Les Train Twins
Chapitre 5
Batteur tricheur
Le lendemain matin, les filles étaient en effervescence sur le chemin les menant à la scène dédiée aux improvisations du festival. La scène était libre le matin, les impro n’avaient lieu que l’après-midi. Avec ses jolies manières, Jenny avait convaincu les gars de la sécurité de laisser passer les musiciens qui voulaient auditionner.
« Il nous faut un batteur en priorité, on ne pourra rien faire sans !
- Je suis d’accord, mais un clavier serait aussi le bienvenu.
- Ouais, on va bien voir ce qui va s’présenter.
- Je ne m’en fais pas trop pour ça, répliqua Jenny avec un sourire coquin, on a toujours attiré les hommes comme un pot de miel attire les apitrini, et les musiciens sont chauds comme des flambino !
- Bon par contre je te préviens : les tenues affriolantes, les mini-jupes et les froufrous on oublie, hein !
- Il faudra bien faire un show Jess. C’est ce que le public attend, surtout avec des jolies filles comme nous.
- J’ai mon idée sur le show en question, nous ne sommes pas des dresseuses pour rien.
- Qu’est-ce que tu veux dire ? » Demanda Jenny en clignant des yeux.
Sa sœur lui répondit en souriant malicieusement.
« Tu verras bien… Oh merde, c’est quoi ça ? »
Jessy regarda la bouche grande ouverte la foule amassée devant la scène d’improvisation. Les filles comprirent assez vite que ce n’était pas des spectateurs, la plupart avaient apporté avec eux un instrument de musique. La masse ressemblait à un début de fanfare de village.
« Ils sont tous là pour auditionner ? J’y crois pas. »
Jenny remarqua vite la disproportion entre hommes et femmes parmi les candidats, elle devinait aisément ce qui les avaient poussé à venir et elle se mit à sourire à son tour.
« Je te l’avais bien dit… Je crois qu’on va bien se marrer ce matin, dit Jenny avec bonne humeur.
- Eh regardez c’est les Train Twins ! » Brailla un type visiblement enthousiaste.
La plupart des gens se retournèrent et les applaudirent. Jessy et Jenny les saluèrent de la main comme elles l’avaient fait avec le public venu voir leurs matchs contre Reese.
Un jeune homme galant leur avait préparé deux chaises devant la scène pour se poser et regarder les candidats. Jenny s’y assit en lui lançant un regard doux mais Jessy bondit sur la scène avec l’agilité d’un simiabraz. Elle vérifia que le micro était branché et allumé.
« Salut ! Merci d’être venus ! On va s’y mettre tout de suite ! Avant de commencer, vous nous donnez votre nom, votre pokémon préféré et précisez si vous savez jouer d’un autre instrument que celui que vous avez entre les mains, ça marche ? »
Il y eut un brouhaha lié à la curieuse demande pour le pokémon préféré, les candidats ne comprenaient pas l’intérêt de la question. Et puis quelqu’un beugla par-dessus le brouhaha :
« Et toi tu veux jouer de mon instrument ? »
Jenny se retourna en écarquillant les yeux, puis revint lentement vers sa sœur pour voir sa réaction. Jessy fit un signe discret à son raichu puis lança :
« Bah écoute, monte sur la scène et tu verras. »
Le poète du jour se dépêcha de venir, comme quoi il n’y avait pas que Jessy qui n’avait peur de rien. Un type qui devait avoir trois ou quatre ans de plus que Jessy monta sur la scène. Il arborait un bronzage parfait, une musculature entretenue et un tatouage de Rayquaza sur le bras gauche. Jessy avait jusque là la main posée sur sa sacoche à pokéballs, elle se ravisa en constatant qu’il n’avait visiblement aucun pokémon sur lui, puis elle croisa les bras.
« Salut ma belle. Alors c’est moi qui commence ? » Demanda le type, il avait amené une guitare.
« Tss, j’aime pas mettre sa misère à un homme sans défense.
- Hein ?
- Pit. »
Elle hocha la tête dans la direction du m’as-tu-vu et aussitôt son raichu devant la scène lança une petite attaque éclair qui eut le même effet qu’un taser sur le guitariste. Il se recroquevilla par terre. La moitié de la foule était horrifiée, l’autre moitié ricanait. Les rares filles de l’assistance applaudirent. Jessy se tourna vers la foule.
« Le prochain qui sort une merde du genre, il aura droit au fatal-foudre. Z’êtes prévenus. »
La menace découragea une petite dizaine de mecs, ils s’enfuirent discrètement comme des fouinards. Jenny étouffa un rire. Après cette douche froide, le premier candidat fut assez logiquement une candidate, brune, toute de noire vêtue et plutôt jolie avec des formes généreuses.
« Salut ! Je m’appelle Sophie, je joue du piano depuis que je suis petite et j’adore les évolis !
- Oh là là, on dirait mamie… » Marmonna Jenny sur un ton assez méprisant.
Jessy lui donna un coup de coude.
« Salut Sophie ! On t’écoute ! »
La jeune fille sourit chaleureusement à Jessy avant de se mettre au clavier gentiment prêté et installé par un autre candidat envouté par les jumelles. Sophie se mit à jouer "Viva la Vida" de Coldplay sur le piano synthétiseur. Elle était manifestement douée malgré quelques hésitations. Jessy aimait bien ce morceau et elle bougeait la tête en rythme.
« Quand je te dis qu’elle ressemble à mamie… » Murmura Jenny en repensant aux heures entières à écouter des morceaux de Coldplay vieux de trente ans avec sa grand-mère maternelle.
« Arrête ! Siffla Jessy entre les dents, c’est plutôt un bon point pour elle si elle ressemble à mamie Al non ?
- Rectification : elle ne peut pas ressembler à mamie si elle n’est pas dresseuse pokémon, et tu regarderas au niveau de ces hanches, pardon de ses grosses fesses, il n’y a pas de pokéballs…
- Sérieux Jane, c’est quoi le problème ? Elle joue bien.
- Bof, j’trouve pas moi. Ce n’est que la première candidate, on peut trouver mieux que ce groret moche. Elle va plomber la mise en scène. »
Jessy leva les yeux au ciel en soupirant bruyamment, la pauvre Sophie crut un instant que c’était à son encontre. Jessy grognait intérieurement : pourquoi fallait-il toujours que Jenny réagisse comme ça avec les autres filles ? Systématiquement, elle montrait les crocs et devenait agressive, voire carrément méchante. Même Jessy, le léviator rouge du Bourg Palette, trouvait ça abusé par moment.
« C’était sympa, merci ! Reste dans les parages steu plaît ! » Déclara Jessy lorsque Sophie eut fini son morceau.
La petite brune regarda alternativement les deux jumelles, elle comprit assez vite que celle qui n’était pas convaincue par sa performance c’était Jenny. Alors qu’elle s’éloignait de son instrument, Jessy ne put s’empêcher de vérifier à sa ceinture : Jenny disait vrai, il n’y avait aucune pokéball. Elle décida d’interpeller la brunette avant qu’elle ne descende de scène.
« Ah, eh Sophie ! Encore une question ! T’as des pokémon ?
- Juste mon évoli et un chaglam chez mes parents. »
Jessy semblait déçue, elle se força malgré tout à sourire.
