Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 14 : Fuis, fugitif

10699 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 17/02/2021 01:29

     Le Grand Ravin, par où commencer ? Autour de Bourg-Tranquille se situaient quelques petites montagnes comme le Mont Acier, visible depuis le village, ou encore le Mont Cristal, perçant le ciel depuis les vastes plaines de son territoire. Petites, certes, mais reconnaissables entre mille, du fait des terrains plats qui les entouraient. Le Grand Ravin, ce n’est pas une, mais plusieurs dizaines de grandes montagnes collées les unes aux autres, dont les roches sédimentaires et volcaniques d’un rouge poussiéreux absorbaient la chaleur d’un soleil qui frappait plus fort que jamais.

Cela faisait six heures, que deux secouristes bravaient les dangers du territoire en prenant le plus de hauteur possible. Au début, le chemin semblait plutôt clair et suffisamment large pour y marcher l’un à côté de l’autre. Mais rapidement, alors que l’atmosphère s’intensifiait, ils devaient longer des bords instables, emprunter des crevasses pour contourner des impasses et escalader des murs pour poursuivre leur route en direction du sommet.

À midi, dans un recoin à l’ombre et isolé du vent qui leur envoyait parfois des nuages de poussière, Salamèche posa ses affaires et s’hydrata. À côté de lui, Ectoplasma s’aspergea de ses dernières réserves d’eau, seulement couvert de sa fine braie depuis déjà un long moment.

- (Ectoplasma) Quel ENFER !! Si j’avais su qu’le Grand Ravin était aussi calamiteux… !

Se plaint-il, en se nettoyant le pelage brûlant. Il dévisagea le jeune secouriste, toujours couvert de son habituelle tunique.

- (Ectoplasma) Ne m’dis pas que tu n’crèves pas d’chaud !

- (Salamèche) Ça va aller, j’encaisse plutôt bien.

Répondit-il en lui tendant sa gourde.

- (Salamèche) Utilise-là seulement pour t’hydrater, nous ne sommes pas au bout de nos peines.

L’adulte grogna, en la récupérant.

- (Salamèche) Bon, on va souffler et déjeuner un peu, le temps que le nuage de poussière fasse son chemin. Ensuite, nous reprendrons la route en suivant cette voie !

Planifia-t-il, en pointant d’une griffe un chemin rocheux, moins large et plus éloigné du bord que les autres.

- (Ectoplasma) Vivement qu’on en finisse !

- (Salamèche) Nous y sommes presque…

Salamèche fixait le sommet, impatient de découvrir la vérité.


Chapitre 14 – Fuis, fugitif

 

Malgré ses nombreux apitoiements et cette fausse bonne humeur qu’il avait lâché à l’instant où il posa un pied dans le Grand Ravin, Ectoplasma était impressionné. Salamèche semblait s’être adapté à son comportement, sa vitesse de déplacement, son endurance et sa capacité à escalader rien qu’en explorant à ses côtés. Même s’il était pressé, il acceptait de faire des pauses régulières, le temps que la boule violette reprenne son souffle et s’hydrate un peu.

- (Ectoplasma) Qu’est-ce que tu notes ?

Remarqua-t-il vers quatorze heure, curieux, à la vue du jeune garçon qui écrivait dans son petit carnet.

- (Salamèche) Des trucs que je remarque, chez les gens que je trouve intéressant.

- (Ectoplasma) Qui ça, moi ?

Il lui arracha le carnet des pattes, surpris de constater un dessin approximatif de lui, ainsi qu’un tas d’informations supposées.

- (Ectoplasma) C’est quoi tout ça ?! Un mètre soixante, droitier, plus de quatre-vingts kilos, capacités spectrales qui lui permettent potentiellement de résister au sommeil, endurance limitée par une température à priori supérieure à trente-cinq degrés, biceps et ventre imposant, absence d’abdominaux et d’un nombril… ? Bon, ça ok, j’suis à moitié à poil. Mais pour tout l’reste, c’est super flippant ! Comment tu retiens et déduis tout ça ?!

- (Salamèche) J’observe, tout simplement.

- (Ectoplasma) Hm… et bah j’te ferai dire que mes pouvoirs n’ont rien à voir avec mon sommeil ! Les types Spectre ne dorment jamais, c’est tout !

- (Salamèche) Oh, c’est vrai ?! Génial, merci pour l’info !

S’enjoua-t-il, en récupérant son carnet. À seize heure, alors qu’ils escaladaient plusieurs grosses roches empilées les unes sur les autres, les questions du jeune garçon fusaient.

- (Salamèche) Mais du coup, tes pouvoirs consistent en quoi ?

- (Ectoplasma) Hm… en gros, tout c’que je touche pendant un temps, de quelques secondes à plusieurs minutes en fonction d’mon état et de l’état de ce sur quoi ou qui je veux agir, est soumis à mon contrôle spectral. Bon, à mon niveau d’amateur, j’peux pas faire grand-chose d’autre que jouer avec la conscience de ma cible ou la projeter sur quelques mètres, mais de vrais types Spectre surentraînés peuvent carrément changer la réalité !

- (Salamèche) Ça à l’air très puissant et… très dangereux.

- (Ectoplasma) Toujours moins qu’les types Psy, bonhomme. Eux sont inarrêtables !

À dix-huit heure, ils traversèrent une crevasse, guidés par la flamme de Salamèche.

- (Salamèche) Est-ce que tu as une autre raison de vouloir devenir explorateur ?

- (Ectoplasma) Une autre raison que l’argent, tu veux dire ? Nan, je trouve juste le métier facile d’accès… attention !!

Il le tira en arrière, l’empêchant d’enfoncer le pied dans une fissure un peu trop profonde.

- (Salamèche) Ouf… ! Merci !

- (Ectoplasma) J’ai une vision nocturne, j’devrais peut-être passer devant.

- (Salamèche) Une vision nocturne ?! Comme tous les types Spectre, j’imagine ?

Ectoplasma lui sourit en guise de réponse, avant de prendre les devants pour le reste de la crevasse.

- (Ectoplasma) Désolé, j’donne les infos dans l’désordre. J’ai pas l’habitude de parler d’moi…

- (Salamèche) Non non, ne t’excuse pas, c’est super intéressant !

- (Ectoplasma) Intéressant… ? J’raconte juste ma vie.

- (Salamèche) Justement ! Hier, tu me disais que tu n’avais aucune compétence particulière. Mais si tu trouves l’exploration facile d’accès, c’est que ce doit être ton domaine de prédilection !

- (Ectoplasma) Tsss… ! Allez, boucle-là un peu !

Passé vingt heure, ils firent face à une dernière pente. Un chemin plus éclairci que les autres, entouré de cactus et duquel y vivaient de petits volatiles, au corps vert clair parfaitement rond, ailes colorées ainsi qu’à deux grands yeux aux pupilles dilatées, un regard rempli de sagesse. Contrairement aux Insolourdo, Phanpy, Cacturne ou Cornèbre sauvages à qu’ils durent faire face, ceux-là les fixaient juste. Alors les deux secouristes avancèrent simplement, atteignant pour de bon le sommet du Grand Ravin.

Plat. Tout était parfaitement plat. L’horizon s’étendait jusqu’au soleil couchant.

- (Ectoplasma) C’est dingue ! On dirait un désert !

S’extasia l’adulte, pendant que le jeune garçon plissait les yeux en direction du soleil. Il distinguait une silhouette dans ce mirage de chaleur. Ça y est, ils y étaient… tout du moins, de ce qu’ils pensaient. En approchant, ils comprirent qu’un gigantesque ravin les séparait de leur objectif.

- (Ectoplasma) Nan… ! Ne m’dis pas qu’on a grimpé la mauvaise montagne !

- (Salamèche) … C’était prévisible. Il fallait au moins que l’on gravisse une fois le sommet, pour se repérer. Bon sang, on était si près du but… ! Tant pis, rentrons à Bourg-Tranquille. Nous n’avons pas assez d’eau pour tout refaire maintenant…

Soupira-t-il, en cachant tant bien que mal son dépit. Ectoplasma le fixa rebrousser chemin, perplexe.

