Les Train Twins

Chapitre 33 : On the road again

8623 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 12/02/2022 17:10

Chapitre 33

 

On the road again…

 

Au grand dam de sa mère, Jenny avait délaissé le laboratoire pour se remettre à la musique avec Jessy et Fry. Il fallait qu’elle apprivoise ses nouveaux instruments et qu’elle se remette à niveau avant leur départ. Elle avait passé plus de trois mois sans toucher à une guitare, hormis pour préparer le spectacle d’Azuria, or ils avaient déjà plusieurs engagements musicaux.

Jenny avait réussi à les faire embaucher sur un navire de croisière en partance pour Poivressel. Le deal était qu’ils fassent au moins deux concerts différents pendant la traversée, elle devait durer deux semaines. Les Train Twins pourraient ainsi accoster à Hoenn à la mi-février. Pour éviter d’effrayer Fry, Jane ne leur avait pas donné les détails du périple, car la majeure partie se déroulait dans la mer de l’Archipel Orange.

Pendant leur séjour au Bourg Palette, Jessy avait réussi à écrire une toute nouvelle chanson en plus d’avoir fini "Stop !". Elle l’avait conçu simplement avec sa guitare et le cajón de Fry. Elle avait aussi prévu quelques effets pour John. Fry la trouvait très bien comme cela, en version folk acoustique, mais Jessy voulait désormais l’adapter avec leurs nouveaux instruments et la rendre plus pop-rock. Elle voulait aussi la chanter avec sa sœur, elle l’avait conçue pour deux voix et malheureusement Fry chantait trop faux pour se produire en public.

 

Les Train Twins répétaient dans l’ancien garage d’Al et Jacky. La professeure Léon vint les trouver avec sa mauvaise humeur habituelle. Toutefois, depuis l’accident avec Jérôme Vecken, elle aboyait moins violemment sur ses filles et sur Fry.

« Jane ! J’ai besoin de ton aide aujourd’hui. S’il te plaît ! »

Elle insista lourdement sur le "s’il te plaît" qui lui arrachait la langue. Elle était aussi moins avare en "merci" et parfois elle lâchait un "c’est bien" avec une intonation presque sincère.

Jenny pouvait difficilement refuser la demande de Florine malgré les répétitions. Ils avaient prévus de prendre le large la semaine suivante, sa mère et son grand-père se retrouveraient à nouveau sans assistant dans leur laboratoire du chaos. L’emploi principal de Seb restait homme au foyer, il aidait sa femme et son beau-père dans la journée, mais comme eux il n’avait pas quatre bras. Jenny se sentirait coupable de ne pas les aider jusqu’au bout.

Jessy n’émit aucune objection, elle aussi s’était enfin calmée. Elle avait pesé le pour et le contre, ils auraient plus de temps pour répéter une fois arrivés à Hoenn. Le concours de la "Voix des Forêts" n’avait lieu qu’en septembre et le seul autre concours auquel Jenny avait réussi à les inscrire se déroulait en avril, donc le calendrier restait relativement souple.

Pour une fois, seul Fry semblait réellement contrarié. Il regarda Jane sortir du garage pour suivre sa mère dans l’allée. Elles longeraient la barrière jusqu’au laboratoire.

« Ça va Fry ? » Demanda Jessy.

Il leva les yeux vers la rouquine, il perçut dans son regard une vraie lueur d’inquiétude. Jessy restait Jessy, bourrue et plutôt rustre, mais Fry avait remarqué que les marques d’attention à son égard étaient de plus en plus nombreuses. Il était son ami et elle prenait soin de lui, à sa manière. Elle allait mieux, alors il n’avait pas envie de la contaminer avec son propre vague à l’âme. Il lui adressa un sourire rassurant.

« Ouais ouais, je suis juste un peu fatigué. Tu me fais lever trop tôt.

- Genre ? Fit Jessy en haussant un sourcil.

- Tu me laisseras faire une petite sieste cet après-midi et en attendant on continue sans Jane ?

- Mouais, John prendra le relai. »

A l’approche de midi, Jessy s’en alla s’entrainer un peu avec ses pokémon avant le déjeuner. Les pokémon de Jane se précipitèrent vers elle, eux aussi avaient l’air de vouloir se défouler, leur dresseuse se préoccupait plus du laboratoire et de la musique que de leur entrainement, ils se sentaient frustrés. Fry proposa son aide à Al pour préparer le repas, car ce jour-là Sébastien était trop occupé pour s’en charger. Le jeune homme avait la tête ailleurs, c’était évident, il manquait d’entrain en coupant les oignons et quand il ne regardait pas d’un œil morne le cuiseur à riz, il jetait des regards langoureux par la fenêtre pour observer Jessy entourée de pokémon.

« Ça n’a pas l’air d’être la grande forme, tout va bien Fry ? Demanda doucement Al pour entamer la conversation en s’afférant sur son énorme wok de légumes.

- La professeure n’est pas très emballée par le cadeau de Seb. Je pensais qu’avec le spectacle d’Azuria elle avait fini par accepter le choix des filles… »

Fry soupira en fixant ses doigts, il les imaginait tour à tour saisissant une pokéball puis ses baguettes de batteur. Il se commémorait les mots d’Izzy Léon sur la rumeur de son abandon de poste. Il se sentait honteux, d’autant plus qu’il avait désormais les huit badges de Kanto, il pouvait donc participer à la Ligue Indigo en juin s’il le souhaitait, mais a priori en juin les Train Twins seraient toujours à Hoenn, en pleine préparation pour la "Voix des Forêts". Il repensait aussi à ce que les Irish Japanese prétendaient, qu’on ne pouvait pas être maître pokémon et musicien professionnel en même temps, que même Strykna et Peterson avaient dû faire un choix, renoncer au dressage pour poursuivre leurs carrières musicales internationales. Il se tourna vers Al, avec un air incroyablement sérieux brusquement.

