Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 53 : "Je veux que ce soit toi !"

12198 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 29/01/2022 13:53

      « - (Pharamp) Mes chers amis, bonjour et bienvenue à tous ! Nous vivions… une ère de changement ! Jamais le nombre de naissances ne fut aussi élevé qu’aujourd’hui, jamais le progrès technique ne s’était montré aussi satisfaisant qu’aujourd’hui ! Nos territoires s’agrandissent, les communications internationales s’améliorent et nos conditions sanitaires nous permettent de vivre en moyenne un siècle ! Voilà un discours qui – deux-cent-trente-cinq auparavant – aurait été ridicule ! Mais nous y sommes, nous vivons enfin dans ce monde ! Hélas, l’avènement du toujours plus entraîne son lot de mauvaises choses inévitables. Si la population augmente, alors la criminalité augmente, c’est un fait. Je suis devenu explorateur à une époque où ce nom ne voulait rien dire pour empêcher cette valeur d’augmenter avec le reste, le fait est que cela me dépasse quoique j’y fasse. Seul, je ne peux pas sauver le monde, mais ensemble… NOUS le pouvons ! Explorateur ou non, tout est une question de volonté ! Voilà pourquoi je vous invite, mes chers amis, à participer au Test RS ! Si vous savez vous battre mais surtout si vous êtes motivés à faire changer les choses, alors venez ! Venez à notre fondation le 21 Septembre 235, pour la seconde édition de cet examen qui ne laissera que l’un d’entre vous gagner, le meilleur. Et ce meilleur… qui que tu sois, toi qui m’écoutes et qui seras bientôt en face de moi, sache que je n’attends qu’une chose : que tu rejoignes notre équipe pour l’année qui suit ! À nos côtés, nous ferons de toi le héros que le monde mérite d’avoir ! Et les autres… hâte de vous revoir à la prochaine édition, parce que ce monde a besoin de vous aussi ! ».

Voilà le discours qui passa à la radio, et accessoirement sur tous les grands écrans de la place public de la ville, en cette matinée du 21 Septembre 235. Ce fut l’heure, enfin. Et malgré le fait de s’y être préparé pendant des jours, Reptincel arriva presque en retard. Il s’était perdu en chemin et avait dû se retrouver par ses propres moyens, tout du moins après s’être fait rejeter par les habitants qui refusaient de lui adresser la parole.

Mais il y était ! Seul devant ce grand bâtiment qu’il avait aperçu lors de sa première visite en ville, au sommet de cette dernière. La porte était grande ouverte, il n’avait qu’à la traverser pour s’inscrire à ce test qu’il comptait bien gagner. Il le devait, pour les quartiers pauvres, pour le besoin de tous ces Pokémon jugés impunément.

Il soupira, avant de s’avancer. Il était prêt à démarrer une nouvelle av… !

*PAF*

- Aïe… !

Un petit garçon lui rentra dedans, avant de tomber en arrière. Le type feu s’immobilisa quelques instants, le dévisageant de bas en haut d’un air perplexe. Il tourna son regard vers la fondation, qu’il allait traverser en retard s’il perdait du temps. Mais en entendant à nouveau le garçon gémir, il se ressaisit et lui tendit une main avec le sourire.

- (Reptincel) Navré, je ne t’avais pas vu !

- Non, c’est moi qui regardait pas, ah ah !

Le petit saisit l’occasion de se relever, s’essuya le derrière puis lui sourit naïvement en retour.

- Merci monsieur !

- (Reptincel) Euh… pas de problème.

Répondit avec un peu de délais son interlocuteur. Ce dernier avait passé outre sa petite taille d’un mètre dix, ses grands yeux rouges, ses mains à cinq doigts ou ses trois crètes beiges. En revanche, il resta troublé par sa corpulence très fine – à un point où l’on voyait sa peau sur ses os alors même qu’il portait de gros vêtements – mais surtout par sa couleur de peau qui n’était pas grise, mais blanche. Très blanche, tel un mal-en-point qui d’une seconde à l’autre pourrait recracher son petit-déjeuner.

- (Reptincel) Est-ce que… je peux savoir ton nom, petit ?

- Moi ? Je m’appelle Machoc !

Machoc… ce n’est qu’un nom de plus qui se grave dans son crâne… n’est-ce pas ?

 

L’histoire de la Dream Team – Chapitre 53 : Je veux que ce soit toi !

 

Reptincel posa un genou à terre, s’abaissant respectueusement à son niveau.

- (Reptincel) Est-ce que tu vas bien, Machoc ?

- (Machoc) Oui ? Je suis juste tombé, hein, y a rien de grave !

Clamait-il d’une voix très enfantine.

- (Reptincel) Quel âge as-tu ?

- (Machoc) Huit ans !

- (Reptincel) Huit… ? Où sont tes parents ?

Demanda-t-il en fouillant du regard les alentours. Ils étaient seuls.

- (Machoc) Tonton est à la maison, il dort encore.

- (Reptincel) Il sait que tu es ici ?

- (Machoc) Non, mais c’est pas grave.

- (Reptincel) Comment ça, pas grave… ?

- (Machoc) Il est malade en ce moment, alors il dort beaucoup. Je pense même être rentré avant qu’il se réveille !

- (Reptincel) Mais… qu’est-ce que tu fais ici, en fait ?

- (Machoc) Moi ? Ça fait des jours que j’entends à la radio le monsieur tout jaune me dire que si je voulais devenir un héros, je devais venir ici ! Je sais qu’il est fort, parce que même tonton a peur de lui !

- (Reptincel) Attends… tu parles de ça ?

Il pointa du doigt la fondation, et le petit hocha la tête.

- (Reptincel) Tu délires !? C’est un concours que cherche à gagner les types les plus balèzes de la ville, tu ne peux pas y participer !

- (Machoc) Pourquoi ? C’est ouvert à tout le monde.

- (Reptincel) … Oui, mais… !

- (Machoc) Il faut que je le rencontre ! Moi, ce que je veux, c’est devenir plus fort ! J’en ai marre de ce corps, je veux pouvoir enflammer des montagnes comme tonton ! Mais il ne veut pas m’entraîner, il dit que ce n’est pas son rôle. Tant pis, si il veut pas, alors je trouverais un autre moyen ! Et ce moyen…

Il fit face à la fondation de l’équipe RS, l’air déterminé.