« Ah, ok… Merci c’était cool ! Suivante ou suivant ! »
Au premier abord, Jenny avait été surprise par la demande de sa sœur sur le pokémon préféré, ça n’avait aucun rapport avec la musique. Puis, en y réfléchissant, elle se dit que c’était un moyen simple pour sa sœur d’avoir des informations complémentaires sur la personnalité des candidats. Après tout, monter un groupe était une aventure humaine, or Jessy était non seulement plutôt solitaire de base - elle préférait la compagnie des pokémon à celle des humains - mais en plus, tous ses amis humains, depuis la maternelle, étaient des dresseurs. Elle ne savait pas comment se lier avec des non-dresseurs. De manière générale, Jessy n’était pas une intellectuelle, elle fonçait d’abord et réfléchissait ensuite, ou ne réfléchissait pas du tout, elle n’était pas débile pour autant. Sur certains sujets, elle avait une maitrise qui forçait le respect, l’élevage, le dressage et la stratégie pokémon en faisaient partie. En demandant simplement son pokémon préféré à un inconnu, Jessy pouvait deviner beaucoup de choses…
Dans son esprit, elle classait les gens qui n’avaient jamais touché une pokéball de leur vie en cinq catégories : les rêveurs, les prétentieux-arrogants, les intellos, les sportifs et les mémères à chaglam. Les rêveurs, tout comme les prétentieux arrogants, citaient souvent des noms de pokémon légendaires, plus le choix était badass et plus Jessy considérait que la personne était arrogante (plus arrogante qu’elle, cela va sans dire). Les intellos aimaient surtout les pokémon disparus depuis des millénaires comme rexillius ou amonistar. Les sportifs faisaient plus dans la variété, ils citaient souvent des espèces de pokémon championnes de pokéathlon, des partenaires de célèbres joueurs de Pawball ou encore des montures pour l’équitation et les courses de surf. Enfin, les mémères à chaglam étaient aussi bien des hommes que des femmes qui aimaient les pokémon domestiques ordinaires et faciles à entretenir dans un appartement de ville ou un petit pavillon de banlieue, ceux-là citaient toujours miaouss, caninos, skitty ou encore ponchiot, éventuellement leurs évolutions pour les plus audacieux. Sophie, par exemple, était clairement une mémère à chaglam et visiblement peu de dresseurs montaient sur scène, c’était presque décevant pour Jessy, heureusement que certains avaient un réel talent musical évident… Un très beau jeune homme de moins de vingt ans, grand, svelte, en chemise blanche immaculée avec de beaux yeux noisette monta sur scène avec son gros violoncelle qu’il portait avec une facilité déconcertante.
« Bonjour mesdemoiselles, enchanté, je suis Ezio, violoncelliste.
- Bonjour… » Répondit Jenny d’une voix suave alors qu’elle ne répondait pas à la moitié des concurrents, même ceux auxquels elle souriait.
Jessy leva à nouveau les yeux au ciel avant de demander d’une voix lasse :
« Pokémon préféré…
- Difficile de n’en choisir qu’un… Celui qui m’inspire le plus est sans doute Mew. »
"Intello et arrogant… Youpi, le combo parfait…" Songea Jessy affalée sur son dossier de chaise les jambes écartées avec la grâce d’un machopeur. Jenny se pencha en avant en resserrant ses bras pour gonfler ses seins.
« On t’écoute Ezio… »
Le violoncelliste avait des années de pratique derrière lui, ça s’entendait, Jessy avait l’ouïe fine mais elle se demandait ce qu’ils pourraient faire d’un joueur de musique classique sans pokémon… Tout en jouant, le jeune musicien lançait des sourires charmeurs à Jenny et la rouquine y était très réceptive visiblement.
« Ce son est magnifique, dit Jenny à l’intention de sa sœur sans quitter la scène des yeux.
- Jenny… Commença Jessy sur un ton de reproche, on est là pour trouver des musiciens pour notre groupe, pas ton nouveau petit ami.
- C'est bien dommage… Dit Jenny d'une voix douce et chaude en dévorant des yeux le beau violoncelliste. Mais justement, peut-être qu'avec un violoncelle...
- Jenny ! » Aboya sa sœur et Jane n’insista pas davantage.
Les quelques dresseurs qui s’étaient présentés à cette audition improvisée étaient de piètres musiciens pour la plupart, jouaient des instruments improbables comme l’harmonica et le didgeridoo ou ils étaient eux aussi guitaristes comme les jumelles, ce qui ne présentait pas d’intérêt pour elles. Côté batteurs, seuls un garçon et une fille, tous les deux blonds comme les blés, avaient retenu l’attention de Jessy, mais Jenny avait encore fait un pseudo-scandale pour convaincre Jessy à renoncer à la musicienne de sexe féminin. Le batteur masculin était très bon, Jessy avait dressé l’oreille, le son était agréable, on sentait que le jeune homme maitrisait vraiment son instrument. Jessy décortiqua le musicien des yeux ; il était très grand, presque un mètre quatre-vingt-dix et devait avoir dix-sept ou dix-huit ans, mais ce n’est pas ce qui intéressait Jessy. Il avait une gravure antique de Ho-Oh sur son t-shirt noir, un bon point pour lui selon la rouquine. A la fin de la prestation, Jessy avait levé le pouce en signe de victoire et le garçon était resté dans les parages. Le petit clin d’œil coquin de Jenny avait fini de le convaincre. Il était midi passé et tout le monde avait l’estomac dans les talons lorsque les derniers candidats défilèrent sur scène. Sophie et la batteuse blonde étaient restées sur le côté pour discuter entre elles. Jenny était horrifiée à l’idée de composer un groupe intégralement féminin, elle préférait de loin fréquenter des hommes, sa sœur était la seule compagnie féminine qu’elle appréciait sincèrement. Jessy voulut rappeler les rares candidats qu’elle et sa sœur avaient retenus, mais Sophie et la blonde avaient eu le temps de sympathiser et elles étaient en train de s’éloigner pour aller déjeuner, en bavardant joyeusement ensemble. Elles avaient proposé au batteur blond de les accompagner, mais il avait poliment décliné, il attendait patiemment que les jumelles reviennent vers lui. Jessy rembobina le fil de la matinée pour se souvenir de sa réponse à propos du pokémon préféré. Absol avait-il répondu. Un choix esthétique sans doute, mais plus original que la plupart des autres.
« Eh ben il ne reste que toi on dirait… Enfin tant mieux, t’es le meilleur qu’on ait entendu et de loin !
- Merci, dit simplement le jeune batteur blond avec un grand sourire.
- Tu peux me rappeler ton nom ?
- Corentin, Corentin Veil.
- Enchantée Corentin Veil ! Dit Jessy en lui serrant la main avec la poigne d’un kraboss.
- Et toi tu es Jessy c’est ça ? Votre numéro d’hier était trop cool… » Pit vint voir le jeune homme avec bonne humeur. Le raichu avait bon caractère, mais il se montrait toujours plus gentil avec les gens quand il sentait que sa dresseuse les aimait bien.
« Vous avez d’autres pokémon ? Ajouta-t-il en regardant le Raichu.
- Oui plein d’autres. Tu n'en as pas toi ? Demanda Jessy.
- Je n'ai que Ford, mon malosse, c'est un super pokémon mais il n'est pas dressé pour le combat.
- Ok, à plus. » Lança Jessy en tournant les talons.
Jenny mit quelques secondes à réagir.
« C'est cool un malosse. Et depuis quand joues-tu de l... Jessy ? Eh mais Jessy où tu vas ? »
Elle regarda sa soeur s'éloigner sans comprendre. Elle s'excusa rapidement auprès du jeune musicien et courut rejoindre Jessy. Le garçon l'observa encore quelques instants avant de hausser les épaules et de partir déjeuner à son tour. Jenny avait finalement rattrapé sa jumelle.
« Mais qu'est-ce que tu fous ?
- Laisse tomber Jane, tu l'as entendu : ce n'est pas un dresseur.
- Mais je ne vois pas le rapport ! Cria Jenny pleine d'incompréhension. On cherche un musicien bon sang, qu'est ce que ça peut te faire qu'il soit dresseur ou pas ?
- C’est toi qui va me faire la morale après avoir éliminé toutes les filles qui sont venues nous voir ? Répliqua Jessy. Si on doit se coltiner une tournée dans le pays en passant par la route des dresseurs, je ne veux pas d'un boulet sans pokémon ! On aura besoin de bras pour porter les instruments, de pokémon aquatiques et vols pour passer d'île en île et de pokémon électriques pour brancher le matos. C'est toi l'intello, c'est toi qui aurais dû penser à tout ça. »
Vexée, Jenny rétorqua :
« On a déjà nos deux raichus, mon wailord, ton dracaufeu et Altaria. Qu'est-ce que tu veux de plus ?
- Je veux un VRAI dresseur.
- Toi et ton obsession du combat… Soupira Jenny. Tu me dis qu’on n’est pas là pour trouver mon nouveau petit ami, mais on n’est pas là non plus pour trouver ton nouveau rival ! »
Jessy ne répondit pas, les joues de Jenny rosirent d’énervement.