« Dites, vous pensez qu’on fait une bêtise ? Qu’on devrait se concentrer sur les compétitions pokémon plutôt que sur la musique ?

Alice Léon se mit à sourire avec nostalgie en répondant à Fry.

« Je ne partage pas vraiment l’avis de ma fille… Tu sais, je suis l’un des deux seuls membres de ma famille à avoir fait un voyage initiatique. Quand j’avais dix ans, mes parents ne voulaient pas que je parte, c’est le professeur Chen qui les a convaincus. Je lui dois beaucoup… Toute ma vie en fait. Il faut laisser les enfants choisir leur voie, même si ça nous inquiète, nous, les parents. C’est sans doute un peu hypocrite de te dire ça maintenant, alors que tous mes enfants sont devenus dresseurs pokémon, mais la seule chose qui compte c’est qu’ils soient heureux dans ce qu’ils font. Si c’est la musique qui vous plaît à toi et aux jumelles, je n’crois pas qu’il faille vous obliger à y renoncer. »

Fry sourit avec reconnaissance à maître Al. Pour la première fois depuis des mois, un adulte lui disait ce qu’il avait envie d’entendre, ce qu’il avait besoin d’entendre. Il aurait aimé que Jessy soit là pour écouter ces mots, ils lui auraient fait du bien aussi.

 

Fry était parti roupiller dans la chambre de jumelles en début d’après-midi, pour ne pas encombrer inutilement la bibliothèque ou le salon. Emmitouflée dans son pull, Jessy était en train de briefer John sur son nouveau morceau, Lucario était avec eux, toujours curieux d’apprendre la musique. Le ramboum adorait Jessy, il aimait les challenges qu’elle lui lançait et la confiance qu’elle mettait en lui. En plus, son joli pendentif en pierre stase venait d’elle et il avait remarqué que son dresseur était moins paresseux en sa présence.

John s’interrompit entre deux beats, il avait aperçu de l’autre côté de la clôture un jeune humain en train de fixer la façade du laboratoire. Il lui semblait avoir déjà vu cette personne auparavant, mais il mit quelques secondes à se rappeler de ce pauvre garçon blond que Jenny avait enguirlandé à la fin de leur concert dans le canyon Sesor.

« Ram ram ! »

En entendant les cris de Ramboum, le jeune homme contourna la clôture pour venir à sa rencontre et Jessy redressa le buste avec perplexité, ce visiteur était pour le moins inattendu.

« Scott ? Qu’est-ce que tu fais là ?

- Bon... Bonjour Jessy. Mon père devait passer pour examiner les appareils du laboratoire. Je lui ai demandé si je pouvais le remplacer parce que je, euh… Je voulais vous prévenir que j’ai décidé de partir moi aussi.

- Comment ça partir ?

- Ah ben partir en voyage, euh... Comme vous.

- Comme nous ou avec nous ? » Demanda Jessy dans un haussement de sourcil.

Scott prit cette teinte pourpre qui lui allait si bien à cause de son air déjà très pathétique. Il baissa les yeux et la tête en émettant un « euh… » à peine audible. Il n’osait plus regarder Jessy et celle-ci se retint de soupirer. Elle ne disait plus rien mais pensait beaucoup, elle aimait bien Scott et il lui faisait toujours un peu pitié par-dessus le marché, mais elle savait très bien quelle serait la réaction de sa sœur si Scott venait avec eux. Elle n’eut pas le temps de finir sa réflexion, Scott avait repris la parole d’une voix assez faible.

« S’il… S’il te plaît Jessy… Vous êtes mes seuls amis dresseurs et je ne veux pas partir tout seul… Je ne suis pas assez fort.

- Scotty ça ne dépend pas de moi ou de Fry, tu le sais bien. C’est Jenny qui…

- Je suis vraiment désolé pour ta sœur, je… Je sais que je l’ai mis mal à l’aise et je regrette tout ce que je lui ai dit. Je me suis excusé auprès d’elle quand vous êtes venus la semaine dernière. Je te promets que je la laisserai tranquille, mais je vous en prie laissez-moi venir avec vous !

- Arrête de me supplier, c’est moi que tu fous mal à l’aise là ! Si tu veux ma bénédiction tu l’as, mais maintenant il faut que tu prennes le tauros par les cornes et que tu le demandes à Jenny ! Aller ouste ! »

Avec un petit hochement de tête résigné, Scott fit demi-tour pour se diriger vers le laboratoire. Il ne savait toujours pas par où entrer, instinctivement il prit la direction de l’éolienne. En voulant passer la porte vitrée, il tomba nez à nez avec Fry, les cheveux ébouriffés, sortant de sa sieste.

« Tiens Scott ! Salut.

- Salut Fry... Hem, tu sais où est Jenny ?

- Au labo avec sa mère. Fais attention la professeure est de mauvais poil aujourd’hui.

- Ah, euh… Ok. »

Fry regretta son avertissement, Scott était déjà d’un naturel anxieux, mais il venait de lui rajouter un stress supplémentaire inutile.

 

Le petit technicien ne connaissait pas les lieux, mais une fois passé la porte vitrée, planté face à l’escalier, encadré d’appareils usagés empilés et d’où provenait une lumière forte, il devina aisément qu’il s’agissait de l’entrée du laboratoire.

Scott grimpa timidement les quelques marches et pénétra dans le laboratoire. Les carreaux de la grande baie vitrée au fond de la salle avaient déjà été partiellement remplacés, les autres étaient couverts de planches. Scott remarqua aussitôt les murs abimés, l’escalier en métal défoncé et la multitude de machines cassées alignées sur le côté. Il était au courant de l’attaque du laboratoire, d’ailleurs il venait en partie à cause de cela, mais il ne s’attendait pas à ce qu’il y ait autant de dégâts.

Son regard balaya la pièce et le jeune homme se figea en apercevant Jenny assise devant une table d’appoint installée près de l’escalier de la mezzanine en attendant de pouvoir dégager les espaces de travail carrelés encombrés de débris. La blouse de rechange de sa mère sur le dos, ses cheveux attachés en arrière un peu à la manière de sa sœur pour ne pas être gênée et un tournevis dans la main, elle était concentrée sur les dernières pokéballs cassées qui restaient à réparer.