- (Machoc) Il est devant moi !!

Il s’avança sur ces mots.

- (Reptincel) Machoc… !

Le type feu se redressa d’un air inquiet, mais le petit semblait aveuglé par son objectif. Il n’était pas bordé de mauvaises intentions, simplement… trop idéaliste. Le monde était plus compliqué que cela, il l’avait appris à ses dépens durant ces cinq dernières années. Mais d’un autre côté, il savait que chercher à empêcher un gamin animé par la flamme de la détermination était futile, il en fut le parfait exemple. Alors il se tut et le suivit jusqu’à l’autre côté de la porte, en espérant plus que de gagner, qu’un membre de l’équipe RS le renvoie loin, très loin d’ici pour son bien.

En entrant dans le hall, des barrières lui firent face avec deux panneaux fléchés : vestiaires femmes à gauche et hommes à droite. La première voie était propre, presque poussiéreuse. Lui partit à droite et entra dans un couloir déjà plus bondé. Une dizaine de Pokémon attendaient, tous d’un air sérieux et défigurant, tous habillés d’une accoutrement léger et aux couleurs de la combinaison du plus grand de tous les explorateurs : c’est-à-dire un t-shirt et un short noir et rouge. Il ne reconnaissait personne.

Il se fraya un passage dans le tas jusqu’au dit vestiaire, à nouveau bondé. Mais il n’aperçut pas Machoc, ce qui le rassura et le fit passer à autre chose. En entrant, l’ambiance était bien différente. Des odeurs désagréables, du boucan à ne plus en finir et des bousculades de tous les côtés. Ça hurlait, ça se motivait, ça s’effrayait. Une tape semblait déjà avoir commencé, tandis que l’eau des douches inondait le sol de toute la pièce.

Le type feu trouva des tas de t-shirts et shorts de toutes les tailles différentes, mais surtout en vrac et éparpillées partout par terre, et donc dans l’eau. Tant pis, il récupéra ceux à sa taille et se changea malgré leur moiteur. Raichu lui avait conseillé d’y aller avec le stricte minimum pour être sûr de ne rien se faire voler d’important, et effectivement, il devait laisser son sac au vestiaire. Il observait des Pokémon partir et revenir d’on ne sait où avec des sacs. Étaient-ce les leurs ou non ? Il n’avait le temps de le vérifier.

Alors qu’il enfilait son short, il sentit une présence lui foncer dessus. Il bondit par réflexe et l’esquiva de peu : ce fut un Pokémon à moitié découvert et projeté violemment dans un recoin de la pièce. Un grand balèze gris de deux mètres, bipède et à la corne très aiguisée sur le museau.

- Bah alors, Rhinoféros, c’est tout c’que tu sais faire !?

- (Rhinoféros) J’vais t’niquer ta mère, espèce de sale p… !

Oui, bon, ce qu’il dit n’est pas très intéressant. Le plus important à retenir est qu’il se releva sans faire attention aux alentours, s’essuyant la lèvre ensanglantée en faisant le beau gosse avant de charger celui qui l’avait attaqué. Le jeune adulte le dévisagea, lui et son adversaire, d’un air énervé. Mais il n’en fit plus : ils étaient certainement explorateurs, mais se battaient assurément pour leur égo de mâle alpha surdimensionné. Il n’avait pas à intervenir pour ça.

Quelques minutes plus tard, une voix retentit depuis une enceinte murale. Le boucan l’empêcha de la comprendre, mais les hommes se mirent à courir et se bousculer hors de là pour rejoindre un chemin indiqué certainement par cette dernière. Il laissa le tas s’étouffer seul, puis se dirigea lui-même vers la sortie avant de brusquement s’arrêter. Il entendait des gémissements provenant des douches. Il fit demi-tour vers celles-ci, posant lentement un regard navré sur ce qu’il avait déjà supposé : un Pokémon était attaché par les câbles de la douche. Nu, tête vers le bas, bouche et bras fermement cramponnés et le corps surélevé à quelques mètres du sol, le pauvre homme se débattait en appelant à l’aide comme il le pouvait. Reptincel le libéra en quelques secondes, niant les odeurs et couleurs répugnantes qui, hélas, dominaient la victime.

- (Reptincel) Ça va aller ?

- *souffle* Non ! Bon sang, dans quel monde vivons-nous !

Cria-t-il en bousculant son interlocuteur de son bras vert en forme de sapin. Son corps était majoritairement blanc, sa coiffure en pique couvrait de moitié ses yeux ronds mais enragés, tandis qu’une fois redressé, il ne dépassait pas la poitrine du type feu. Il avait un fort accent.

- Pour qui vous prenez-vous, les citadins !? On ne peut pas être bien accueilli, nous, membres de la communauté Blizzaroi !?

- (Reptincel) C’est comme ça que vous vous appelez ?

- Non, moi c’est Blizzi ! Je suis en pèlerinage et j’ai pensé que c’était une bonne idée de participer à votre fichu test !

Il revint vers ses affaires et s’enroula d’une pauvre serviette sale. Elle s’horripila encore plus avec ce qu’il essuya.

- (Blizzi) Quelle humiliation… ! Pourquoi les hommes sont aussi impudiques… ?

- (Reptincel) Bonne question. Personnellement, j’évite les douches publiques.

- (Blizzi) Ouais, maintenant moi aussi !

- (Reptincel) Bon… on devrait y aller.

- (Blizzi) Hein ? Bien sûr, comme si j’allais continuer !

- (Reptincel) Quoi, ça vous a vraiment démotivé ?

- (Blizzi) On m’a uriné dessus ! Le message est passé, JE ME BARRE !!

Il emporta ses affaires et bondit hors d’ici, bousculant au passage celui qui l’avait aidé. À ses yeux, il ne semblait pas valoir bien plus que les autres espèces, et Reptincel le comprenait. Il quitta à son tour les vestiaires, mais lui rejoignit le reste des participants à l’examen, tous au bout du long couloir menant à une lumière aveuglante. Celle du soleil : le voilà à nouveau à l’extérieur, mais de l’autre côté de la fondation. Il se trouvait dans le jardin de l’équipe RS, c’est-à-dire une gigantesque arène de combat.

