Les Train Twins

Chapitre 7 : Sulfureuses

6686 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 30/09/2021 23:56

Chapitre 7


Sulfureuses

 

Jenny était installée sur la terrasse du centre pokémon, elle lisait avec attention un article du magazine Poké-science sur les nouvelles mégaévolutions découvertes à Kalos, assise devant une table en rondins. Elle avait mis une longue jupe et un débardeur rouge très ample qui cachait ses formes. Pas besoin d’être sexy aujourd’hui, elle voulait être tranquille pour étudier et les dragueurs du dimanche la gêneraient plus qu’autre chose. Elle arrivait à l’avant dernière page quand soudain…

« Dddzzzooooooooooonnnnngggg !!! »

Elle sursauta et le magazine se referma sous une petite rafale de vent marin. Elle se retourna machinalement. Le tapage continuait et provenait sans surprise de l’intérieur du centre. Au bout de quelques secondes, elle reconnu le début de "Hightway to Hell". Jenny se massa l’arête du nez.

« Ça y’est, c’est reparti… » Soupira-t-elle.

Elle tenta de rouvrir sa revue pour terminer son article, mais des pas claquèrent sur le bois de la terrasse derrière elle et la firent se retourner à nouveau. Encore une fois, sans surprise, c’était l’infirmière Joëlle qui la regardait avec un regard suppliant intense. Jenny se leva, résignée.

« Oui, je vais lui parler infirmière. »

Jenny rentra dans le centre avec son magazine sous le bras, suivie de près par Joëlle. Dans le hall d’entrée, les rares pensionnaires humains pestaient dans leurs moustaches. Elle comprenait leur énervement mais aussi leur lâcheté. S’opposer à ELLE, n’était pas chose facile. Quelques pokémon paniqués couraient dans les couloirs ou criaient à travers les portes. Un laporeille affolé se jeta entre ses jambes, tourna deux fois autour d’elle avant de se ruer dans le couloir latéral. L’infirmière décida de le rattraper et Jenny continua seule sa marche vers sa chambre. Le son de la guitare était de plus en plus fort. Lorsqu’elle ouvrit la porte de sa chambre, elle crut devenir sourde.

Les mains plaqués sur les oreilles, elle s’approcha de sa sœur qui ne la voyait pas, trop concentrée à détruire le bâtiment à l’aide de ses effets sonores. Jenny se baissa et arracha d’un mouvement sec le câble reliant la guitare à l’ampli. La musique s’arrêta net après un dernier son stident de magnéti.

« Eh ! » Protesta Jessy, elle venait seulement de remarquer la présence de sa jumelle. La fenêtre était grande ouverte et Fry passa sa tête par l’ouverture.

« Il se passe quoi ? »

Comme il n’était pas possible de rentrer toute sa batterie dans la petite chambre, il s’était installé sous la fenêtre ouverte.

 « On n’est pas sensé jouer de la guitare électrique dans un hôpital. Les pokémon ici ont besoin de calme ! Les sermonna Jenny.

- Et tu veux qu’on répète où ? D’ailleurs qu’est-ce que tu fous depuis ce matin ? On t’attend nous !

- Je bosse ! Dit Jenny les bras croisés en essayant d’avoir l’air sérieux d’une étudiante modèle. Vu que Fry habite dans l’archipel, je pensais qu’on pourrait rester un peu chez lui pour répéter…

- Parce que tu crois que mon père a envie de vous avoir sur le dos toutes les deux tous les jours ? Je ne le déteste pas au point de lui imposer ça ! Répliqua Fry, accoudé au rebord de fenêtre, en se retenant de rire.

- Ça aurait été plus pratique pourtant… » Soupira Jenny.

