pour Balthazar et son galopa. Le pokémon tenta à plusieurs reprises de se défendre en l’empalant avec sa corne noire, mais Riha esquivait chacun de ses coups. Elle ne payait pas de mine derrière sa jolie frimousse, mais elle était beaucoup plus rapide que le Galopa pourtant réputé pour sa vitesse. Elle n’aurait pas pu le battre à la course, mais son agilité de combattante était incroyable.

Balthazar était contrarié, il décida de frapper fort.

« Bélier ! »

Le pokémon de Balthazar ne connaissait pas d’attaque plus puissante que celle-ci. Mais avec sa corne frontale, sa technique était dangereuse, plus encore qu’une mégacorne.

Riha évita de justesse de se faire embrocher par la corne, mais le choc épaules contre épaules fut brutal et la pashmilla fut projetée en arrière. Elle fit plusieurs roulé-boulés sur le sol.

« Riha, tout va bien princesse ? » Demanda Fry tandis que sa pokémon se relevait péniblement.

Les filles de l’assistance glapirent d’angoisse et d’émotion. Une partie d’entre elles n’avait pas l’habitude d’assister en live à des matchs pokémon, le spectacle restait violent. Voir le beau champion se préoccuper de sa jolie petite pashmilla était assez émouvant en soi, mais en plus il avait prononcé ce mot – "princesse" – d’une voix si sensuelle et bercée d’inquiétude que toutes les groupies s’étaient senties transportées dans un conte de fée. L’espace d’un instant, Riha n’existait plus, Balthazar et Galopa encore moins, il ne restait plus que Fry le prince charmant venue secourir les jouvencelles dans leurs fantasmes romantiques. L’inquiétude de Fry n’était pas feinte, mais elle était clairement exagérée, c’était assez évident pour les jumelles, car elles le connaissaient bien, et pour le vieux Balthazar qui avait bien roulé sa bosse.

Fry faisait fondre l’assistance féminine, il le savait parfaitement et il en jouait, son combat était plus un one-man-show qu’autre chose. Jenny était à la fois agacée, affligée et amusée. Jessy n’était pas agacée, mais affligée et amusée oui. Scott, lui, était juste affligé, tout comme l’adversaire de Fry.

« Pashmi...

- D’accord ma belle, alors mégaphone !

- Pashmiiii...IIIIIIIIIIIIII ! »

Le cri de Riha semblait adorable et mélodieux de prime abord, mais il devint brusquement insupportable et tout le public fut obligé de se boucher les oreilles. L’onde sonore se transforma en attaque spéciale et frappa galopa de plein fouet. La technique de Riha était encore plus puissante et dévastatrice que celle de John, alors qu’elle était sa spécialité. Galopa ploya les genoux, la foule retenait son souffle. Fry afficha un sourire à la Reese Morgan, il estimait qu’il avait assez joué.

Le match de Fry et Balthazar touchait à sa fin lorsque le directeur débarqua dans le gymnase en compagnie du directeur des activités. Seule Jenny remarqua leur arrivée et leurs mines renfrognées.

« Dernier recours ! »

Pashmilla fonça sur Galopa. Elle concentra toute sa force pour le frapper sur le flanc gauche. L’équidé en eut le souffle coupé, ce minuscule pokémon de cinquante centimètres était absolument redoutable. A genoux, Galopa hennit dans une longue lamentation, suppliant son dresseur d’arrêter le combat.

Balthazar renonça, il ressortit la pokéball de galopa et lui présenta, le pokémon paraissait extrêmement soulagé. L’expression crispée du vieux gentleman trahissait son agacement au contraire, cette défaite contre un jeune bellâtre lui déplaisait. Ce n’était pas tant son échec qu’il digérait mal, il en avait connu d’autres, mais plutôt le fait que, du début à la fin, Fry n’avait pas l’air de prendre cet affrontement au sérieux.

« Félicitations jeune homme, se força-t-il à dire par courtoisie.

- Je vous remercie. Je n’avais jamais affronté de galopa de Galar, c’était très instructif, merci beaucoup. »

Derrière le sourire plein de charme de Fry, Balthazar n’arrivait pas à savoir s’il était sincère ou s’il se moquait de lui.

