Les Train Twins

Chapitre 11

Le feu et la foudre

A neuf heures le lendemain matin, Fry dormait encore à poings fermés, couché à plat ventre dans son lit du centre pokémon de l’île quatre, une jambe et un bras dans le vide. La bouche ouverte sur le côté, il bavait un peu. Il n’y avait plus aucun témoin, heureusement car son image de beau gosse en aurait pris un coup. Lorsqu’il émergea, pâteux, il réalisa que les jumelles étaient déjà sorties. Evidemment, pour se rendre à sa compétition, Jessy s’était levée à l’aube et était partie rapidement. Fry retrouva Jenny en pleine lecture sur une table de la cantine du centre pokémon, son raichu à ses côtés grignotait encore une tartine de pain. Jenny leva distraitement les yeux de son livre en sentant une présence s’approcher de la table et lorsqu’elle reconnut Fry, elle s’exclama.

« Ah enfin ! T’es vraiment un gros dormeur.

- N’exagère pas, il est même pas neuf heures et demi encore… Et puis pour une fois que Jessy n’est pas là pour m’enchainer à la batterie.

- Maintenant que tu es levé : je compte aller sur l’île un moi aussi aujourd’hui, tu m’accompagnes ou tu restes ici ?

- Tu vas voir les matchs de Jessy ?

- Peut-être, si j’ai le temps. J’ai un rendez-vous.

- Un rendez-vous ? Releva Fry en haussant un sourcil. Tu veux dire un rencard ?

- Non, un cours d’électronique, répondit Jenny avec un sourire mystérieux.

- Okay… » Répondit Fry, il ne comprenait pas tout mais il partait du principe qu’il était simplement encore à moitié endormi.

A dix heures, les deux ados s’envolèrent sur békipan et altaria en direction de l’île un. Ils arrivèrent rapidement à vue de l’immense volcan dressé au milieu de l’océan. Avec sa petite békipan qui peinait à le porter, Fry avait peu l’habitude de voler à dos de pokémon, il n’était donc pas familier des vues aériennes, il trouvait le spectacle splendide. En contrebas, ils aperçurent un rassemblement inhabituel sur les flancs du Mont Braise, le tournoi de pokémon feu battait son plein. Soudain, alors qu’altaria et békipan survolaient la zone, deux pokémon feu filèrent sous leurs ailes à toute allure dans un tourbillon de flammes. Jenny et Fry se retournèrent aussitôt pour voir les deux combattants, un rugissement familier permit à Jenny de reconnaître la pokémon avant de la voir.

« C’est Etna ! »

Les pokémon de Fry et Jenny s’éloignèrent un peu pour se maintenir hors de portée des attaques. La dracaufeu de Jessy crachait des lance-flammes si puissants qu’ils ressemblaient presque à des déflagrations. Un flambusard jaillit des flammes et fonça sur Etna, l’oiseau de feu semblait privilégier les attaques physiques d’autres type que le feu. Après avoir encaissé la vive-attaque du flambusard, Etna se lança à sa poursuite et l’attaqua à coup de draco-rage. Les flammes bleues embrasaient le ciel. Des cris s’élevaient depuis le sol, mais il n’était pas possible pour Fry et Jenny de les comprendre, l’ouïe de dracaufeu et flambusard était bien plus fine. Obéissaient-ils encore à leurs dresseurs ou restaient-ils en autonomie ? Difficile à dire pour Etna qui était une combattante de haute volée. Les deux pokémon feu filèrent dans un brasier devant Fry, Jenny et leurs montures. Fry finit par sourire en s’adressant à Jenny.

« Avec Jessy, c’est toujours du grand art non ?

- Moui… Reconnut Jenny avec un sourire blasé. Je file au centre pokémon, je vous rejoins tout à l’heure !

- Ok, à plus ! »

Fry se posa sur le Mont Braise avec Kelly, soulagée que son vol prenne fin, son dresseur n’était pas léger. L’ambiance était pour le moins chaude et étouffante au sommet du volcan, dans tous les sens du terme. Il faisait chaud, parce que c’était l’été et qu’il y avait le cratère et ses vapeurs brûlantes à proximité, en outre la présence d’une centaine de pokémon feu ne faisait qu’augmenter encore la température par leurs corps incandescents et leurs combats incessants. Les multiples vendeurs ambulants de brochettes d’octillery, de gaufres taiyaki et autre fritures rendaient l’air encore plus suffoquant, les parfums savoureux n’arrivaient pas à couvrir l’odeur de soufre qui régnait en maître sur le sommet.

Fry s’approcha du terrain, il y avait pas mal de spectateurs mais l’archipel n’était pas très peuplé en temps normal alors la foule était suffisamment clairsemée pour pouvoir se repérer et avoir une bonne vue sur le spectacle. Le combat de Jessy venait de prendre fin, sans surprise elle avait gagné. Aussitôt, on enchaina avec un autre match, ça turbinait sévère sur le Mont Braise, pas le temps de souffler. Lors du prochain combat, deux darumacho s’affrontèrent à coup de lance-flammes dans l’arène aménagée. C’était une vraie démonstration de force, Jessy devait se sentir comme un poissoroy dans l’eau, ou pour le coup comme un limagma dans la lave. Fry chercha le panneau d’affichage de la programmation des matchs. Pas de panneau numérique, c’était un vieil affichage rustique en ardoise où l’on avait écrit à la craie. D’après les inscriptions, Jessy avait déjà disputé deux matchs. Fry chercha ensuite un coin pas trop peuplé pour se poser tranquillement devant le tournoi. Le combat des darumacho était déjà terminé et avait laissé place à un autre affrontement.

Jessy savait que Fry était dans le coin, elle l’avait vu passé sur sa békipan dans les airs avec altaria. Elle finit par le retrouver dans la foule. Elle n’avait pas remarqué le groupe de filles qui le reluquait depuis un bon moment et qui se rapprochait discrètement de lui, centimètre par centimètre, l’air de rien. Son arrivée en grandes pompes près de lui réussit à les décourager et les filles s’éloignèrent, dépitées.

« Eh t’es venu finalement ! S’exclama Jessy avec entrain. Je croyais que ça te gavait les compétitions pokémon ?

- C’est pas tous les jours qu’on voit un tel défilé de pokémon feu. Et puis c’est sympa ici, j’étais jamais monté au sommet d’un volcan auparavant.

- Jenny n’est pas avec toi ?

- Non, elle est au centre pokémon. Je crois qu’elle voulait retrouver le gars d’hier, tu sais le réparateur de la machine à transfert.

- Ah, ok… » Répondit simplement Jessy avec un haussement d’épaule. Elle n’avait pas l’habitude d’être séparée de sa sœur, sa dureté naturelle en prenait un petit coup mais elle avait suffisamment de choses à faire. Soudain, un horrible gargouillis s’éleva du ventre de Fry, son estomac criait famine. Le jeune champion afficha un sourire d’excuse.

« J’vois que je n’suis pas la seule à avoir la dalle.

- Ouais, mais comme je suis en galère de fric ben…

- Pfff… T’abuse ! Râla Jessy. C’est bien parce que je vais ramasser les 1000 pokédollars du tournoi. Viens, je t’invite. Il doit me rester un peu de temps avant le prochain match.

- Merci ! » Lança joyeusement Fry.

Pendant ce temps, au centre pokémon de la ville portuaire de l’île rouge, Jenny était partie à la recherche du petit réparateur de machine à transfert. L’infirmière Joëlle indiqua à Jenny l’emplacement de la chambre de Scott, elle ne se situait pas avec les autres chambres de dresseurs itinérants mais du côté des appartements de fonction de l’infirmière Joëlle qu’elle occupait pendant ses gardes. Jenny toqua à la porte de la chambre avec courtoisie. Elle entendit quelques bruissements maladroits, elle sourit en songeant que son occupant devait être surpris de recevoir de la visite. Scott ouvrit la porte et son visage s’illumina en apercevant Jenny. Malgré tout, son étonnement restait perceptible derrière l’allégresse de revoir la jolie rousse.

« Coucou ! Fit Jenny avec un sourire et un petit signe de main jovial.