Les trois ados avaient quitté l’île Pomelo pour retourner à Hamlin. Fry avait hâte de quitter pour de bon l’Archipel Orange, mais avant cela ils devaient préparer leur nouvelle vie. Pour commencer, ils s’étaient rendus au Yellow Froussardine pour acheter des instruments. Ce fut une nouvelle occasion pour Fry d’apprendre à connaître les jumelles, leurs goûts et leurs personnalités. Il comprit assez vite que pour être pénard avec Jessy, il fallait lui parler musique et surtout écouter son avis avant de donner le sien. Ils avaient ainsi composé ensemble la batterie de Fry en kit fusion. Jessy avait essayé plusieurs guitares avec un niveau d’exigence nettement exagéré par rapport à leurs besoins, ils n’étaient pas des débutants mais presque, sauf que Jessy était perfectionniste et bornée, obsessionnelle même parfois. Au grand dam de Jenny, Jessy boudait les Yamaha Pacifica pourtant faciles d’utilisation et peu onéreuses, elle avait fini par se décider - sans grande surprise - pour une Strat (Fender Stratocaster) issue d’une gamme des années précédentes et de fait soldée. Pour la guitare basse, Jenny n’avait pas envie de faire de chichi, elle aurait pris la première venue si sa sœur ne s’en était pas mêlée. Ils achetèrent en plus les amplis, les malles et le reste des accessoires nécessaires. Jenny eut un pincement au cœur en donnant toutes leurs économies au vendeur du magasin de musique, c’était son passeport pour Kalos qui disparaissait comme une illusion de zoroark. Elle se disait qu’elle allait se consoler dans les bras de Fry et qu’ils s’amuseraient bien tous les trois à jouer les saltimbanques sur la route vers Sinnoh. Ils étaient désormais suréquipés, au point que leurs six bras ne suffisaient pas pour porter le matériel. Ils avaient appelé braségali, lockpin, tengalice, ramboum et le scarhino de Fry pour les aider. De l’avis général, un mackogneur aurait été le bienvenu. L’infirmière Joëlle avait fait les gros yeux en voyant les trois ados débarquer avec tout ce bazar qu’ils stockèrent dans la chambre attribuée à Fry et qui était initialement prévue pour deux dresseurs. Jessy n’avait pas pu résister à l’envie d’essayer les instruments, Fry s’était laissé embarquer et l’infirmière Joëlle s’était laissée déborder… Le jeune ex-futur-champion de la Ligue Orange extirpa Jenny de ses réflexions.

« Petite question les Train Twins : vous avez des relations aussi mauvaises avec tous les dresseurs que vous avez affrontés qu’avec mon père ?

- Bien sûr que non ! S’offusqua Jessy, elle n’avait pas perçu le fond humoristique de la question.

- Très bien, alors j’ai pt’être une idée pour régler ce problème. »

Fry expliqua son idée aux jumelles avides de l’écouter et, aussitôt emballées, ils embarquèrent à trois sur le dos du tortank de Jenny en direction de l’île Citrus. Par chance, c’était l’île la plus proche. Fry s’efforça de rester de marbre sur le trajet alors que la paire de belles rouquines était collée à lui. Il arrivait assez bien à faire abstraction du corps de Jessy lorsqu’ils n’étaient que tous les deux sur dracaufeu, le vertige de l’altitude et les menaces de Jessy aidant passablement, mais avec Jenny en plus dans l’équation le contexte devenait nettement plus émoustillant. Jessy semblait se moquer de cette proximité, mais Jenny profitait allègrement de la situation en relâchant ses épaules contre le torse large et musclé du jeune homme. En moins de deux heures, les trois adolescents avaient accosté sur l’unique plage publique de l’île, toutes les autres appartenaient à des hôtels de luxe. C’est précisément dans un de ces palaces que nos amis se rendirent à pieds, une fois tortank rangé dans sa pokéball. L’Etoile de Jade était le nom d’un hôtel de haut standing qui accueillait aussi l’arène d’un des quatre champions de la Ligue Orange. Contrairement aux autres arènes du pays plus indépendantes, les arènes de l’Archipel Orange étaient privées et appartenaient à des familles de dresseurs qui se les transmettaient de génération en génération. En contrepartie, comme Fry l’avait expliqué aux jumelles, les rentrées d’argent public étaient beaucoup plus modestes dans les arènes de l’archipel que dans celles de Johto, Kanto, Hoenn et Sinnoh. L’arène de l’île Citrus appartenait ainsi à une famille d’hôteliers et était installée dans leur établissement : l’Etoile de Jade. La championne actuelle, Alexandra, était une femme âgée d’une soixantaine d’années qui avait épousé Quentin, le fils de Luana l’ancienne championne. Malheureusement décédée, la championne avait légué son hôtel et son arène à son fils et son épouse. Malgré son titre de maître pokémon, Quentin avait choisi de se concentrer sur le business des hôtels de luxe et c’est sa femme, Alexandra, qui s’occupait de l’arène. Alexandra avait gardé un bon souvenir de son double combat contre les jumelles, car elles avaient toutes les deux des pikachu à l’époque et cela lui rappelait son époux lors de leur première rencontre quarante ans auparavant au Mont Lanakila, dans l’archipel d’Alola. Jenny se souvenait de cette histoire, elle avait donc demandé à sa sœur de laisser sortir Pit et elle-même avait sorti Chu, histoire de gagner quelques points de sympathie dès leur arrivée. Lorsque Fry et les jumelles se présentèrent à l’Etoile de Jade en précisant à l’accueil qu’ils étaient dresseurs et souhaitaient voir la championne, Alexandra fut appelée par ses employés. Elle accueillit chaleureusement le petit groupe, mais l’orgueil de Jessy en prit encore un coup lorsque la championne reconnut Fry en premier lieu.