Dans sa poitrine, le cœur de Scott tambourina violemment, un gorythmic aurait fait moins de bruit. Il avait du mal à respirer, il profita qu’elle ne l’ait pas encore remarqué pour sortir son inhalateur et aspirer une bouffée de ventoline. Il était déjà nerveux à l’idée de devoir lui demander un service, mais la revoir en vrai lui retournait l’esprit, elle était toujours aussi belle… Malgré leur réconciliation, il ne savait plus trop comment s’y prendre pour l’aborder. Plongé dans ses réflexions et sa contemplation de Jenny, il ne fit pas attention à la professeure Florine Léon en train de travailler sur l’ordinateur principal du labo à sa gauche. Elle se redressa et le fusilla des yeux.

« Qu’est-ce que tu veux toi ? »

Scott sursauta comme une fouinette peureuse. Cette fois Jenny releva la tête pour voir à qui s’adressait sa mère mal-aimable. Elle cligna des paupières en reconnaissant Scott.

« Scott ? »

Tétanisé par le regard assassin de la professeure, Scott fut obligé de reprendre une bouffée de ventoline avant de laisser tomber son inhalateur sur le sol.

« Je te reconnais, tu es le fils de Ciléo. Qu’est-ce que tu viens faire ici ? Reprit Florine avec à peine plus de politesse qu’à son premier accueil.

- Euh, eub, je-je… »

Il croisa par hasard le regard de Jenny et ses joues prirent une couleur d’écrapince. Jenny soupira en comprenant qu’il n’arriverait pas à se calmer tant que sa mère serait dans les parages.

« Je crois que c’est pour moi maman… » Dit Jenny en se levant.

Elle sourit avec gentillesse à Scott et lui fit signe de l’accompagner dans le salon. Florine le suivit des yeux avec son regard de guériaigle jusqu’à ce qu’il change de pièce.

« Tu veux t’asseoir et boire quelque chose ? Je crois que ma grand-mère a fait des cookies, dit Jenny lorsqu’ils furent seuls.

- Euh, je… Euh non, merci. Euh, je n’ai pas faim… Ni soif. » Répondit Scott en restant debout, raide comme un simularbre.

"Oh là-là…" Songea Jenny.

Elle se demandait s’il n’allait pas s’écrouler sur place. Elle avait une drôle d’impression en le voyant, mais elle s’efforça de ne rien laisser transparaître. Elle sourit poliment et décida malgré tout de ne pas tergiverser cent-sept ans.

« Alors, qu’est-ce qui nous vaut le plaisir de ta visite ?

- Euh… La semaine dernière tu m’as dit qu’on était amis et que je pouvais vous demander n’importe quoi… Commença timidement Scott en se triturant les doigts.

- Oui ? Fit Jenny en cachant son anxiété derrière un sourire, elle s’attendait au pire.

- Ok, euh… Tout ce que je vous demande, c’est de me laisser venir avec vous. J’ai déjà demandé à Jessy, elle m’a donné son accord, maintenant je demande le tien. S’il te plaît. »

Scott s’inclina poliment en attendant la réponse de Jenny. La rouquine ne put cacher sa surprise.

« Ah ? C’est juste ça ? Oui bien sûr que tu peux venir avec nous.

- Merci beaucoup ! »

Scott se redressa soulagé et radieux, puis il s’inclina à nouveau pour la remercier. Il ressemblait un peu à un personnage dans un mécanisme de coucou suisse à force. Jenny resta silencieuse un moment, elle ne s’attendait pas à une telle demande, même si elle était toute simple. Tout ce à quoi elle pensait à cet instant c’était : "Ce gars est vraiment imprévisible…"

« Juste un truc : je peux savoir pourquoi tu veux partir ?

- Ah, euh… »

Il se frotta la nuque pour trouver le courage de lui répondre. Elle lui laissa le temps nécessaire pour qu’il soit prêt à le faire.

« Pour plusieurs raisons… J’aime bien me rendre utile et pour l’instant au Cap d’Azuria je me sens un peu… Improductif. »

Jenny retint un petit rire, le choix du vocabulaire de Scott l’amusait parfois.

« Et puis… Euh… Comme je te l’ai dit… J’ai pris conscience qu’il fallait que je change certaines choses… Et… Je crois que j’ai besoin de votre aide pour ça. A tous les trois. »

Il rougissait de plus en plus, mais il osa enfin la regarder dans les yeux. Jenny était plus qu’étonnée, elle était impressionnée par la volonté de Scott. Un peu inquiet par ce silence, il lui demanda :

« Tu es sûre que je ne vous dérangerai pas ?

- Mais non voyons ! Si Jessy t’as déjà dit oui c’est que tu ne nous gênes absolument pas. Elle n’est pas du genre à s’encombrer d’un poids mort, et moi je te répète ce que je t’ai dit la semaine dernière : nous sommes amis, alors tu peux compter sur nous.

- Merci Jenny… Répondit Scott avec un sourire reconnaissant.

- Au fait, tu n’es jamais venu ici ?

- Non jamais.

- Alors viens, je vais te faire visiter. » Dit-elle en souriant gentiment.

Elle lui fit un petit signe de main pour qu’il la suive. Elle lui montra la partie résidentielle en premier, il valait mieux terminer par le laboratoire pour éviter de croiser Florine, la professeure granbull, mais Scott avait de toute façon un message à lui transmettre. Ils passèrent par la mezzanine après que Jenny lui ait montré sa chambre.

« Fais attention, fit doucement Jenny. L’escalier n’est plus très stable depuis l’attaque du laboratoire. »

Scott s’approcha prudemment de Florine Léon-Lavandson, à ses yeux elle ressemblait à un pokémon sauvage, agressif et dangereux.