- (Ectoplasma) … Attends, petit.

Osa-t-il, après un temps d’hésitation.

- (Ectoplasma) On… on a peut-être un moyen de gagner du temps. C’est risqué, mais… j’peux peut-être nous transporter de l’autre côté avec mes pouvoirs.

Le jeune garçon se retourna, sans voix. Ectoplasma approcha le rebord du ravin.

- (Ectoplasma) On est à quoi, une centaine de mètres de l’autre bord ?

- (Salamèche) Est-ce que tu l’as déjà fait ?

- (Ectoplasma) Pas d’aussi loin, mais…

L’adulte lui jeta un dernier coup d’œil, l’autre ne souriait pas. Alors il soupira, puis se cogna les poings d’un air assuré.

- (Ectoplasma) Je m’sens en pleine forme, aujourd’hui ! Allez, file ton sac pose tes miches ici !

La minute d’après, alors que le jeune secouriste s’était débarrassé de tout ce qu’il avait de lourd, Ectoplasma posa une patte sur sa poitrine et ferma les yeux. Le silence régnait, alors qu’une aura violette commençait à les entourer.

- (Salamèche) Wow…

- (Ectoplasma) À mon signal, tu te laisses tomber en arrière. Tu ne dois pas bouger d’une écaille, au risque d’influer sur la trajectoire. Respire un grand coup et… dis-toi que c’est tout ou rien.

- (Salamèche) Si tu estimes en être capable, alors je te fais entièrement confiance.

- (Ectoplasma) … Allez, à trois ! À la une…

Salamèche ferma les yeux.

- (Ectoplasma) À la deux… !

Il inspira à se remplir les poumons.

- (Ectoplasma) Et à la trois !

Le type Spectre le poussa, ses pouvoirs le projetèrent. À vive allure, Salamèche lévita à des centaines de mètres au-dessus du vide. Il sentait le vent le pousser, il sentait l’aura d’Ectoplasma le protéger. Ce dernier le perdait peu à peu de vue, si loin qu’il ne distinguait plus qu’un amas violet se fondre dans les ondes de chaleur. Il en crispait les dents, contractait les muscles et plissait les yeux.

- (Ectoplasma) Allez… !

Grognait-il, alors qu’une goutte de sueur coulait le long de sa joue. Commençant à trembler, il relâcha son pouvoir dans un dernier élan de détermination. L’aura se dissipa du jeune garçon, propulsé jusqu’au rebord de l’autre montage. Il se releva, stupéfait.

- (Salamèche) Tu as réussi… !

Ectoplasma s’agenouilla, essoufflé. Il essuya sa sueur, se rendant compte qu’il n’avait plus si chaud. Il se tourna vers la pile d’affaires à emporter, puis se releva sans rechigner. Une fois tout bien attaché sur son dos, il s’enroula lui-même d’une aura spectrale avant de sauter dans le vide, les yeux fermés. Il avançait plus lentement, tandis que ses pattes tremblaient déjà. Il avait épuisé ses réserves pour assurer la sécurité de Salamèche, s’en rendre compte le perturba encore plus.

- (Ectoplasma) J’hallucine… j’suis vraiment en train de m’pendre au-dessus du vide pour lui… ?

L’aura se dissipait. Au loin, le jeune secouriste le voyait tituber dans les airs.

- (Salamèche) Non… ! Ectoplasma !! ALLEZ, COURAGE !!!

Hurla-t-il à s’en casser la voix. Son interlocuteur, aussi loin qu’il était, ne l’entendit que trop bien. Il ferma les poings, se forçant à ne plus trembler. L’aura s’amplifia, tandis qu’il se déplaçait de plus en plus vite.

- (Ectoplasma) Je peux le faire… ! Je peux le faire !!

Dans un dernier élan d’adrénaline, il relâcha tout son pouvoir pour se propulser jusqu’au rebord. Hélas, il le manqua d’un pauvre mètre. Peinant à se rattraper, il tomba dans le vide… sans compter sur Salamèche, qui lui attrapa la patte au dernier moment. Le choc du mouvement les fit tous deux se heurter contre les roches, l’adulte – tiré du bas vers le haut par la force du type Feu – se cogna le front tandis que l’enfant – tiré de haut en bas par le poids du type Spectre – percuta son menton contre le sol. Mais aucun des deux ne lâcha prise. Le membre de la Dream Team agrippa une excroissance rocheuse pour gagner en équilibre. Le membre de l’équipe Chaotique enfonça ses bottes dans chaque micro-renfoncement du mur pour ne pas glisser. Ainsi, ils atteignirent le sommet. Le bon sommet.

Une bonne minute s’était écoulée, alors qu’ils continuaient de reprendre leur souffle. Tous deux allongés dos au sol, le regard face au ciel orangé, le sourire au coin des lèvres.

- (Ectoplasma) Je m’demande c’est quoi l’pire ? Avoir vécu l’exploration d’ma vie avec un mioche qui n’a rien à voir avec mon équipe, ou l’avoir fait pour pas un fichu rond !

Plaisanta-t-il en se tenant le ventre.

- (Ectoplasma) Aïe… ! Faut pas que j’rigole, en fait…

Salamèche, lui, ne s’en privait pas.

- (Salamèche) Ah ah, je te revaudrai ça, promis ! Si tu n’avais pas été là, j’aurais dû rebrousser chemin…

- (Ectoplasma) Bah, n’en parlons plus ! Après tout, les secouristes aussi peuvent très bien s’entraider !

Ils se relevèrent pour de bon, s’hydratant, se dépoussiérant et s’étirant face à leur objectif. Juste face à eux se trouvait cette silhouette qu’ils percevaient d’aussi loin. Elle leur faisait dos, fixant le soleil au rebord du ravin. Semblable aux sauvages rencontrés proche du sommet, sa peau pétillait d’un vert éclatant. Ses ailes blanches lui longeaient le corps, telle une tunique faite de plumes. Ses yeux étaient grands, ses pupilles dilatées. Il paraissait sage, sain, imperturbable.

- (Salamèche) Monsieur Xatu…

S’introduit-il, d’une voix mélangeant respect et inquiétude.

- (Salamèche) Bien le bonsoir, je m’appelle Salamèche et j’ai beaucoup entendu parler de vous.

Le volatile ne réagit pas.

- (Salamèche) On m’a redirigé vers vous et vos capacités sensorielles hors du commun. Est-ce que vous accepteriez de répondre à quelques questions… ? Je… je comprendrais que… vous… euh…

Toujours aucune réaction.

- (Ectoplasma) Hé, on t’parle !

S’imposa l’autre secouriste, en mouvementant sa patte pour attirer l’attention. Aucune réponse.

- (Ectoplasma) Tu crois qu’il dort les yeux ouverts ?

Il lui tapota le crâne.

- (Ectoplasma) Ou alors il nous ignore ?

- (Salamèche) Je ne sais pas, mais je ne veux pas lui manquer de respect…

Terminait-il, alors que le type Spectre était déjà en train de lui gratouiller le ventre.

- (Salamèche) Ectoplasma…

- (Ectoplasma) Quoi ? Ça marche toujours, les chatouilles !

- (Salamèche) Bon, tant pis. Il faut croire que ce n’était pas lui…

- (Ectoplasma) Sinon, j’le jette dans l’vide ? Tous les piafs ne savent pas voler, tu sais ?

- (Salamèche) Sinon, on rentre au village bredouille, ça me paraît moins excessif.

- (Ectoplasma) Oh, t’es pas drôle !

- Lâche-moi.

Ordonna une voix stricte, vieille d’un ancien temps et d’une intonation si neutre qu’elle parut terriblement menaçante. D’ailleurs, à peine eut-il le temps de réagir, qu’Ectoplasma fut bousculée loin de ce Pokémon brandissant ses deux soyeuses ailes blanches. De son côté, Salamèche sentit l’atmosphère s’intensifier, comme si des milliers de regards s’étaient posés vers lui.

Le volatile abaissa les ailes et cligna lentement des yeux.