« Fry Morgan, ça pour une surprise ! Comme tu as grandi !

- Bonjour Alexandra, vous aussi vous avez l’air en forme, vous n’avez pas changé depuis dix ans.

- Vil flatteur ! Tu es bien comme ton père !

- Vous vous souvenez de Jessy et Jenny ? »

Les deux rouquines saluèrent poliment la championne. Alexandra sourit de plus bel.

« Oh oui ! Les jeunes filles aux pikachu ! Mais eux aussi ont bien grandi à ce que je vois ! »

Elle s’agenouilla pour caresser les deux raichu venus la saluer.

- Rai rai !

- Chu !

- Quel bon vent vous ramène à moi jeunes gens ? Envie d’une petite revanche ?

- Non en fait je fais une pause dans les combats, avec les filles on a monté un groupe de musique et on cherche un endroit où répéter. Comme vous possédez un hôtel j’ai pensé que peut-être on pourrait emprunter votre salle de spectacle quand elle est vide.

- Je ne savais pas que tu étais musicien ! S’exclama Alexandra, agréablement surprise. Ce sera avec plaisir ! Vous pouvez même stocker vos instruments ici, à la consigne ils seront en sécurité.

- Merci infiniment Alexandra ! Déclara Fry avec son sourire charmeur.

- Oui merci beaucoup ! » Renchérit Jessy, de bonne humeur.

Jenny remercia à son tour Alexandra. La championne avait l’air de vouloir faire la conversation et ne semblait pas vouloir laisser repartir ses invités aussi vite.

« Alors laquelle d’entre vous est la petite-amie de Fry ?

- Aucune, enfin pour l’instant… Lança Jenny avec un sourire coquin.

- Et vous logez tous sur l’île Pomelo ?

- Non, on crèche sur l’île d’Hamlin, c’est le seul centre pokémon où l’infirmière Joëlle nous laisse rester plusieurs mois d’affilé.

- Vous comptez faire des allers-retours tous les jours entre Hamlin et Citrus pour répéter ?

- On n’a pas vraiment le choix, répondit simplement Jenny.

- Hum… »

La directrice de l’Etoile de Jade réfléchit un instant.

« Ecoutez, la haute saison n’a pas encore commencé, si ça ne vous dérange pas de faire chambre commune tous les trois je peux vous laisser occuper une chambre gratuitement. En échange, quand vous serez au point, vous pourrez venir jouer pour mes clients pendant le diner et faire un peu de publicité pour l’Etoile de Jade au port. Cela vous convient ? »

Les trois adolescents échangèrent des regards enthousiastes, ils hochèrent positivement la tête. Pour l’instant, tout se passait si bien et si facilement, qu’ils avaient du mal à y croire. De retour sur l’île d’Hamlin, se posa le souci de transférer à moindre frais tout leur matériel jusqu’à l’île Citrus. Jenny avait déjà une solution toute trouvée, mais elle appréhendait d’en parler à sa sœur. Elle était de si bonne humeur depuis plusieurs jours, elle s’en voulait de ruiner cette image positive qu’elle était en train de construire devant Fry. Réveiller le léviator n’était jamais plaisant pour personne, pas même pour Jenny… Alors qu’ils dinaient tous les trois dans la cantine du centre pokémon de l’île d’Hamlin, Jenny mit les pieds dans le plat.

« Pour déménager et voyager jusqu’à Sinnoh je vais avoir besoin de récupérer wailord et pour porter tout ce bazar tu ferais mieux de prendre ton galopa Jess.

- Okay mais tu appelleras maman toute seule ! J’veux pas lui parler et j’ai pas envie de tomber sur l’autre non plus.

- Jessy...

- N'insiste pas ! » Grogna Jessy avant de se lever de table sans terminer son dessert.

Fry cligna des yeux en regardant Jessy sortir de la salle à pas de mammochon.

« C'est qui "l'autre" ? Demanda Fry, intrigué.

- Franchement ça n’a aucun intérêt, commenta Jenny dans un soupir. Tu dois juste savoir que Jessy et maman sont en froid depuis des années.

- Ok… » Répondit simplement Fry qui se demandait comment on pouvait avoir de plus mauvaises relations que lui et son père, puis il réalisa qu’il parlait de Jessy, le léviator rouge du Bourg Palette. Son imagination découvrit de nouvelles limites.