« Professeure ? Couina le jeune homme. Pa… Papa m’a demandé de… De jeter un œil à vos machines cassées, euh… Pour lui faire un rapport de ce qu’il y a faire comme réparations... Est-ce que je peux…

- C’est pas trop tôt ! Et il ne pouvait pas venir lui-même ? Râla la scientifique.

- Maman ! Gronda Jenny, le regard lourd de reproches. Scott est parfaitement compétent, tu n’as pas à t’en faire. »

Florine dévisagea Scott de la tête aux pieds, le jeune homme rougissait, à la fois intimidé par ce regard de vaututrice et émoustillé par la présence de Jenny faisant la promotion de son talent pour l’électronique. La professeure était sceptique. Bien qu’âgé de six mois de plus que les jumelles, Scott faisait plus jeune qu’elles et Florine avait du mal à croire qu’un gamin puisse s’occuper de ses appareils complexes. Elle s’abstint malgré tout de faire un commentaire supplémentaire, elle avait trop besoin de Ciléo pour se permettre de se fâcher avec la famille Network. Elle désigna d’un geste ample tous les instruments alignés au fond de la salle. Scott s’y précipita au petit trot et commença son inspection.

 

Jenny et sa mère l’observaient en pleine action. Florine finit par détourner le regard après l’avoir suffisamment jaugé, il ne causerait visiblement pas plus de dégâts qu’il n’y en avait déjà. Sa fille le considéra plus longuement avec un petit sourire absent, Scott avait toujours l’air plus à l’aise avec les machines qu’avec les gens. L’ingénieur en herbe passa des heures dans le laboratoire à prendre des notes et des photos avec son smartphone. Plus l’heure avançait, plus sa nervosité revenait. Jenny ne s’éloignait jamais très longtemps, elle redoutait que sa mère ne terrorise le pauvre Scott, alors elle finit par remarquer qu’il était préoccupé.

« Tout va bien Scott ? Vint-elle lui demander avec douceur.

- Hem… Oui… Je ne te cache pas qu’il y a beaucoup de dégâts. Je ne sais pas si papa réussira à tout réparer… »

Il avait eu la présence d’esprit de parler à voix assez basse pour ne pas affoler la professeure, mais ces messes basses ne plaisaient pas beaucoup à Florine.

« Tu en as encore pour longtemps ? Demanda la mère de Jenny.

- Ah-euh oui-oui, je-je crois qu’il va falloir que je revienne demain, parce que là… Je… Je vais finir par louper le dernier bus.

- Tu es venu en bus ? Répéta Florine incrédule.

- Bah, euh… Oui… Glapit Scott.

- Jenny ou Jessy peut te raccompagner à dos de pokémon vol si tu veux, ça ira plus vite et ça te permettra de terminer aujourd’hui. »

Scott se figea dans une mine horrifiée : lui ? Sur un pokémon vol ? Non. C’était tout simplement hors de question, inimaginable, impossible. Il était tellement tétanisé à l’idée de voler sur le dos d’un pokémon qu’il en oubliait l’autre aspect terrifiant de la chose : s’accrocher aux reins d’une des deux jumelles et se coller à son dos. Ses nerfs ne tiendraient pas, ses bronches asthmatiques non plus, sans parler de tout l’attirail masculin encombrant entre ses cuisses.

Jenny devinait aisément sa pensée, elle se rappelait de son affolement sur le dos de wailord et Fry lui avait raconté le coup de luxray. Elle se sentit obligée d’intervenir.

« Si tu préfères, tu peux rester dormir ici ce soir et tu repartiras demain quand tu auras terminé. Il y a encore de la place dans la bibliothèque avec les garçons.

- Le laboratoire n’est pas un camping ! Répliqua Florine, grincheuse.

- Maman, il est là pour réparer tes appareils, tu peux bien lui faire cette faveur. »

Inconsciemment, Scott s’était à moitié dissimulé derrière Jenny pour l’utiliser comme bouclier contre sa mère, elle l’effrayait cent fois plus que Jessy, pourtant la jeune maîtresse pokémon l’intimidait déjà beaucoup.

Perturbé et pris de court, Scott accepta l’invitation de Jenny en évitant soigneusement le regard inquisiteur de Florine. Il sortit dans la pâture pour appeler ses parents et leur expliquer qu’il restait au Bourg Palette pour la nuit. Il en profita pour donner à Ciléo ses premières informations sur l’état du matériel.

« C’est lui qui t’a appris à réparer les pokéballs ? Finit par demander Florine à Jenny.

- Oui, comment tu as deviné ?

- Pas la peine d’avoir un doctorat pour deviner ça. Va demander à Seb de lui préparer un thé bien chaud, il avait l’air frigorifié. »

Jenny sourit avec amusement sans rien dire, elle n’était pas assez folle pour expliquer à sa mère que les tremblements de Scott n’étaient pas causés par le froid mais par le stress d’avoir affaire à elle. Florine le tyran terrorisait tout le monde et Scott était du genre sensible. Elle obéit néanmoins à sa mère et fila dans la cuisine pour attraper Seb avant qu’il ne parte pour l’école récupérer Robin.

 

Jenny apporta son mug chaud à Scott qui venait de raccrocher. Il la gratifia d’un sourire timide et d’une série de merci sans fin. La fumée du thé bouillant recouvrit de buée les verres de ses lunettes. Jenny voulut lui retirer, mais elle se ravisa, les gestes trop familiers étaient à proscrire désormais. Il les enleva lui-même et les glissa dans sa poche de chemise, ne pas distinguer les traits de Jenny l’aidait à lui parler sans trouble. Ils discutaient posément devant l’éolienne.

Depuis la pâture du laboratoire, Jessy et Fry assistaient à la scène, de loin, assis en équilibre sur la clôture. Jessy repensait à la crise de sa sœur après la déclaration d’amour maladroite de Scott sur scène. La rouquine était consciente de sa faiblesse en matière de relations humaines, alors elle posa la question à Fry.