- Je-Jenny ! T’es venue, ah, euh, je pensais pas que… Salut ! Oui, salut !

- Je te dérange ?

- Non non ! Pas du tout ! Ah tu veux entr… Euh… »

En panique, il jeta un coup d’œil derrière lui. Il ne savait pas s’il devait la faire rentrer ou pas. La chambre était en bazar et puis c’était intimidant d’avoir une fille dans sa piaule, mais en même temps la faire attendre dehors lui paraissait impoli, il ne savait plus quoi décider.

« Je peux rentrer ou tu préfères que j’attende dehors ? Demanda gentiment Jenny pour l’aider.

- Ah ! Non, je veux dire oui bien sûr tu peux entrer ! »

Il s’écarta brusquement et ouvrit la porte pour qu’elle entre. Il sentit son visage s’empourprer encore davantage. Il avait transformé sa chambre en atelier, il y avait des engins électroniques décortiqués dans tous les coins mais dans ce capharnaüm apparent, Scott avait pris soin de laisser un petit circuit au sol permettant d’aller et venir du lit, au bureau puis à l’étagère. L’étagère en question était remplie de livres, il n’y avait plus un emplacement libre et le jeune homme avait commencé à empiler des ouvrages près de sa tête de lit. Jenny admira cette bibliothèque avec une lueur avide dans le regard.

« Tous ces livres… Murmura Jenny impressionnée. Ils sont tous à toi ?

- Bien sûr ! Répondit Scott, amusé par la réflexion. J’en ai d’autres mais ils sont partis avec mes parents lors du déménagement. Je ne pouvais pas en garder plus, la chambre est trop petite. »

Jenny dévorait les étagères des yeux. Elle caressa du bout des doigts un rayonnage et finit par sortir un livre, elle le feuilleta.

« Euh, au fait pourquoi tu es venue ? Demanda Scott machinalement avant de se maudire en se disant qu’il devait paraitre grossier.

- Tu m’as dit que tu m’apprendrais à réparer les pokéballs, répondit Jenny sans le regarder, elle se plongeait déjà dans une nouvelle lecture.

- Ah oui, c’est vrai ! Euh, tu veux bien qu’on fasse ça cet après-midi ? Je devrais être libre vers quatorze heures… Ah ! Mais si… Si tu ne peux pas je peux revoir mon planning ! C’est, je…

- Quatorze heures c’est très bien, dit Jenny d’une voix douce. Merci beaucoup.

- Euh, de… De rien… Répondit Scott en rougissant de bonheur.

- Je peux te l’emprunter ? Demanda Jenny en lui désignant le livre.

- Oui bien sûr, prends-le !

- Merci ! A toute à l’heure alors !

- Tu me trouveras dans le hall du centre ! » Hurla Scott à son intention alors qu’elle avait à peine quitté sa chambre et ne se trouvait encore qu’à un mètre de la porte. Elle sourit amusée avant de s’éloigner, de toute façon elle avait l’intention de rester dans les parages. Elle s’installa sur la plage pour lire, encerclée par tous ses pokémon, à l’exception de wailord qui se reposait dans sa pokéball et de son braségali occupé en haut du Mont Braise avec Jessy. Ses pokémon étaient là pour faire comprendre aux jeunes hommes en mal d’amour qu’elle n’avait pas envie d’être dérangée. Quelques types s’étaient rapprochés dangereusement mais raichu et givrali leur avaient grogné dessus, ce qui avait suffi à les refroidir.

Jenny retourna au centre pokémon vers treize heures pour avoir le temps de manger, elle aperçut de loin Scott en train de bricoler l’ordinateur de l’infirmière Joëlle qui lui apporta gentiment un sandwich. Elle termina sa lecture à la cantine du centre en compagnie de Chu tout en picorant son propre sandwich. A quatorze heures tapantes, Scott, les bras chargés de matériel, parcourut le centre de long en large comme un zigzaton fou à la recherche de Jenny. Lorsqu’il la vit dans la cantine, il se précipita vers elle et manqua à plusieurs reprises de trébucher. Il posa en catastrophe son chargement sur la partie libre de la table et s’affala à moitié dessus. Jenny avait entendu le jeune réparateur arriver à des kilomètres, elle lui tendit son livre avec un sourire charmant.

« Pile à l’heure. Tiens, je te le rends. Merci beaucoup !

- Tu l’as déjà terminé ? S’étonna Scott.

- Je n’en ai lu que la moitié, celle qui m’intéressait sur Kalos.

- Eh ben… »

Jenny sourit avec la satisfaction d’avoir réussi à impressionner le jeune homme pour autre chose que son joli minois. Elle lui laissa la place de s’installer. Outre une série de pokéballs usagées qu’il avait ramené dans un carton, il portait avec lui un gros sac à outils doté de deux lanières lui permettant de le porter comme un sac à dos. Scott sortit de son sac une longue boite en plastique subdivisée, ressemblant un peu à un gros pilulier. Il ouvrit le premier clapet.

« La plupart du temps, ce sont toujours les mêmes composants qui meurent, alors j’en ai plusieurs séries d’avance, c’est plus pratique. La seule chose qui ne se remplace pas c’est la puce biométrique, ici. »

Il indiqua un emplacement au revers de la pokéball avec la pointe de son tournevis.

« Comme c’est ce qui permet d’identifier un pokémon et de le lier à sa pokéball, il n’est pas possible de la remplacer… Enfin si techniquement c’est possible même si c‘est difficile mais se procurer la pièce est illégal et la remplacer est aussi illégal.

- Tu en sais des choses. »

Scott leva timidement les yeux vers Jenny, elle le regardait et l’écoutait avec beaucoup d’attention, elle ne cherchait pas à le séduire, elle se contentait d’être studieuse. Malgré tout, le jeune homme nerveux eut une bouffée de chaleur en croisant les magnifiques yeux bleus de la dresseuse, il se reconcentra rapidement sur sa capsule cassée pour ne pas se faire déstabiliser davantage.

« Euh, la plupart des réparations sont bégnines, parfois j’arrive même à réparer des rebus de capture, mais ça reste rare, quand elles se font fracasser par un pokémon sauvage il n’y a souvent plus grand-chose à en tirer… Quand il y a plus de trois composants à changer en même temps ça devient plus rentable d’acheter une pokéball neuve. Ce qui est dommage c’est que les pokéballs ne se recyclent pas complètement. Après tous les efforts qui ont été fait ces dernières années pour limiter la surconsommation et la pollution humaine, je ne comprends pas pourquoi les fabricants de pokéballs n’ont toujours pas inventé une pokéball totalement recyclable. Ça me semble faisable pourtant. Même la coque tu vois elle… »

Il s’arrêta brusquement avec un air gêné, il eut un petit sourire-grimace.

« Désolé, je dois t’ennuyer… Parfois je me lance dans des explications et après je ne m’arrête plus…

- Je t’assure que tu ne m’ennuyais pas, dit Jenny avec un sourire sincère. Tu es vraiment intelligent tu sais ?

- Euh oui, mais on peut être intelligent et ennuyeux. En fait, on est souvent intelligent et ennuyeux.

Jenny retint un petit rire et brusquement le visage du jeune homme s’embrasa.

- Aaah, mais pas toi ! Pardon ! Souvent mais pas tout le temps ! Je voulais dire : tu es intelligente et pas du tout ennuyeuse. Je… Hem, encore désolé.

- Ih ih, j’avais compris ! Ih ih… Tu n’es pas ennuyeux non plus, tu me fais rire à t’excuser sans arrêt. Relax !

- Merci… Soupira Scott avec soulagement. Tu as bon caractère, quand je suis concentré sur quelque chose il m’arrive de vexer les gens sans m’en rendre compte alors ça me rend anxieux. Je n’aime pas faire du mal aux gens…

- C’est tout à ton honneur. »

Scott avait récupéré plusieurs pokéballs cassées et après sa première démonstration de réparation devant Jenny, il lui en confia une et en prit une deuxième pour lui. Etape par étape, il lui montrait la marche à suivre. Une fois plongée dans l’électronique, sa timidité s’effaçait et il se montrait incroyablement pédagogue. Il avait la douceur d’une infirmière Joëlle et la clarté d’un professeur de maths. Jenny, d’esprit vif et douée pour les apprentissages de toutes sortes, se débrouillait très bien et Scott la félicitait comme une petite fille. Cela amusait beaucoup la rouquine, elle ne fit toutefois aucune remarque. Elle en était à sa troisième pokéball. Comme elle avait pris le coup, elle estima qu’elle était capable de faire la conversation en même temps que la réparation. Scott buvait ses paroles et n’était pas avare en mots non plus, pokéball après pokéball, les deux adolescents jacassaient davantage que le sage pijako de Scott.