Dans les gradins se trouvaient des journalistes, des caméramans, des explorateurs professionnels reconnus dans le domaine et par le reste du monde. Mais par-dessus tout se trouvait l’équipe en question, les meilleurs des meilleurs, la fameuse et triomphante équipe RS !

- (Pharamp) … Désolé pour l’attente !

Exclama le « numéro un », comme l’appelaient certains participants entourant le type feu. Il était arrivé en retard, à en croire la conclusion du premier discours de Pharamp. Mais il se leva de son siège à cet instant, s’avançant jusqu’au rebord pour saluer la centaine de Pokémon déterminés à rejoindre son équipe. Le vrai discours commençait maintenant :

- (Pharamp) Vous êtes venus nombreux, à ce que je vois ! Au moins deux fois plus que lors de la première édition, c’est parfait ! J’imagine que vous avez entendu ce discours au moins soixante-dix-huit fois, alors inutile de vous faire la redite ! Bienvenue au Test RS, celui qui ne laissera que l’UN d’entre vous devenir notre élève pendant une année complète ! Nous tous vous apprendrons ce qu’est un véritable héros !

Il pointa d’une main ouverte le reste de son équipe, tous assis dans les gradins derrière lui d’un air différent. Arkéapti était bienveillant, Mustéflott arrogant, Sapereau dubitatif, Dedenne empoignée et Mysdibule excédée.

- (Pharamp) Avec nous, vous pourrez être certain de passer par toutes les étapes cruciales qui feront de vous un vrai héros ! Alors échauffez-vous tant que vous le pouvez, parce que voici les règles !

Ça y est, il allait l’énoncer : le chemin à parcourir vers la victoire. Reptincel l’avait supposé pendant des jours, se demandant comment ils pouvaient mettre en place un examen jugeant de toutes les qualités d’un explorateur. Sauvetage, travail d’équipe, défense et adaptation ; qu’allait-il devoir faire pour prouver ses quatre compétences ?

- (Pharamp) Être le dernier debout !

… Le silence régna. Enfin dans sa tête, parce que tous les autres se cognèrent les poings d’enjaillement.

- (Pharamp) Je veux que vous vous battiez, que vous vous défendiez, que vous me montriez de quoi vous êtes fait face à une bataille royale ! Toutes les stratégies sont autorisées ! Vous n’avez le droit de sortir de l’arène ! En revanche, mais vous vous en doutez déjà, il est interdit de blesser mortellement son adversaire ! Un vrai explorateur ne cherche pas à heurter, il veut en finir le plus vite possible et s’économiser pour la suite ! Mais par-dessus tout, un vrai explorateur se surpasse coûte que coûte pour arriver à ses fins, alors impressionnez-moi ! Les caméras sont sur vous, c’est maintenant ou jamais de vous donner à fond !

- (Reptincel) … (Est-ce que c’est… un piège ?)

Il commença à dévisager les alentours, mais personne ne questionnait la règle de cet examen. L’arène était fermée de toute part, rien ne laissait supposer que ce dont le monde attend le plus d’un explorateur – le sauvetage – allait être mis à profit ici. Et le pauvre idéaliste n’eut le temps d’y penser plus longuement.

- (Pharamp) Prêts… ? ALORS QUE LE TEST RS COMMENCE !!!

Et sur cette exclamation, la foule de participant explosa dans un grabuge et boucan absurde. L’examen avait commencé, la bataille royale dominait désormais l’attention des plus forts et, d’une manière générale, d’une grande partie du monde.

- Wow, l’audience explose !!

Clama un assistant du caméraman. La scène semblait combler tous les grands écrans de la ville, le carnage devenait spectacle pour le peuple Pokémon. Pharamp recula du rebord, impressionné par le puissant nuage de poussière créé par le frottement du sable à toute allure. Tout le monde était bouche bée… mais fier.

La foule de combattant en question se déchaînait plus violemment que jamais. Les plus enragés sautèrent sur les cibles les plus proches dès que le feu vert fut lancé par Pharamp, tandis que les plus malins s’écartèrent des troupeaux pour s’économiser. Les types vols prenaient de l’altitude, les types spectres se cachaient dans les ombres d’autrui.

Du sang gicla rapidement, notamment ceux des plus gros morceaux, ceux qui se battaient les poings fermés au milieu du terrain contre des rivaux. Il se battaient par rancœur, leurs expressions faciales ne trompaient pas Reptincel qui – de son côté – observait la scène avec horreur. Il s’était fait emporter dans une rafale de vent avec une dizaine d’autres Pokémon, et restait dos au mur en divaguant son regard de tous les côtés. Personne n’avait le droit de tuer. Si cette règle n’était pas mise en place, il assisterait à une série de meurtres abominables. Le fait est qu’il se sentait mal, très mal à l’aise.

Il en venait à se demander ce qu’il faisait ici.

- (Rhinoféros) HÉ, LES CAMPEURS !!!

L’imposant Pokémon sol de tout à l’heure écrasa ce dernier en bondissant vers le troupeau duquel le jeune adulte faisait partie. Il plaqua ses mains à terre, un sourire pire que narquois aux lèvres. Lui n’avait pas l’air d’un héros. Pourtant…

- (Rhinoféros) DÉGAGEZ D’ICI !!!

Il suivait les règles à la perfection. Brutalement, la terre se mit à trembler. Il provoqua l’attaque Séisme, qui ravagea dangereusement les alentours à un point où des centaines de débris pointus s’éparpillèrent sur d’autres tas. Beaucoup de Pokémon hurlèrent de douleur, en se blessant avec ce qui n’était qu’une infime conséquence de cette capacité. Parce que le principal fonçait droit sur un tas qui ne pouvait reculer. Et donc, des dizaines de participants se prirent les pieds dans le grabuge, se brisèrent les chevilles et bien plus pour d’autres.