Jerry Becket s’avança et il échangea quelques mots avec Balthazar Nouvaria. Le gentleman salua brièvement le directeur et Fry avant de remettre son chapeau et de partir. Jane était un peu nerveuse, elle sentait la tension émanant de Monsieur Becket, elle devinait qu’une conversation désagréable les attendait.

Monsieur Lee cherchait visiblement un moyen de vider la salle des autres passagers pour que son patron puisse parler en tête à tête avec les Train Twins. Le responsable des activités avait bien remarqué que la gente féminine contemplait Fry sans se soucier du reste du décor, alors il se plaça devant le champion, un peu perturbé par cette apparition soudaine de son collègue.

« Mesdemoiselles, sachez que le spa est désormais ouvert ainsi que les salons de massage et de manucure. Pour cette première journée, un cocktail vous est offert. »

La plupart des touristes semblaient convaincues par la proposition. Fry adressa un clin d’œil aux femmes en train de s’éloigner avant de se retourner vers ses amis en soignant bien son demi-tour, glissant ses mains dans ses poches avec une désinvolture craquante.

« Y en a au moins un qui sait y faire, c’est déjà ça, soupira Jerry Becket en regardant Fry jouer au playboy.

- Il y a un problème ? Demanda poliment Jenny.

- Vous devez perdre votre prochain combat.

- Vous rigolez j’espère ?!? Cria Jessy, outrée.

­- Non je ne plaisante pas ! Ces dresseurs sont en vacances, ils payent chers pour s’amuser et se relaxer, et vous vous les contrariez en les écrasant comme s’ils n’étaient que des débutants.

- Fallait pas embaucher des champions si vous vouliez que ces nazes gagnent ! Rétorqua Jessy.

- Moi je n’ai pas besoin de me forcer pour perdre un combat si vous avez besoin… » Commença timidement Scott avant de se tasser entre ses épaules sous le regard assassin de Jessy. Lâchement, il se glissa derrière Jane et se tut.

« Tu es idiote ou tu le fais exprès ? Râla le responsable à l’intention de Jessy. J’embauche toujours des maîtres pokémon et des top-dresseurs pour que les combats soient impressionnants et contrôlés au millimètre près. Tout est truqué.

- Quoi ?

- Vois ça comme du théâtre interactif, tu fais jouer leurs pokémon et au moment venu tu décides si tu dois perdre ou gagner en fonction de la personnalité que tu as en face de toi. Et lorsque le client est plein aux as, surtout, tu le laisses gagner. C’est la règle.

- Qu… Que-que, quoi ?!? Brailla Jessy en tremblant.

- S’il est content, il va dépenser des extras et il reviendra l’année prochaine. Certains peuvent aussi glisser un billet aux dresseurs qu’ils affrontent, tout le monde y gagne, toi y compris !

- Rah non, mes pokémon n’y gagnent rien eux, et moi je ne gagne pas mon match !

- On s’en fout ! Tu ne combats pas vraiment, tu fais un spectacle ! Tu es musicienne non ? Tu devrais comprendre ce que c’est.

- Excusez-moi… Intervint poliment Fry. Mais en tant que champion de la Ligue Orange, si on apprend que je truque des matchs en laissant gagner des gens, ça va nuire à la réputation de ma ligue et de ma famille.

- Je ne vous demande pas non plus de perdre tous vos matchs. Tes deux amies vont se débrouiller. Je vous le dis franchement : les voyageurs supporteront mieux de perdre face à un garçon que face à des filles, leur virilité en prendrait un coup. »

Jessy était au bord de la crise de nerfs, mais elle était tellement choquée par ce qu’elle entendait qu’elle n’en trouvait plus ses mots et restait figée.

Fry et Jenny la sentaient monter en pression et ils se tenaient entre elle et le responsable pour être certains qu’elle ne lui saute pas à la gorge.