- … Le ciel aussi, se fracturera. D’abord la terre foulée par ses pas, ensuite les pensées et préoccupations de ceux qui l’entourent pendant que le danger s’étant sur le reste du monde, enfin, la perception des divinités. Certaines interrompent leur repos éternel, d’autres observent de loin, impuissantes face à une menace inidentifiable, cachée parmi un peuple qui n’est pas le sien et dont il finira par causer la perte, vraisemblablement lassé de les utiliser à ses fins obscènes, pingres et sordides.

Récita-t-il d’une voix lente, sans le moindre bégaiement.

- (Ectoplasma) Wow. J’ai rien pigé.

Désamorça le type Spectre, assis par terre. Salamèche avança d’un pas.

- (Salamèche) S’il vous plaît, monsieur Xatu…

- Silence. Ne salis pas le nom des miens avec tes paroles nauséabondes.

Il se retourna, l’air indifférent.

- (Xatu) Cela-dit, ne te méprends pas. C’est un honneur de te rencontrer avant notre fin, humain.

Le silence qui suivit retentit comme une secousse, pour le jeune secouriste. Son cœur se mit à battre la chamade, alors qu’il essuya une première goutte de transpiration. Xatu plissa les yeux, en fixant ceux de celui qu’il appelait humain.

- (Salamèche) Je… non… attendez… !

- (Xatu) … Pourquoi ? Pourquoi un Pokémon t’aurait-il envoyé parmi nous ? En possession des rouages, elle aurait dû duper la supercherie…

- (Salamèche) De qui vous parlez… ?!

- (Xatu) Et ce soldat, devenu boulanger du jour au lendemain, pourquoi continue-t-il de jouer les inconscients ? Leur aurais-tu tous lavé le cerveau ?

- (Salamèche) Ça suffit !!

Cria-t-il soudainement, à en faire raisonner tout le territoire. Silencieux face à cette confrontation, Ectoplasma les dévisageait simplement. Salamèche crispait les dents, se cognant le crâne pour faire fuir cette migraine.

- (Salamèche) Je ne suis pas un humain, c’est impossible !

- (Xatu) … Je vois. C’est ta transformation en Pokémon, qui t’a amnésié. Mais tu doutes parce que tu te rappelles.

- (Salamèche) Tout ce que je veux, c’est clarifier les choses ! Je n’ai jamais voulu faire de mal à qui que ce soit !

- (Xatu) … Peut-être était-ce une punition de sa part ? Peut-être trouva-t-elle en ce monde ton purgatoire, destiné à s’écrouler auprès d’un peuple que tu as tant torturé ? L’amnésie ne serait qu’un outil pour te forcer à t’attacher ?

- (Salamèche) Je vous en supplie, arrêtez de m’ignorer ! JE SUIS SINCÈRE !!!

Hurla-t-il, en larmes. Xatu soupira en se retournant vers l’horizon.

- (Xatu) Voilà donc notre raison d’être : les pions d’une mortelle qui s’est prise pour une divinité. Et moi, descendant de la communauté du savoir, je dois expliquer à notre bourreaux tant craint les raisons de notre annihilation à tous, peuple Pokémon. Pour un seul humain, cela en valait-il vraiment la peine ?

- (Ectoplasma) Euh… désolé d’arriver après la guerre, mais c’est quoi un humain ?

Intervint l’autre secouriste, en levant le doigt.

- (Xatu) Les premiers mortels engendrés par Arceus et les siens, dans une dimension lointaine de la nôtre. Leur seul don fut de naître en premier. Leur légère avance leur permit d’empêcher le développement des Pokémon en les dressant tels des esclaves.

- (Ectoplasma) Ah ouais ? Pas cool, mec.

Plaisanta-t-il auprès de Salamèche, avant de se relever le sourire aux lèvres.

- (Ectoplasma) Et qu’est-ce que ça change, sérieux ? Qu’il soit humain ou pas, qu’il ait été mauvais ou pas, qu’est-ce qu’on s’en tape ? C’est un môme, il apprend de ses erreurs et j’peux vous assurer que tout l’monde lui en est reconnaissant, au village ! Sans la Dream Team, beaucoup auraient souffert des tremblements de terre !

- (Xatu) Sans la Dream Team, les tremblements de terre n’auraient pas lieu d’être.

À nouveau, il imposa le silence. Le jeune garçon recula d’un pas.

- (Salamèche) Non, ce n’est pas vrai… !

Bafouilla-t-il, tremblant comme une feuille.

- (Xatu) Il n’est pourtant pas psychique de lier ton apparition à la première secousse qui frappa le territoire de Bourg-Tranquille, le dix-sept Septembre deux-cent-trente, au cœur des Petits Bois. Rien n’est injustifié. Tu as brisé l’équilibre d’un monde que tu n’étais jamais supposé rejoindre, la planète réagit en conséquence.

À son tour, le volatile avança d’un pas.

- (Xatu) Je me suis isolé parce que les pensées d’autrui m’oppressaient. Je sentais chaque émotion, chaque douleur. Peu à peu, je perdais foi en notre peuple. Et aujourd’hui… rien n’a changé. La planète se fracture et ses habitants ne pensent qu’à la solidité de leurs murs. Même le grand Alakazam, idolâtré pour ses connaissances et son ingéniosité hors du commun, prêt à tout pour protéger le monde d’une quelconque menace, tire sa révérence face à un enfant impuissant. Si même lui n’a pas été capable de t’éliminer sur le champ, alors nous sommes perdus.

- (Salamèche) M’éliminer ?!

- (Xatu) La solution la plus évidente pour mettre fin au déséquilibre de notre monde.

Il avança d’un second pas, à portée d’un Salamèche qui voulait fuir. Hélas, son corps était paralysé par l’angoisse.

- (Ectoplasma) Recule.

Intervint brusquement Ectoplasma, en barrant la route de Xatu. Les deux se fixèrent de longues secondes, alors qu’un vent frais commençait à leur choyer la peau. Le vieux volatile se retourna finalement, dressant un regard vers les dernières lueurs du soleil.

- (Xatu) Détrompez-vous, tout cela ne m’importe plus. Le monde peut crouler sous le sang et les larmes, je n’en ai que faire, désormais. En question, je ne remets ni la parole d’une divinité, ni celle d’un être capable de manipuler le pouvoir des divinités. Si la dernière volonté de Feunard fut de t’envoyer parmi nous, c’est que nous devons mériter notre sort.

- (Salamèche) … Qu’arrivera-t-il, si on ne fait rien ?

- (Xatu) … Le onze Juillet deux-cent-trente-et-un, à midi tout pile. Les dernières couleurs, le dernier craquèlement de la roche. Puis, le vide absolu. Je ne vois plus rien après cette date.

- (Salamèche) Le onze Juillet, dans trois mois…

Marmonna-t-il, en dévisageant ses pattes tremblantes.

- (Salamèche) À part me sacrifier, qu’est-ce que je peux faire pour empêcher ça ?

Le vieux sage resta silencieux.

- (Salamèche) Il y a autre chose, pas vrai ? S’il vous plaît… ! Que vous me fassiez confiance ou pas, je m’en moque ! Peu importe les raisons pour lesquelles j’ai été envoyé ici, je veux juste… protéger mes proches !

Il peinait à essuyer sa morve, sanglotant à s’en essouffler.

- (Salamèche) Je vous en supplie, parlez-moi de toutes les solutions potentielles pour empêcher ce désastre ! Pitié… !

S’agenouilla-t-il, sous le regard inquiet d’Ectoplasma.

- (Ectoplasma) Hé… !

Il approcha et lui tapota le dos.

- (Ectoplasma) C’est bon, ne te mets pas dans des états pareils. Rentrons, la lune se lève.

- (Xatu) … L’intégration est incomplète.

Expliqua finalement Xatu, plutôt hésitant à l’entente des pleurs du jeune secouriste. Alors qu’Ectoplasma, qui avait resserré tous les sacs sur son dos, approchait les rebords de la montagne dans le but de trouver le chemin le moins dangereux pour redescendre, Salamèche lui adressa une dernière attention.