Reptincel, de son côté, bondit sur le mur puis l’utilisa pour se propulser le plus loin possible de là. Il esquiva quelques débris dans les airs, avant de sentir une présence plumée lui foncer en pique dessus. Il se retourna et élança un coup de pied par anticipation, sans même savoir où il allait exactement frapper. Il lui cogna le bec. Fort. En fait, il le brisa par sa propre force physique, et celui qui voulait l’attaquer par surprise chouina de rage en s’écroulant dans les débris de l’attaque Séisme.

- (Pharamp) Wow… ! Vous avez vu ça ?

- (Mustéflott) Mec, c’est la guerre sous nos yeux, il se passe quarante trucs en même temps !

- (Pharamp) J’ai le gamin d’hier en visuel ! Le rouge, comment s’appelle-t-il, déjà ?

- (Arkéapti) Tu ne lui as pas demandé son nom… ?

- (Pharamp) Oui, bon, ça arrive ! En tout cas, il est balèze !

- (Mustéflott) Le type eau est plus impressionnant encore, regardez-ça !

Il pointa du doigt une tornade aquatique qui, en plus d’envoyer à terre une dizaine de rivaux d’un coup, attira l’œil de presque tous les membres de l’équipe RS. Ce fut effectivement Carabaffe, sûr de lui mais surtout sur ses gardes. Ses puissantes attaques avaient rapidement attisé la rage… ou plutôt la peur de ceux qui s’associèrent pour le faire tomber en priorité.

Mais le sauveur du monde n’en avait que faire : même à cinq contre un, il agrippait l’avantage par le cou et dans les règles.

- (Dedenne) Ah ouais, pas mal… !

- (Mustéflott) Je mise sur lui, ah ah !

En se tournant vers Mysdibule, le grand parleur la voyait malgré tout fixer le jeune adulte prometteur.

- (Mustéflott) Alors, on est intéressée ?

- (Mysdibule) … Non, ce test ne prouve toujours rien. Ceci-dit… il est fort.

- (Mustéflott) Bien sûr qu’il l’est, il est du meilleur type ! T’as vu ça, Pharamp ?

- (Pharamp) Hein… ? Euh… ouais.

Marmonna-t-il, en peinant à dévier son regard de celui que tout le monde avait oublié.

Pas lui.

Reptincel s’écarta des débris rocheux engendrés par le séisme de tout à l’heure, cette fois en traînant un autre participant. Ce fut le Pokémon vol qui avait tenté de l’attaquer par surprise. En tombant suite à la contrattaque, il s’était ramassé dans le tas de débris, et le jeune adulte s’était inquiété de son état. Il l’avait donc écarté du danger, l’allongeant dans un coin de l’arène par sécurité. Et ça, Pharamp l’avait vu. Ce n’était pas impressionnant, il n’avait massacré personne avec ses flammes, ni fait trembler la moitié de l’arène en empalant la moitié de ses adversaires. Non, il faisait quelque chose de basique, de simple et d’accessible à tous. Pourtant, personne d’autre ne s’y démenait.

- (Pharamp) … (Pourquoi… ? Il n’y gagne rien, alors pourquoi… ?)

- (Rhinoféros) TOI !!!

Tous les participants qui se battaient proche du type feu s’écartèrent brusquement. Le colosse de Rhinoféros le chargeait à toute vitesse, prêt à cogner d’une force phénoménale. Comprenant qu’il était pris pour cible, Reptincel s’écarta du blessé qu’il avait escorté et attira la bestiole d’un autre côté.

- (Rhinoféros) QUI T’AS PERMIS D’ESQUIVER MON ATTAQUE !?

Il bondit avant de frapper le sol, parce qu’il l’esquiva à la dernière seconde. Le choc provoqué par sa corpulence fit trembler les alentours, mais ces deux-là étaient seuls au bord de l’arène. Autrement dit, personne ne les regarda. L’équipe RS et les caméras étaient sur Carabaffe et ses capacités exceptionnelles.

Pharamp, lui, ne s’enjaillait plus. Le boucan ne régnait plus dans son esprit, au contraire, tout était affreusement calme. Il fixait d’un air perdu Reptincel, bouche bée, sourcils froncés, pensif vis-à-vis de ce qu’il avait réellement sous les yeux.

- (Pharamp) … (Il est le seul à ne pas se battre, il est le seul à ne pas chercher la victoire, il… il agit pour aider autrui… !)

Il écarquilla lentement les yeux, en fouillant rapidement les alentours du regard. Son équipe était enjouée face au spectacle, les caméramans surexcités face à l’audience absurde qu’engendrait ce test… qui n’était qu’une boucherie géante.

- (Pharamp) … (Qu’est-ce que j’ai créé… ?)

- (Rhinoféros) REVIENS-LÀ !!!

Le balèze revint à la charge, enchaînant plusieurs coups de poings d’affilés. Mais Reptincel les esquiva tous, l’air concentré sur ses rudes entraînements. Il se glissa sous ses jambes quand il en eut l’occasion, l’attrapa par la queue en se redressant de l’autre côté et le tira en arrière pour le faire tomber. Cela allait fonctionner, mais Rhinoféros planta violemment ses griffes dans le sol.

- (Rhinoféros) OH QUE NON !!!

Sa force physique était inévitablement plus impressionnante, et il le fit comprendre en soulevant son adversaire par la force de sa queue. Il tourna sur lui-même et l’envoya valser de l’autre côté, avant de le charger à nouveau, cette fois avec l’avantage de l’avoir déstabilisé. Pharamp crispa les dents en comprenant que c’était terminé, mais Reptincel n’en démordit pas et se retint du mieux qu’il put contre son crâne. Il plaqua pieds contre terre pour ralentir la vitesse que l’adversaire prenait en l’emmenant avec lui, cela l’irritait mais il n’avait le choix s’il ne voulait se faire écraser contre le mur le plus proche. Leur trajectoire était droite et longue, ils traversèrent presque la moitié du terrain à eux seuls et se firent esquiver par bon nombre de participants. Mais encore une fois, cela semblait inintéressant aux yeux des caméras, pas tant que l’un des deux ne daigne pisser le sang, visiblement.

Après bien trente secondes de coude à coude, Reptincel se retrouva dos au mur. La force physique adverse allait l’engloutir, et Pharamp le savait. Lui avait abandonné tout espoir de le voir victorieux, cela le dévastait.