« Je… Je refuse de faire ça, c’est, c’est… C’est honteux, scandaleux… Je refuse de perdre face à des touristes en vacances, je…

- T’as pas bien compris la situation : tu n’as pas le choix. C’est ça ou je vous débarque au prochain port sans vous payer. Et si tu m’emmerdes trop, je n’attends même pas qu’on soit à Oliville : je vous fous à la flotte sur le dos de votre wailord et on en parle plus. »

Poussée par des pulsions meurtrières, Jessy s’avança vers le responsable d’un pas menaçant, une pokéball à la main.

« Tu crois que tu me fais peur, espèce de gr… »

Cette fois, Fry et Jenny décidèrent d’intervenir. Fry agrippa fermement Jessy entre ses bras, la bâillonna de sa main droite et la tira en arrière. Jenny quant à elle se jeta devant son patron pour lui parler avec son sourire gracieux, elle n’hésita pas à prendre une pause aguichante en pressant ses bras contre ses seins pour gonfler sa poitrine, elle regrettait de ne pas avoir mis un décolleté.

« Inutile d’en arriver là, je ferai le prochain combat et je ferai en sorte de le perdre ! Il n’y a pas de souci pour moi.

- Qufff ? Nonf Jan’fff ! Gronda Jessy en essayant de retirer la main de Fry de sa bouche.

- Arrête Jess, calme-toi. » Siffla Fry tout en serrant la rouquine contre lui pour l’empêcher de bouger.

Il sentait que la jeune femme essayait de lui mordre la main, elle était vraiment furieuse. Il se pencha à son oreille pour que le directeur n’entende pas ses paroles.

« Je suis aussi scandalisé que toi, mais on est coincé sur son bateau pour deux semaines et on a besoin d’argent, alors par pitié reste calme et laisse Jane gérer… »

Ligotée par les bras de son ami, elle n’avait d’autre choix que de l’écouter, les sourcils froncés, ses yeux vifs foudroyant le directeur du regard. Elle était hors d’elle. On lui demandait à elle, Jessy Ketchum, le léviator rouge du Bourg Palette, de perdre un combat pokémon. La seule défaite qu’elle avait connu depuis ses dix ans c’était face au Conseil des Quatre, les plus puissants dresseurs du pays. Elle était arrivée première à toutes les ligues auxquelles elle avait participé, toutes sans exception. L’orgueil, c’est ce qui caractérisait le mieux Jessy et là, son orgueil était confronté au pire affront de sa vie.

« Vous pouvez compter sur moi Monsieur Becket ! » Affirma Jenny avec un sourire enjôleur en ignorant les grognements étouffés de sa sœur.

Brusquement, un membre de l’équipage entra en trombes dans la salle de gym.

« Monsieur Becket ! Une dame a fait un malaise sur le pont supérieur !

- Mais c’est pas vrai, tout le monde s’est ligué pour me pourrir la journée ou quoi ? J’arrive ! Vous trois, je vous préviens : je ne veux plus entendre un seul dresseur se plaindre de vous sinon demain matin je vous mets à fond de cale, vu ? »

Jessy lui jeta un regard plus noir que la peau de Zekrom. L’homme se hâta de sortir, talonnant son subalterne paniqué. Une fois l’homme parti, Fry put relâcher Jessy.

« Non mais tu l’as entendu ?!? T’acceptes ça toi ?!? Beugla Jessy après sa sœur.

- Le prochain dresseur vous me le laissez compris ? Ordonna Jenny d’une voix ferme.

- Comme tu veux ! Cracha Jessy. Mais tu vas vraiment te laisser humilier sans rien dire ? »

Jenny ne répondit pas. Les deux jumelles se fixèrent un long moment en silence, jusqu’à ce que la porte de la salle s’ouvre à nouveau sur un duo des rires joyeux. Les quatre ados se retournèrent et virent un garçon et une fille, à peine plus âgés qu’eux, venir vers eux, rayonnant de bonne humeur. A première vue, ils avaient tout l’air d’un couple. Avant que Fry ou Jessy ne réagisse, Jenny s’avança vers eux avec un sourire chaleureux.