- (Xatu) Il est rude d’anticiper la réalité, que dis-je, l’espace-temps lui-même. Cependant, une question m’importune. Le monde est perturbé par ta présence, mais l’est-il parce que tu es différent, ou parce que ta différence te force à usurper l’apparence d’un Pokémon ? Si tu embrassais tes deux identités, si tu trouvais ta place en ce monde, si tu intégrais complètement le peuple Pokémon ? Peut-être que l’équilibre se restaurerait ?

- (Ectoplasma) Par ici, j’ai trouvé une allée convenable !

- (Salamèche) J’arrive…

- (Xatu) Mais ne te méprends pas. Comme je l’ai dit, les habitants de ce monde ne pensent qu’à la solidité de leurs murs. C’est aussi pour cette raison, que je me suis exilé.

Le jeune garçon hocha la tête, avant de rejoindre Ectoplasma et de quitter pour de bon le Grand Ravin.

Minuit passé. À la sortie du donjon, sur un terrain plat dont les roches l’entourant le protégeaient des nuages de poussière, une petite tente renfermait une lumière aussi chatoyante que chaleureuse. La flamme de Salamèche s’étincelait d’une façon plus désordonnée que d’habitude. Assis sur son sac de couchage, il la fixait depuis un quart d’heure sans dire le moindre mot.

- (Ectoplasma) Vite vite vite… !

Baragouinait l’autre secouriste en se dépêchant d’entrer, mais surtout de redraper derrière lui leur lieu de repos. Contrairement au reste de la journée qu’il passa en sous-vêtement, il ressemblait ici plus à une boule de tissus qu’autre chose.

- (Ectoplasma) Sérieux, comment peut-il faire aussi chaud le jour et froid la nuit… ? Nan, meilleure question, comment Xatu peut survivre dans un climat pareil ?! Y a même pas d’lac dans l’coin, comment il se lave ?!

Geint-il en gesticulant dans tous les sens pour se réchauffer. Il zyeuta le jeune garçon, vidé d’enthousiasme.

- (Ectoplasma) … Tu penses encore à ce qu’il t’a dit ?

- (Salamèche) … Je suis un monstre…

- (Ectoplasma) Nan, arrête un peu avec ça.

Il se posa à ses côtés.

- (Ectoplasma) Cette histoire d’humain, c’est du grand n’importe quoi ! Tout à l’heure, j’t’ai dit que les types Psy étaient surpuissants. Bah devine quoi, ils sont tout aussi maboules ! Le pouvoir de manipuler la réalité, c’est la porte ouverte à un charabiât que tout l’monde va gober la bouche ouverte parce que, tu comprends, il a eu des visions ! Sauf que dans les faits, il t’accuse d’être responsable de tous les tremblements de terre du monde parce que t’en viens d’un autre, envoyé par quelqu’un qui trouvait qu’avant ton amnésie, t’étais une sacrée ordure. Où sont ses preuves ? Il n’en a pas, c’est juste un type Psy. La fin du monde dans trois mois, et puis quoi encore ?!

- (Salamèche) … C’est gentil, mais… je ne peux pas faire comme si de rien n’était.

- (Ectoplasma) Et pourquoi pas ? Tu crois que si le reste de Bourg-Tranquille l’apprenait, ils te chasseraient ?

- (Salamèche) … Peut-être. C’est pour leur bien à tous, alors à leur place, je…

Il hésita, avant d’essuyer une larme et de plonger dans son sac de couchage.

- (Salamèche) … Merci de m’avoir accompagné…

Ectoplasma soupira.

- (Ectoplasma) Bon. Je suis là, si tu as besoin…

Il s’allongea à son tour, prêt à passer une énième nuit blanche.

Le lendemain, en cette matinée du quinze Avril illuminée d’un ciel plutôt nuageux, les deux secouristes regagnèrent leur village à l’atmosphère apaisante. Ectoplasma bouscula la porte de sa maison pour l’ouvrir, se faisant remarquer des deux squatteurs.

- (Charmina) Tiens, t’es enfin revenu !

S’enjoua le premier, en jetant une énième cigarette au sol.

- (Arbok) T’étais où, espèce de lourdaud fainéant !

L’agressa le second, aux crocs tâchés de bière.

- (Ectoplasma) Quoi, j’dois tout vous dire ? Vous vous absentez souvent, vous, nan ?

Arbok glissa jusqu’à lui, le dévisageant d’un air assassin.

- (Arbok) Et la Guilde d’Exploration, alors ? Tu veux qu’elle nous passe sous le museau ou tu vas te remuer pour nous les faire gagner, ces cent points ?! Elles sont où, les missions volées à la Dream Team ?!

- (Ectoplasma) Je… euh… Salamèche les a récupérés.

- (Arbok) J’en étais sûr !!

Il le cogna d’un coup de queue qui l’envoya paître contre la porte d’entrée.

- (Arbok) Sale faible !!

- (Charmina) On parie combien qu’il s’est absenté une journée entière pour se racheter auprès de ce pouilleux qui lui a mis une raclée ?

- (Ectoplasma) Attendez ! J’ai sympathisé avec lui et il m’a dit qu’il nous aiderait à postuler à la Guilde !

Arbok et Charmina s’échangèrent un regard perplexe, avant d’éclater de rire.

- (Charmina) T’es devenu pote avec ce gamin ? Comment c’est possible ?! Ah ah ah !

- (Arbok) T’as vraiment touché le fond, Ectoplasma ! Je crois qu’il va falloir reprendre les entraînements intensifs…

L’intimida-t-il, en gesticulant son dard dans sa direction.

- (Ectoplasma) Non !! Non, pitié !

Paniqua la boule violette, en se recroquevillant contre la porte.

- (Charmina) Arbok a raison, tu te ramollis à vue d’œil. On ne veut pas d’un faiblard dans notre équipe.

- (Ectoplasma) J’vous en supplie !! Je fais juste de mon mieux pour améliorer notre image, c’est tout !!

- (Charmina) On s’en tape de notre image, c’est pour ça qu’on s’est appelé l’équipe Chaotique ! La notoriété, on l’arrache à la concurrence !

- (Arbok) Et on ne devient certainement pas amis avec eux ! Je vais m’assurer que cette leçon te transperce le crâne… !

- (Ectoplasma) JE L’AI DUPÉ !!!

Hurla-t-il de toutes ses forces, désespéré. Il en imposa le silence, alors qu’Arbok s’apprêtait à l’attaquer de plein fouet.

- (Charmina) … Tu vas essayer de nous faire croire que c’était prévu ?

- (Ectoplasma) Non, pas prévu, non ! Mais au fond de moi, je m’disais que si ça se passait mal, s’il me trahissait, je… j’avais un plan de secours !

Bégaya-t-il, hésitant à terminer chacune de ses phrases. Mais un dard capable de le perforer lui choyait le ventre.

- (Arbok) Parle.

- (Ectoplasma) Je… je l’ai accompagné au Grand Ravin et… on a appris que…

Il retint soudainement son souffle, repensant à la manière dont Salamèche s’était écroulé en larmes à côté de lui. Il ferma les poings et crispa les dents, hésitant une dernière fois. Charmina approcha, zyeutant d’un air hautin son coéquipier avant de brutalement le piétiner.

- (Charmina) Si tu tiens vraiment à devenir explorateur, il va falloir faire un choix. Je ne sais pas ce que ce gamin t’a mis dans la tête, mais t’en es plus un depuis des lustres, Ectoplasma. La tromperie est le seul moyen de réussir, tu devrais le savoir mieux que quiconque. Quand on baisse sa garde, on laisse une occasion au premier venu de se faire dominer.

- (Ectoplasma) … Je…

Peu à peu, il desserra autant les poings que les dents.

- (Ectoplasma) … Je le sais, oui.

Le ciel était entièrement recouvert de nuages. Salamèche passa la clôture de sa maison, mais c’est Pifeuil qui ouvrit la porte.

- (Pifeuil) Salut, mon gars.

L’accueillit-il les bras croisés, regard froncé. Salamèche le fixa sans émotion.