« Tu crois que ça ira ? Pour eux deux.

- En toute franchise je ne sais pas. Il a l’air de s’être remis de son béguin pour elle, mais…

- Mais ?

- Ben… » Reprit Fry sur un ton hésitant avant de prendre une pause, le temps de réfléchir à ses mots.

Personne ne connaissait la teneur exacte de la conversation de réconciliation entre Jenny et Scott, mais Fry se rappelait du regard fou et émerveillé de Scott posé non-stop sur Jenny lors de leur voyage dans l’archipel Arc-en-Ciel. Il se rappelait aussi du long récit de Seb sur son amour inconditionnel pour Florine, dix ans sans la voir et il l’aimait encore. Et puis il se rappelait de l’histoire de Théo qui avait traversé le temps avec célébi pour retrouver la fille qu’il aimait. Fry n’était pas comme eux, certes, mais à force de cogitations et d’empathie, il avait fini par comprendre ce qui se passait dans leurs têtes.

« Je ne suis pas sûr que ce soit juste un béguin en fait.

- Tu as peur qu’il retombe amoureux d’elle c’est ça ?

- Non, je pense qu’il l’est toujours et qu’il prend sur lui… Et sans doute… Que ça va encore nous péter à la gueule à un moment ou à un autre. »

Les deux adolescents se regardèrent un instant, puis le garçon leva les yeux vers les nuages. Ils n’étaient que des spectateurs dans cette histoire, mais cela ne les empêchait pas d’être mis au cœur de la mêlée comme dans les îles Sévii, quand la populace s’était retournée contre eux. Il savait que si ça tournait au vinaigre entre Jenny et Scott, lui et Jessy seraient eux aussi probablement touchés par les problèmes. Fry soupira, voilà bien pourquoi il mettait un point d’honneur à ne pas fricoter avec une compagne de voyage.

« On ne peut pas l’abandonner. C’est notre copain… C’est bien toi qui disait que ça ne se fait pas entre amis. »

Jessy hocha la tête en descendant de la barrière.

« Je suis bien d’accord. Prenons-le avec nous, on verra bien.

- C’est vrai ? Tu deviendrais cool avec le temps ? Lança Fry avec un sourire en coin.

- Tu m’as fait remarquer il y a quelques temps que j’étais trop dure avec les gens. Alors j’essaye de faire des efforts… Si tu te marres ou que tu me chambres, j’arrête tout de suite, c’est bien clair ?

- Oui très clair ! » Répondit Fry avec bonne humeur en descendant à son tour de la barrière. Ils rejoignirent Scott et Jenny de l’autre côté de la pâture, le quatuor de l’Archipel Arc-en-Ciel était à nouveau réuni.

 

Depuis le retour des jumelles en compagnie de Fry, la famille Lavandson était très à l’étroit dans la cuisine pendant les repas, c’était impossible de tenir avec Scott en plus, même s’il n’était pas très large. Seb fut obligé de dresser la table à manger du salon. En éternel grand nerveux, Scott était mal à l’aise au début du diner, puis il s’était détendu petit à petit. Fry se disait qu’il avait de la chance de débarquer après tous les évènements ayant contribué à apaiser les tensions entre Florine et ses filles. La professeure restait intimidante, en particulier pour Scotty l’angoissé, mais du point de vue de Fry, elle était clairement plus calme et courtoise qu’au début de son séjour. Robin quant à lui était ravi d’avoir encore un autre garçon à table et dans sa chambre de fortune. Comme au Cap d’Azuria et comme quand il avait rencontré Fry pour la première fois, il bombardait Scott de questions de toutes sortes.

Profitant que Robin reprenne sous souffle, Jessy posa sa fourchette et s’adressa à Scott avec un large sourire opiniâtre.

« Puisque tu es de retour Scotty, on va avoir besoin de tes talents.

- Jessy… » Fit lentement Jenny sur un ton paternaliste, elle trouvait abusé de lui demander un service alors qu’il était là depuis à peine quelques heures et qu’il avait déjà passé l’après-midi à inspecter les appareils du laboratoire.

Jessy ignora royalement l’intervention de sa sœur et se tourna vers Fry.

« Fry, t’as envoyé le message que je t’ai demandé à Rem ?

- Oui, il m’a répondu.

- Parfait ! Montre-moi ! »

Fry sortit le téléphone de sa poche et afficha le mail de Rem avant de le confier à Jessy. Elle y jeta un coup d’œil pour vérifier, puis le colla sous le nez de Scott par-dessus son assiette de gratin dauphinois.

« Tu saurais nous fabriquer un truc comme ça ? »

Le technicien rehaussa ses lunettes sur son nez pour regarder plus attentivement ce que Jessy lui montrait. Rem avait pris en photo son adaptateur de courant portatif branché sur son magnézone. Il y avait également un lien vers la description produit de la Sylph Sarl. Scott plissa les yeux comme s’il réfléchissait, on entendait presque les engrenages de son cerveau cliqueter en s’activant.

« Hum… Moui, ça devrait être dans mes cordes.

- Génial ! »

Jessy jubilait, elle savourait le retour de Scott bien plus encore que Jane et Fry. Seb n’avait pas acheté de générateur pour Noël, Fry ne voulait pas abuser de sa générosité et il ne lui en avait pas parlé lorsqu’ils avaient fait leur shopping à Céladopole.

Le lendemain, après son inspection du laboratoire sous la houlette de Florine qui voulait être certaine qu’il n’oublie rien, Scott rentra chez lui pour revenir quelques jours plus tard, accompagné de son père, avec sur les épaules un petit sac de sport en guise de sac de voyage, mais surtout son énorme sac à dos de bricoleur couvert de poches et débordant de pièces détachées, d’outils et d’accessoires divers. Il avait l’air de peser une tonne. Il avait aussi accroché un duvet enroulé par-dessus. Ciléo et lui commencèrent les réparations au laboratoire. Contrairement à son fils, Ciléo n’avait aucun problème pour rentrer chez lui à dos de pokémon vol le soir, il avait d’ailleurs gardé avec lui le vieux dracolosse de Léo.