« Eh, salut beau brun ! Tu viens pour faire un petit combat ? »

La jeune femme se figea à quelques mètres de Jenny. Elle posa sur la rouquine un regard digne d’un noctunoir, aussi sombre et terrifiant que possible. Jenny n’y prêta pas attention, du moins en apparence. Elle s’approcha encore un peu du jeune homme dont les joues avaient pris des couleurs, il venait de remarquer à quel point Jenny était belle, et elle venait de l’appeler beau brun.

« Et bien alors ? Tu as donné ta langue au miaouss, ih ih… Je te demandais si tu venais pour faire un combat ?

- Hein ? Euh… Oui, enfin pas moi ma copine. »

Il hocha la tête pour désigner la jeune femme à côté de lui, il ne pouvait pas détourner son regard du si joli minois de Jane. Sa compagne s’avança alors d’un pas donphan et se présenta devant Jenny.

« Oui ! C’est moi la dresseuse ! C’est toi mon adversaire ?

- Tu ne combats pas toi ? Tu n’as pas de pokémon ? Demanda Jenny en souriant au jeune homme et en ignorant complètement l’intervention de la brunette à ses côtés.

- Moi ? S’étonna le garçon. Oh non, je n’ai qu’un chacripan domestique, je suis un artiste, pas un combattant.

- Oh un artiste ? Quel genre d’artiste ?

- En fait je suis dess…

- Ça va ? Je n’vous dérange pas ? » Beugla la dresseuse à côté d’eux d’une voix suraiguë. Cette fois Jenny fut bien obligée de la regarder. Son sourire n’était plus tout à fait le même, il était tout juste poli et un peu sournois.

« Ah, désolé Lilie… S’excusa le jeune homme.

- Je te prie de m’excuser moi aussi, je ne t’avais pas vu, dit Jenny d’une voix mielleuse.

- Pas vu ? Tu te fous de moi ? »

"A quoi elle joue ?" Se demanda Jessy, assise dans un coin de la salle entre Pit et Marvy.

Fry et Scott étaient adossés contre le mur un peu plus loin avec leurs autres pokémon. Pour le coup, eux passaient véritablement inaperçus, le couple de nouveaux venus n’avait même pas remarqué leur présence. Scott regardait la scène avec un air crispé, son cœur faisait des sauts périlleux dans sa poitrine, il avait envie de filer dans sa cabine, s’isoler et bricoler pour ne plus penser à Jane en train de faire du rendre-dedans ouvert à ce jeune inconnu. Fry se pinça l’arête du nez, c’était une catastrophe, il n’y en avait pas une pour rattraper l’autre, ils allaient tous les trois être débarqués ou pire.

« Je t’en prie Lilie, reste polie quand même…

- Quoi ? Tu prends sa défense par-dessus le marché ? T’as un sacré culot Mikey ! Tu n’es qu’un mufle !

- Mais… Mais enfin ma Lilie, qu’est-ce qui te prends ? Couina le dresseur perplexe.

- Elle n’a pas l’air très cool ta copine Mikey… Commenta Jenny avec un petit sourire en coin, les mains posées sur les hanches.

- Non, enfin si elle l’est mais… Mais qu’est-ce que je raconte-moi ?

- Oui ! Tu ferais mieux de te taire ! Cria la brunette, des larmes de colère perlant au coin des yeux.

- Bon, puisque de toute façon tu étais venue pour combattre je te propose un petit pari. On se fait un duel toutes les deux, deux pokémon contre deux et Mikey devra prendre un bain de minuit dans la piscine avec la gagnante… Tout nu.

- Quoi ?!? Ce serait bien de me demander mon avis avant non ? Hurla le dresseur en faisant un bond en arrière

- Quand je dis nus, je parle de toi ET de moi… » Ajouta Jenny dans un clin d’œil fripon.

Les joues de Mikey prirent la couleur d’un colhomard, tandis que ses yeux se perdaient dans la brume voluptueuse de ses fantasmes, l’enjeu du pari devenait soudainement beaucoup plus alléchant. Même sous son pull d’hiver, il était facile de deviner à quel point Jane était canon. Scott et Fry en retrait dans le fond de la salle échangèrent un rapide regard silencieux, ils compatissaient avec le jeune homme.