- (Pifeuil) Quoi ? Tu pensais t’en sortir sans pépin ?

- (Pikachu) Bah tiens, j’arrive au bon moment !

S’introduit l’autre membre de la Dream Team, en passant à son tour la clôture. Salamèche se retrouva encerclé par ces deux Pokémon au ton de voix alarmant, si ce n’est hostile.

- (Salamèche) Qu’est-ce que tu fais là ?

- (Pikachu) J’venais dire à m’sieur Pifeuil que je n’t’avais toujours pas trouvé.

- (Pifeuil) J’croyais que t’étais parti festoyer tes dernières vacances scolaires avec ton ami, avant qu’il ne débarque pour m’demander si t’étais revenu ! Ça fait deux fois, qu’il fouille tout l’village à ta recherche !

- (Salamèche) Désolé, j’étais pressé.

- (Pikachu) Pressé ? Donc tu reviens du Grand Ravin, pas vrai ?

- (Salamèche) Je n’ai pas envie d’en parler…

- (Pikachu) Mec, on s’était mis d’accord pour y aller ensemble ! Pourquoi t’es partis sans prévenir ? On s’est tous inquiété !

Salamèche tenta de fuir l’engueulade, mais Pifeuil l’empêcha de passer la porte.

- (Salamèche) J’ai besoin de me reposer.

Insista-t-il en tapant du pied.

- (Pifeuil) Hé ! Cette piaule n’accueille que les gens respectueux !

Le garçon à la flamme brûlante lui lança un regard glaçant. Il entendait cette voix stricte et distante qui le traitait d’humain.

- (Pifeuil) Wow… ! Mais qu’est-ce qui t’arrive, boudiou ?

S’inquiéta le bonhomme vert, en lui choyant les épaules. Son petit le bouscula soudainement.

- (Salamèche) Ne me touchez pas !

Cria-t-il, alors que son cœur battait de plus en plus vite.

- (Pikachu) Salamèche… ?

- (Pifeuil) Tu vas mieux m’parler, oui ?! J’me trouve déjà suffisamment sympa avec toi, alors n’abuse pas de… !

- (Salamèche) Non, ça suffit, fermez-là !!

Hurla-t-il enfin, fou de rage. Pendant plusieurs longues seconde, le silence total régna. Son ami se couvrit la bouche, stupéfait.

- (Pikachu) Salamèche, mais qu’est-ce qui te prend… ?

- (Pifeuil) Ok, super ! J’voulais pas en arriver là, mais tu sais quoi ?! T’es puni, espèce d’ingrat !!

- (Salamèche) Puni de quoi ?! Vous n’êtes qu’un imposteur !! Je le sais, Pifeuil, je sais que vous étiez-là !!

- (Pifeuil) Mais de quoi tu parles ?!

- (Salamèche) Le jour où j’ai été lobotomisé pour devenir un Pokémon ! Vous saviez que j’étais humain depuis le début ! Vous le saviez et vous ne m’avez rien dit, pire, vous avez profité de mon amnésie pour me faire devenir votre enfant et avoir de l’autorité sur moi !!

L’adulte écarquilla les yeux, aucun son ne sortit de sa bouche. À nouveau, Salamèche le bouscula.

- (Salamèche) Vous mentez à tout le monde depuis le début parce que vous aussi, vous ne venez pas de ce monde !! Vous avez comploté avec je ne sais quel… fichu Pokémon pour nous envoyer ici, et maintenant le monde entier est en danger à cause de nous !!

Il le bouscula une dernière fois, en larmes.

- (Salamèche) Je n’ai jamais demandé tout ça !! Si j’avais eu à choisir entre ne jamais rencontrer mes amis ou tous les voir mourir dans trois mois, je n’aurais pas hésité une seule seconde !!

- (Pifeuil) Alors c’est vrai… ? Les secousses sont bel et bien liées à notre venue… !

- (Salamèche) Quoi… ? C’est tout ce que vous trouvez à dire ?!

Il tenta de le repousser une nouvelle fois, mais Pifeuil le bloqua net.

- (Pifeuil) Arrête ! Mon gars… Salamèche… humain. S’il te plaît, écoute-moi.

- (Salamèche) Lâchez-moi !!

- (Pifeuil) Je suis prêt à tout te raconter, si tu te calmes un peu.

- (Salamèche) Non, je veux que vous me laissiez tranquille !!

- (Pifeuil) J’ai fait tout ça pour ton bien !

- (Pikachu) Ça suffit !!

Les regards se tournèrent vers Pikachu, pointant l’adulte d’un doigt électrifiant.

- (Pikachu) … Il vous a demandé de le laisser tranquille !

Pifeuil lâcha son petit, qui recula en reprenant son souffle.

- (Pifeuil) Vous ne comprenez pas…

- (Pikachu) Je n’ai pas besoin de comprendre, je fais confiance à Salamèche !

Soudain, la terre trembla. De plus en plus vite, de plus en plus fort. Les trois garçons trébuchèrent, alors que la sirène d’alerte retentit dans tout le territoire. Les habitants sortaient de chez eux, tous en direction de la place du village.

- (Chenipan) Maman !! Regarde, ils ont besoin d’aide !!

La famille de type Insecte passa la clôture, se fissurant sous leurs yeux, pour les aider à se relever.

- (Papilusion) Ça va aller, vous n’avez rien ?!

- (Pifeuil) Non non, merci bien !

- (Chenipan) Allez, courage, allons sur la place !

Encouragea le petit garçon à son camarade de classe, qui essuyait ses larmes en fixant Pifeuil.

- (Salamèche) Ouais… allons-y.

- (Pifeuil) Mon gars, attends… !

Trop tard, la Dream Team en profitait pour le fuir sans se retourner. Quand Pifeuil arriva sur la place du village, une grande foule l’empêcha de retrouver celui à qu’il avait des tas de choses à dire. Le tremblement cessa, la sirène se coupa. De l’autre côté, Salamèche et Pikachu rejoignirent les autres enfants du village.

- (Pikachu) Hé, est-ce que tout va bien ?

- (Germignon) Oui, on était à la bibliothèque avec Riolu. Certaines se sont carrément renversées, mais dame Altaria nous a protégé des quelques livres qui nous tombaient dessus, avec ses nuages !

- (Riolu) Et vous, ça va aller ?

Demanda l’intello de la classe, en dévisageant le garçon à la flamme étincelante, qui se pressa d’essuyer une autre larme.

- (Salamèche) Oui oui, t’inquiète…

- (Pikachu) Il s’est passé des trucs de fou, mais on en parlera plus tard.

Les enfants se tournèrent vers la foule, accablée par cet énième désastre.

- (Kecleon) Ah, fichue secousse ! Mes bacs de fruits ont encore dû se renverser !

- (Lombre) Et les morceaux d’verre qu’on va devoir nettoyer, alors !

- (Mégapagos) Lombre, pensez aussi à notre tuyauterie ! Prions pour qu’elle ne se soit pas dévissée, ou le bar devra se passer d’eau potable pendant une bonne semaine !

- (Papilusion) J’espère que ma corde à linge a tenu le coup…

- (Hippodocus) Et moi, que mes tableaux ne se sont pas renversés ! J’étais sur le point d’envoyer mes commandes !

- (Flotoutan) Canarticho, m’accompagneriez-vous vérifier l’état de notre école ? Les bureaux étudiants étaient déjà instables, la dernière fois.

- (Canarticho) Navré, mais j’ai dû partir sans fermer la porte et je dois absolument m’assurer que des rongeurs ou volatiles sauvages ne trifouillent pas dans ma réserve de poireaux !

- (Nanméouïe) Je vous accompagnerai, dame Flotoutan, en espérant que l’infirmerie s’en est tirée sans trop de soucis…

Alors que les habitants s’épouvantaient des dégâts causés, la maire Rapasdepic vola jusqu’au centre de la place. Elle déplia ses ailes et attira toute l’attention, portée par le village entier.

- (Rapasdepic) Je ne vois guère d’absent, pour changer. Soit, vous connaissez les mesures et attitudes à adopter pendant et après cette situation, vous tous. Disposez et faites attention à vous. Les réparations engendrées par un tremblement de terre nous coûtent déjà très cher, alors je vous prierai de regarder où vous fourrez vos pattes !