 

Les jours passants, les Train Twins préparaient leur propre matériel et leurs bagages. Faute de mieux, ils avaient à nouveau récupéré les vieux sacs de couchages et les matelas de Félix, Aline et Florine qui dataient de leurs voyages initiatiques. Les trois adolescents rangeaient soigneusement leurs instruments pour la grande traversée. En voyant les grosses malles devant le garage des grands-parents des jumelles, Braségali et Lockpin se lamentaient dramatiquement, leur calvaire de porteurs allait recommencer.

« Gali…

- Kpin…

- Ne faites pas cette tête mes amours, Lord fait le plus dur et au moins vous allez voir du pays.

- Lock-pin… » Grogna Loki, visiblement il n’était pas convaincu.

Non seulement il savait qu’il serait de corvée de déménagement, mais il devinait aussi que sa dresseuse n’allait pas combattre souvent, toujours plongée dans ses bouquins ou avec sa satanée guitare. Gali et Loki n’étaient clairement pas aussi mélomanes que Lucario ou Ramboum.

 

La date du grand départ approchait. Lors d’une fin d’après-midi froide mais ensoleillée, Al s’approcha de Scott comme un lougaroc sur sa proie, le petit technicien venait de dire au revoir à son père au milieu de la pâture. Le regard vert de madame Léon brillait d’une lueur avide, Scott se sentit brusquement intimidé.

« Dis-moi Scott… Tu veux un évoli ?

- Maman ! Pesta Florine en train de verser des croquettes dans une mangeoire derrière elle.

- Mamie ! » Enchainèrent aussitôt les jumelles sur le même ton.

Derrière elles, Fry était tordu de rire et le professeur Jacky Léon sénior se pinça l’arête du nez.

« Al…

- Mais quooiii ? » Cria innocemment la vieille maîtresse pokémon.

Le pauvre Scotty ne savait pas quoi répondre. Refuser un cadeau était impoli et il aimait beaucoup les évoli, mais il n’avait pas du tout pour projet d’en adopter un.

Jenny posa le sac de pokéballs qu’elle portait et réfléchit un instant. Elle se pencha à l’oreille de sa sœur en train de brosser le poil emmêlé d’un cochignon. Jessy fronça très légèrement les sourcils avant d’hocher positivement la tête. Jenny entraina Scott à l’écart un instant, elle trouvait ça plus raisonnable que de lui chuchoter son idée à l’oreille, le jeune homme risquait de se retrouver encore dans tous ses états si elle l’approchait de trop près. Scott l’écouta attentivement et approuva très vite son idée, il ne pouvait rien refuser à Jenny. Accompagné de la rouquine, il retourna voir Maître Al.

« Euh Madame Léon, en fait j’en veux bien un… »

Le visage d’Al s’illumina en un instant. Un jour le monde serait peuplé d’évoli et ce serait un peu grâce à elle…

Le lendemain matin, Fry était en train de répéter avec Ramboum sur la terrasse de la maison d’Al et Jacky. Sa batterie était bien emballée, prête à partir, il ne lui restait plus que son cajón. Il ne savait pas où était Jessy, à la base elle devait venir jouer avec lui, ils avaient même prévu d’entrainer leurs pokémon ensemble en prévision de la Ligue Hoenn.

« Fry ? »

Fry se retourna, les jumelles se tenaient derrière lui avec un sourire assez mystérieux, Scott aussi souriait avec une grande bienveillance dans le regard. Il tenait fièrement une copainball dans les mains.

« Vas-y Scotty ! » Dit Jessy visiblement de bonne humeur.

Scott ouvrit la copainball et libéra un jeune évoli au poil clair. Le pokémon leva les yeux vers le champion de la Ligue Orange avec circonspection. Il se demandait ce qu’on attendait de lui, les humains n’arrêtaient pas de le sortir et de le remettre dans sa pokéball, d’abord mamie Al, ensuite le blondinet... Ça n’arrêtait pas depuis deux jours.

« Evovo.

- Je pensais l’appeler Friday, enfin si tu es d’accord, déclara joyeusement Scott.

- Euh… C’est à moi que tu parles ? S’étonna Fry.

- Bah euh ou… Oui. » Le sourire de Scott s’ébranla un peu.

Jenny leva les yeux au ciel en retenant un rire avant de se mêler de la conversation.

« J’ai expliqué à Scott que tu ne pouvais pas prendre en charge un huitième pokémon, alors il a accepté de le garder pour toi et Jess et moi on s’occupera des frais. Cet évoli est pour toi. Tu l’entraineras et tu le feras évoluer comme tu le souhaites.

- T’es sérieuse ? Vous… Vous êtes sérieux ?» Balbutia Fry en les regardant à tour de rôle.

Ses trois amis lui sourirent avec gentillesse et Fry, bouleversé, s’agenouilla devant l’évoli.

« Vovo ?

- Salut mon gars… » Il caressa la tête du pokémon avant de lever les yeux vers Scott en retenant une petite larme émue au coin de l’œil.

« Pourquoi Friday ?

- Ah, j’ai entendu Maître Al appeler son noctali Monday et son mentali Sunday, alors je me disais que Friday c’était pas mal.

- Le jour de Fry, comme ça au moins on sait que c’est ton pokémon ! Lança Jessy sans lâcher son sourire elle non plus.

- Merci… Merci beaucoup les amis… »

Il se releva et prit les deux jumelles dans ses bras avec affection, embrassant même le cuir chevelu de Jenny, cette idée était la sienne. Jessy rougit en sentant sa joue collée au torse de Fry, ce n’était pas arrivé depuis la Forêt de Jade, et Jenny savoura chaque seconde de ce câlin précieux. Le jeune évoli le suivit du regard, il avait du mal à comprendre.