« Tu t’appelles Ketchum ? S’écria Scott.

- Oui comme…

- Sylvain Ketchum ? L’explorateur ?

- Euh, oui, s’étonna Jenny. D’habitude les gens connaissent surtout mon grand-père Sacha.

- J’admire le travail de tes parents. Je sais qu’ils travaillent sur la plus grosse base de données pokémon au monde. Mon père rêve de rejoindre ce projet aussi, mais pour l’instant il a trop de travail.

- Et toi alors ? Tu ne veux pas travailler sur ce projet ?

- Ah j’adorerais ! Mais, comment dire… J’ai tendance à m’éparpiller facilement alors je dois faire attention. Il faut toujours que je fasse plein de choses en même temps. C’est difficile de choisir un truc et de me focaliser dessus.

- Tu me rappelles ma sœur, répondit Jenny en souriant. Moi je n’ai pas ce problème.

- Alors quels sont tes projets ?

- Eh bien j’aimerais passer mon bac pour commencer. Puis partir à Kalos, y remporter la Ligue Pokémon, m’inscrire à l’Université d’Illumis, soutenir une thèse et revenir ensuite assister ma mère au laboratoire du Bourg Palette pour un jour devenir la prof pokémon de Kanto.

- Sacré programme… Fit Scott avec un sourire tordu.

- Ah bah vous étiez là ! » Cria une voix tonitruante derrière eux. Scott sursauta violemment. Sa surprise était telle qu’il en eut le souffle coupé, il s’empressa de sortir sa ventoline alors que Jenny se retournait. Elle aussi avait légèrement sursauté, elle n’avait pas entendu sa sœur approcher mais elle était habituée à ses entrées fracassantes. Jessy et Fry se tenaient derrière eux. Jenny jeta un coup d’œil à l’horloge de la cantine, elle indiquait dix-huit heures, la rouquine n’en revenait pas : ça faisait quatre heures qu’elle réparait des pokéballs avec Scott, ils n’avaient pas vu le temps passer. Sa vue fut brutalement bouchée par la nouvelle médaille que sa sœur brandissait avec fierté.

« Et 1000 pokédollars de facilement gagnés ! T’aurais dû venir voir le spectacle, c’était trop beau tous ces pokémon feu réunis au même endroit ! »

Elle lança la pokéball de braségali dans les mains de Jenny. La belle intello rangea la capsule dans sa sacoche et rendit sa tengalice à Jessy.

« Félicitations Jess, mais je parie que tu as encore trouvé ça trop facile…

- C’était presque injuste pour les autres concurrents, répondit Fry à la place de Jessy. J’avais de la peine pour eux.

- A la guerre comme à la guerre ! C’est pas comme ça qu’on dit ? Et puis il faut bien qu’on gagne des sous pour nourrir Fry. C’est que ça mange ces bêtes-là.

- Je suis en pleine croissance, répliqua Fry sur le ton de la plaisanterie. Et je n’ai pas ta force morale pour ce qui est de manger végétarien.

- Pauvres octillery coupés en rondelles pour engraisser les champions paresseux… »

Jessy et Fry étaient visiblement de bonne humeur, ils furent néanmoins très étonnés d’apprendre que Jenny avait passé sa journée aux côtés de Scott à réparer des pokéballs cassées. Le soir venu, les Train Twins retournèrent au centre pokémon de l’île quatre et Jenny leur expliqua la proposition de Scott pour le hangar de l’île cinq. En son fort intérieur, Fry se dit que ça expliquait sans doute l’engouement de Jenny pour ce gringalet de Scott. Elle savait décidément y faire pour manipuler les hommes… Jessy quant à elle semblait contente de l’opportunité.

Jenny rendit visite à Scott dès le lendemain, ils convinrent de se retrouver tous ensemble quelques jours plus tard sur la cinquième île aussi appelé île du temps, lorsque Scott aurait plus de temps libre. En attendant, les jumelles réussirent à négocier avec l’infirmière Joëlle pour avoir le droit de répéter l’après-midi dans la cantine du centre pokémon, ce n’était qu’une affaire de trois jours, la douce soignante accepta de bonne grâce, d’autant plus qu’elle avait compris qu’ils étaient les amis de Scott. Les trois ados furent très étonnés d’apprendre que le jeune homme était connu et très apprécié dans l’Archipel Arc-en-Ciel. Son père, l’ingénieur Ciléo, était une célébrité locale à ce qu’ils avaient compris, mais Scott était un modèle de serviabilité et cela le rendait indispensable dans cette petite région isolée.

Ils retrouvèrent Scott dans le port principal de l’île du temps le jour prévu, tout leur matériel et leurs bagages chargés sur le dos de wailord. Avec une certaine appréhension, Scott embarqua sur wailord à son tour. C’était la première fois de sa vie qu’il montait sur le dos d’un pokémon aquatique. Les quatre adolescents firent le tour de l’île en longeant le rivage et en suivant les indications de Scott. Il consulta à de nombreuses reprises son GPS de peur de se perdre, pourtant il savait très bien où il allait, il était simplement un peu trop anxieux à cause de la présence des jumelles et de wailord. Il indiqua à Jenny une crique au sud-est de l’île pour accoster. Dans cette zone à l’écart de la ville, implantée à la lisière d’un bois, se trouvait un vieux hangar à l’allure délabrée. Scott sortit son lourd trousseau de clef et ouvrit le gros cadenas qui fermait la porte métallique un peu rouillée. Il l’ouvrit dans un crissement sinistre. Le trio musical fut étonné de constater que l’intérieur du hangar était assez bien entretenu mais visiblement inoccupé depuis quelques temps. Quelques caisses de matériel informatique usagé étaient stockées près de l’entrée, la grande salle centrale, elle, était vide, il ne restait que quelques petits cartons le long du mur du fond. Leurs pas résonnaient en écho alors que Scott leur faisait visiter.

« Waouh… Souffla Jessy, impressionnée.

- C’est grand… Fit Jenny avec la même intonation que sa jumelle.

- Il reste deux générateurs dans la pièce du fond, je vais vérifier qu’ils fonctionnent encore.

- L’acoustique de malade… Dit Fry avec un sourire en tournant sur lui-même.

- Je l’sens bien c’t endroit ! » Déclara Jessy. Les deux raichu s’amusaient déjà à courir d’un bout à l’autre de la pièce en faisant la course. Jenny leur jeta un coup d’œil avant de se rapprocher de sa sœur.

« Tu penses qu’on pourrait laisser nos instruments ici sans surveillance ?

- Je crois qu’il faut voir ça avec le propriétaire des lieux. Eh Scott !!! » Brailla Jessy dont la voix resta dans l’air un bon moment. Le petit technicien revint au pas de course comme un caninos bien dressé.

« Ou… Oui ?

- C’est safe ici ? Je veux dire, t’as pas de risque de cambriolage ou autre ?

- Mes parents n’ont jamais eu de problème. Je comprendrais très bien que vous préfériez le confort du centre pokémon mais si cela vous inquiète, vous pouvez camper ici. Il y a des toilettes et un bureau là au fond. Je peux faire un brin de ménage si vous voulez…

- Ca peut toujours être utile ouais ! C’est génial ici ! Merci Scott !

- Ah, euh… Je t’en prie. »

Jessy adressa un sourire reconnaissant à Scott et Jenny lui caressa gentiment l’épaule, le jeune homme se sentait au septième ciel. Fry et les jumelles retournèrent jusqu’à la côte où ils avaient laissé Lord et leurs instruments sous la bonne garde de Médie et d’Etna. Avec l’aide de leurs pokémon, ils portèrent leurs affaires jusqu’au hangar. Sur le chemin, Jenny s’adressa à son lockpin et son braségali qui portaient la grosse caisse de Fry et les hauts parleurs.