Les deux adolescents s'approchèrent d’un visiophone. Fry n'avait jamais rencontré la mère des jumelles, alors il resta un peu en retrait pour ne pas s'incruster dans la discussion sans y être invité. Après trois sonneries, quelqu'un se connecta à la webcam. Une femme rousse en blouse blanche apparut à l'écran, comme les parents de Fry elle devait être à l’aube de la quarantaine. Quand il la vit, Fry se dit que dans sa jeunesse, la mère des jumelles n’aurait rien eu à envier à la beauté de ses filles. Adulte, elle était encore une femme magnifique, la belle Maude Morgan faisait pâle figure à côté de cette rousse volcanique, en chemise cintrée et blouse de doctoresse. Elle avait les mêmes cheveux roux cuivrés que Jenny, des yeux verts foncés, brillants et perçants comme ceux d’un léopardus, et le teint lumineux. Par contre, elle n'avait pas l'air d'avoir le sourire facile, la vue de sa fille réussit pourtant à lui donner une mine agréable, du moins pendant un court instant.

« Jane enfin ! Je me demandais quand tu allais appeler !

- Désolée maman, nous avons eu pas mal de contretemps ces dernières semaines.

- Rien de grave j’espère ?

- La routine, répondit Jenny évasive mais avec un sourire rassurant. On va bientôt quitter l’Archipel Orange et retourner à Sinnoh pour quelques temps.

- Sinnoh ? S’étonna la mère des jumelles. Pourquoi Sinnoh ?

- Il y a un festival de musique qui nous intéresse là-bas… Et puis niveau compétition c’est mort ici, alors Sinnoh ça nous semble être un bon plan.

- Mouais… » Dit la matriarche avec un regard suspicieux, même de loin Fry l’avait remarqué.

Il avait aussi remarqué le drôle de décor derrière la mère des jumelles. Elle travaillait dans un laboratoire cela paraissait évident, mais Fry avait l’impression de l’avoir déjà vu quelque part, pourtant il n’était pas du genre à lire beaucoup ou à regarder la télévision, en dehors de quelques clips musicaux ou de reportages sur les pokémon en streaming.

« Comme je suppose que tu vas me demander un service, ronchonna la femme en blouse, je prends les devants et je t’en demande un aussi : met à jour ton pokédex. Tu vas pouvoir récupérer des données pour moi à Sinnoh.

- Oui, si tu veux, on fera ça en même temps que le transfert des pokémon. J’ai besoin de Lord.

- Vous faites attention en naviguant hein ? Je suis déjà sidérée que vous restiez dans les îles Orange sans téléphone…

- Les îles Orange ? » S’écria une voix lointaine dans le laboratoire. Un homme beaucoup plus âgé que la mère de Jenny, aux cheveux longs et gris maintenus en arrière par un bandeau rouge, s’approcha de l’écran du visiophone. Jenny lui sourit avec gentillesse.

« Bonjour papi.

- Jenny ! J’étais sûr que c’était toi ! Toujours dans l’Archipel Orange alors ? » Demanda joyeusement le vieil homme en blouse blanche lui aussi. Ce type-là, Fry le reconnut très rapidement : c’était le professeur Jacky Léon, le "prof pokémon" de Kanto depuis que le professeur Chen avait pris sa retraite. En conséquence, la femme rousse en blouse et la maman des jumelles ne pouvait être autre que…

« Professeure Léon ! » S’exclama Fry à voix haute sans s’en rendre compte.

C’était le soir, Fry était fatigué et les pièces du puzzle s’étaient enfin agencées dans son esprit : Bourg Palette, laboratoire, professeurs pokémon… Les deux chercheurs cessèrent brutalement de parler en entendant quelqu’un crier leur nom derrière Jenny. La rouquine un peu étonnée de la réaction de Fry, le regarda un bref instant avant de l’inviter d’un mouvement de main à venir se présenter.

« Maman, papi : Jess et moi avons un nouveau compagnon de voyage : voici Fry Morgan, de l’île Pomelo…

- Euh bonjour professeurs-ze. » Dit timidement Fry en prononçant le "s" du pluriel pour insister sur le fait qu’il reconnaissait le statut des deux chercheurs. La mère des filles le toisa à travers l’écran, ce qui mit le jeune homme très mal à l’aise.

« Un compagnon de voyage hein ? Je crois que c’est la première fois que vous en avez un… Dit finalement la plus jeune des professeurs sur un ton lourd de sous-entendu.

- Allons Florine, sois aimable pour une fois… C’est une très bonne nouvelle ! Fit le professeur Léon sénior avec le sourire tordu d’un père n’ayant jamais eu beaucoup d’autorité sur sa fille.