« Dans tes rêves espèce de… De… De perverse !!! »

Tout en hurlant, la dénommée Lilie attrapa deux pokéballs d’un coup, une dans chaque main. Jenny réagit à son tour, elle sortit de sa sacoche deux balls.

« Je vais t’apprendre à essayer de piquer le mec des autres ! Mouf, Lin, go ! »

 - Oh, je te rassure : c’est déjà ma spécialité ! »

Jenny regarda les Mastouffe et Linéon sortir de leurs capsules dans un jet de lumière rouge, elle poussa un petit soupir de soulagement en les découvrant.

« Rai rai ! »

Chu accourut jusqu’à sa dresseuse, ses joues crépitaient.

« Non mon Chu, reste là, on va sortir l’artillerie lourde.

- Rai rai ! » Râla le raichu, surtout que c’était lui normalement l’artillerie lourde.

Jenny frotta affectueusement le crâne de son pokémon frustré avant de lancer ses pokéballs.

« Loki ! Ronflex ! Apprenons la vie à cette petite floette ! »

Jessy haussa les sourcils, étonnée de voir sa sœur utiliser sa grosse feignasse désobéissante de ronflex. Clairement, Chu n’aurait fait qu’une bouchée de ce mastouffe. En voyant les deux pokémon normaux de Jenny, Fry commença à se douter de quelque chose.

« Loki, reflet magique !

- Chargez ! Et pas de quartier ! »

Mastouffe et Linéon se mirent à foncer têtes baissées côte à côte. Le lockpin fit un simple pas chassé pour sortir de leur trajectoire, les deux pokémon heurtèrent ronflex à la place. Les deux pokémon de Lilie rebondirent sur la graisse du ventre dodu du ronflex. La scène était risible, Jenny pinça les lèvres pour ne pas rigoler.

« Lin combo-griffes !

- Ronflex barrage ! Loki charme ! »

Loki trépignait d’impatience, il avait envie de passer à l’attaque, mais sa dresseuse ne semblait pas décider à l’envoyer frontalement. Ronflex n’avait pas grand-chose à faire. Le linéon commença à lui lacérer le ventre avec acharnement, ses petites griffes lui irritaient la peau.

Ronflex donna un coup de patte sans conviction à linéon, ce fut pourtant suffisant pour l’expédier à l’autre bout du gymnase. Mastouffe s’élança à son tour, ronflex voulut faire la même chose mais le pokémon d’Unys réussit à planter ses crocs dans son bras.

« Ronnnf-flex ! » Grogna le gros pokémon.

Il secoua mollement le bras pour essayer de décrocher le canidé, mais le mastouffe hargneux s’accrochait.

« Bien jouer Mouf ! Clama la dresseuse à fond dans son match. Croc Éclair ! »

Ronflex avait mal à la patte et le mastouffe essayait de l’électrocuter. Sa puissance était minime, en tant que pokémon normal, il ne pouvait compter que sur son électricité statique, mais c’était suffisant pour engourdir le bras de ronflex.

« Morsure ! » Ordonna Jenny.

Ronflex ouvrit grand la gueule pour mordre mastouffe. En voyant cette bouche béante assez large pour engloutir entière une portée de ponchiots, mastouffe lâcha sa prise et s’éloigna vite fait pour ne pas se faire mordre. Jenny retint un rictus, ce canidé était plus malin qu’il en avait l’air, et surtout plus malin que sa dresseuse et son partenaire Linéon.

Ronflex en avait marre, il se laissa tomber en arrière et lança de lui-même une technique repos.

« Ah non ronflex ! Pas maintenant ! Tu abuses ! » Ronchonna Jenny.

Les joues de Scott et Mikey s’empourprèrent, même lorsqu’elle râlait elle restait craquante. Lilie, elle, jubilait.

« Parfait ! Un de moins ! Mouf, Lin, concentrez-vous sur le lockpin !

- Ckpin pin ! »

Loki avait une mine réjouie, il allait enfin se battre, et à deux contre un c’était doublement excitant.

« Allez-y ! Bélier !