« Ne faites pas cette tête vous deux, on va se poser pendant quelques semaines.

- Pink pinki lockpin… Rumina le lockpin.

- Gali ! Affirma le braségali pour indiquer qu’il était d’accord avec son collègue.

- Je sais que vous êtes des combattants et pas des déménageurs, je vous ai promis qu’on irait à la Tour Dresseur, je tiendrai parole ! Un peu de patience mes amours… »

La voix douce et envoutante de Jenny fonctionnait même sur ses pokémon. Les Train Twins étaient en train de poser leurs affaires dans le hangar quand Scott vint les voir tout penaud après avoir vérifié ses générateurs et l’installation électrique.

« Ah euh… Dites, tandis que vous êtes là, euh… Balbutia-t-il timidement. J’au… J’aurais un service à vous demander.

- Tout ce que tu veux ! Déclara Jenny avec un sourire radieux.

- Tout faut pt’être pas exagéré… Marmonna Fry.

- L’un de vous peut m’aider à monter sur le toit ? Avec vos pokémon… Je voudrais vérifier les panneaux solaires. »

Jenny l’accompagna à l’extérieur. Elle le fit monter sur le dos de son altaria doux comme du coton et l’oiseau bleu le déposa délicatement sur le toit. Le jeune homme ne semblait pas briller par son agilité mais il prenait sur lui pour ne pas pleurnicher à cause du vertige. Jenny resta avec son altaria et son braségali en contrebas, histoire de vérifier que Scott ne glisse pas du toit. Finalement, il redescendit du toit avec une bonne mine d’heureuse surprise et Jenny et lui retournèrent à l’intérieur. Fry et Jessy avaient fait un peu de ménage et déballé leurs instruments, impatients d’essayer leur son dans ce nouveau local.

« Finalement vous n’aurez pas besoin des générateurs d’appoint, tout est en parfait état là-haut, je n’en reviens pas ! Annonça Scott. La Team Rocket a vraiment fait du super boulot, ces panneaux existent depuis plus de quarante ans, vous vous rendez-compte ? »

Les trois ados lui jetèrent des regards en biais.

« La Team Rocket était une mafia qui faisait du trafic de pokémon. C’était des voleurs et des assassins, finit par dire froidement Jessy.

- Ah euh… Oui, oui je sais… Chouina Scott avec une toute petite voix. Je suppose que c’est pour ça qu’ils ne manquaient pas de budget… »

Sa voix mourut sous le regard perçant de Jessy. Jenny tapota gentiment l’épaule de Scott pour le rassurer.

« Encore merci pour ton accueil Scott, c’est vraiment super gentil de ta part.

- Ouais grave, merci ! Renchérit Fry.

- Ah, de… De rien… » Jessy avait retrouvé le sourire et elle hocha la tête positivement ce qui fit soupirer Scott de soulagement. Impatiente, la rouquine se mit à sautiller sur place.

« Bon on s’y met, on s’y met ? J’ai trop hâte !

- Je vais vous aider pour les branchements ! » Se précipita Scott. Il aida les Train Twins à installer les derniers instruments et une fois que tout fut en place, il alla appuyer sur l’interrupteur de l’entrée. Les vieux néons s’allumèrent tous les uns après les autres. Le jeune blondinet souriait avec satisfaction.

« Et la lumière fut ! »

Curieux, le jeune technicien assista à leur première répétition sur place. De l’avis général, le son était démentiel dans le hangar grâce à l’écho. Scott hochait la tête en rythme, parfois il grimaçait, Jenny remarqua que c’était souvent lorsque l’un d’entre eux faisait une fausse note. Elle était épatée par la finesse de l’oreille du jeune homme.

Comme ils ne combattaient pas, ils estimèrent qu’il n’était pas nécessaire de retourner au centre pokémon pour dormir, seul Scott y était reparti. Pour remercier Scott de son hospitalité mais aussi pour leur confort personnel, le trio fit le ménage à fond dans les parties autrefois occupées par des bureaux et ils purent y installer leur campement. Ils réhabilitèrent au mieux la cuisine de la salle de pause, ils avaient du mal à imaginer des gangsters en train de siroter leur café de dix-heures entre deux rapts de pokémon… Quand ils ne répétaient pas, leurs pokémon s’amusaient comme des fous dans l’immense hangar.

En plein mois de juillet, la météo dans les îles Arc-en-Ciel n’était pas très éloignée de celle de l’Archipel Orange, alors les filles se lavaient à l’extérieur avec l’aide d’aquali et de ses attaques eau. Jessy avait dû insister lourdement pour que Jenny conserve son maillot de bain au cas où Fry et Scott passeraient à proximité au mauvais moment. Fry faisait la même chose avec colhomard mais avec moins de pudeur, sans s’encombrer d’un caleçon de bain, révélant à la nature sauvage les plus beaux attributs de sa tenue d’Adam. Jenny l’avait provoqué en disant qu’elle viendrait se rincer l’œil pendant sa toilette, mais elle n’était jamais venue le déranger. En se savonnant, il se demandait si c’était Jessy qui l’en empêchait ou si ce n’était qu’une blague… Il y avait également une autre variable importante : dès que Scott revenait dans les parages, Jenny filait aussitôt le rejoindre.

Après avoir installé les Train Twins dans son hangar, Scott était retourné sur l’île un, où il avait sa chambre aménagée et toutes ses affaires, mais très vite il était revenu sur l’île cinq. Plutôt que de faire sans arrêt des allers-retours entre les deux îles, Scott dormait désormais au centre pokémon de l’ile du temps. Ce centre pokémon n’était pas celui avec les plus gros besoins en maintenance, mais de cette façon il pouvait rendre visite à ses nouveaux amis tous les jours. Un dimanche après-midi, Fry était parti prendre sa douche. En revenant dans le hangar, il chercha du regard ses compagnons, Jessy était assise devant une table abandonnée près de la porte, elle paraissait aussi studieuse que sa sœur pour une fois. Il vit ensuite à l’intérieur du bureau vitré Jenny et Scott en plein cours d’électronique, le jeune homme était en train d’examiner le pokédex entrouvert de Jenny avec des yeux d’enfant émerveillé, cette fois il avait carrément sorti son fer à souder.

« Eh bée… Depuis que Scott est là, je n’existe absolument plus pour Jenny.

Jessy releva à peine le nez de sa feuille.

- Et alors ? T’es jaloux ?

- Non ! Ça me fait des vacances ! S’exclama-t-il avant de venir s’asseoir en face de Jessy. Mais je ne pensais pas que c’était son genre de garçon. »

Jessy releva la tête avec un sourcil haussé. Elle se pencha sur le côté car Fry lui bloquait la vue. Elle regarda Scott comme si elle avait oublié à quoi il ressemblait. A peine trois secondes plus tard, elle revint sur sa feuille.

« C’est pas son genre.

- Pourtant on dirait qu’elle l’aime vraiment bien, il la fascine même.

- Tu sais, Jenny est toujours aimable avec tout le monde, et elle trouve toujours de l’intérêt aux gens même les plus ennuyeux.

- Tout le contraire de toi en gros, plaisanta Fry. Toi tu es désagréable avec tout le monde et tu trouves que tout le monde est chiant.

- T’as pas des trucs utiles à faire au lieu de jouer les concierges ? Lâcha Jessy avec mauvaise humeur.

- Je voulais venir te parler de notre prochain spectacle… Mais toi, qu’est-ce que tu fais ?

- J’essaye d’écrire une chanson, soupira Jessy avec la fatigue d’une personne insatisfaite de son travail.

- Super, tu me montres ? » Demanda Fry avec enthousiasme. Jessy lui jeta un regard méfiant. Après quelques instants d’hésitation, elle lui tendit son bloc de notes.

« Je te préviens, à la moindre critique qui me déplait je t’arrache la tête.