- Disons que Jessy ne l’a pas encore mangé en ragout… » Répondit Jenny avec humour en espérant que sa mère ne termine pas le travail d’intimidation commencé par sa sœur sur Fry. Elle appréciait l’aide de son grand-père, mais il était toujours trop timoré pour avoir le dessus sur Florine. Lorsque Jenny reprit la parole sa voix se fit plus hésitante, cette nuance n'échappa guère à Fry et encore moins à la professeure Léon junior.

« Et il faudrait aussi Galop pour Jessy...

- Ah non ! La coupa férocement Florine. Si Jessy veut un de ses pokémon elle prend le téléphone et elle me parle en face à face ! Fille ingrate !

- Florine… Supplia Jacky.

- Maman, s’il te plaît…

- N’insiste pas ! »

Fry jeta un regard en biais à Jenny, elle semblait dépitée. Il ressentit une énorme vague d’empathie pour elle, ça ne devait vraiment pas être facile tous les jours d’être coincée entre Jessy et la professeure Léon junior.

« Je comprends d'où vient le mauvais caractère de Jessy, commenta Fry alors que Jenny avait enfin raccroché.

- Rah ne m'en parle pas, soupira Jenny avec agacement, on dirait un groret et son spoink ! »

Lorsque Jenny et Fry retrouvèrent Jessy en train d’entrainer mysdibule et aquali devant le centre pokémon, le jeune homme lança à son intention :

« Alors comme ça votre mère c’est la professeure Léon ?

- Ouais, et alors ? Aboya Jessy.

- Il fallait commencer par-là. Au moins les professeurs Léon je connais, ce sont eux qui donnent leur premier pokémon aux dresseurs de Kanto.

- Mon nom c’est pas Léon, c’est Ketchum ! Répondit Jessy avec un orgueil presque ridicule.

- Vos parents ne sont pas mariés ?

- Maman a gardé son nom de jeune fille pour profiter de la notoriété de papi, expliqua Jenny.

- Bon, t’as mon galopa oui ou non ? S’impatienta Jessy.

- Evidemment que non ! Pesta Jenny. Maman n’a pas voulu me le donner, elle veut que tu l’appelles toi-même.

- Rah mais qu’elle m’emmerde... »

Avec la démarche d’un bétochef, Jessy rentra dans le centre pokémon en laissant en plan ses deux pokémon, sa sœur et Fry. Quelques minutes plus tard, des cris et des insultes fusèrent dans le hall du centre pokémon et résonnèrent jusqu’à l’extérieur, leur indiquant que Jessy était au téléphone avec la professeure Florine Léon.

« Euh… C’est toujours comme ça ? » Demanda Fry en regardant une partie des visiteurs du centre s’enfuir en courant en jetant des regards angoissés par-dessus leur épaule.

« Oui… » Soupira Jenny en relevant à peine le nez de sa revue Poké-science qu’elle avait ouverte pour tuer le temps en attendant le retour de sa jumelle.

A côté d’elle, Médie et Misdy s’étaient assises et faisaient rouler un petit galet à tour de rôle l’une vers l’autre, comme une balle.

« C'est pour ça que vous n'êtes pas retournées au Bourg Palette depuis plusieurs années ? Reprit Fry.

- Entre autre... Pourtant ce n’est pas faute d'insister auprès de Jess pour qu'on y retourne, mais elle est plus têtue qu'un tarinor et ma mère a l’amabilité d’un drattak alors...

- Si tu veux, je peux en remettre une louche, proposa Fry sur un ton encourageant ce qui redonna le sourire à Jenny.

- Si tu te sens prêt à affronter la colère du léviator pourquoi pas… »

Enfin, tel un vétéran de la guerre, Jessy sortit du centre pokémon avec un air fatigué et sa main fermement resserrée autour de la pokéball de galopa.

« C’est bon, j’ai ! »

Le lendemain matin, Jessy et Jenny vidèrent intégralement leur chambre du centre pokémon, c’était un vrai déménagement, elles avaient accumulé tellement de vêtements et de livres qu’elles furent obligées d’aller racheter des valises supplémentaires. Les jumelles eurent un pincement au cœur en voyant la pièce vide qu’elles laissaient derrière elles. Fry écarquilla les yeux en voyant la quantité d’affaires, il finit par en rire en voyant son sac de voyage relativement léger au milieu de tous ces bagages sur le dos de Wailord. C’était un très grand sac de randonnée mais il paraissait minuscule à côté de tout le bazar des jumelles. Les pokémon du groupe ne riaient pas eux ; ils obéissaient à leurs dresseuses qu’ils aimaient profondément, mais alors qu’ils s’ennuyaient tous énormément depuis des semaines qu’ils passaient sans combat et sans entrainement, la seule activité qu’on déniait leur proposer était de porter les affaires des filles…