- Vive-attaque ! »

A nouveau, les partenaires foncèrent tête baissée, lockpin bondit avec agilité pour éviter les deux attaques bélier, il frappa mastouffe par derrière. Ensuite il rattrapa linéon avec sa vive-attaque et le cogna. En sautillant d’un pied sur l’autre, Loki attendait que ses adversaires se relèvent et reviennent à la charge. La vive-attaque était une technique très simple, il aurait bien aimé lancer un pied sauté ou un uppercut, un truc bien viril pour se défouler.

« Lin tranche ! Mouf coup d’main !

- Ténacité ! »

Loki fut déstabilisé, il eut un moment d’hésitation, il ne s’attendait absolument pas à un ordre pareil. Il échappa de peu à la double tranche à cause de cet instant de flottement. Il n’était pas en danger, il n’y avait pas lieu d’utiliser la ténacité. Il se tourna vers sa dresseuse en grimaçant.

« Lock-pin… »

Depuis des mois, il ne faisait plus que porter des instruments de musique. La dernière fois qu’il avait combattu, c’était pour affronter les intrus du laboratoire et ils l’avaient abattu de manière déloyale très rapidement. Maintenant, sa dresseuse l’appelait pour affronter deux pokémon beaucoup plus faibles que lui, avec cette grosse loque de ronflex comme coéquipier par-dessus le marché. Et, baie ceriz sur le gâteau, elle lui donnait des ordres idiots. Il avait deviné qu’elle voulait qu’il perde. Pourquoi, il n’en savait rien, les idées farfelues des humains le dépassaient, mais il n’appréciait pas du tout l’idée.

Jenny passa sa langue sur ses dents, elle réfléchissait. Lilie n’était pas dégourdie et Loki était en train de s’énerver, il fallait trouver une parade pour que les deux aient un déclic. Elle se disait qu’il fallait sacrifier le plus nul des deux pokémon pour avancer.

« Loki, pied-voltige sur linéon ! »

Frustré, Lockpin fila comme l’éclair au ras du sol et termina sa course par un coup de pied magistral qui fit s’envoler le linéon à la verticale. A quelques millimètres près, le pokémon de Lilie heurtait la verrière. Quelques spectateurs regardaient le match depuis ce point de vue, un bref mouvement de panique les anima avant de voir le linéon retomber lourdement sur le sol.

Lilie se mit à frissonner, elle sentait l’étau se resserrer. Lockpin jeta un nouveau regard à sa dresseuse.

« Après-vous !

- Ckpin… Râla Loki entre ses dents

- Vengeance !!! » Hurla Lilie à s’en arracher les cordes vocales.

Mastouffe s’élança sur lockpin avec toute la fougue qui lui restait, dans un choc violent il heurta le pokémon de Jenny. Loki fut propulsé en arrière et tomba sur le dos près de sa dresseuse. Il s’était fait mal aux lombaires, il en avait marre de ce foutu mastouffe. Il commença à se relever, grimaçant de douleur mais bien décider à aller coller l’uppercut de sa vie dans la gueule de ce maudit clébard. Il n’eut pas le temps de se redresser, Jenny s’était jetée à genoux à côté de lui, cramponnée à son buste en criant d’une voix aiguë :

« Loki ! Oh mon pauvre Loki est-ce que ça va ?!? »

Le lockpin lui jeta un regard rancunier. Encore une de ses petites manigances d’humaine... Il l’aimait, il l’adorait même, mais parfois elle l’agaçait à jouer la comédie comme ça.

« Ah ah ! Bien fait ! » S’exclama Lilie comme une gamine.

Fry se massait les paupières closes. Il avait envie de rigoler, il faisait preuve d’un incroyable self-control.

« D’accord… Bien joué… Marmonna Jenny entre les dents en se gardant bien de regarder Lilie.

- Euh Lilie… Pour tout à l’heure, je… Je suis désolé, s’excusa platement Mikey.

- Pourquoi tu t’excuses ?

- Ah. Euh, ben parce que… Euh… Je ne sais pas, je crois que je devais m’excuser. »

Lilie éclata de rire. Elle était de bien meilleure humeur, son match lui avait fait du bien. Son linéon revint en boitant vers elle, penaud, mais son mastouffe au contraire dressait fièrement son poitrail dans l’attente de ses félicitations.