- Ça promet… »

Fry commença à lire le texte, rapidement, puis lentement… Il revint en arrière, regarda rapidement la partition griffonnée à côté des paroles et reprit sa lecture en marquant le rythme avec son doigt sur la table. Dans le silence, Jessy attendit les bras croisés qu’il lui redonne son papier. Il lui rendit avec un visage plein d’admiration.

« C’est bon… T’es douée pour ça on dirait.

- Non… Soupira Jessy. Je sais à peu près composer, ça d’accord, mais écrire les paroles c’est un supplice.

- La chanson qu’on a répétée ensemble la dernière fois, Jenny m’a dit que c’était aussi toi qui l’avais écrite. Je la trouve super aussi.

- C’est pas assez tu comprends ? S’emporta Jessy. Si on veut gagner un vrai concours de talent, il faut quelque chose de mieux, un truc exceptionnel. Ça c’est… C’est du pipi de miaouss !

- Tu m’interdis de critiquer ton travail et tu te démolis toi-même ? C’est ton trip l’auto-flagellation ?

- Rah, c’est parce que c’est moi ! C’est à moi de déterminer si j’ai atteint un niveau suffisant ou pas, et là clairement j’suis à la ramasse… »

Elle jeta sa feuille avec dédain sur la table. Fry, qui la trouvait très arrogante à leur première rencontre, se rendit compte qu’elle était surtout perfectionniste et son esprit de compétition était très fort sur tous les plans… Jessy se levait à l’aube tous les matins et s’entrainait, soit avec ses pokémon, soit avec sa guitare. Il se surprit à l’envier, lui qui avait lâchement abandonné sa famille et son titre.

« Tu devrais faire des pauses de temps en temps… Finit-il par dire.

- Quoi ? Fit Jessy en secouant la tête.

- Ta sœur et toi vous êtes toujours à fond, vous ne vous arrêtez jamais. Vous devriez faire des pauses de temps en temps.

- Qu’est-ce que tu racontes ? On en prend des pauses.

- Non, quand tu ne t’entraines pas avec tes pokémon tu joues de la musique, quand tu ne joues pas de la musique tu composes et quand tu ne composes pas c’est que tu manges, que tu dors ou que tu ch… Hem, enfin que t’es aux toilettes quoi.

- C’est très bien comme ça.

- C’est comme ça que mes parents m’ont poussé à bout, donc fais gaffe. Tu vas finir en burn-out.

- Personne ne me pousse à bout moi ! Répliqua Jessy. C’est mon rythme et je l’ai choisi. C’est malin, t’as parlé des chiottes alors maintenant j’ai une envie pressante !

- Genre c’est de ma faute si tu ne manges que des fibres ? Protesta Fry en riant à moitié.

- Vous avez l’air d’avoir une conversation passionnante ! » Chantonna Jenny dans son dos. Jessy fila aux toilettes et Fry se retourna vers l’autre jumelle, vu son sourire angélique elle avait quelque chose à lui demander.

« Je vais me doucher. Tu peux commencer à préparer le repas ? Je n’en ai pas pour très longtemps.

- Okay... »

Scott la regarda récupérer sa serviette et sortir du bâtiment en soupirant, lui devait rentrer au centre pokémon. L’infirmière Joëlle lui avait confié d’autres tâches et il avait pris du retard, c’était plus fort que lui il adorait venir bidouiller devant Jenny et le vieux hangar de la Team Rocket était une véritable caverne d’Ali Baba en matière d’électronique et de documentation scientifique, même si son père et lui avaient déjà fait pas mal de vide. Scott rassembla ses affaires avant de s’en aller. Par hasard, il posa distraitement les yeux sur le carnet de Jessy. Alors qu’il allait poursuivre son chemin machinalement, il s’arrêta un instant puis revint en arrière pour regarder plus attentivement la feuille au-dessus des autres. Alors qu’il lisait, sa bouche remua de droite à gauche comme un nidoran rongeant ses dents. Sans pouvoir y résister davantage, il posa son matériel sur la chaise, saisit le crayon que Jessy avait abandonné, gomma deux ou trois notes dans un couplet puis les remplaça. Il gribouilla quelques mots en plus dessous puis, comme si de rien n’était, il récupéra ses affaires et sortit du hangar. Les joues pourpres, il salua de loin Jenny en train de se doucher en bikini avec l’aide du colhomard de Fry et se dépêcha de s’éloigner pour ne pas attenter à la pudeur de son amie. Quelques minutes plus tard, Jessy sortit des toilettes le ventre plus léger. Alors que Jessy relisait son carnet de notes posé sur la table, elle réalisa que quelqu’un avait modifié la chanson. Elle fronça légèrement les sourcils, plus intriguée que réellement contrariée. D’une voix forte, elle interpella Fry toujours dans la cuisine de la salle de pause.

« Eh Fry ! C’est toi qui as écrit sur mon carnet ?

- Hein ? Non.

- Ah. Bon ça doit être Jenny alors. » Dit simplement Jessy dans un haussement d’épaules. Elle n’était pas du genre à se poser des milliers de questions et puis sa chanson lui plaisait mieux comme ça.

Les jours s’écoulaient paisiblement dans ce nouveau pied-à-terre radicalement différent de l’hôtel de luxe qu’était l’Etoile de Jade, pourtant le hangar de Scott était vraiment cool et les anciens bureaux de la Team Rocket transformés en dortoir étaient plus douillets qu’ils n’y paraissaient au départ. Jessy était plutôt sans gêne et dès que Scott leur rendait visite, elle se précipitait vers lui pour lui demander un service. Même Jenny, la séduisante manipulatrice, trouvait qu’elle abusait de leur hôte.

« Eh Scott ! Tu serais pas doué en informatique aussi ? Lui demanda Jessy alors qu’il venait à peine de les rejoindre au hangar.

- Ah, beuh… Je me débrouille, pourquoi ? »

Jessy s’avança vers lui d’un pas décidé.

« On a besoin d’un site internet !

- Euh… Ok. »

"Pas besoin d’être bon en informatique pour ça…" Songea Scott.

Il s’installa dans le vieux bureau avec son ordinateur portable et le commandant Jessy derrière lui. Très vite, les deux autres musiciens vinrent aussi s’agglutiner derrière Scott pour donner leur avis. Le monde était hyper-connecté, tout le monde avait internet sur ses appareils électroniques dans les zones habitées par des humains, alors même dans le hangar perdu de la Team Rocket, Scott accédait au web. En quelques minutes, Scott put créer la matrice d’une page perso des Train Twins et un compte lié sur les principaux réseaux sociaux.

« Vous avez des photos de vous ?

- Non, mais on devrait pouvoir en récupérer auprès d’Alexandra et de Madame Marlyn. »

Scott était un peu surpris, le culte de l’apparence et de l’image apparut au début du vingt-et-unième siècle était toujours d’actualité, alors tout le monde avait au moins une ou deux photos de soi à exhiber quand l’occasion se présentait.

« D’accord… Le mieux ce serait d’utiliser vos propres téléphones à partir de maintenant, à moins que vous ayez un ordinateur ou une tablette, dans ce cas…

- On n’a rien de tout ça, le coupa Jenny. C’est pour ça que Jessy t’as demandé de l’aide.

- Vous n’avez pas de smartphone ? S’étonna Scott avec de grands yeux ronds en regardant alternativement Jessy et Jenny.

- Jessy tient à ce que maman ne puisse pas nous appeler n’importe quand, dit simplement Jenny avec un petit sourire gracieux. On aime bien vivre coupées du monde de temps en temps.

- Laisse tomber vieux, Célébi les a téléporté depuis l’ère Meiji, se moqua Fry.

- Ca va être compliqué pour vous de gérer votre page sans smartphone… Insista Scott.

- Moi j’ai un smartphone si tu veux, même si c’est un vieux modèle, intervint de nouveau Fry en sortant son téléphone de sa poche.

- On va faire avec… » Scott prit le téléphone de Fry pour le configurer.

Jenny réfléchit en se tenant le menton.

« Hum… Je suppose qu’on peut investir dans un nouveau téléphone et nous abstenir d’en parler à maman. Mais on va devoir gérer l’abonnement nous-même.

- Avec le prix du tournoi du Mont Braise je devrais avoir assez, tout baigne.