Une fois arrivés sur l’île Citrus, l’étrange cortège défila dans les rues jusqu’aux portes de l’Etoile de Jade où Alexandra, avertie de leur arrivée par Fry, les attendait personnellement. Les jumelles et Fry étaient tous les trois très connus dans l’archipel, du moins auprès de la communauté des dresseurs de Pokémon, alors certains passants les reconnaissaient. D’autres se demandaient qui pouvaient être ces beaux jeunes gens qui avaient les moyens de séjourner avec tout leur fatra à l’Etoile de Jade. Alexandra leur confia les deux clefs magnétiques de leur chambre d’hôtel et pendant qu’ils montaient dans l’ascenseur, elle escorta les pokémon du groupe jusqu’à la salle de réception pour y déposer les malles contenant instruments et accessoires.

Le trio, accompagné des deux raichus, pénétra dans le logement qu’Alexandra leur avait octroyé, il était situé au cinquième étage de la tour. Il s’agissait d’une suite familiale ; le petit seuil devant la porte d’entrée donnait immédiatement sur un salon spacieux, doté de trois grands canapés un peu vieillots mais encore très confortables, une télé grand écran, d’une table design et de ses quatre chaises, il y avait même un bar tout équipé. Les larges fenêtres donnaient sur la rue, comme la suite ne donnait pas sur l’océan, elle ne faisait pas partie des appartements à rénover en priorité. De chaque côté de la pièce, il y avait deux fois deux portes : vers l’est, l’une donnait sur une chambre junior avec deux lits jumeaux et l’autre sur de larges WC d’un blanc immaculé, vers l’ouest se trouvaient la salle de bain avec baignoire et douche ainsi que la chambre parentale équipée d’un lit king size. Les deux raichus des jumelles sautaient comme des fous sur l’un des canapés du salon tandis que Fry s’était laissé tomber en arrière sur l’immense lit double de la grande chambre.

« Je crois que je vais dormir comme un prince ! » Se réjouit le jeune homme.

En toute logique, les filles seraient obligées de prendre la petite chambre avec deux lits individuels.

« Besoin de la compagnie d’une courtisane peut-être ? » Proposa Jenny avec un clin d’œil fripon.

Les joues de Fry le chauffèrent, la rouquine n’avait décidément pas froid aux yeux. Jessy faisait le tour de l’appartement des yeux avec satisfaction.

« Je dois le reconnaître : c’est mieux que le centre pokémon.

- Ce n’est pas le même prix non plus, commenta Jenny avec amusement tout en jetant un coup d’œil aux tarifs prohibitifs du room service.

- Pt’être mais on ne paye pas, répliqua Jessy avec sourire.

- J’aurais dû vous rencontrer plus tôt ! » Lança Fry, il appréciait d’autant plus ce luxe que sa famille avait des revenus modestes. Il retourna dans le salon et jeta un coup d’œil au frigo du bar.

« Alexandra a pris les devants : il ne reste que les softs…

- C’est normal, on est mineurs, fit remarquer Jessy avec un sourcil haussé.

- A ce propos, tu as quel âge exactement ? Demanda Jenny tandis que Fry refermait la porte du frigo avec une pointe de déception.

- J’ai eu dix-sept ans en janvier, répondit Fry. Et vous ?

- On aura bientôt seize ans…

- Bon, trêve de bavardage ! Lança Jessy. On a fait le tour du proprio, il est temps d’aller s’occuper de nos instruments ! »

Jessy débordait d’énergie, Pit et Chu les piles électriques de l’équipe semblaient presque un peu mous en comparaison. Dans la salle de réception se trouvait une estrade qui servait de scène lors des galas. Alexandra les y attendait avec leurs pokémon heureux de s’être débarrassés de leur chargement.

« C’est ici que les clients viennent prendre leur diner, nous disposons d’une autre salle pour le petit déjeuner et le déjeuner alors vous pouvez vous entrainer ici jusqu’à dix-huit heures. Je vous demanderai juste de laisser les lieux propres et rangés, nous sommes un hôtel de standing. Et ne jouez pas trop fort, le son doit rester dans cette pièce, entendu ?

- Cinq sur cinq !