« Ckpin, pin… » Maugréa Loki assis sur le sol en leur jetant des regards noirs de loin.

Sa dresseuse le caressait dans le dos pour essayer de le détendre un peu. Jane finit par se relever et, en tirant une tête de six pieds de long, elle s’approcha prudemment de Lilie pour lui tendre la main.

« Désolée. Sans rancune ? »

Lilie la toisa et, après un moment d’hésitation, elle finit par accepter de mauvaise grâce cette main tendue.

« N’oublie pas qu’il te doit un bain de minuit… » Dit Jane avant d’ajouter à voix plus basse comme une confidence : « Toute nue. » ce qui réussit à embraser les joues de Lilie et de Mikey en même temps.

Aussitôt que la porte se fut refermée sur les deux amoureux repartant main dans la main, Jenny se tourna vers ses amis. Sa mine dépitée avait disparu, à la place un sourire malicieux et satisfait trônait sur son visage. Scott était bluffé, il se doutait que Jenny jouait la comédie, mais en avoir enfin la confirmation était un vrai soulagement, il n’en revenait pas qu’elle soit si douée pour feindre des émotions. Il peinait à reconnaître la jeune fille qui lui parlait sans détour, en bien comme en mal.

« Ce n’était pas si difficile ! Chantonna Jenny tout en continuant de caresser son lockpin mécontent.                                                                                 

- Et tu es fière de toi ? Pesta Jessy sur un ton paternaliste.

­- Tu as entendu Becket ? C’est du spectacle qu’ils veulent, on ne nous demande pas de combattre mais de jouer la comédie, c’est ce que j’ai fait. Il n’y a rien d’humiliant là-dedans.

- Lock pin… Objecta Loki.

- Puff… »

Jessy se tourna alors vers Fry qui se murait dans le silence.

« Et toi tu ne dis rien ?

- Que veux-tu que je dise ?

- Tu es toujours du côté de ma sœur de toute façon… Grommela Jessy.

- Mais n’importe quoi ! Je ne suis pas de son côté, répondit Fry sur un ton irrité. Je suis le champion de la Ligue Orange, est-ce que tu crois vraiment que je suis heureux à l’idée de faire le guignol avec mes pokémon pour détendre des gros touristes qui gagnent en un mois l’équivalent d’un an de ma bourse de dresseur ?

- Jessy, on n’a pas le choix… » Soupira Jenny avec fatalisme, elle regardait avec insistance Fry pour qu’il l’aide à convaincre sa sœur.

Il prit une profonde inspiration avant de reprendre en maugréant à moitié.

« J’ai pas plus envie que toi de faire ça, mais comme le dit Jane nous n’avons pas le choix. Apprends à ravaler ta fierté pour une fois Jess.

- Fais comme tu veux espèce de lâche, mais moi je ne plierai pas !

- Ah oui ? Je demande à voir. Répliqua Fry avec cynisme. Tu comptes faire quoi ? Descendre toute seule à Oliville et nous laisser finir la traversée Jane et moi en amoureux ? Ça pourrait me plaire tiens !

- Euh, je suis là moi aussi… » Rappela Scott.

Jenny lui tapota gentiment l’épaule pour le décourager d’en dire davantage, mais pas trop longtemps pour ne pas le perturber.

« Crétin ! Cracha Jessy.

- C’est toi la crétine ! Tu n’es qu’une tête brûlée ! Un grolem buté ! Jusqu’à la fin de la traversée, Becket est notre patron, ça veut dire qu’on doit lui obéir, on n’a pas d’autre alternative sinon celle d’être viré !

- Non c’est toi le crétin ! Il nous reste une alternative !

- Ah ouais ? Laquelle ?

- Innover. »

Cette fois, Fry ne répondit pas, il regarda Jessy sans comprendre, sa perplexité l’avait un peu calmé. Quant à Jess, elle semblait avoir une idée derrière la tête.

« Vous n’êtes vraiment que deux gros rabat-joie ! Lança soudainement Jenny. Moi je suis contente, pour une fois que ronflex me sert à quelque chose ! »

 

A suivre…

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