- (Charmina) Attendez une minute !!

Intervint une voix que les habitants n’avaient pas l’habitude d’entendre. Les regards se posèrent sur un trio, à qui l’on fraya un chemin jusqu’au centre de la scène. Arbok et Charmina avançaient avec le sourire, tandis qu’Ectoplasma détournait le regard en se maintenant le bras.

- (Lombre) Encore eux…

- (Papilusion) Ces trois-là… ils me disent quelque-chose… ?

- (Hippodocus) Ce sont des explorateurs, non… ?

- (Kecleon) Des secouristes, je crois… ? M’enfin, quelle différence… ! Ils vont juste nous réclamer de l’attention…

- (Germignon) Vous les connaissez… ?

- (Pikachu) Moi non, mais Salamèche leur a normalement rendu visite.

- (Salamèche) J’ai seulement rencontré Ectoplasma, celui tout derrière. Il est bien plus sympa qu’on ne le pensait.

- (Pikachu) Ah ouais… ?

Ectoplasma, justement, lui jeta un regard attristé.

- (Rapasdepic) Qu’est-ce que vous voulez, secouristes ?

- (Charmina) Vous en avez marre de toutes ces secousses, hein ? Vous aimeriez que tout ça s’arrête !

- (Rapasdepic) Et donc quoi, vous allez nous vendre une formation lamentable ? Ne nous faites pas perdre de temps.

- (Charmina) Oh, mais ma chère magistrate, nous avons bien plus à vous proposer ! Un nom, ça vous tente ?

- (Rapasdepic) Comment ça ?

- (Charmina) Un responsable, que dis-je, LE responsable de tous ces abominables tremblements de terre qui ravagent notre beau village depuis plusieurs mois. Hm… depuis sept, pour être exact ? Mi-Septembre, la première secousse, non ?

Alors que les habitants portaient une attention de plus en plus grande à ce beau parleur, Salamèche le fixa d’un air méfiant.

- (Rapasdepic) Le dix-sept, pour être exact.

- (Charmina) Hm… bien. Et ces séismes, vous ne trouvez pas qu’ils donnent une carrière à certaines personnes ici ?

- (Lombre) Une carrière… ? Qu’est-ce que c’est qu’cette façon d’parler ?!

- (Papilusion) Hé bien… les secouristes nous épaulent au moindre problème, oui. Enfin, les secouristes… je suis navrée d’être aussi crue, mais vous n’en faites pas autant que la Dream Team.

- (Charmina) Exactement ! Nous avons nos problèmes, nous aussi, nous ne pouvons pas anticiper ces désastres à l’avance ! J’imagine que l’équipe Rafale Verte est tout aussi débordée ?

Tengalice, silencieux depuis le début, se gratta la chevelure d’un air gêné.

- (Tengalice) Euh… ouais, je mets un peu l’exploration de côté, depuis le début de l’année. Je ne me sens plus très digne, depuis ce qui est arrivé au Mont Cristal…

- (Charmina) Tiens tiens tiens… notre bourreau détruirait-il la concurrence pour recevoir tous les mérites ?

- (Rapasdepic) Quoi ? Où voulez-vous en venir, bon sang ?!

- (Charmina) Au sommet du Grand Ravin vit le sage Xatu, aux pouvoirs psychiques si puissants qu’il sent la force et la volonté de chacun de nos esprits ! Le dix-sept Septembre, alors que nous nous inquiétions d’un simple tremblement de terre, lui a vu la fin du monde !

Les plus superstitieux sursautèrent.

- (Lombre) La… fin du monde ?!

- (Hippodocus) Sapristi… ! Barbicha vend souvent les capacités sensorielles de Xatu. Paraît-il qu’il communiquerait avec les dieux !

- (Charmina) Devinez quoi ? Il accuse l’un d’entre nous d’être le responsable de ce grand désastre !

- (Canarticho) Comment cela serait-il possible ? Qui aurait la force de faire trembler la planète entière ?

- (Charmina) Aucun Pokémon, effectivement ! Puisque l’un d’entre nous est en réalité un humain !

Ça y est, le mot était lâché. Pifeuil sursauta à son entente.

- (Rapasdepic) Un… humain ?

- (Lombre) J’ai l’impression d’avoir déjà entendu ça quelque part… ?

- (Mégapagos) Humain… ? Serait-ce ce nom que l’on donne à une obscure légende ?

- (Charmina) Hé, pas mal ! Je vois que des gens très cultivés vivent ici !

- (Mégapagos) En vérité, je n’en sais pas plus. Mais ce nom… ne m’inspire aucunement.

- (Charmina) Tu m’étonnes ! Pour la faire courte, les humains sont un peuple d’esclavagistes qui, dans un autre monde, auraient manipulé, torturé et utilisé les Pokémon pour des intérêts morbides et futiles ! Selon Xatu, le jour de la première secousse, un humain aurait rejoint notre monde, changé en Pokémon pour tous nous duper ! Son objectif est flou, mais ce dont il est certain, c’est que l’équilibre du monde est menacé par sa simple présence !

Alors que les habitants s’en affolèrent, Pikachu, Germignon, Riolu, Arcko, Carapuce, Rattata et même le professeur Canarticho se tournèrent vers le garçon à la flamme crépitante. Ce dernier était bouche bée, fixant Ectoplasma d’un air troublé. Les deux autres membres de l’équipe Chaotique se tournèrent justement vers lui.

- (Arbok) Mon cher Charmina, que dirais-tu de laisser notre ami expliquer lui-même ce qu’il a entendu là-haut ?

Le type Spectre sursauta à son tour.

- (Charmina) Oui, tu as raison. Après tout, il fut le seul témoin des événements !

Les regards se posèrent sur Ectoplasma, entouré d’une pression à l’en faire trembler comme une feuille.

- (Ectoplasma) Je… euh…

Il zyeuta d’abord Salamèche, lui échangeant un dernier regard mélangeant peur et doute, avant d’épier Arbok et son dard gesticulant à côté de lui. Il soupira, transformant le doute en regret.

- (Ectoplasma) … Salamèche est l’humain qui détruira le monde.

Condamna-t-il, les yeux fermés.

- (Lombre) Quoi ?!

- (Hippodocus) Le gamin ?!

- (Nanméouïe) Salamèche… ?

- (Papilusion) Non, pas lui… !

Le déferlement de regards se déplaça jusqu’au jeune garçon, à qui un chemin se fraya jusqu’au centre de la place, jusqu’aux plumes agitées de celle qui, le sourire au bec, le nargua d’un air névrosé.

- (Rapasdepic) Ah… ah ah ah ! Dites-moi que je rêve !

Salamèche était immobile, paralysé par un mélange de sentiments qui n’avaient jamais parcouru son corps.

- (Pifeuil) Attendez ! Attendez !!

Pifeuil bondit entre elle et son petit, comme s’il le protégeait d’un monstre.

- (Pifeuil) Il doit y avoir une erreur ! C’est mon enfant, il ne peut pas être un humain !

- (Rapasdepic) Vous comme lui, vous n’êtes que deux étrangers qui causez désordre et panique ! Je vous avais demandé de ne plus faire parler de vous, mais là, vous touchez le gros lot !

- (Lombre) Hé, ce minot, c’est pas vraiment l’tien. Tu l’as adopté. Qui sait qui il était, avant que tu l’rencontres ?

- (Pifeuil) Ça n’a aucun sens ! Venir d’un autre monde, non mais réveillez-vous !!

- (Nanméouïe) … Est-ce si improbable ?

- (Canarticho) Hé bien… nous savons que les puissants Pokémon Psy peuvent modifier la réalité elle-même. Ces derniers affirment tous percevoir une infinité d’autres réalités, d’autres… mondes, peuplés de probablement plein d’autres espèces que nous ne connaîtrons jamais. Peut-être que là-bas, certains auraient développé la capacité à voyager entre les mondes ? C’est une théorie révisée depuis des lustres.