- Si on dépense tout ce qu’on gagne à chaque fois qu’on a une rentrée d’argent on arrivera jamais à économiser pour partir à Kalos ! » Rouspéta Jenny.

Quelques minutes plus tard, Scott rendit son téléphone à Fry et agita son propre téléphone dans sa main.

« Voilà ! J’ai synchronisé le téléphone de Fry et le mien avec votre profil.

- Eh bien félicitations Scotty, te v’là officiellement le community manager des Train Twins ! Déclara Jessy avec bonne humeur.

- Tu m’as appelé Scotty ? Dit le blondinet dans une grimace de malaise.

- Il faut l’excuser, dit doucement Jenny. Jessy n’est pas vraiment reconnue pour son savoir vivre.

- Non-non, ce n’est pas grave, ça me fait juste bizarre : il n’y a que ma mère qui m’appelle Scotty.

- Bon c’est pas tout ça mais nous il faut qu’on répète, sinon on ne sera jamais au point pour notre prochain concert ! Scotty, on te laisse gérer pour les photos !

- Euh… Quoi ? »

Fry et Jessy retournèrent à leurs instruments en plantant Scott et ses supports multimédias. Jenny poussa un petit soupir de compassion. Jessy traitait Scott comme elle la traitait elle : à chaque fois qu’il fallait faire quelque chose de plus ou moins intellectuel ou qui nécessitait de rester coller à un écran, elle déléguait à quelqu’un qu’elle estimait plus intelligent qu’elle. D’une certaine manière, c’était plutôt flatteur pour Scott, ça signifiait que Jessy reconnaissait son intelligence et ses compétences, mais elle se comportait toujours comme une petite cheffe autoritaire et exigeante.

Après la répétition, Fry se rendit aux toilettes et il passa par le bureau-dortoir où se trouvait Scott. Les deux jeunes hommes étaient très différents, alors l’un comme l’autre ne savaient pas trop comment s’aborder pour faire la conversation, ce que Fry regrettait un peu. Scott étant la seule présence masculine dans les parages, il avait envie de faire connaissance mais pour l’heure le blondinet n’avait pas l’air dans son assiette. Il était toujours en train de s’occuper du site du groupe.

« T’en fais une de ces têtes. Il se passe quoi ? Demanda Fry en remarquant l’expression déconfite de Scott.

- Euh… T’as… T’as déjà regardé ce que les gens disaient sur les jumelles sur les réseaux sociaux ?

- J’regarde déjà pas ce qu’ils disent sur moi, alors c’est pas pour m’intéresser à ce qu’ils disent sur les filles. C’est quoi le problème ?

- C’est… C’est choquant. La plupart parlent de… De… » Le visage de Scott s’embrasa en une seconde. Comme les mots ne sortaient pas il voulut l’indiquer avec des mimes mais c’était encore pire. Dans les gesticulations ridicules et coincées de Scott, Fry en déduit qu’il voulait parler des seins et des fesses. Avec un sourire blasé et un haussement d’épaules, Fry répondit à Scott.

« Ouais ben elles sont canons et les gens se sentent obligées de l’écrire avec leur prose perso. Qu’est-ce qu’on y peut ? »

La bouille de Scott se gonfla comme des joues de rongourmand contrarié. Il brandit son smartphone sous le nez de Fry qui vit le hashtag "Janetouchmyballs" avec des photos de leurs concerts sur l’île Citrus.

« Tout le monde n’a pas forcément de talent pour les jeux de mots… » Dit simplement Fry avec un sourire confus. Il aperçut dans un onglet une photo de lui devant sa batterie, son torse nu luisant après la douche froide de son colhomard en arrière-plan. Son sourire se crispa encore un peu plus, il commençait à comprendre pourquoi Jessy avait râlé et pourquoi Scott s’agitait. Le compteur des like dans l’angle de sa photo indiquait 11k.

"Par pitié, y a quand même onze mille personnes qui ont vu cette photo et qui en plus l’ont liké ?" songea Fry.

« Mais… Mais ce sont des dresseuses, reprit finalement Scott en récupérant son téléphone avec amertume. Il y a quand même d’autres trucs à dire, je ne sais pas moi ! Sur le niveau de leurs pokémon ou sur la technique musicale de ton ramboum… Là au mieux ce que je trouve ce sont des sondages pour demander si le plus kawaï c’est Pit ou Chu…

- Bienvenue sur internet Scott. » Lâcha Fry en lui tapant sur l’épaule. Scott se massa la clavicule après le départ de Fry, il lui avait presque fait mal. Toujours contrarié mais se sentant investi d’une mission d’ordre morale et éthique, Scott passa des heures à récupérer et trier des photos. Se construire une image publique est une chose complexe et Scott n’avait jamais eu l’occasion de s’atteler à cette tâche, il ne savait même pas s’il était capable de le faire, mais il se laissait guider par sa propre vision des Train Twins. Jenny n’était pas un objet ou un bout de viande, pas plus que Jessy ou Fry d’ailleurs. Et il admirait beaucoup leurs pokémon, lui qui était si nul en combat, il avait envie de mettre en valeur ce talent. Il prit lui-même de nouvelles photos du groupe pendant leurs répétitions dans le hangar. Inconsciemment, il avait tendance à prendre plus de photos de Jenny et de Ramboum. Quand Fry s’en aperçut, il se demanda pourquoi. Pour Jenny la réponse était évidente mais pour Ramboum cela restait très mystérieux… Sur une suggestion de Jenny, ils prirent plusieurs clichés avec pijako.

Quelques jours passèrent et un matin, alors que Scott venait leur rendre une nouvelle visite, ce ne fut pas Jessy mais Jenny qui se précipita vers lui pour lui demander un service alors que Fry dormait encore et que Jessy s’entrainait avec tengalice dans le pré derrière le hangar.

« Scott, tu veux bien m’accompagner en ville ? Demanda gentiment Jenny.

- Ah euh oui bien sûr !

- Merci beaucoup, j’ai besoin de quelqu’un qui connait les lieux.

- Tu as besoin de quelque chose en particulier ?

- Dimanche, c’est notre anniversaire, je voudrais trouver un cadeau pour Jessy et acheter un gâteau.

- C’est votre anniversaire ?!? » S’exclama Scott de façon un peu démesurée, il se sentit ridicule en s’en rendant compte. Jenny lui sourit avec bienveillance. En parfait gentleman, Scott conduisit Jenny dans la petite ville touristique de l’île cinq. Il se montra patient et attentif. Les boutiques étaient peu nombreuses alors Jenny ne consacra pas des heures au shopping. Comme il n’y avait aucun accessoire pokémon digne de ce nom dans les magasins, elle acheta une paire de gants mitaines noire comme Jessy les aimait, les siennes commençaient à s’user. Elle commanda ensuite un gâteau dans une pâtisserie. Scott mourait d’envie d’offrir un cadeau pour l’anniversaire de Jenny mais il ne trouvait pas poli d’offrir un présent à Jenny et pas à Jessy. Or, il n’avait pas du tout la même relation avec l’une et l’autre. Il avait peu d’amis proches et il n’y avait aucune fille dans le lot, pas plus qu’il n’y avait de frères jumeaux, alors cet évènement était un casse-tête hors de ses compétences.

Le jour de l’anniversaire des jumelles, Fry se leva à l’aube pour une fois, avant les filles. Il en était capable, il l’avait déjà prouvé lors de son escapade volage avec Azura. Il sortit du hangar et s’en alla vers le nord, dans le grand pré de l’île cinq en compagnie de sa luxray. Il chercha un endroit fleuri, ce qui était compliqué en plein été, la plupart des fleurs poussent au printemps. Il s’enfonça loin dans les bois et il finit par trouver dans un bosquet un champ de fleurs sauvages à plusieurs essences. Il traversa les hautes herbes en s’écorchant les mollets au passage sur des ronces. Il n’était pas habitué à une telle végétation dans l’Archipel Orange, mais il avait gardé son short vu que c’était la belle saison. Il commença à cueillir des fleurs en sifflant la chanson de Jessy avec légèreté.