- Parfait ! Fit Alexandra avec un sourire enthousiaste. J’ai vu avec Quentin pour que vous ayez accès au spa et à la plage privée si vous avez envie de vous détendre. Et n’hésitez pas à faire un petit tour par l’arène si l’un d’entre vous a les pokéballs qui le démangent. Je serais ravie d’avoir un ou une adversaire coriace pour une fois ! »

Alexandra assista à leur première répétition. Sa surprise fut grande lorsqu’elle vit Ramboum avec ses amis musiciens. La directrice de l’hôtel n’était pas spécialement mélomane, mais à l’oreille, elle se rendit compte que malgré un talent relativement évident individuellement, les trois adolescents n’étaient pas encore coordonnés, elle ne pouvait pas prendre le risque de les laisser jouer devant ses clients trop tôt… La championne songeait qu’ils avaient peut-être besoin d’un objectif commun pour progresser rapidement. Après avoir bien observé les Train Twins, une idée germa dans son esprit.

« Au fait, j’ai une amie qui pourrait avoir besoin de vos services, vous m’autorisez à la contacter pour son spectacle ?

- Oui bien sûr ! Répondit Jessy avec enthousiasme.

- Parfait, je vous tiens au courant de sa réponse. »

Les pokémon étaient autorisés sur la plage privée de l’Etoile de Jade. Ce n’était pas le cas de la plupart des hôtels luxueux de l’île Citrus, mais lorsqu’un établissement sert également d’arène pour la ligue locale, il paraît difficile d’interdire l’accès aux pokémon. Cela faisait partie de l’image de marque de l’Etoile de Jade qui se présentait comme un hôtel spécialisé dans l’hébergement des dresseurs bourgeois. Après leur première répétition, les trois adolescents étaient allés contempler le coucher du soleil sur la plage avec tous leurs pokémon à l’exception de wailord qui ne pouvait pas nager dans les eaux peu profondes de la plage privée. Fry se mit torse-nu pour se prélasser sur une couchette en rotin près des flots. Malgré toutes ses lamentations sur l’Archipel Orange, il avait l’air très habitué à son climat paradisiaque. Jenny assise à sa droite savoura ce délicieux spectacle des pectoraux bronzés, imberbes, lisses et sculptés du jeune champion. Jessy, elle, n’y accorda que peu d’attention, en revanche elle semblait fascinée par les pokémon de Fry qui jouaient tranquillement devant eux. Ils n’avaient pas encore eu l’occasion de vraiment faire connaissance avec les pokémon des jumelles. Reniflements de postérieurs, jappements joyeux et cris stridents de provocation étaient de rigueur ce soir-là pour Ramboum, Colhomard, Scarhino, Luxray, Pashmilla et Békipan.

« Comment t’as fait pour obtenir tous ces pokémon si tu n’as jamais quitté l’archipel Orange ? Demanda Jessy que la question travaillait depuis un moment.

- La GTS, enfin the Global Trade Station de l’île Mandarine. J’ai échangé presque tous les pokémon que j’ai capturés là-bas.

- C’est vrai que les races de l’Archipel Orange sont très recherchées dans les pays éloignés du notre, commenta Jenny.

- Et tu n’as rien trouvé de mieux qu’un chuchmur ? »

Le ramboum se retourna et regarda la jeune fille avec une drôle d’expression, il devait être vexé. Fry lui sourit avec amitié.

« Je l’ai eu par échange mystère, juste avant que ce système soit interdit. C’est vrai que peu de dresseurs prennent la peine d’élever des chuchmur : un pokémon de type normal, assez faible dans son premier état… Mais moi je ne regrette pas ma petite trouvaille. Pas vrai John ?

- Ram ram ! Répondit le pokémon avec meilleure humeur.

- Franchement, tant mieux si les échanges mystères sont interdits maintenant, dit Jenny. Il y avait trop de maltraitance et de trafic de pokémon.

- Ouais je sais, mais c’est grâce à ce truc que des pokémon considérés comme faibles ou inintéressants par la plupart des gens trouvaient des dresseurs et des familles. »

Il sourit en regardant avec bienveillance son ramboum et sa pashmilla.

« J’aurais jamais rencontré John et Riha sans ça, alors moi je trouve ça naze d’avoir interdit les échanges mystères… »

Les jumelles ne répondirent pas, le point de vue de Fry se défendait. Jenny était sous le charme du garçon, il avait vraiment du cœur, quant à Jessy, elle commençait à l’apprécier sincèrement et ne regrettait pas son choix de l’avoir recruté. Un fin sourire commençait à naître sur ses lèvres, elle se leva et frappa dans ses mains pour attirer l’attention de ses pokémon.

« Bon aller ! Ceux qui veulent se bagarrer un peu avant d’aller au dodo venez ! Alexandra m’a donné son accord pour qu’on squatte l’arène !