- (Nanméouïe) Je ne pensais pas à cela. J’ai tenté à deux reprises d’analyser le sang de Salamèche. Aucune information concernant son arbre généalogique, pas même un ancêtre lointain ou de proches cousins. C’est… littéralement impossible, les machines sont récentes, mais leurs bases de données sont colossales ; elles devraient au moins le relier à un Pokémon.

- (Makuhita) Sans parler de son potentiel hors du commun. Enfin… je ne pense pas qu’il soit mal intentionné, bien au contraire ! Mais forcé de constater qu’il est le seul Pokémon à ne pas avoir de limites. Comme je lui avais dit, ce qu’il a fait au Mont Acier était digne d’un grand Dracaufeu surentraîné, pas d’un jeune Salamèche inexpérimenté.

- (Mégapagos) L’incident du Mont Acier ? Non, il ne peut pas être responsable de cette explosion ! On aurait dit un monstre !

- (Carapuce) Il l’est, papa.

- (Riolu) Hein… ? Mais tais-toi, Carapuce… !

- (Carapuce) Quoi ? Je l’ai entendu s’en plaindre, au dojo. Faut vraiment pas être normal pour réussir à faire ça.

- (Kecleon) C’est vrai que si c’est lui qui provoque les secousses, ça expliquerait pourquoi la Dream Team est toujours là pour nous aider à les surmonter et pas les autres secouristes !

- (Pifeuil) Mais pourquoi vous aiderait-il, s’il veut détruire le monde ?!

- (Charmina) Pour nous duper, quelle question !

Ectoplasma dévisagea son coéquipier, confus.

- (Charmina) Il est un humain, il veut notre fin à tous ! Xatu est persuadé qu’il a été envoyé ici par les siens, qui l’ont chargé de se sacrifier pour la bonne cause, celle de détruire un monde peuplé uniquement de Pokémon ! Il est bien plus intelligent qu’il veut le faire penser ! Qui nous dit qu’il est réellement un enfant ?!

- (Ectoplasma) Non, ce n’est pas… !

- (Charmina) C’est pour ça qu’il a créé la Dream Team ! Il fait de l’ombre aux autres secouristes jusqu’à les exclure comme nous ou Tengalice ! Il joue les protecteurs à notre place pour que le jour de notre fin, le onze Juillet, personne ne puisse vous aider !

- (Rapasdepic) Le onze Juillet ?! Le monde sera détruit dans trois mois ?!

- (Charmina) Lors d’un dernier séisme qui nous annihilera tous, hélas.

Les habitants étaient stupéfaits. Alors qu’ils fixaient l’accusé avec doute, certains fronçaient peu à peu le regard.

- (Hippodocus) Scélérat ! Tu nous cachais tout ça depuis le début !

- (Lombre) Et dire que t’essayais de t’faire passer pour un bon gars… !

- (Makuhita) Hé, oh, du calme ! Nous n’avons même pas entendu son point de vue !

- (Rapasdepic) Alors qu’il parle !!

Cria la maire, en battant des ailes de plus en plus fort.

- (Rapasdepic) Qu’as-tu à dire pour ta défense ?! Qui es-tu réellement ?!

Le village entier le fixait, alors que le silence total régnait en l’attente de sa réponse. Pifeuil était en larmes, Pikachu et Germignon tremblaient tandis que Salamèche, lui, ne bougeait pas d’une écaille.

- (Pikachu) Salamèche… !

Il était bouche bée, le regard perdu.

- (Pikachu) Salamèche, je t’en supplie, dis quelque-chose… !

Mais rien ne sortit de sa bouche.

- (Rapasdepic) C’est bien ce qu’il me semblait. Tu n’es personne, à Bourg-Tranquille. Tu ne mérites pas d’y vivre.

- (Pifeuil) Madame la maire, s’il vous plaît… !

- (Rapasdepic) Vous non plus, Pifeuil. Vous avez hébergé un monstre, vous êtes la raison pour laquelle notre territoire est la zone à risque la plus élevée du monde. Si la peine de mort était toujours en vigueur, votre tête serait déjà accrochée dans mon bureau !

- (Charmina) En parlant de ça…

L’attention se porta de nouveau sur Charmina, pouffant d’un rire narquois.

- (Charmina) Xatu a dit une dernière chose !

- (Ectoplasma) Non… !

- (Charmina) Selon lui, le seul moyen de nous sauver d’une fin inévitable…

- (Ectoplasma) Charmina, arrête !

- (Charmina) C’est de le forcer à quitter ce monde !

Les enfants comme Pifeuil s’affolèrent, mais le regard d’autrui ne doutait plus. Il était assassin, envers ce garçon différent.

- (Pifeuil) Non, c’est du délire !! Vous n’allez pas tuer un enfant !

- (Charmina) Il n’est pas un enfant ! Il est un monstre qui nous manipule depuis des mois !! Soit on l’extermine maintenant, soit on condamne le monde entier !!

- (Carapuce) Wow, c’est un peu vénère, là…

- (Germignon) Ça va pas ?! Vous avez complètement pété un câble !!

- (Pikachu) Personne ne lui fera quoique ce soit !!

S’énerva Pikachu, en couvrant son ami. Ses parents sortirent de la foule.

- Pikachu, non ! Écarte-toi de lui !

- Il est dangereux !

- (Pikachu) Dangereux ?! J’explore avec lui depuis des mois, imaginez le nombre de fois qu’il a risqué sa vie pour sauver la mienne !!

- Tu… explores ? Tu veux dire que tu as recommencé à quitter le village ?!

- (Lombre) Quoi, vous n’étiez pas au courant ?

- (Kecleon) C’est pour ça qu’il fallait garder le silence, Lombre…

- (Lombre) Quel silence ? Moi, j’ai toujours vendu leur mérite ! Enfin, jusqu’à aujourd’hui, du coup…

- Salamèche est définitivement une mauvaise influence pour toi, jeune homme ! Tu vas arrêter de le côtoyer !

- (Rapasdepic) Et je vais y remédier.

Affirma la maire du village, en approchant le nouvel ennemi public. Peu à peu, Pikachu s’écarta pour la laisser lui faire face. À un mètre de lui, c’est avec un regard hautain, supérieur et méprisant, d’une voix sèche, stricte et rude qu’elle exprima ses plus claires volontés.

- (Rapasdepic) Salamèche, ou qui que tu sois, j’ôte ton titre d’habitant de Bourg-Tranquille. Si t’éliminer est notre seule solution, alors nous reprocherons notre fin à celui qui a décrété l’interdiction de la peine de mort. Cependant, il est hors de question que je garde un monstre entre mes murs. Je t’ordonne de quitter les lieux. Tu es exilé de la civilité et sera considéré comme un criminel si qui que ce soit t’aperçoit en ces terres que tu as tant ravagées. Disparais, en espérant que la nature se venge avant le onze Juillet.

Elle se retourna, d’un battement d’aile qui éteignit presque cette flamette qui peinait à occuper le bout de sa queue.

- (Rapasdepic) Vous avez une heure.

Clama-t-elle, en se séparant de la foule.

- (Pifeuil) … Vous… ?

- (Rapasdepic) Je bannis les monstres et les traitres, Pifeuil. Sans exception.

Enfin, elle quitta la place du village. Et malgré le monde qui s’y trouvait, le silence régnait en maître. Salamèche baissa la tête, ferma les poings et soupira. Puis, il avança jusqu’à sa demeure, son ancienne demeure. Seul, sans dire un mot. Tout le monde le fixait.

D’abord le grincement de la porte d’entrée, puis celui du parquet. Dans la salle à manger, il vira les coupelles en bois de la table et récupéra la nappe, qu’il posa par terre dans sa chambre, alors qu’il passait récupérer sa serviette, dans la salle de bain. Il vida tout ce que contenait son sac sur le lit, rempli sa gourde d’eau et changea de stylo, qu’il enferma dans son carnet tel un marque page. Il rangea sa brosse à dents, le dernier rouleau de bandages et le peu de désinfectant qui lui restait, hésitant à fermer son sac, avant de s’abaisser et de sortir la boîte qu’il gardait sous son lit. Le foulard en or que Pharamp lui avait offert chatoyait toujours autant. Il le fixa de longues secondes, avant de remettre la boîte à sa place et de fermer pour de bon son sac à dos. Il récupéra son oreiller, qu’il enferma avec sa serviette dans la nappe de table, lui servant de baluchon qu’il arrocha à la corde qui lui servait de ceinture.