« Je croyais que ce que tu voulais c’était gagner un concours de musique ? On n’y arrivera pas sans batteur ! Pokémon ou pas ! Et je maintiens qu’un violoncelliste ou un pianiste ce serait chouette aussi ! »
A nouveau, Jessy ne répondit rien, elle faisait comprendre à sa sœur que ça ne servait à rien d’en parler. Elles changèrent d’approche. Elles passèrent la journée au festival à la recherche d'un batteur, mais bien sûr tous les garçons qu'elles rencontraient n'étaient pas des dresseurs dignes de ce nom aux yeux de Jessy. Quant aux filles… Avec Jenny dans les parages, inutile d’y songer. Il y avait bien ce gars tatoué accompagné d'un Elecsprint et de deux capumain mais Jessy avait réussi à se disputer avec alors que leur discussion n'avait duré qu'une minute trente.
Jenny était fatiguée, leur plan allait probablement tomber à l'eau à cause du caractère de cochignon de sa sœur (et de son propre sexisme mais ça elle ne voulait pas se l’avouer). Les deux jeunes filles atteignirent la sortie du festival. Désabusées, elles passèrent à côté du théâtre vide près de l’entrée et se décidèrent à faire demi-tour lorsque Pit, tout émoustillé brusquement, se leva sur ses pattes arrières, tourna la tête vers le vieil odéon et dressa les oreilles.
« Rai ? Rai-chu ! »
Jessy s'arrêta et observa la réaction de son pokémon.
« Qu'est-ce qu'il y a Pit ?
- Rai, rai !
- Oui eh ben ? Qu'est-ce que t’as à regarder ce théâtre pourri avec des yeux de remoraid frit ? »
Jenny entendit quelque chose provenant des boyaux du bâtiment délabré.
« Jessy tais-toi et écoute. Tu entends ? »
Cette fois, la rouquine survoltée imita sa soeur et son pokémon.
* Bam bam bam bam bam bam bam bam*
« Ce sont des percussions... Murmura Jenny.
- Un batteur ! » S'exclama Jessy.
Avant même que les deux filles aient pu bouger le petit orteil, Pit le raichu s'était rué sur la porte entrouverte du théâtre abandonné et avait pénétré à l'intérieur. Les oreilles toujours en alerte, il chercha l'origine du bruit. Il l'avait enfin repéré. Jessy et Jenny s'engouffrèrent à sa suite dans le bâtiment, poussiéreux mais pas tant que ça, ce qui indiquait que l'abandon était relativement récent. Jenny songea qu'il avait dû cesser de fonctionner après l'inauguration du grand auditorium du centre ville le mois passé. Le raichu les emmena jusqu'à la porte d'accès principale des gradins. Les filles se retrouvèrent en haut des escaliers recouverts d'une vieille moquette rouge-bordeaux. La salle était plongée dans la pénombre mais la scène était toujours éclairée. Une luxray utilisait son électricité pour éclairer l'estrade, sa puissance n'était pas assez élevée donc son propriétaire l'avait placée en face d'un staross dont le rubis central emmagasinait la lumière avant de la répandre sur tout l'orchestre. Leur dresseur, les jumelles le supposaient tout du moins, se trouvait au centre de la scène, assis derrière une batterie. Dans un rythme parfaitement contrôlé il s'entraînait sur la grosse caisse, les toms et les cymbales.
« Il est bon dis-donc, murmura Jessy.
- Il est même excellent. » Ajouta Jenny qui suivait la mesure en hochant de la tête.
Les deux jumelles restèrent un moment tapies dans l'ombre à l'écouter. Elles étaient hypnotisées par ce beau brun en train de taper sur sa batterie. Au bout de deux minutes, le garçon cessa de frapper mais, à la grande surprise de Jessy et Jenny, la pulsion continuait. Il n'y avait plus le bruit de cymbale mais le *bam, bam, bam* régulier continuait. Le garçon secoua sa crinière châtaine foncée avec une certaine frime et se leva. Il se dirigea vers le rideau rouge au bord de la scène, vraisemblablement il parlait à quelqu'un dans les coulisses.
*bam, bam, bam, bam*
« C'est bon tu peux t'arrêter John. Toi aussi Lady. »
Staross cessa ses effets de lumière et un gros pokémon bleu avec des oreilles comme des amplis de sono surgit de derrière la vieille tenture. Il s'agissait d'un ramboum, un pokémon originaire d'Hoenn dont la spécialité était l'attaque brouhaha.
« Ram, gram, gram !
- Ouais t'étais génial John, ils ne vont y voir que du feu dehors !
- Ram ! »
Le dresseur tapa dans la patte de son pokémon avec complicité. Le sourire de Jessy se changea en grimace.
« J'y crois pas... »
Jenny ne disait rien, mais vu l'expression de son visage, elle ressentait la même chose que sa soeur. Jessy commença à descendre l'escalier d'un pas décidé. Jenny la suivit. Le jeune musicien, toujours occupé à féliciter son pokémon ne vit pas les deux jeunes filles arriver derrière lui.
« Et à part ça, tu sais vraiment jouer de la batterie ? » Lança une voix derrière lui.
Le garçon se retourna et tomba nez à nez avec Jessy qu'il regarda rapidement de la tête aux pieds.
"Waouh, le canon !" pensa-t-il, avant de se tourner vers Jenny. Après ce deuxième choc pour ses hormones adolescentes, il ne put retenir un sifflement impressionné.
« Fwu !
- Pourquoi tu siffles ? Demanda Jessy en haussant un sourcil.
- Ah, pour rien… » Répondit le musicien en redescendant sur terre. A cet instant seulement il analysa la première question de la jolie rousse.
« Oui bien sûr que je sais jouer. »
Il retourna s'asseoir derrière sa batterie. John son ramboum s'apprêtait à recommencer sa technique mais le musicien lui fit signe de le laisser faire. Le jeune homme agita ses baguettes et les fit claquer rapidement sur ses caisses et ses cymbales. Le son était moins contrôlé que lorsque ramboum participait, mais il y avait toujours le même dynamisme.
« Mouais... Lança Jessy sceptique.
- Ça va, dit Jenny en regardant sa sœur avec de grands yeux ronds. Pourquoi tu fais jouer Ramboum à ta place ?
- Pour rigoler. C’est comme un spectacle d’illusionniste. Et quand il sera assez bon, on pourra faire un duo.
- M’est avis qu’il est déjà meilleur que toi, asséna Jessy les bras croisés.
- Jessy ! » S’offusqua sa jumelle. Même après quinze ans passés auprès de sa sœur, Jane était toujours choquée par sa légendaire amabilité.
« Au fait, à qui ai-je l'honneur ? Demanda le musicien.
- Jessy et Jenny Ketchum, du Bourg Palette.
- Eh bien ravi. Moi c’est Fry, de l'île Pomelo. »
Il tendit la main à Jessy qui s'en saisit et la serra fermement avec une pointe de surprise cependant.
« Notre nom ne te fait pas tiquer ?
- Ketchum ? Ouais comme Sacha Ketchum je suppose, une légende ce type là.
- C'est notre grand père, dit Jenny avec sourire.
- Oui mais nous ! Tu viens de l'île Pomelo, le siège de la Ligue Orange, et tu n'as jamais entendu parler de Jessy et Jenny Ketchum ? Insista l’autre rouquine.
- Vaguement, c’est quoi le problème ? Vous voulez une médaille ? Vous devez déjà en avoir beaucoup non ? Dit simplement Fry en haussant les épaules.
- Quoi ? Cria Jessy presque outrée. C’est vraiment tout l’effet que ça te fait ?
- Je n'aime pas quand ma sœur se vante comme ça, il faut l’excuser : t’es le premier dresseur qu’on rencontre et qui ne pète pas un plomb en nous voyant.
- Oh les combats pokémon, les compétitions tout ça, ça fait plus d’un an que je ne m'y suis pas intéressé, répliqua Fry avec désinvolture. Je fais un break.
- Et tu fais quoi à la place alors ? Demanda Jessy.
- Je joue de la musique ! Répondit Fry avec un grand sourire et en levant ses baguettes sous le nez de la rouquine.
- Vu comment tu joues on n’croirait pas que tu t’entraines à ça depuis si longtemps.
- Jessy... Râla Jenny en se massant l'arête du nez.
- Tu n'es pas une fille très gentille hein ? Demanda Fry à Jessy sans perdre son sourire.