- (Rhinoféros) Allez, abandonne !!

- (Reptincel) … (Merde, il est trop fort… !)

Il fouilla du regard les alentours, cherchant désespérément un moyen de s’en sortir. S’il avait su maîtriser ses pouvoirs comme Carabaffe, il s’en serait sorti sans le moindre problème, pensa-t-il. Il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même, il le savait et s’apprêtait à lâcher prise… quand il aperçut une présence blanchâtre se cogner contre le sol.

Une petite présence, chétive, si ce n’est anorexique. Son cri était celui d’un petit garçon en détresse. Inutile de se poser plus de questions, il s’agissait bien de Machoc. Le pauvre gamin était blessé, seul et en pleurs face à trois adultes, probablement explorateurs et fiers d’eux.

Cette vision marqua Reptincel, il resta bien cinq secondes le visage bouche bée face à cela. Rhinoféros commença à lever les poings, prêt à l’achever pour de bon. Mais dans un dernier élan de détermination, son adversaire s’abaissa et esquiva de peu l’attaque adverse, tout en lui faisant enfoncer la corne dans le mur.

- (Rhinoféros) Qu’est-ce que… !?

Il essaya de se libérer, mais sa corne s’était enfoncée très profondément.

- (Rhinoféros) Espèce de sale con, comment j’me barre d’ici maintenant !?

Reptincel ne le calcula pas. Il se redressa, essoufflé mais sûr de lui : il fonça aider Machoc.

- (Rhinoféros) Hé, reviens ici !!

- (Pharamp) … (Il ne cherche pas à en profiter… ?)

C’est en le suivant du regard, que Pharamp comprit ce qu’il se passait. Il aperçut Machoc à son tour.

- (Pharamp) Quoi !?

Il s’en couvrit la bouche de terreur.

- (Mustéflott) Ouais, c’est dingue !!

Il dévisagea Mustéflott, avant de comprendre que lui, tout comme Arkéapti, Sapereau, Dedenne ou Mysdibule restaient fixés sur Carabaffe qui, de son côté, accumulait les exploits.

- (Pharamp) … (Ils ne voient rien !? Un enfant est en train de se faire tabasser !! Bon sang, mais qu’ai-je fait !?)

Bienheureusement, Reptincel arriva juste à temps pour encaisser une boule de feu à sa place. L’explosion lui irrita les yeux tandis que la fumée mélangée à la poussière le fit tousser. Mais son corps avait facilement encaissé cette capacité peu efficace. Machoc rouvrit lentement les yeux, sous le choc mais suffisamment conscient pour comprendre ce qui arrivait. Les trois autres aussi, comprirent. Mais eux en rigolèrent.

- Hein ? D’où il sort, lui !?

- Dégage de là, si tu veux pas t’faire démonter la gueule !!

- Il vient protéger l’gamin, ça s’voit pas ?

- Sérieux ? Monsieur a un code moral, hein ?

- Ah ah, ça m’fume ! T’as aimé ma boule de feu, sale merde !?

- (Reptincel) … T’appelles ça une boule de feu… !?

Inutile de chercher à les raisonner, il n’était pas dupe à ce point. Alors dès qu’il eut en visuel le groupe dans son entièreté, il cracha à son tour une boule de feu aux pieds de celui du milieu. L’explosion le fit reculer, tandis qu’elle aveugla quelques instants les deux autres. Un temps suffisant pour foncer à la charge : il bondit et cogna d’un pied agile la mâchoire de l’un, l’assommant sur le coup. Le second, de type électrique, élança un éclair à l’aveugle et en panique pour tenter de défendre son acolyte déjà dans les vapes. Reptincel l’esquiva facilement avant d’arriver en s’abaissant, le taclant puis l’agrippant par la queue et l’empêchant de tomber d’un côté en le tirant de l’autre, sur son acolyte qu’il renversa avec lui.

Ils tentèrent de se relever, mais Reptincel leur cracha une nouvelle boule de feu, quitte à s’enfumer le museau. Cela les propulsa encore plus loin tout en égratignant sévèrement leurs accoutrements d’examen. Autrement-dit, ils avaient le cul à l’air. Honteux, ils fuirent pour probablement trouver une autre cible facile. Le jeune adulte reprit son souffle, avant de s’approcher du petit en panique. Le pauvre tremblait. Il pleurait toutes les larmes de son corps, alors qu’il défigurait avec angoisse celui qui s’approcha. Il élança son bras de tous les côtés.

- (Machoc) Non, laissez-moi tranquille !!

- (Reptincel) Machoc, c’est moi… !

Le type feu ralentit d’un cran, tendant tout doucement ses mains vers lui.

- (Reptincel) Tu te souviens de moi… ?

Il hocha timidement la tête, alors que son rythme respiratoire diminuait lentement.

- (Reptincel) Je… ne pense pas t’avoir dit mon nom. Je m’appelle Reptincel…

Il s’agenouilla délicatement.

- (Reptincel) Et je ne te veux aucun mal, tu m’entends ? Jamais, au grand jamais je ne lèverai la main sur toi… !

- (Machoc) Vous êtes tous horribles… ! *snif* Moi, je voulais juste devenir plus fort !!

- (Reptincel) Je sais, je suis désolé…

Il lui tendit ses mains.

- (Reptincel) Viens par-là, je vais te faire sortir d’ici… !

Le petit hésita quelques instants… avant de bondir dans ses bras. Il explosa en sanglot, s’agrippant de toutes ses faibles forces à celui qui lui réchauffa le cœur. Reptincel se redressa, le consolant tout en fouillant du regard un lieu sûr. Et tout cela… Pharamp l’observait. Il n’arrivait plus à prononcer le moindre mot, tremblant face à la terrible réalité : ce jeune adulte avait mieux cerné les bases du domaine que lui, que quiconque ici présent. Que ce soit dans les gradins ou dans l’arène, rien n’allait. Personne d’autre ne le regardait, il n’apparaissait pas même dans le champ de la caméra.