Sur son lit restait son badge de secouriste. Il n’osa pas même le regarder et quitta la maison sans attendre.

- (Pifeuil) Attends, mon gars… !

Arriva Pifeuil, essoufflé, en larmes.

- (Pifeuil) Attends-moi, s’il te plaît ! Je… j’aimerai qu’on parte ensemble !

Salamèche ne s’arrêtait pas.

- (Pifeuil) Je t’en supplie ! Il y a tellement de choses que tu ne sais pas encore… !

- (Salamèche) Je m’en moque. Rapasdepic a raison, vous n’êtes qu’un traitre.

À l’entente de ces mots, le bonhomme vert flageola. Alors que son petit s’éloignait, il s’agenouilla en sanglots, cognant le sol à plusieurs reprises.

- (Pifeuil) Pourquoi… ? Pourquoi j’ai fait ça… ?

Arrivé sur la colline au grand arbre, le jeune garçon repéra son amie, assise seule contre le tronc. Lorsqu’elle l’aperçut, un léger sourire marqua son visage, jusqu’à lors crispé de malheur.

- (Germignon) Salamèche…

Marmonna-t-elle d’une voix tremblante.

- (Salamèche) Germignon, je…

Elle l’enlaça avant qu’il ne termine sa phrase.

- (Germignon) Je suis désolée, tellement désolée… !

Il l’enlaça à son tour, perplexe. Quelques gouttes commençaient à tomber de ce ciel couvert de nuages de plus en plus foncés.

- (Germignon) Le monde est lâche et égoïste ! Je ne veux pas divertir un peuple qui condamne un héros ! Riolu a essayé de te défendre, en dévoilant à tout le monde que tu es amnésique et que, quoi que tu aies fait à l’époque, tu étais devenu quelqu’un d’autre ! Mais personne ne semble vouloir se mouiller… !

Reprocha-t-elle d’une voix rongée par la colère.

- (Germignon) C’est bon, je suis convaincue. Tu m’as convaincue ! Je deviendrai exploratrice ! J’empêcherai que de telles injustices se reproduisent, quoiqu’il m’en coûte !!

- (Salamèche) Je… je te souhaite bonne chance. J’aurai aimé le devenir à tes côtés, mais…

Il se retourna vers les Petits Bois.

- (Salamèche) … La Dream Team n’existe plus.

- (Pikachu) DÉSOLÉ !!!

Hurla un vraisemblable retardataire, déboulant depuis le village et manquant de percuter son meilleur ami. Couvert de plusieurs couches de tissus, il portait un sac plus épais encore que celui de Salamèche.

- (Germignon) T’as fait vite…

- (Pikachu) Ouais, je… fiou… oula… !

- (Salamèche) Si tu as l’intention de venir avec moi, je t’arrête tout de suite…

- (Pikachu) Et moi, j’t’arrête encore plus vite, d’abord ! T’allais encore partir sans moi !!

- (Salamèche) Pikachu, tu n’es pas exclu du village.

- (Pikachu) Nan, mais toi si ! C’est une raison suffisante pour partir !

- (Salamèche) Tu ne comprends pas. Presque tout ce qui a été dit est vrai ! Je suis un humain changé en Pokémon, le monde est déséquilibré et enchaîne les tremblements de terre par ma faute ! Tout risque d’être détruit, dans trois mois, par ma simple présence !

- (Pikachu) Et donc quoi, tu comptais t’laisser mourir dans la nature ? Raison d’plus pour t’accompagner ! Mec, tout ça, tu n’l’as pas demandé ! Ton amnésie fait de toi un innocent, enfonce-toi ça dans l’crâne ! Et moi, j’pense que la vie ne mérite pas d’être vécue si elle nécessite le sacrifice d’un innocent ! Si quelqu’un n’est pas d’accord, alors qu’il tente de t’assassiner, que j’l’électrocute sans hésiter !

- (Salamèche) Mais… et tes parents… ?

- (Pikachu) Ils sont en sécurité, c’est tout c’qui compte. Le reste, leur opinion sur toi, sur l’exploration, sur ma préoccupation pour les sauvages… tout ça, ça ne m’importe plus. Ils sont au courant, désormais. S’ils cherchent à me retrouver, qu’ils commencent déjà par changer de mentalité !

Il approcha le rebord de la colline, observant une dernière fois Bourg-Tranquille.

- (Pikachu) Nous sommes des fugitifs, désormais. Il va falloir fuir, se cacher, vivre en terre sauvage et affronter probablement bien pire que des hors-la-loi ; et ce, jusqu’au onze Juillet ! Si le monde s’effondre, tant pis, c’est le destin. Mais si on survit, c’est qu’on l’aura mérité ! On reviendra ici, on narguera tout l’monde et Rapasdepic sera bien obligée de vous reprendre, toi et Pifeuil !

S’enjouait-il, l’air déterminé.

- (Germignon) D’ailleurs… est-ce que tout va bien, avec Pifeuil ?

- (Salamèche) Je n’en sais rien, vraiment rien du tout…

- (Germignon) … Laisse le temps faire les choses, cette journée a été éprouvante pour vous deux.

- (Pikachu) Allez, on y va !

Se motiva-t-il, en approchant les Petits Bois.

- (Salamèche) Hé, une minute ! Tu es sûr et certain de ta décision ?

- (Pikachu) Tu poses la question à qui, là ? Faut que j’refasse tout mon discours ?

- (Salamèche) Je… j’ai juste peur, Pikachu.

- (Pikachu) Je sais, c’est pour ça que je suis là !

Il lui tapota l’épaule, souriant comme le jour de leur rencontre.

- (Pikachu) Ça ira tant qu’on reste ensemble, pigé ?

Son ami soupira, avant d’hocher la tête d’un air un peu plus confiant.

- (Germignon) Faites attention à vous, je vous en supplie !

- (Pikachu) T’inquiète, j’le surveille ah ah !

- (Salamèche) Aurevoir, Germignon. Je l’espère…

Les deux amis, anciens membres de la Dream Team, quittèrent donc Bourg-Tranquille, équipés pour ne plus y remettre les pattes avant longtemps. Il avait suffi d’une journée, pour retourner l’opinion public vis-à-vis de Salamèche. Ectoplasma l’avait trahi. Pifeuil lui avait menti. Les habitants l’avaient lâché. Maintenant, ils devaient attendre. Attendre le onze Juillet, attendre que l’équilibre du monde se rétablisse, ou au contraire, qu’il condamne le monde entier.

Le soir-même, le village était silencieux. Personne sur la place, personne dans le bar, les lumières s’éteignirent rapidement pour laisser place à une triste nuit. Chez l’équipe Chaotique, Arbok et Charmina festoyèrent en débouchonnant une énième bouteille de vin, offertes par Rapasdepic suite à leur acte de bravoure.

- (Charmina) Et voilà comment nous sommes devenus les seuls secouristes sur le marché !

- (Arbok) Atteindre la Guilde, ce n’est pas si compliqué, au final ! Il suffit de piocher dans le tas de missions qu’on va nous donner, récolter tranquillement les quelques points qu’il nous reste, postuler et prendre de longues vacances bien méritées, ah ah ah ! Bravo, Charmina, t’as assuré aujourd’hui !

- (Charmina) Quand il entendra cette histoire, tu peux être sûr qu’il nous augmentera, ah ah ah !

- (Arbok) Pfff… ! T’es culoté de balancer ça comme ça, hé hé hé… !

Ivres comme ils étaient, ils trinquèrent en l’honneur de leur victoire. Dehors, assis sur le tronçon dans son jardin, Ectoplasma était recroquevillé, se couvrant les yeux depuis plus d’une demi-heure. Il ne souriait pas.

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