- Je dis ce que je pense, c'est tout. »
Le jeune musicien paraissait amusé.
« Ça c'est parce qu'avant je jouais de la guitare.
- Classique ou électrique ?
- Les deux, répondit-il à Jessy dont une lueur d'intérêt venait de pénétrer le regard.
- Ok : montre !
- Euh… Quoi ? »
Jessy décrocha la guitare de son dos et la tendit à Fry d’un geste brusque. Le musicien affichait un sourire tordu, cette fille était vraiment sans gêne. Il étouffa un petit rire sidéré et s’installa pour jouer. Il fit signe à ramboum de marquer la percussion. Le duo était assez bluffant. Jenny avait des étoiles plein les yeux. Jessy les regardait les bras croisés, très lentement ses lèvres se fendirent d’un sourire.
« Ça, ça me plaît… » Chuchota Jessy.
Jenny entendit à peine le commentaire positif de sa sœur, elle avait elle-même du mal à décrocher son regard de Fry. Elle était hypnotisée par ce jeune homme grand, doué et sexy. Quand elle remarqua enfin l’attitude de sa sœur, la joie l’envahit instantanément, ce gars-là lui plaisait aussi, c’était l’évidence même. Dans la tête de Jessy, le potentiel artistique de ce duo humain-pokémon explosait comme un chartor en pleine déflagration, elle voyait tout ce qu’ils pourraient faire tous les quatre. Elle n’aurait jamais la délicatesse de le dire à voix haute, mais l’idée de Fry avec Ramboum était d’après elle une pure idée de génie. Fry ne faisait pas attention aux regards enjoués des deux rouquines quand il jouait, lorsqu’il finit son morceau, il félicita d’abord son partenaire avant de se tourner vers les filles.
« Alors ?
- C’était génial !!! S’enthousiasma Jenny.
- Ok, t’as le job, lâcha Jessy avec un sourire satisfait.
- Euh… De quel job tu parles ?
- Ma sœur et moi on cherche un batteur, on voudrait former un groupe pop-rock, tendance folk mais on est plutôt ouvertes à tous les styles si tu as des préférences, faudra juste négocier avec Jessy. »
La jeune fille fronça les sourcils quand Fry répondit par une grimace.
« Alors, euh, c’est sympa de votre part, vraiment, mais il faudrait peut-être m’expliquer un peu plus pour que je réponde, parce que j’ai postulé à rien du tout moi. »
Jessy et Jenny lui expliquèrent leur projet. Fry avait l’air de les prendre au sérieux, mais il tombait un peu dénue sur le fait qu’elles l’aient choisi lui.
« J’aime bien l’idée, mais il faut que j’y réfléchisse…
- Roh là là, grogna Jessy les bras croisés. Combien de temps ?
- Bah je ne sais pas moi, un jour ou deux pt’être.
- Tant que ça ? » S’exclama Jessy, à moitié dépitée.
Elle avait envie de l’envoyer balader mais dans sa tête, son instinct s’était jeté sur son impulsivité et l’avait bâillonné de force. Au fond d’elle-même, elle sentait que ce type était le musicien qu’il leur fallait et qu’il fallait donc le ménager autant que faire se peut, même si ce n’était pas trop dans les habitudes de Jessy de ménager les gens… Comme si Fry devinait un peu les pensées de Jessy, et sous le regard mielleux de Jenny, il crut bon de s’expliquer.
« Alors déjà : vous vous m’avez entendu jouer, mais pas moi. Donc je pourrais vous dire ok, mais sans savoir ce que vous valez je prends un risque.
- T’étais pas là à notre spectacle d’hier ? S’étonna Jenny.
- Non, sinon j’aurais probablement tenté ma chance à votre casting moi aussi ! Dit Fry avec un petit sourire. Donc je voudrais vérifier, si vous voulez bien me faire un bœuf juste pour moi. »
Jessy le toisa du regard en silence, Jenny semblait partante et sautillait comme un petit laporeille.
« Aller Jess !
- Ok, ta demande me semble légitime. »
Jenny décrocha sa propre guitare qu’elle baladait sur son dos. Jessy récupéra la sienne dans les mains tendues de Fry. Jenny lui fit un clin d’œil charmant avant de s’installer près de Jessy.
« On joue quoi ? » Demanda Jenny à sa sœur.
Jessy réfléchit un instant puis sourit du coin de la bouche. Elle ne répondit pas à sa sœur et commença à jouer. Elle avait confiance dans ses connaissances et sa mémoire. Jenny reconnut rapidement la chanson, elle faisait partie de leur répertoire commun. Comme pour "Quatre saisons" et "Alter Ego", les jumelles avaient appris à jouer ensemble à quatre mains dès l’école primaire et les mélodies revenaient facilement. Jessy attendit que Jenny se calle sur la musique pour commencer à chanter.
« J’ai commencé le combat, hyper confiant,
Désinvolte comme d’habitude.
Un match bien sympathique, juste du vent,
Contre ma super pote du quartier Sud. »
Jenny enchaina avec le deuxième couplet :
« Je suis arrivée, sur le terrain,
Très souriante comme d’habitude,
Mon adversaire est un bon copain,
Même si face à lui la compet’ est rude. »
Puis ensemble, elles chantèrent :
« Tortank a défoncé steelix avec ses canons,
Mon cizayox est tombé amoureux de son lippoutou,
Togétic s’est mis à jouer avec chapignon,
Kicklee a expédié Mackogneur dans les choux,
Et quand j’ai vu son énorme migalos
Je crois que noctali est tombé sur un os ! »
Jessy reprit seule :
« Un six contre six qui se termine mal,
Mais uniquement pour moi.
Je me prends une volée pour la première fois,
Ça calme c’est sûr, ça plombe le moral !
Je n’ai jamais vu un kicklee se battre comme ça…
Derrière ses couettes se cache un monstre,
Ce n’est ni un migalos, ni un lippoutou, par contre
C’est une petite blonde douée en combat ! »
Les filles s’arrêtèrent de chanter pour échanger quelques mots avec une intonation forcée, comme une pièce de théâtre :
« Oh je crois que j’ai gagné ih-ih. Sans rancune mon ami ?
- Tout est OKAY ma mignonne, bon sang en arène tu cartonnes ! »
Et elles reprirent le refrain en duo :
« Tortank a défoncé steelix avec ses canons,
Mon cizayox est tombé amoureux de son lippoutou,
Togétic s’est mis à jouer avec chapignon,
Kicklee a expédié Mackogneur dans les choux,
Et quand j’ai vu son énorme migalos
Je crois que noctali est tombé sur un os !
Et pour finir son rosélia…
A endormi mon Kapoera. »
Jessy souriait, la chanson était rigolote à la base et elle prenait plaisir à la chanter avec sa sœur. En la regardant, Fry se dit qu’elle était capable de sourire sincèrement avec une certaine grâce, ce n’était pas évident quand on la voyait avec son air de granbull enragé.
« Où a-t-elle appris à combattre ?
Son entraînement ne vaut pas le mien,
Elle sort de nulle part je le sais très bien.
Avec togétic elle se comporte en marâtre,
Je ne vois pas d’autre explication,
Pour cette défaite à la con. »
Et Jenny reprit en parlant, sans cesser la partie instrumentale :
« T’es sûr que ça va ? T’as pas décroché un mot, pour le match, tu ne m’en veux pas ?
- Mais non voyons, tout baigne ma belle, aller viens je te paye un verre au Nirondelle ! »
Joyeusement, les filles reprirent pour la dernière fois le refrain :
« Tortank a défoncé steelix avec ses canons,
Mon cizayox est tombé amoureux de son lippoutou,
Togétic s’est mis à jouer avec chapignon,
Kicklee a expédié Mackogneur dans les choux,
Et quand j’ai vu son énorme migalos
Je crois que noctali est tombé sur un os.
Et pour finir son rosélia…
A endormi mon Kapoera. »
Et Jessy termina par un solo :
« Aller prends sur toi mon gars,
Qu’est-ce que tu crois ?
Elle n’est pas plus forte que toi.
La chance du débutant, c’est sans doute ça.
Bon maintenant on se reprend !