Pharamp ferma les poings, il pensa à autre chose. Reptincel, lui, trouva un coin qu’il pensa sûr. Beaucoup de corps inconscients et blessés régnaient dans cette partie de l’arène. Il déposa le petit ici.

- (Reptincel) Allonge-toi là, et tu ne craindras rien.

- (Machoc) Quoi ? Pourquoi !?

- (Reptincel) Malheureusement, ils n’ont pas pensé à créer un système d’abandon. Tant pis, adaptes-toi. Joue les blessés, reste à terre et n’attire pas l’attention. Ainsi, plus personne ne te voudra du mal, je t’assure que ça fonctionnera.

- (Machoc) Mais… *snif* j’ai peur… !

- (Reptincel) Tu n’as pas à…

Le petit lui agrippa le short.

- (Machoc) Pitié, me laissez pas seul… !

Reptincel le regarda avec peine, mais surtout avec doute. Devait-il abandonner définitivement ses chances de remporter le Test RS pour rassurer ce petit ? Il se posa sincèrement la question. Les explorateurs étaient si irrespectueux, si ce n’est monstrueux lorsqu’il s’agissait de profiter du système. N’en avait-il pas déjà assez fait pour sa bonne conscience ?

Il regarda une dernière fois l’arène et les participants qui restaient. Ils n’étaient plus que cinq, dont Carabaffe qui poursuivait son ascendance vers la victoire. En d’autres termes, il pouvait gagner, il pouvait rejoindre l’équipe RS, il pouvait accomplir son objectif.

Puis… il jeta un œil aux gradins. Il perçut Pharamp, alors que Pharamp le percevait depuis déjà un long quart d’heure. Les deux s’échangèrent un regard indécis. L’un admirait avec horreur ce jeune adulte esquivé de tous les regards, l’autre voyait le héros qui l’avait sauvé il y a cinq ans. Un héros qu’il considérait comme parfait, un héros qui l’avait inspiré à devenir ce qu’il était aujourd’hui.

Et ce héros… il aurait tout fait pour annihiler toute trace de peur en ce gamin, exactement comme lorsqu’il sauva un Salamèche et un Carapuce dépassés par les événements.

C’est à cet instant précis, qu’il sut ce qu’il avait à faire. Il posa une main sur l’épaule de Machoc, l’air souriant.

- (Reptincel) Ne t’en fais pas, tu n’as pas à endurer cela seul.

Il resta à ses côtés, il sacrifia ses chances de victoires au profit du bienêtre de ce petit. Tous deux s’allongèrent au milieu des blessés, les imitant et se faisant donc passer pour des éliminés. Machoc se colla à Reptincel, qui l’enlaça pour le rassurer.

- (Machoc) … *snif* Merci, monsieur Reptincel…

- (Reptincel) Hum… c’est normal.

Marmonna-t-il avec un peu de dégoût, tout de même. Ces trois dernières années auraient pu lui servir à atteindre le sommet dès son arrivée en ville, la désillusion aurait pu s’arrêter là. Mais il avait fait son choix, et il était hors de question de revenir en arrière.

Pharamp baissa la tête. Il avait tout compris, il avait lui aussi fait un choix.

Au même moment, Carabaffe se fit envoyer valser sur plusieurs mètres. Il se rattrapa avec ses jets d’eaux et reprit son souffle en restant sur ses gardes, face à Rhinoféros qui s’était finalement sorti la corne du mur.

- (Rhinoféros) Bah alors, on est fatigué ? Hé hé hé… c’est moi qui vais l’emporter, cet examen !!

- (Carabaffe) Tu fais beaucoup l’malin, pour quelqu’un qui se chie dessus en voyant de l’eau !

- (Rhinoféros) Ça ne se passera pas comme à l’époque, je peux te l’assurer !!

Il écrasa ses mains dans le sol pour y décrocher de la roche. Il comptait s’en servir comme bouclier, et allait charger le type eau qu’il semblait connaitre, mais peu tenir dans son cœur. Hélas, avant même qu’il ne l’atteigne, il s’immobilisa soudainement. Quelque chose l’avait frappé dans la nuque et, quelques secondes plus tard, il s’écroula comme une pierre.

Carabaffe le regarda tomber dans les vapes d’un air surpris, levant lentement le regard vers celui… ou plutôt celle qui semblait posséder une force impressionnante. Oui, ce fut une femme, la première que le type eau affronta, la première que le type feu aperçut depuis sa cachette.

- C’est ça ! Apprends déjà à mettre un t-shirt et on en reparlera, bouffon !

Clama-t-elle d’une voix d’apparence enfantine, mais en réalité très assurée. Sa fourrure était brune, sa taille d’un mètre vingt seulement. Du coton dominait ses oreilles, du moins son oreille droite et le petit tas replié à gauche. Elle avait de petits bras, mais de grands pieds. Son museau et ses yeux noirs la rendaient mignonne, mais il ne valait mieux pas se fier aux apparences. Elle tapa de la patte sur le sol.

- Alors c’est toi, mon dernier adversaire ? Un peu déçue, j’espérai affronter un plus gros morceau !

- (Carabaffe) Ouais, moi aussi…

- Qu’est-ce que tu marmonnes ? Ne me dis pas que tu es timide auprès des femmes ? *soupir* Quelle angoisse… !

Se moqua-t-elle, avant de soudainement se propulser vers lui. Il ne s’y attendait pas, surtout qu’elle ne s’était pas mise en garde. Mais d’un simple mouvement de patte, elle avait bondi pour atteindre une vitesse phénoménale. Carabaffe se propulsa le plus loin possible, prit de court face à celle qui lui afficha un sourire jusqu’aux oreilles.

- Allez, n’aie pas peur de moi, ah ah !!

Elle le poursuivit dans les airs, et l’affrontement commença. Depuis les gradins, les membres de l’équipe RS s’intriguèrent.

- (Dedenne) Elle veut en découdre, ça c’est certain !

- (Sapereau) C’est une Laporeille, pas vrai ?

- (Arkéapti) Oui, c’est assez improbable d’en revoir une en finale.

- (Mysdibule) C’est sa petite sœur, imbéciles.

Tous les regards se tournèrent vers Mysdibule, qui soupira en regardant le ciel d’un air ennuyé.