« Evo ? »

Scott regarda la scène à la fois confus et jaloux, il ne se rappelait pas que Fry était si proche des jumelles quand il les avait quitté. Lui pouvait se permettre de toucher Jenny sans se faire traiter de chétiflor malade avec un aspicot entre les jambes. Fry relâcha son étreinte pour tendre la main vers Scott avec un sourire immense.

« Merci Scotty… »

Le jeune technicien accepta son bras tendu. Fry resserra ses doigts avec amitié et posa même son autre main par-dessus, cette poignée de main était très chaleureuse, la plus chaleureuse de toute sa vie.

« Je t’en prie… » Répondit finalement Scott en souriant à son tour.

Une fois passé l’émoi de voir Jane dans les bras de Fry, il se sentit heureux d’avoir fait une bonne action et d’avoir retrouvé ses amis.

 

Fry ne quitta pas son évoli de la journée, il le présenta à toute son équipe avec une certaine fierté. Friday avait l’air d’avoir déjà adopté Luxray et Pashmilla et c’était réciproque. Malgré son très jeune âge, il était déjà sensible à la gente féminine pokémonesque. Fry s’en amusa, pensant que c’était bien un pokémon fait pour lui. Ensemble, ils allaient faire chavirer tous les cœurs à prendre d’Hoenn. A son retour de l’école, Robin insista auprès de Fry pour faire un match opposant Friday et Vivi. Les deux pokémon se reconnaissaient à l’odeur, ils ne savaient pas à quel degré, mais ils étaient liés par le sang, c’était certain. Scott et les jumelles vinrent regarder avec des sourires amusés ce duel de titans riche en vive-attaques et en jet de sable fort intimidants… Scott fut extirpé de sa distraction par la professeure Léon venue le réquisitionner pour de nouvelles réparations.

Après le diner, les quatre adolescents avaient convenu de se coucher tôt pour être frais et d’attaque le lendemain. Il était enfin temps de reprendre la route… Sébastien pénétra dans la bibliothèque et ordonna à son fils d’aller se laver. Scott s’était isolé dans la salle des archives pour enfiler son pyjama de pépé : un pantalon et une chemise de nuit épais, bleus foncés en effet de velours, c’était affreux, Fry ne put résister à une boutade.

« T’es super sexy comme ça. »

Scott avait froncé les sourcils dans une grimace, Fry n’était pas certain qu’il ait compris la blague.

« Prêt pour le grand départ les garçons ? Demanda Seb, jovial.

- Ouaip !

- Euh oui… »

Seb se frotta l’arrière du crâne et sourit avec beaucoup d’embarras au jeune technicien.

« Hem… Je suis vraiment désolé de te demander ça, mais Florine réclame encore ton aide au laboratoire. Je t’assure que je fais tout mon possible pour la forcer à arrêter de travailler ! Et je lui ai dit qu’elle abusait, mais elle ne veut pas en démordre vu que vous partez demain…

- Non-non c’est bon ! J’y vais ! »

Scott se leva aussitôt, enfila maladroitement ses chaussures et fila au laboratoire en pyjama en bon petit soldat. Fry regarda avec beaucoup de compassion le trop gentil et trop docile Scott se faire tyranniser par la professeure Léon. Seb profita que Scott et Robin s’absentent pour parler en tête à tête à Fry.

« J’espère que ton séjour chez nous s’est bien passé, enfin bien sûr si on met de côté le malade mental qui a tenté d’assassiner ma femme… Je t’assure que c’est plutôt calme par ici d’habitude.

- C’était moins perturbant pour moi que Violine qui me proposait un plan cul, plaisanta Fry.

- Oh non, elle n’a pas osé faire ça ? Grimaça Seb.

- Bah... » Le sourire amusé du jeune homme n’arrivait pas complètement à occulter sa gêne. Seb préféra changer de sujet. Il désigna la porte par laquelle était sortie Scott d’un mouvement de tête.

« Dis-moi, c’est lui les histoires de cœur compliqués de Jenny ?

- Entre autres oui, répondit Fry.

- Je vois le genre…

- Au fait, tu avais raison quand tu disais que Jessy était comme un pokémon de type feu et Jenny un type roche.

- Eh eh… C’est comme ça, le vieux Seb est plus intelligent qu’il en a l’air et il a souvent raison. Et je crois que j’ai deviné quel était ton type aussi.

- Oh vraiment ? Lança Fry en rehaussant un sourcil et le coin de ses lèvres.

- Oui… Répondit lentement Seb avec un air filou. Tu es un pokémon électrique : tu provoques des coups de foudre chez tous ceux que tu croises. »

Fry éclata de rire.

« Ah ah ah ! V’là autre chose !

- Tu sais, tout le monde t’a adopté ici, reprit Seb avec un peu plus de sérieux et son éternel sourire bienveillant. Robin t’adore, Violine aussi visiblement… Florine n’aura jamais la gentillesse de te le dire même si elle le pense très fort, mais si Al et Jacky étaient là, ils seraient d’accord avec moi : tu es ici chez toi. Tu peux rester ici aussi longtemps que tu le veux, avec ou sans les filles. Et si tu as besoin de quoi que ce soit, n’importe quoi, n’importe quand, tu pourras compter sur nous.

- Merci Sébastien… »

Les deux hommes tendirent le bras dans un même mouvement et se serrèrent fermement la main. Le lien qu’ils avaient tissé était unique en son genre, c’était une relation à la fois paternelle, fraternelle et amicale. Fry se disait qu’il ressemblait probablement plus à Seb qu’il n’aurait voulu l’admettre. Il commença à se demander si une partie de ses rapports avec Jessy n’était pas conditionnée à cette étrange similitude.

« Veille bien sur les jumelles, et aussi sur le p’tit gars de Ciléo.