Un air décontracté et sourions,
Que dirait-elle sinon,
Que je suis mauvais perdant ? »
Jenny étouffa un petit rire avant de saluer son public composé d’une seule personne et d’un pokémon. Ramboum s’agitait sur place, il avait l’air d’avoir apprécié le spectacle. Jessy, elle, jetait un regard arrogant à Fry. Elle était persuadée de la qualité de leur prestation et pensait l’avoir impressionné. Le jeune homme était sous le charme, oui le duo de guitares était agréable à entendre, les fausses notes étaient rares et elles avaient de belles voix, en particulier Jessy contre toute attente, mais il devina surtout que la beauté de deux jumelles aussi jolies jouant en binôme pouvait subjuguer un public avec peu d’effort. Il y avait un potentiel, sans doute des possibilités de faire des petits shows de soirées en salle comble. Et elles étaient quand même sacrément sexy, il n’avait pas envie de les rembarrer.
« Alors ? Demanda Jessy avec impatience.
- Toi t’aimes qu’on te lance des fleurs pas vrai ? Répondit Fry avec un sourire goguenard.
- N’importe quoi !
- Percées à jour ! » Dit Jenny en donnant un coup de coude à sa sœur, contrairement à Jessy elle ne niait pas son propre goût pour les compliments, en particulier quand ils venaient de la gente masculine.
« C’était cool, vous êtes sensas.
- Alors tu dis oui ? S’enthousiasma Jenny.
- Woh minute papillusion. On pourrait en reparler plus tard, genre après diner ?
- Sérieux ? S’agaça Jessy. Pourquoi ? Tu réfléchis mieux une fois que t’as bouffé ?
- Jess ! Sois sympa cinq minutes ok ? La sermonna Jenny.
- En fait c’était une façon de vous demander de manger avec moi ce soir. Pour qu’on fasse un peu connaissance.
- C’est une proposition de rencart ? Demanda Jenny en faisant les yeux doux.
Jessy haussa un sourcil soupçonneux.
- Avec deux filles d’un coup pt’être pas non, répondit Fry amusé. Plutôt un brainstorming je dirais.
- Ih ih, bien sûr ce sera avec plaisir… » Répondit Jenny qui fut interrompue par une main levée de Jessy du genre "objection votre honneur".
« D’accord… Dit lentement Jessy, mais avant je veux vérifier un truc moi aussi. Un combat pokémon : je veux savoir si tu es un véritable dresseur.
- Hein ? C’est quoi le rapport avec la musique ? Lança Fry avec un rire d’incompréhension. Jenny leva des yeux suppliants vers le ciel et se retint de soupirer.
- Aucun, répondit Jessy avec un petit sourire en coin. Je veux juste faire connaissance, comme t’as dit, et moi j’aime bien voir les gens combattre, on apprend vachement plus sur eux comme ça.
- Ouais ça se tient, mais comme je vous l’ai dit toute à l’heure je fais plus trop de combat pokémon en ce moment…
- Ça commence mal pour toi, répliqua Jessy avec un regard perçant. Jenny se sentit obligée d’intervenir.
- Tes pokémon ne s’ennuient pas trop dans leurs pokéballs si tu ne fais plus que de la musique ? Dit-elle doucement. Fry soupira.
- Ok… Attendez-moi dehors, je vous rejoins. Mais après je veux mon rencart. Et c’est vous qui payez. » Ajouta-t-il en les pointant du doigt.
Il jeta un dernier regard plein de tension à Jessy qui sortit du théâtre avec sa sœur agacée sur les talons.
« Mais qu’est-ce qui t’as pris de le provoquer comme ça ?!? Tu veux qu’il nous plante ou quoi ?
- Je veux juste voir ses pokémon, c’est de la pure curiosité.
- Jess… » Grogna Jenny entre les dents, mais le mal était fait.
Les combats pokémon étaient interdits dans l’enceinte du festival alors les trois dresseurs furent obligés de s’éloigner. La plage publique n’était pas loin, ils décidèrent d’y aller pour mener leur combat. Jessy, talonnée par sa sœur et leurs deux raichu, s’installa en face de Fry en laissant un espace suffisant entre eux. Le jeune homme la regarda se positionner avec désinvolture, les mains dans les poches de son short beige.
« Au fait, c’est quoi ton niveau approximatif ? Demanda Jessy nonchalamment.
- Mon niveau ? Bah j’ai gagné la Ligue Orange.
- C’est tout ? Mais encore ? Une fois, plusieurs fois ?
- Souvent, répondit Fry avec beaucoup d’amusement sans que les filles comprennent pourquoi.
- Un deux contre deux ça te va ?
- Euh… Je suis tout seul, dit Fry sur un ton perplexe. Jessy grommela :
- Deux pokémon contre deux je veux dire. On va faire simple et te laisser l’avantage: on utilisera Pit et Chu, comme ça tu peux choisir les pokémon que tu veux pour les affronter. »
L’arrogance de Jessy était terrible, Jenny paniquait déjà à l’idée de voir Fry s’enfuir en courant, même si Jessy lui avait promis de ménager son adversaire parce que ce n’était pas un vrai combat. Elle connaissait sa sœur par cœur, une fois lancée elle se donnerait à fond pour ne pas perdre et Fry lui serait vexé. Il trainait déjà les pieds jusqu’à la plage… Il avait vraiment l’air démotivé, c’était assez étonnant pour un topdresseur ayant remporté plusieurs fois la Ligue Orange. Mais en faisant face à l’arrogance de Jessy et en regardant les deux raichu se taper dans la paume des pattes avec fraternité, heureux de pouvoir combattre ensemble à nouveau, un sourire plein d’assurance apparut sur le visage de Fry. Jenny fut d’abord étonnée par sa réaction inattendue, puis elle s’inquiéta de plus belle, elle pensait que Fry les sous-estimait, comme beaucoup d’autres avant lui. Tout cela allait dégénérer très vite et leur plan musical allait tomber à l’eau.
« Un avantage hein ? Je crois qu’on va bien rigoler… »
Fry dégoupilla deux pokéballs et laissa son Ramboum de côté. Le pokémon intrigué s’était assis en retrait du côté de son dresseur pour regarder le double duel.
« Katy, Riha, je compte sur vous les filles ! »
Sa luxray et une pashmilla femelle apparurent devant les jumelles. Fry avait attrapé la perche tendue par les jumelles. Les attaques électriques n’auraient aucun effet sur Luxray, qui en plus servait de para-tonnerre pour Pashmilla, les deux raichus devraient donc se contenter de leurs attaques physiques. La fière Jessy attendait que Fry débute le combat, là encore Fry mit à profit cet avantage avec ingéniosité.
« Utilisez votre attraction. »
Les deux femelles charmèrent en même temps les deux raichu. Jenny les bras croisés regardait sa sœur en biais, elle lui laissa les manettes.
« Pit, Chu ne vous laissez pas distraire ! Rugit Jessy. Vive attaque ! »
La séduction opérait parfaitement sur Chu qui ne réagit pas, Pit luttait contre ses émotions et trouva la volonté de charger ses adversaires, mais l’attraction ralentissait ses mouvements, alors Fry saisit cette occasion pour renforcer encore son avantage.
« Katy utilise ta hâte ! »
La luxray boosta sa vitesse et fila avant que Pit ne l’atteigne, le raichu se rabattit alors sur Pashmilla qui encaissa facilement le choc, Pit n’avait pas la volonté nécessaire pour blesser ses jolies adversaires après une double technique attraction. Fry sourit, confiant.
« Riha : regard touchant. »
Les yeux larmoyants de pashmilla réduisirent encore la volonté ainsi que la défense de Pit.
« Pit prends sur toi mon grand ! Elles se moquent de toi, utilise ton poing éclair ! »
Comme la luxray s’était éloignée, il n’y aurait pas de paratonnerre pour Pashmilla, mais Pit hésitait, il tenait son poing grésillant immobile en l’air prêt à frapper sans jamais passer à l’acte. Jenny se décida à intervenir en motivant son propre raichu.
« S’il te plaît Chu, fais un effort : attaque ruse. »
Cette fois Chu se résigna à attaquer, il visait Pashmilla car elle lui plaisait moins que Luxray, mais la femelle canidé s’interposa et encaissa pour sa partenaire. Chu parut horrifié d’avoir frappé son "aimée". Fry, toujours souriant, décida de mettre fin à la mascarade :
« Katy, place un champ électrifié autour de toi.