- (Mustéflott) Sérieux !? Oh, pitié, pas encore une… !

- (Dedenne) Hé !! Une femme exploratrice, c’est déjà assez rare pour être souligné, alors ne lui porte pas la poisse !

- (Arkéapti) Tout de même, c’est une sacrée famille… !

- (Mysdibule) Peu importe, la victoire lui appartient déjà.

- (Sapereau) Pas sûr. Elle est moins expérimentée que sa grande sœur, ça se voit.

- (Mustéflott) Ouais, et plus arrogante, aussi…

Au même moment, elle esquiva une droite de Carabaffe pour le cogner d’une patte en pleine mâchoire. Elle profita de l’ouverture pour continuer de l’enchaîner, jusqu’à le propulser à terre en l’écrasant sous son poids. Le type eau était en mauvaise posture. Il cracha un jet d’eau pour l’éloigner, ce qu’elle fit en bondissant sans problème en arrière. Lui peina à se relever.

- (Laporeille) Bah alors, c’est tout c’que tu sais faire ? Vous, les mecs, n’êtes bons qu’à vous prétendre compétents, je me trompe ? Quand il faut agir, là, il n’y a plus personne, hein ? C’est ce qui m’énerve le plus chez vous, bande d’hypocrites ! C’est pour ça que je suis devenue exploratrice, et c’est pour ça que je vais remporter ce test !

- (Carabaffe) Ok, très bien… ! Ferme-là et amène-toi !

Il se mit en garde, essoufflé mais saoulé de ses remarques désobligeantes. Elle le remarqua.

- (Laporeille) Quoi, ce que je dis est faux, peut-être ? Dis-moi, n’es-tu pas supposé être un sauveur du monde ?

- (Carabaffe) Hein… ?

- (Laporeille) T’es le Carabaffe de la photo, pas vrai ? J’étais à la guilde il y a trois mois encore, sache qu’elle est affichée en grand dans le bureau du maître ! Sérieux, il vous idolâtre, il nous parle de vous comme des légendes ! Mais ce que j’ai en face de moi, c’est… ah ah, tout sauf un héros !

- (Arkéapti) Hum… c’est moche de faire ça.

- (Mustéflott) Ça va, c’est de la provoc facile. Ce serait plutôt bête de tomber dedans…

- (Laporeille) Aujourd’hui, la guilde est interdite aux moins de dix-sept ans, et on sait qui remercier ! J’ai perdu DEUX ans de ma vie à cause de vous, parce que vous n’avez pas été capable de tenir le pari d’obtenir l’examen sans causer de soucis à personne !

Carabaffe ferma les poings.

- (Laporeille) Putain, vous laissez derrière vous un village rasé, un volcan en éruption !

- (Carabaffe) … Arrête… !

- (Laporeille) Quelqu’un est mort par VOTRE faute !!

- (Carabaffe) Ferme-là !!

- (Laporeille) Ce Noctunoir… qui qu’il fut, vous n’auriez JAMAIS dû prendre autant de temps pour l’arrêter ! Si j’avais été à votre place, rien ne serait arrivé !! La victime, ce prétendu « Massko », JAMAIS il ne se serait fait tuer si vous n’étiez pas tous aussi… !

- (Carabaffe) FERME TA GUEULE !!!

Il craqua. Carabaffe se propulsa à toute allure face à celle qui l’avait mis fou de rage. Elle pensa l’anticiper en l’esquivant normalement, mais le type eau changea surprenamment de direction et la cogna d’un coup de boule en plein ventre. Le choc fut puissant, elle en cracha du sang. Mais ce n’était que le début : Carabaffe se redressa aussi vite qu’il la cogna d’un uppercut en pleine mâchoire. Il l’attrapa par une cheville avant qu’elle ne tombe, la serra si fort qu’il la lui brisa tout en l’écrasant brutalement contre le sol. Elle cria de douleur, alors qu’il la projeta de l’autre côté avant de l’asperger de multiples jets d’ébullitions, c’est-à-dire des jets d’eaux brûlants.

Sa vitesse de propulsion la fit s’encastrer férocement contre le mur de l’arène, proche de Reptincel et Machoc. Elle avait mal, très mal. Hélas, elle n’avait que d’infimes secondes de ressaisissement, avant d’improviser un blocage de la nouvelle charge adverse. Carabaffe s’était propulsé en pique, et la cognait désormais de multiples coups de poings sans s’arrêter, sans tenir compte de son état, sans penser aux conséquences.

- (Arkéapti) Hé, il y va un peu fort, là… !

- (Mustéflott) Du calme, il n’est pas stupide au point de la tuer.

À cette distance, ils n’entendaient pas les os des bras de Laporeille se craquer sous la pression adverse. Mais Reptincel si, et cela le terrifia. Il n’avait pas besoin de le regarder, pour comprendre que Carabaffe avait de nouveau cédé à ses pulsions.

Il se releva, l’air tout aussi inquiet qu’enragé, auprès de l’ancien membre de son équipe.

- (Reptincel) CARABAFFE !!!

Lui hurla-t-il de toutes ses forces. Ce dernier s’arrêta brusquement. Il était essoufflé, alors qu’il s’éloigna lentement de sa victime. Laporeille avait les bras en miettes, la jambe droite ensanglantée et le reste du corps sévèrement égratigné. Elle avait les larmes aux yeux, pourtant, elle gardait un air de combattante. Les dents crispées, le regard froncé et déterminé. Hélas, elle avait subi trop de dégâts et, d’un coup, elle s’écroula face à l’adversité.

Le type eau cligna plusieurs fois des yeux, avant de les écarquiller face au massacre qu’il venait de commettre. Il se tourna vers son ancien chef d’équipe, qui le dévisageait avec dégoût. Reptincel se laissa tomber sur les fesses, montrant au reste de l’équipe RS qu’il avait abandonné depuis bien longtemps maintenant.

Carabaffe… était donc le dernier Pokémon debout.

- (Pharamp) Il semblerait… que l’on ait un gagnant.