- Je ferai de mon mieux. »

 

Pendant ce temps, Jenny, en chemise de nuit, sortit de sa chambre pour rejoindre la mezzanine défoncée du laboratoire. Elle devinait que sa mère était encore en train de travailler. Après ce qui s’était passé avec Jérôme Vecken, Jenny avait beaucoup réfléchi à propos du smartphone acheté en juillet et elle avait finalement demandé l’avis de sa sœur. Jessy était d’accord : Jane pouvait donner leur nouveau numéro à leur mère. Lorsque Jane entra dans le laboratoire pour parler à sa mère, elle découvrit Scott en pyjama en train de décortiquer la centrifugeuse. Elle fronça les sourcils et râla aussitôt après sa mère.

« Maman il est vingt-deux heures passées ! Laisse Scott tranquille !

- Il a presque fini, répliqua Florine.

- Non maman ! Scott tu vas te coucher ! Tout de suite !

- Ah eub oui, oui Jane ! »

A moitié en panique, Scott attrapa tous ses outils et s’enfuit du laboratoire en emportant son bazar entre les bras. Florine regarda sa fille avec de grands yeux écarquillés, elle n’avait pas l’habitude qu’elle lui tienne tête comme ça, et elle ne l’avait encore jamais vu donner des ordres de la sorte à quelqu’un. Une fois la stupéfaction passée, la professeure retrouva sa mauvaise humeur naturelle.

« T’exagère, vous partez demain.

- Non c’est toi qui exagères ! Tu n’as pas vu qu’il était en pyjama ?

- Je n’risquais pas de le louper, répliqua Florine qui avait rarement vu une tenue aussi laide.

- Tu abuses maman ! Ciléo va venir t’aider, un peu de patience bon sang !

- Pourquoi tu t’énerves comme ça ? Demanda sa mère circonspecte.

- Parce que j’en ai marre de voir les gens abuser de sa gentillesse ! »

Jenny et Florine se toisèrent, la fille poussa un soupir de fatigue. Même si elle s’était excusée auprès de Scott, elle culpabilisait toujours pour la façon dont elle l’avait traité, et ça lui ouvrait les yeux sur la façon dont les autres le traitaient. Il méritait beaucoup mieux que ça.

« On a un nouveau téléphone. Je te laisserai le numéro sur un papier dans la cuisine demain. Et arrête de travailler ! Toi aussi tu as besoin de repos. »

Sans attendre une réponse de sa mère, Jenny tourna les talons et retourna dans sa chambre où sa sœur dormait déjà.

 

Toute la famille Léon-Lavandson était réunie pour dire au revoir au petit groupe d’adolescents. Les parents de Scott étaient venus à dos de dracolosse pour saluer leur fils et participer aux réparations du laboratoire. Gali, Loki, Marvy, John, Wal et Galop étaient chargés de matériel. Les pokémon de Jessy et Fry attendaient patiemment le départ, ceux de Jane faisaient clairement la gueule. Florine aussi tirait la tronche, mais chez elle c’était normal. Elle était contrariée de voir ses filles repartir dans une épopée musicale, elle était contrariée de quitter ses enfants tout court. La main de Seb sur son épaule l’apaisait un peu, juste un peu, elle aurait voulu un câlin magique.

Al et Jacky les regardaient tous avec des sourires bienheureux de grands-parents comblés, c’était comme contempler la vie à l’état brut, et puis tout cela leur rappelait leurs propres voyages de jeunesse de dresseurs. Ciléo et Perle aussi semblaient ravis de voir Scott partir avec des amis, il était plutôt solitaire et renfermé d’habitude.

Personne n’osait parler, en dehors de quelques banalités malaisantes, alors Seb finit par ouvrir la bouche, mais il n’eut pas le temps de parler avant son fils :

« Quand j’aurai dix ans, vous me prendrez avec vous dans votre groupe ?!? » Clama Robin des étoiles plein les yeux.

Dans son dos, Florine écarquilla les yeux horrifiés et Seb grimaça. Fry et Jenny restèrent impassibles, mais tournèrent discrètement la tête vers Jessy. C’était à elle de répondre.

« On en reparlera… Marmonna-t-elle.

- Ouais ! Trop bien !

- Veillez bien les uns sur les autres. » Répéta finalement Seb avec son sourire paternel.

 

Sur le chemin de terre battue en direction du sud, Fry enveloppé dans son nouveau pull jaune pikachu et son kway portait son évoli sur les épaules, Pit et Chu couraient comme des fous sur le talus luxuriant même en hiver, ils sentaient le parfum d’une nouvelle aventure. Jessy avait également sorti Lucario pour qu’il profite du paysage, il méritait sa liberté de mouvement après ce qu’il avait fait pour la famille. Les jumelles marchaient le nez en l’air, apaisées, elles aussi se sentaient à nouveau libres. Scott jetait régulièrement des regards perturbés par-dessus son épaule. D’une voix mal assurée, il interpella ses amis.

« Euh, je croyais qu’on partait de Carmin-sur-mer, sauf erreur de ma part, ce n’est pas la bonne direction. 

- Impossible de prendre la route du nord avec les instruments, on ne peut pas traverser la cave taupiqueur ou le Mont Sélénite avec tout ce bazar. On va passer par la mer et longer la rive avec wailord. En plus ça nous évitera de marcher pendant des semaines, en une journée on y sera.

- Arh… » Geignit Scott.

Il se tâtait pour leur proposer de les rejoindre directement là-bas en prenant les transports en commun, mais il se disait que c’était contraire à sa résolution de changer d’attitude et de partir à l’aventure avec eux. Pâle comme un otaria, il déglutit avec difficulté et prit sur lui en se taisant. Jenny sourit avec compassion, mais ne fit aucun commentaire elle non plus.

« T’as toujours la trouille de naviguer sur wailord ? Renchérit Jessy.

- Euh… Un peu… Avoua Scott avant de se reprendre. Mais ça va aller. Je suis prêt à vous suivre au bout du monde ! »

Sa détermination était assez déstabilisante. Fry haussa un sourcil, un peu surpris, et Jenny semblait inquiète, mais Jessy sourit à Scott.

« Eh ben ça promet ! »

 

A suivre…

Laisser un commentaire ?