- Lux-raw !
- Et toi Riha attaque berceuse ! »
La douce mélodie de Pashmilla raisonna délicatement aux oreilles des trois autres pokémon. Protégée par son champ électrifié, Katy resta éveillée, mais les deux raichu s’écroulèrent assoupis, collés l’un à l’autre, joue contre joue, devant l’air médusé des jumelles. Pit ronflait la gueule grande ouverte et Chu dormait plus profondément qu’un ronflex en début d’après-midi. Les deux raichu n’étaient ni blessés, ni même fatigués, en revanche, ils n’étaient clairement plus en état de combattre.
« On s’arrête là, je crois que tu as pu vérifier que j’étais un vrai dresseur. » Lança Fry à Jessy avec un sourire jusqu’aux oreilles.
Jessy ne s’attendait pas à une telle prouesse, elle regardait Fry avec un rictus, ne sachant pas si elle devait se montrer agacée ou impressionnée, sourire ou hurler. Dans tous les cas, il avait raison : elle avait eu le temps d’évaluer son niveau lors de ce très bref affrontement.
« Tu l’as fait exprès pour ne pas combattre ? Souffla Jenny aussi étonnée que sa sœur mais avec quelque chose qui ressemblait à de l’admiration dans son regard.
- Je vous avais prévenu… » Répondit simplement Fry dans un haussement d’épaule en enfonçant à nouveau ses mains dans ses poches de short.
« Bon, on va manger ? J’ai la dalle. »
Les jumelles rappelèrent leurs pokémon dans leurs copainballs respectives, puis Jenny s’approcha de Fry pour lui attraper amoureusement le bras.
« Bien sûr ! Je crois que Jessy a vu tout ce qu’elle avait envie de voir, n’est-ce pas Jess ? »
La rouquine, le regard insondable, hocha positivement la tête. Jenny soulagée, jubilait.
« Puisqu’on doit t’inviter, tu as envie de manger quelque chose en particulier ?
- Non, je n’suis pas un goujat au point de vous imposer quoi que ce soit. Je vous suis.
- Alors peut-être après le dessert ? » Susurra Jenny avec un air coquin qui fit s’écarquiller les yeux de Fry avec bonne humeur. Jessy tira sur l’autre bras de Jenny pour la forcer à lâcher le jeune homme.
« On va aller au beurre de Yantreizh, tout le monde aime les crêpes et c’est pas cher ! » Dit rapidement Jessy en tirant un peu plus sur le bras de Jenny avant d’ajouter :
« Jenny, je dois te parler une minute ! »
Jessy se pencha à l’oreille de sa sœur tout en marchant à peine trois mètres devant Fry et son Ramboum, elle croyait ainsi être discrète mais évidemment Fry entendait tout. Il hocha lentement la tête de droite à gauche, affligé, sans pour autant perdre le sourire.
« Ne me dis pas que tu veux le faire venir uniquement parce qu’il te plaît ? Siffla Jessy entre les dents.
- Oh bah quoi ? Il te plait à toi aussi, non ? Même si ce n’est pas pour les mêmes raisons. Tu sais que c’est un bon choix.
- Oui mais ce sont tes manières qui m’agacent. »
Jenny fit un clin d’œil à sa sœur et lui donna un coup de coude
« Arrête de bouder. Il est sympa, il est mignon et en plus c’est un bon dresseur. Il fera un chouette partenaire… Dans tous les sens du terme. Ih ih. »
Jessy leva les yeux au ciel mais se résigna.
Au restaurant, Jenny se chargea de faire le plus gros de la conversation avec le batteur, laisser Jessy parler c’était prendre le risque de faire fuir leur futur collaborateur. Jenny n’était que sourires et paroles mielleuses et heureusement Jessy se tenait à carreau, elle continuait d’observer et d’écouter attentivement le jeune homme. Elle avait du mal à digérer son match avorté contre Fry et en même temps, une prouesse pareille l’intriguait. Jessy finit par se mêler à la conversation lorsqu’ils en vinrent à parler musique.
« Je pense que Peterson est vraiment bon comme compositeur, l’un des meilleurs de Galar ! Affirma Fry.
- Franchement, c’est surfait. Il est trop dans le mélo. J’le trouve insipide pour un métalleux… Dès qu’il écrit pour quelqu’un d’autre que lui ça devient nian-nian.
- Laisse-moi deviner, lança Fry avec un sourire filou qui avait le don d’agacer Jessy. T’es du genre fan de Strykna ?
- Fan faut pas exagérer, mais elle bouge grave pour une mamie.
- Alors c’est quoi tes muses ?
- Muse, lâcha Jessy pour lui rabattre son caquet.
- Joli jeu de mot… Et à part des morts et des résidents de maisons de retraite, tu aimes quoi d’autre ?
- Des morts ? Répliqua Jessy avec un haussement de sourcil. C’est pas moi qui aie appelé mon Ramboum comme un type assassiné y a soixante-dix ans !
- Je suis sûre que toi et ta sœur en vrai vous êtes fan de J-Pop.
- Et ça te pose un problème ?
- En fait je disais ça pour plaisanter, fit Fry en grimaçant d’amusement. Vous aimez vraiment la J-Pop alors ?
- Jessy adore Akane Taneda et Mia-Mia-Zuzu, précisa Jenny.
- J’avoue qu’Akane Taneda a une voix superbe. Et pour répondre à ta question, non ça ne me pose pas de problème, mais je vous imaginais plus internationales et plus puristes que ça, la J-Pop ça fait très ados kantosiennes.
- Ça tombe bien on a quinze ans et on vient de Kanto, wouh quelle coïncidence ! Ironisa Jessy.
- Fais pas ta mauvaise tête Jess, dit Jenny avec un sourire gêné.
- Il se moque de moi, je peux bien répondre nan ? Râla Jessy.
- A ce jeu-là, c’est moi qui gagne à chaque fois, répliqua Fry avec un sourire goguenard.
- On parie ? »
Jessy et Fry se toisèrent du regard pendant un long moment sans rien dire. Jenny était un peu nerveuse, elle sentait la tension quasiment animale entre Jessy et Fry. Elle avait l’impression d’avoir sous les yeux deux rivaux prêts à s’affronter dans un match pokémon épique, pas deux musiciens sur le point de fonder un groupe main dans la main.
« Désolée, je vous laisse je dois aller au p’tit coin. » Finit par dire Jessy en se levant brutalement, elle n’avait pas senti venir son envie désormais pressante.
Jenny regarda sa sœur s’éloigner vers les toilettes des femmes. Elle profita de son absence pour se pencher vers Fry.
« Alors ta réponse ? Demanda Jenny, impatiente. Le sourire gêné que prit Fry avant de parler lui fit comprendre la réponse avant même qu'il ouvre la bouche.
- Je n'crois pas que ce soit une bonne idée.
- Quoi ? Cria Jenny, déçue. Mais pourquoi ?
- A cause de ta soeur.
- Hein ? Jessy ? Qu'est-ce qu'il y a avec Jess ?
- Eh bien... Ta sœur est... »
Un flot de vocabulaire se déversa dans son esprit : désagréable, méchante, odieuse, mal-aimable, brute épaisse, grognon, malosse enragé, furie, porte de prison, diable incarné... Mais à la vue des magnifiques yeux bleus de Jenny et de son décolleté, les mots les plus cordiaux s'imposèrent à son esprit :
« Pas cool. »
Jenny soupira intérieurement, mais devant Fry elle garda contenance et son sourire ne s'ébranla pas d'un millimètre.
« Je sais que Jessy n'est pas toujours facile à vivre, mais elle t'a choisi. On a peut-être vu une cinquantaine de personnes aujourd'hui et aucun des musiciens qu'on a rencontré ne lui a convenu, à part toi. Et elle a été catégorique. Dans son langage à elle, ça veut dire qu’elle te trouve exceptionnel. »
Elle agrandit volontairement son sourire, essaya d'avoir l'air la plus mignonne possible et d'attendrir Fry. Le garçon, bien qu'en émoi intérieurement face à cette poképoupée qui lui faisait du gringue, n'arrivait pas à se sortir de la tête le visage de sa soeur jumelle, un vrai ursaring sous un masque de joliflor.