Brusquement, sa luxray bomba son buste et dressa les oreilles en grognant. Fry lui jeta un bref coup d’œil sans s’inquiéter plus que ça, il se disait qu’il devait y avoir un pokémon sauvage dans les parages. En réalité, ce n’était pas un pokémon isolé mais une meute entière de persian.

« Maow…

- Miaaw…

- Graww… »

Fry se redressa, les fleurs à la main. Il regarda autour de lui, les bêtes étaient en train de les encercler lui et Luxray. Sa pokémon se mit à grogner de plus bel en hérissant son poil chargé en électricité. Elle grésillait comme une ampoule en train de griller.

« Eh les matous ! Lança Fry d’une voix calme mais forte. Je vous veux pas de mal alors lâchez nous les baskets ok ? J’ai compris que c’est votre territoire, on va s’en aller.

- Lux-raw…

- Miaow !

- Raow… Mia-raow ! »

Le miaulement rauque et grave des persians perturba Fry, Katy était nerveuse.

« Roh non… C’est les chaleurs, ils sont en rut. »

Soudain, l’un des persians se jeta sur luxray et lui mordit le cou, il voulait l’immobiliser pour pouvoir la chevaucher et la féconder, le fait qu’il fasse une demi taille de moins qu’elle ne semblait pas le perturber. La luxray non consentante se défendit avec ses crocs-éclairs et paralysa le félin qu’elle envoya ensuite valdinguer dans les fougères. Les autres persians s’excitaient autour d’elle et de son dresseur, certains feulaient d’un air menaçant contre Fry. Le jeune champion soupira bruyamment, il n’avait pas envie de leur faire du mal mais il n’y avait plus d’autre solution… En plus, vu la hauteur du soleil dans le ciel, il devinait qu’il était à la bourre.

« Tant pis pour vous les minets… Katy, coup d’jus. »

La seule difficulté pour Katy était d’épargner son dresseur, alors elle lança une première vague électrique vers l’est et foudroya six persians dans une même attaque. Elle fit ensuite volte-face et contourna son dresseur pour électrocuter le reste de la meute vers l’ouest. Son attaque était d’une puissance phénoménale, pourtant il ne s’agissait que d’un coup d’jus. Les douze persians étaient tous évanouis sur le sol. Fry soupira à nouveau, désolé pour les félins. Luxray grogna une dernière fois, soulagée. L’air était chargé en électricité statique désormais et Fry avait les cheveux hérissés. Il caressa Katy, ce qui ne fit qu’empirer son brushing.

« Ray…

- Merci Katy. Désolé pour la balade pourrie.

- Ray ! »

Elle se frotta contre lui et il lui glissa une fleur rouge dans le pelage derrière les oreilles. Avant que les fauves ne se réveillent, il ramassa encore quelques fleurs pour étoffer ses bouquets, celles qui avaient été épargnées par les persians et le coup d’jus. Puis, avec sa pokémon, ils empruntèrent le chemin en sens inverse. A son retour au hangar, Scott était déjà arrivé et il avait eu le temps d’aller récupérer le gâteau de Jenny. La rouquine avait dressé la table et sorti les bougies. Pit et Chu s’agitaient autour, impatients d’avoir des trucs bons à se mettre sous la dent. Sa luxray s’en alla se coucher sur une couverture que Scott avait étendue sur le sol pour les raichus des jumelles.

« Bah t’étais où ? » Demanda Jessy à Fry avant de remarquer ses cheveux ébouriffés, ses mollets couverts de griffures et ses chaussures sales. Fry s’avança vers les jumelles avec deux bouquets de fleurs sauvages rouges, roses et blanches et son sourire de lover.

« Joyeux anniversaires. »

Jenny prit le bouquet face à elle en lui adressant à son tour un sourire charmant.

« Merci… Tu as été les cueillir toi-même à ce que je vois.

- Oui. Je suis désolé de ne pas pouvoir faire mieux mais vu l’état de mes finances… »

Il regarda ensuite Jessy, elle fixait le bouquet dans la main de Fry avec circonspection. Elle ressemblait à un poussifeu qui aurait trouvé des bretelles. Jenny lui tapota discrètement le flanc pour l’inciter à prendre le bouquet. Elle s’en saisit sans savoir comment réagir, c’était la première fois que quelqu’un lui offrait des fleurs. Quelque part au plus profond de son âme elle était un peu émue, d’un autre côté elle trouvait ça super cul-cul, mais au final elle était quand même contente que quelqu’un d’autre que Jane lui souhaite son anniversaire pour une fois. Ce n’était pas arrivé depuis des années.

« Merci… » Finit-elle par dire avec un léger sourire, cela suffit à contenter Fry. Scott était toujours nerveux, même si le fait d’avoir laissé Fry offrir son cadeau en premier l’allégeait d’un certain poids. Il hésita longuement et se décida enfin à s’approcher de Jessy. La rouquine fut encore plus surprise lorsque Scott lui présenta à son tour un cadeau. Sans lâcher son bouquet, elle ouvrit la pochette qu’il lui tendait en tremblant comme un stalgamin, non pas par timidité mais par crainte : Jessy l’impressionnait beaucoup avec son caractère bien trempé. Jessy découvrit un livre de cuisine veggie. Elle cligna des yeux, perplexe. On ne lui avait jamais offert de fleurs mais on ne lui avait jamais offert non plus de livre de cuisine… Elle commençait à se poser des questions sur la nature sexiste de ces cadeaux. Comme elle ne disait rien, Scott couina pour combler ce silence qui l’angoissait.

« Jenny m’a dit que tu étais végétarienne alors j’ai pensé que ça pourrait toujours te servir un jour… Euh… »

Jessy réfléchit un instant, il avait raison. En camping c’était parfois compliqué pour Jenny de trouver de nouveaux plats pour sa sœur sans qu’elles se lassent. Avec Fry c’était devenu une vraie prise de tête, vu que le jeune homme avait l’habitude de manger de la viande à tous les repas ou presque, de bons petits plats mijotés originaux finiraient peut-être par le convaincre.

« Merci Scotty ! C’est super sympa ! » Déclara Jessy avec un sourire franc.

Elle coinça le livre sous le bras qui tenait les fleurs et lui donna une grosse claque dans l’épaule avec sa main libre. Le jeune homme se crispa sous le choc. Il grimaça un peu de douleur et frotta son bras… Par hasard, il croisa le doux regard de Jenny, elle attendait patiemment son propre cadeau. Ses tripes faisaient la danse-folle comme un spinda. Timidement, il tendit le deuxième paquet à Jenny. Elle s’en saisit en lui adressant un sourire adorable dont elle avait le secret. Son expression changea radicalement une fois l’objet déballé, elle ne perdit pas son sourire pour autant.

« Une boîte de tournevis ? » Dit Jenny étonnée, presque amusée en découvrant son cadeau. Dans le dos de Scott, Fry faisait une tête bizarre. Il fronçait les sourcils, souriait et grimaçait en même temps, il ne savait pas trop quelle expression adopter. Jessy se contenta d’hausser un sourcil en pensant à nouveau très fort "Mais c’est quoi ce type ?" Scott, malgré sa nervosité, essayait de défendre son cadeau.

« Je me suis dit que ça pourrait t’être utile pour réparer les pokéballs et ton pokédex. Enfin si besoin, euh… Désolé.

- Pourquoi désolé ?

- C’est un cadeau bizarre c’est ça ? » Couina Scott.

Jenny cligna lentement des yeux, le temps de la réflexion puis elle offrit un large sourire absolument magnifique à Scott.

« C’est… Le meilleur cadeau que j’ai reçu depuis Chu et Myria. »

Les joues de Scott s’embrasèrent, Jenny lui sourit en retenant un rire.

« Merci Scotty… »

Elle lui caressa le visage et cette fois le jeune homme en eut le souffle coupé.