- Rai rai ! » S’écria Chu qui accourut aussitôt vers Jessy. Pit le suivit : il n’allait bien évidemment pas laisser son frère s’entrainer seul avec sa dresseuse, même s’il était plus calme et modéré que Chu, il restait plutôt possessif et jaloux. Le lockpin et le braségali de Jenny semblaient motivés eux aussi, l’inactivité des dernières semaines les frustrait, ils avaient besoin de se défouler. Par loyauté pour leur entraineuse, Aquali et Mysdibule leur emboitèrent le pas. Puis, les pokémon de Fry, poussés par la curiosité, bougèrent à leur tour. Finalement, dans un mouvement massif, tous les pokémon finirent par suivre Jessy à la queue-leu-leu jusqu’au terrain d’entrainement.

« C’est pas le léviator rouge du Bourg Palette qu’il faut l’appeler mais la joueuse de flûte de l’île d’Hamlin… » Commenta Fry avec amusement.

Il regarda le troupeau s’éloigner avant de se rallonger sur sa paillasse en s’étirant et en fermant les yeux, il avait envie de se relaxer. Jenny en profita pour se glisser sur lui avec langueur. Le jeune homme se sentit brusquement mal à l’aise mais en même temps très excité. Son cœur battait plus fort, un mince filet de sueur commença à couler sur son front et il sentait des vagues de chaud et de froid lui traverser le corps en alternance. Malgré son jeune âge, Fry avait un joli palmarès de conquêtes féminines, mais aucune ne s’était jetée sur lui de la sorte. Jenny glissa sa main le long de son torse jusqu’à son menton et appuya son index sur le coin la bouche de Fry. Avec un sourire de déesse et une bouche rappelant indubitablement un lovedisk, la rouquine rapprocha son visage de celui du jeune homme. Elle murmura avec sensualité :

« Enfin seuls… »

Avec une passion plus brûlante qu’un cœur de pyroli, Jenny embrassa Fry sur la bouche tout en restant affalée sur lui en caressant son torse nu. Elle détacha ses lèvres une première fois, sourit et recommença à l’embrasser. Au début, le jeune champion se laissait porter comme un tylton au milieu des nuages, Jenny était vraiment très belle et elle embrassait bien, mais il finit par se ressaisir. Une fois ses ardeurs maitrisées par sa raison, il repoussa Jenny assez brutalement, en l’agrippant par les deux bras.

« Ça suffit Jenny. T’es super belle, t’es cool mais t’es vraiment trop entreprenante ! »

La jeune fille se releva doucement, un peu surprise au début, puis très vite elle retrouva un de ses sourires malicieux qui lui allait si bien.

« Eh bien… Sous tes airs de beau gosse tu es un grand timide. »

Fry se gratta la tête et retint un rire.

« Moi timide ? Non j’crois pas… »

Elle lui fit un clin d’œil et voulut se rapprocher à nouveau de lui, mais il l’arrêta avec sa main droite dressée devant elle.

« Non Jenny, arrête maintenant, lui ordonna-t-il d’une voix ferme.

- Pufff… Souffla Jenny, déçue. Dire que j’étais persuadée que je te plaisais… »

Fry se redressa pour avoir l’air plus sérieux.

« Ecoute : t’es jolie, en fait non t’es carrément canon, et tu es intelligente, et charmante, et tout ce que tu veux, mais on va voyager et même travailler ensemble en quelques sortes, peut-être pour un long moment. Si tu ne veux pas prendre le risque de foutre la merde dans le groupe et perdre le meilleur batteur de l’archipel, toi et moi c’est niet niet niet pour le moment, tu piges ? » Expliqua Fry sur un ton calme mais ferme. Jenny le regarda en croisant les bras, un sourcil haussé et sa voix avait brusquement perdue toute sensualité.

« Alors t’es timide et modeste quand ça t’arrange, sinon t’as facilement les chevilles qui enflent j’ai l’impression…

- Jenny steu’plaît, je te parle sérieusement là, ce sera trop compliqué si toi et moi on fricote ensemble, tu me comprends ?

- Cinq sur cinq ! Répondit Jenny joyeusement. Contente que tu sois dans l’équipe. »

Elle l’enjamba avec agilité pour se relever et après lui avoir adressé un petit signe de main, elle s’éloigna et le laissa tranquille. Fry soupira de soulagement et se laissa tomber en arrière sur la couchette. Il leva les yeux au ciel, il avait envie de prendre une bonne douche froide.

« Bordel… Les filles de Kanto ont de fichus tempéraments... »

Lorsque Jenny fut hors de sa vue et de son ouïe, elle lança un coup de poing rageur dans le vide à la manière de sa sœur.

« Eh merde ! Pour une fois qu’un dresseur est beau, sympa, célibataire et zicos, il faut qu’il soit coincé ! »

Malgré sa frustration, Jenny la séductrice n’avait pas dit son dernier mot.

 

A suivre...

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