« Ouais, ouais je sais, j'avais compris, finit par dire Fry, mais ça n'empêche que devoir passer du temps avec ta sœur ça ne va pas être une partie de plaisir tous les jours. Je n’aime pas trop les contraintes pour être honnête…
- Tu ne veux pas former un groupe ? On est là nous, prêtes à vous accueillir toi et John. Très chaleureusement s'il le faut. »
Elle lui fit un clin d'œil et appuya légèrement son buste sur la table pour faire grossir sa poitrine qu’il avait sous les yeux. Fry sentit sa tension artérielle monter en flèche. Il s'efforça de paraître désinvolte.
« J'ai des potes ici, avec qui je pourrais monter un nouveau groupe. Et puis je le connais par cœur cet archipel, franchement si c’est pour m’encroûter ici, avec une mégère sur le dos en plus, ça ne vaut pas le coup.
- Pourquoi tu ne pars pas simplement d’ici ? Ce n’est pas la musique qui t’en empêche et tu es un dresseur, c’est un bon motif pour partir en voyage.
- Je n’ai aucun moyen pour voyager. Le seul pokémon vol que j’ai jamais eu c’est un békipan, aucun de mes deux pokémon aquatiques n'a le gabarit qu'il faut pour me balader aussi loin et je n'ai pas assez de fric pour prendre le bateau, encore moins l'avion. »
La jeune fille sentit le tressaillement dans la voix de Fry et son propre regard s'illumina, elle était persuadée d'avoir trouvé la faille dans son acidarmure, elle savait comment le convaincre désormais.
« Et si tu avais l’argent pour voyager, qu'est-ce que ça changerait ?
- Si je l'avais ? Ça changerait tout ! S'écria Fry. D'abord, je n'aurais pas laissé tomber les compétitions pokémon ! Je serais parti à la conquête de Kanto et de Johto… Je serais allé jusqu’à Galar ! J’aurais remporté toutes les ligues, finger in the nose, sans exception et je ferais carrière comme champion d’arène quelque part dans une région avec moins de flotte et plus de gazon. »
La jeune fille souriait posément, intérieurement elle jubilait, la pokéball venait de se refermer sur le pauvre petit Fry sauvage : "Capturé…"
« Tu sais que tu es un idiot ?
- Je croyais que tu étais plus gentille que ta soeur, commenta le garçon.
- On t'a pourtant dit qui nous étions, d'où nous venions...
- De Kanto ? Oui je sais mais quel rapport avec moi ?
- Idiot ! Avec Jessy on ne va pas se contenter de faire une tournée régionale, on ira dans les festivals de Johto et de Kanto. Ça fait deux ans qu'on n’est pas rentrées au Bourg Palette, nous allons devoir y retourner très bientôt, avec mon Wailord ce n'est pas un souci de voyager jusque là-bas. Et si on nous paye pour jouer, en plus des combats pokémon, plus de problème d’argent pour toi. »
Le visage de Fry s'illumina soudain.
« Tu es train de me proposer de m'emmener sur le continent si je rentre dans votre groupe ?
- Si tu entres dans notre groupe, on t’emmènera au bout du monde… » Souffla-t-elle avec sensualité. Les joues de Fry rosirent légèrement, elle était décidément vraiment trop sexy cette rouquine, mais en plus l’excitation du voyage qu’elle lui avait promis emplissait sa tête de rêves auxquels il avait renoncé depuis longtemps. Jessy revint des toilettes le ventre plus léger et de meilleure humeur. Elle s’assit à table et lança un :
« Qu’est-ce que j’ai loupé ? »
Fry la regarda avec un sourire radieux, il se leva d’un bond et lui répondit.
« J’accepte votre proposition ! Mesdemoiselles les Train Twins, Fry Morgan à votre service !
- Yeah ! Check mon pote ! »
Jessy jubilait, elle et Fry se firent un check poing contre poing avant de se rasseoir. Jenny baignait dans la satisfaction et Jessy se frotta les mains.
« Ok ! Bon alors pour commencer, il va falloir nous acheter des instruments.
- Euh, quoi ? S’étonna Fry. Vous n’en avez pas ?
- Elle est à toi la batterie sur laquelle tu jouais cet aprem ?
- Non, c’est un pote qui me l’a prêté.
- Ben alors pas la peine de faire des réflexions ! Râla Jessy.
- C’est-à-dire que vous, vous recrutiez pour un groupe, je pensais que vous étiez déjà équipées, au moins pour vous.
- Jess, on a du matériel au Bourg Palette, inutile de tout racheter, il suffit d’aller le chercher…
- Bordel de merde Jane, on n’ira pas au Bourg Palette !
Jenny soupira.
- Ce serait plus simple pourtant…
- Je vous préviens tout de suite : j’ai pas l’argent pour m’acheter une batterie.
- T’inquiète pas pour ça, c’était prévu dans notre budget. Normalement on a assez pour acheter une guitare, une basse et une batterie. Tu confirmes Jane ?
- Moui… »
La sœur de Jessy semblait inquiète. Elle expliqua sa préoccupation :
« Mais je te rappelle qu’il faut aussi le reste : l’ampli, les câbles… Et on ne doit pas être radine au moment de choisir les malles de transports, elles vont traverser la mer à dos de Wailord, ce n’est pas rien. Après tout ça on sera complètement à sec. Tout l’argent qu’on a gagné au "Oh que si !" va y passer…
- On pourrait chercher des instruments d’occasion, proposa Fry.
- J’suis pas trop pour, mais si ça peut rassurer Jane pourquoi pas. T’as des bons plans ?
- Neuf ou occaz, le mieux c’est d’aller se fournir sur l’île d’Hamlin, même s’il y a plus de choix sur l’île Mandarine…
- On crèche à Hamlin, c’est parfait ! S’exclama Jessy. T’es plutôt Yellow Froussardine ou Pokéflûte enchantée ?
- Je vois que tu connais déjà les meilleures adresses, répliqua Fry en souriant. Yellow, mais si vous payez j’ne ferai pas la fine bouche. »
Jessy se contenta d’un sourire en coin en guise de réponse, Fry se dit que ça devait signifier qu’elle aussi préférait le premier magasin. La conversation fut très animée jusqu’à la fin du repas, la réponse positive de Fry avait eu le don d’améliorer l’humeur de Jessy et le jeune homme la trouvait moins désagréable qu’au début. L’heure avançant, ils sortirent du restaurant.
« Vous dormez au Centre Pokémon ?
- Oui et toi ?
- Nan, moi je campe sur le festival avec des copains. Vous me filez votre numéro pour qu’on se retrouve demain matin ?
- On n’a pas de téléphone.
- Sérieux ?!? S’exclama Fry perplexe. J’y suis : vous me faites une blague c’est ça ? C’est une caméra cachée, ou alors vous êtes des aliens et vous cherchez des mâles à coloniser pour envahir la terre.
- Ah-ah, très drôle l’artiste… Commenta Jessy.
Jenny, elle, rit de bon cœur.
- Ih ih ih ! Le plus simple c’est que tu nous rejoignes au centre demain matin. On t’attendra.
- Ok, bonne soirée les Train Twins ! »
Il tourna les talons et les salua en dressant la main alors qu’il leur tournait le dos.
"Ce type sait soigner ses sorties…" songea Jenny en regardant sa silhouette musculeuse s’éloigner dans l’obscurité de la nuit. Comme il portait un t-shirt jaune, il resta visible un long moment dans le noir. Sur le chemin du retour, Jenny expliqua à sa sœur les conditions imposées par Fry, à savoir quitter l’archipel Orange pour rejoindre le continent. Jessy n’y voyait pas d’inconvénient, après avoir vérifié que ce n’était pas une énième tentative de Jenny pour les ramener au Bourg Palette.
Les jumelles n’avaient pas de smartphone, ou plutôt elles n’en avaient plus. Celui de Jenny avait fini par rendre l’âme après trois ans de bons et loyaux services et celui de Jessy avait malencontreusement terminé sa vie au fond de la mer d’Hoenn… Elles avaient choisi de ne pas les remplacer pour éviter d’être contactées par leur famille qui devait patiemment attendre leur appel depuis les centres pokémon. Pour la génération des jumelles, ne pas avoir de portable c’était comme vivre au Moyen-Age, c’était limite dangereux, seuls les collapsologues, quelques marginaux et certains mendiants arrivaient à se passer de cette technologie désormais incontournable dans le monde entier. Pour leur sécurité, leur mère avait confié à Jenny un pokédex très récent, équipé d’une carte du monde, d’un GPS, d’une radio et d’une balise SOS à activer en cas de danger, mais malgré tout cela, pas d’accès internet.