« De… De rien… » Il s’écarta rapidement pour prendre sa ventoline. Pour tenter de calmer son émotion, Scott fila dans la salle de pause pour chercher de vieux verres pouvant faire office de vase pour les deux bouquets de fleurs. Jenny avec bonne humeur était en train de glisser quelques fleurs dans la queue de ponyta de sa sœur qui râlait. Fry découpait le gâteau, à peine eut-il servi des parts que Chu plongea son museau dans la crème. Le jeune homme sauva quatre morceaux pour les humains avant que Pit et Ramboum ne viennent reluquer avec envie le reste de la pâtisserie. Comme Scott lui avait suggéré, Jessy avait acheté un smartphone et l’avait offert à Jenny. La rouquine trouvait le cadeau disproportionné par rapport à sa petite paire de mitaines, mais Jessy s’en fichait, elle pensait aspect pratique et pas au coût des choses. Le modèle était récent et high-tech, mais elle avait pris un abonnement basique peu couteux. Au moins elles auraient de nouveau accès à internet et un moyen de capter photos et vidéos. Scott s’empressa de le configurer pour les réseaux sociaux des jumelles, comme il l’avait fait pour le portable de Fry. Pendant qu’il s’afférait autour du téléphone, Jenny faisait lentement tourner l’un de ses tournevis flambants neufs entre ses doigts en le tenant par la pointe.

« Tu veux essayer tes tournevis ? Demanda Scott avec un petit sourire presque filou tandis qu’il pianotait encore sur l’écran tactile du smartphone.

- Pourquoi pas, tu as un gadget à me proposer pour que je l’éventre ? Dit-elle doucement en souriant.

- Autre chose qu’une pokéball ?

- De préférence oui.

- Je crois que j’ai vu trainer un améliorateur quelque part…

- Je n’ai pas de porygon, ça ne me servirait pas…

- Sinon il y a un vieux multi-exp mais tu n’es pas encore prête pour t’attaquer à un appareil aussi complexe.

- Je suis comme ma sœur : je n’ai pas peur des défis, répliqua Jenny avec malice.

- J’aurais peut-être dû t’acheter un fer à souder alors… Un jour, je t’apprendrai à réparer les machines à transfert, mais je te préviens le chemin sera long et semé d’embuches ma jeune apprentie. » Plaisanta Scott.

Fry était toujours à côté d’eux à table, il écoutait la conversation avec attention, il la trouvait totalement improbable, à la limite du théâtre de l’absurde. Mais ce qu’il trouvait le plus surprenant, c’est la façon dont les deux ados avaient complètement occulté sa présence et celle de Jessy, assise par terre, en train de jouer avec les trois pokémon électriques. Fry, lui, était à peine à trois centimètres de Jenny et malgré cela elle l’avait oublié, il était comme devenu invisible. Quant à Scott, il ne voyait que Jenny. Même lorsque Scott fermait les yeux, il ne voyait qu’elle, le visage de la belle rousse ne sortait plus de son esprit.

En début de soirée, Scott rentra au centre pokémon de l’île cinq, il était comme un sucroquin flottant sur un petit nuage rose, il sentait encore la douceur et la chaleur de la paume de Jenny sur sa joue. Alors qu’il traversait le hall, l’infirmière Joëlle l’interpella. Comme il passait beaucoup de temps au hangar avec les Train Twins et qu’elle-même était débordée par le travail, elle avait du mal à trouver le temps de lui parler.

« Scott ?

- Oui infirmière Joëlle ?

- Tu pourrais te rendre sur l’île sept ? Ma cousine m’a appelé, elle a besoin de tes services au centre pokémon de l’île. L’été tous les dresseurs se pressent à la tour de combat et ses appareils risquent de tomber à panne à tout moment. Il faut que tu fasses la maintenance au plus vite.

- Entendu, je vais regarder les horaires des ferries.

- Merci beaucoup Scott ! » Lui répondit l’infirmière Joëlle avec reconnaissance.

Scott aimait beaucoup son job de gestionnaire du réseau Léo (surnom donné à toutes les machines de transfert et d’échanges pokémon), mais ce soir-là il eut un pincement au cœur à l’idée de devoir changer d’île, car cela l’éloignerai de Jenny. Cette annonce lui mina le moral alors qu’il avait passé une excellente journée. Lorsqu’il retourna voir Jenny et ses compères le lendemain, il affichait une petite mine triste.

« Bonjour Scott ! Lança joyeusement Jenny avec son sourire enjôleur.

- Salut Scott !

- Tiens salut, ça va ce matin ? Demanda poliment Fry, à peine réveillé, les cheveux en pagaille.

- Bonjour, euh… Je vais devoir m’absenter quelques temps. Je vous laisse le hangar.

- Oh, fit tristement Jenny. Je ne m’attendais à ce que tu partes aussi brusquement… Tu vas où ?

Ces mots firent rougir Scott dans une bouffée de joie et d’optimiste.

- Je dois me rendre sur l’île de l’infinité, l’infirmière Joëlle a besoin de moi là-bas.

- L’île de l’infinité c’est bien celle avec la Tour Dresseur ? Demanda Jessy à sa sœur.

- Oui c’est celle-là. Tu vas prendre le bateau ? S’étonna Jenny.

- Oui, ça a l’air de te surprendre.

- Tu sais qu’on doit aller sur cette île nous aussi. Tu pourrais nous accompagner sur le dos de Wailord. Ce serait chouette d’y aller tous ensemble ! Termina Jenny avec un grand sourire radieux, celui de Scott s’ébranla quelques peu.

- Euh… Voyager jusqu’à l’autre bout de l’archipel sur le dos d’un pokémon ? Ce n’est pas un peu dangereux ?

- Tu plaisantes ? S’écria Jenny en retenant un petit rire. T’as une idée du nombre de dresseurs qui font ça ?

- Mais je ne suis pas un dresseur. Ça ne donne pas trop le mal de mer au moins ?

- Roh, arrête de faire ta froussardine ! » Fit Jenny en lui donnant une petite tape familière dans le ventre, Scott en eut des frissons, mais il n’était toujours pas rassuré pour cette histoire de voyage à dos de pokémon. Jenny s’en rendit compte et elle lui fit les yeux doux, il était incapable de résister à un tel regard.

« Tu ne veux pas voyager avec nous ? » Demanda Jenny. Le regard implorant, la petite moue et les lèvres gonflées de Jenny déglinguèrent tous les circuits mentaux de Scott plus efficacement qu’une onde folie de noctunoir.

« Si ! Si, bien sûr que si ! S’empressa-t-il de répondre, Jenny retrouva son sourire habituel

- Eh bien voilà !

- Elle a besoin de toi très vite l’infirmière ? Demanda Jessy avec un ton nettement moins jovial.

- Ah-eub, oui plutôt oui…

- Hum. J’aurais préféré qu’on répète encore un peu ici.

- Ne t’en fais pas Jess, on trouvera bien une autre solution, on trouve toujours ! La rassura Jenny.

- Ok ok… Soupira Jessy. On décollera après-demain alors. »

En leader, Jessy ne laissait pas trop le choix de la date à ses partenaires, pas même à Scott qui était pourtant le seul à avoir des urgences à gérer sur l’île sept. Après cette annonce, elle ordonna à Fry, Jenny et Ramboum de venir répéter. Le batteur et son pokémon obéirent sans rechigner. Jenny adressa un clin d’œil charmant à Scott et fit un détour par le coin cuisine pour ranger la vaisselle du matin avant de s’y mettre elle aussi. Le blondinet de son côté luttait pour garder les idées claires, il profita que Jenny soit isolée pour réclamer quelques précisions.

« Pourquoi veux-tu absolument que je vous accompagne ?

- Quelle question ! S’exclama Jenny, étonnée par la question. Parce que t’es sympa et qu’on s’entend bien. »

Les joues du garçon s’embrasèrent à nouveau.

« Et… C’est tout ?

- Un peu de compagnie masculine fera du bien à Fry et je crois que ma sœur t’aime bien elle aussi, ajouta Jenny.

- Jessy ? Elle… Scott baissa d’un ton avant d’avouer : Elle me fout un peu la trouille.

Jenny éclata de rire.

- Ah ah ! Ne t’en fais pas, ça passera… Ou pas. Elle fait cet effet-là à tout le monde, c’est pour ça qu’elle finira vieille fille ! Mais surtout ne lui répète pas, elle me tuerait d’abord et viendrait te trucider ensuite.

- Message reçu, cinq sur cinq… » Répondit Scott avec un sourire effrayé.

A suivre…