Dès le lendemain matin, Jenny avait réquisitionné l’une des tablettes du centre pokémon, tandis que Jessy écumait les revues musicales et les journaux que sa sœur lui avait rapportés de la bibliothèque. Elles notaient à tour de rôle dans le carnet à croquis de Jenny la liste des concours et des festivals intéressants avec leurs dates. Jessy finit par tomber sur une annonce qui la ravie.
« Voilà ce qu’il nous faut ! »
Jessy brandit l’affiche en modèle réduit devant sa sœur.
« Le son des forêts ? Lut Jenny à voix haute.
- Cette année le festival se passe à Sinnoh, Fry sera content, on va l’emmener sur le continent.
- Tu as regardé les modalités d’inscription ? Qu’on ne se fasse pas avoir comme pour la dernière compétition pokémon…
- Ouaip, mais t’as raison on jettera un œil sur internet pour vérifier. On a encore du temps pour s’organiser : le festival a lieu début septembre et les inscriptions sont ouvertes jusqu’en juillet. Je te laisse réfléchir à tout ça.
- Pourquoi moi ? S’étonna Jenny, prise au dépourvu.
- C’est toi le cerveau !
- Sérieux Jessy ! J’ai d’autres choses à faire ! Râla sa jumelle.
- Si parmi les autres choses il y a draguer Fry, tu peux bien faire un effort et bosser là-dessus… Dit Jessy en tapotant l’annonce avec un air malicieux. Je suis sûre que ça va lui plaire. »
Jenny remua les lèvres comme un museau de togedemaru, elle réfléchit brièvement et céda rapidement. Elle arracha le journal des mains de sa sœur, sortit son pokédex, sa carte du pays toute écornée et fila baratiner un dresseur ingénu pour qu’il lui cède la place devant l’ordinateur public. Une heure plus tard, Fry débarqua au centre pokémon.
« Salut les filles !
- Salut Fry ! Lança joyeusement Jenny. Bien dormi ?
- Si on veut, trop de mecs bourrés et trop de parties de jambes en l’air dans les tentes voisines… »
Jenny éclata de rire, Jessy semblait blasée. Elle sourit néanmoins quand Fry arriva à sa hauteur.
« Un p’tit voyage vers Sinnoh, ça te dit ?
- Carrément !
- Amène-toi, on va t’expliquer le plan de route. »
Jenny déplia sa carte sur la table à la demande de sa sœur et Fry se rapprocha d’elles pour regarder le plan. Avec curiosité, Pit et Chu se mirent sur la pointe des pattes pour regarder aussi. Ramboum arriva par l’autre côté de la table en se demandant ce qu’il pouvait bien y avoir de si intéressant à regarder.
« Nous sommes ici… » Dit Jenny en pointant son doigt sur l’île Gélatine qui était située au sud-ouest de l’Archipel Orange.
« Ce que je vous propose, puisque Jessy veut qu’on participe au concours de musique de Sinnoh c’est de partir vers l’Est pour rejoindre les îles Sevii depuis Hamlin. Ensuite on remontra par le nord jusqu’à atteindre Verchamps.
- C’est pas plus simple et moins dangereux de rejoindre Kanto par le nord et d’ensuite emprunter la voie terrestre jusqu’au Cap d’Azuria, puis de naviguer jusqu’à Littorella?
- Nan ! Répondit simplement Jessy.
- Euh… Vraiment ? » Insista Fry avec un haussement de sourcil, il était plutôt fort en géographie.
« On n’ira pas à Kanto, marmonna Jessy.
- Vous m’aviez promis qu’on irait sur le continent ! Vous ne m’avez jamais parlé d’un autre archipel ! Geignit Fry en désignant les îles Sévii sur la carte.
- Calme-toi Fry, on retournera au Bourg Palette à un moment ou à un autre. Tu le verras ton continent ne t’inquiète pas, tous les chemins mènent à Verchamps, tenta de le rassurer Jenny.
- Je ne vois pas pourquoi on devrait aller au Bourg Palette… Marmonna Jessy. Si Fry veut absolument voir Kanto, on peut l’emmener à Parmanie ou à Carmin sur mer… »
Le regard de Fry s’illumina d’espoir.
« Wouah, c’est vrai ?
- On emmènera Fry où il voudra mais on rentrera quand même au Bourg Palette… »
Jenny posa sur sa sœur un regard lourd de reproches et de sous-entendus.
« Hep ! Les interpella Fry en levant la main. Désolée pour la question con mais c’est quoi le problème avec le Bourg Palette ?
- C’est loin et notre mère est chiante, répondit Jessy.
- Okay… » Dit lentement Fry, il commençait sérieusement à se demander s’il n’avait pas fait une erreur en acceptant la proposition des jumelles.
« Hem, pour en revenir à notre plan de navigation : si j’ai choisi cet itinéraire improbable, ce n’est pas pour faire plaisir à Jessy et éviter le Bourg Palette. D’abord il y a le problème des instruments et de wailord. Il ne peut naviguer qu’en mer, la plupart des cours d’eau de Kanto sont trop étroits pour lui. Même si on a Tengalice, Lockpin et Braségali pour porter le matos, ils vont se fatiguer vite si on les fait marcher sur de trop longues distances, en plus on va perdre un temps fou. Et puis il faut qu’on passe ici. »
Elle pointa son doigt sur une île lointaine dans l’Archipel Arc-en-Ciel. Jessy sourit de toutes ces dents.
« La Tour Dresseurs.
- Et en quoi c’est pas pour faire plaisir à Jessy ça ? Demanda Fry en rigolant.
- Il y a aussi un site archéologique au sud de l’île : les ruines Tanoby peuplées de zarbi. Je veux y aller.
- Et moi dans l’histoire ?
- Quoi, tu n’aimes pas le patrimoine de notre beau pays ? Susurra Jenny avec douceur et humour.
- Fais pas ta chochotte ! T’es un dresseur non ? Lança Jessy. Alors tu feras un tour à la tour avec moi !
- Je fais un break, je vous l’ai dit plusieurs fois… Insista Fry. C’est quoi le rapport avec la musique en plus ?
Jenny rangea délicatement sa carte.
- Les prix que l’on peut remporter à la Tour Dresseurs sont très intéressants et on a tous besoin d’argent. Et puis il y a un festival de musique sur cette île au mois d’août…
- Nous y voilà ! Hallujah ! Cria Fry. T’es une sacrée blagueuse en fait.
- Je fais de mon mieux… Dit Jenny en lui lançant un clin d’œil.
- Vu qu’on quitte l’archipel pour un bout de temps et que c’est sur ton parcours, il faut qu’on s’arrête sur l’île Pomelo. Je dois prévenir mes parents et récupérer quelques affaires.
- Pas de souci !
- Mais vous croyez qu’on aura assez de cinq mois pour se préparer ? On n’a jamais joué ensemble, il va nous falloir du temps pour nous synchroniser et on va passer pas mal de temps en mer, ce sera autant de jours sans répétition.
- T’as la trouille ? Demanda Jessy. Je pensais qu’en tant que dresseur pokémon t’aimerais les défis.
- Les défis oui, les suicides sociaux non.
- T’es qu’une froussardine, répliqua Jessy avec un sourire provocateur.
- Trop aimable… Grimaça Fry.
- Allons allons… » Fit Jenny avec un grand sourire avant de déposer une caresse délicate sur le bras de Fry, il en frissonna de plaisir.
« J’ai tout calculé, on ne passera pas beaucoup de temps à naviguer, j’ai confiance en nos capacités à tous pour progresser à toute vitesse. Et Jessy a raison : ce sera amusant ! »
Elle agrippa le bras de Fry avec un air joyeux et pressa sa poitrine contre lui. Les avances de Jenny lui faisait de l’effet, Fry ne pouvait le nier, toutefois il n’était pas dupe sur les méthodes de séduction de la rouquine qui se pliait en quatre pour faire oublier que sa sœur était un lougaroc sauvage.
A suivre…