Clama Pharamp de manière froide et distante. Mais aux yeux des autres, ce fut l’aube d’une nouvelle période, pour l’équipe tout entière. Tous, enfin sauf Mysdibule, sautèrent de joie pour célébrer sa victoire. Au centre-ville, tout le monde l’applaudissait et criait son nom en regardant les écrans géants le centrer de toute l’attention du monde. Il y était, il avait accompli quelque chose que même plus jeune, il n’avait jamais imaginé. Son rêve était de surpasser Pharamp, alors rejoindre son équipe dès ses dix-huit ans, cela l’aurait surexcité.

Mais à l’heure actuelle… Carabaffe était tétanisée par la peur.

Il avait peur de lui.

Et juste de lui.

L’heure d’après, la grande porte de la fondation s’ouvrit enfin. Tous les participants avaient fait un tour à l’infirmerie et, alors que le soleil se couchait, la foule auparavant enjaillée rentra chez elle le regard baissé. Ils avaient tous échoués, parce que le seul victorieux ne faisait plus partie du tas.

Rhinoféros quitta les lieux fou de rage.

Laporeille s’en alla avec un bras dans le plâtre et une béquille. Elle paraissait humiliée, et personne ne l’aida à rentrer chez elle.

Reptincel et Machoc sortirent les derniers. Ils prirent le temps de s’arrêter face à l’entrée, tout du moins pour que le jeune adulte termine de resserrer les bandages qui couvraient le crâne du petit.

- (Reptincel) Ils auraient pu mieux te l’accrocher…

- (Machoc) Ça va aller, je vous assure… !

- (Reptincel) Bon… en tout cas, tu devrais t’en sortir sans la moindre séquelle physique.

- (Machoc) Hum, et c’est entièrement grâce à vous.

- (Reptincel) Et ce n’est pas normal.

- (Machoc) Non, c’est mérité. J’y suis allé alors que c’était perdu d’avance, c’était débile.

- (Reptincel) Ce n’est jamais perdu d’avance. L’avenir te montrera que le miracle n’est pas si frileux que l’on veut bien nous le faire croire, tu verras. Alors oui, il t’arrivera de te ramasser… souvent, même, mais si tu as l’opportunité d’essayer… alors fonce !

- (Machoc) … Vous pensez ? Merci, c’est… vraiment très gentil. Je trouverai… enfin j’essaierai de trouver un autre moyen de devenir plus fort, je vous le promets ! Un jour, je serai même LE plus fort !!

Cria-t-il face à la fondation RS. Sa voix raisonna sur quelques mètres, avant de laisser à nouveau le silence total régner. Les deux garçons s’échangèrent un regard indécis, avant de tous les deux rire aux éclats.

- (Reptincel) Bon, il est temps de rentrer à la maison ! Tu veux que je te raccompagne ?

- (Machoc) Non merci, tonton ne veut pas que j’amène des gens devant la maison. Je sais comment rentrer tout seul.

- (Reptincel) Dans ce cas, je te souhaite bonne continuation, Machoc !

- (Machoc) Salut !!

Le petit s’en alla donc à son tour, malgré tout avec le sourire. Reptincel ne regrettait définitivement plus son choix, il savait avoir choisi le bon. Il soupira quelques instants en observant la belle vue de la ville en hauteur, avant de commencer à descendre vers ses quartiers. Cependant…

- (Carabaffe) Hé, attends… !

Le gagnant du Test RS l’interrompit avant qu’il ne s’éloigne pour de bon.

- (Carabaffe) S’il te plaît… *souffle* attends !

Il tremblait encore. Reptincel le sentait à sa voix, mais il n’osa se retourner.

- (Carabaffe) Je… je suis désolé !!

Cria-t-il tout de suite, histoire de crever l’abcès. Il pensait apaiser son ancien chef d’équipe en disant cela, hélas…

- (Reptincel) … Tu es désolé… ?

Il se retourna les poings fermés.

- (Reptincel) Alors qu’est-ce que tu fous là !?

- (Carabaffe) Je… *souffle* je suis venu te…

- (Reptincel) Non, je parle du test dans son entièreté ! Après ce qui est arrivé hier, tu ne t’es pas dit que ce n’était pas une bonne idée de continuer à exercer un métier qui t’empli d’adrénaline, quand tu ne la contrôles pas et deviens un fou dangereux avec !? Bon sang, tu as failli tuer cette fille !!

Le type eau baissa la tête de honte.

- (Reptincel) Combien de temps encore vas-tu fermer les yeux sur ce problème !? À quel point es-tu égoïste pour… !?

- (Carabaffe) … Je suis venu te donner ma place.

- (Reptincel) … Pardon ?

- (Carabaffe) T’en feras meilleur usage que moi, je le sais. Alors prends-là. Deviens l’élève de l’équipe RS à ma place, progresse à ma place et… deviens le meilleur des explorateurs à ma place. Je… *snif* je suis prêt à abandonner mon rêve pour ne plus avoir à être dans cet état.

- (Reptincel) … C’est hors de question.

Il écarquilla les yeux.

- (Carabaffe) Quoi… ? Mais… !

- (Reptincel) Tu as gagné selon les règles, tu es le seul à mériter cette place. Et honnêtement… je pense qu’elle te correspond à merveille. Être le dernier debout… *soupir* ça te va bien, ouais…

Il se retourna et commença à quitter les lieux à son tour.

- (Carabaffe) Non, le lèche-cul… !

Reptincel s’éloigna.

- (Carabaffe) R… Reptincel !!

Encore.

- (Carabaffe) Je t’en supplie, ne me laisse pas tomber !! Je… *snif* JE N’Y ARRIVERAI JAMAIS SEUL !!

Il s’arrêta une fraction de seconde, hésitant un brin d’instant… avant de reprendre route vers l’horizon.

- (Reptincel) … De quoi parles-tu ? Tu ne sais pas ce que c’est, d’être seul.

Sa flamme s’éloigna définitivement.

Il laissa le calme ambiant se réinstaller, s’imposer, dominer… noyer le pauvre type eau dans ses propres problèmes.

Il baisa la tête à nouveau, les larmes aux yeux.

..

.

 

Le type feu emprunta la ruelle menant au bar Limaspeed. Il la connaissait par cœur, depuis. Transitionnant les quartiers riches des pauvres, elle avait sa propre ambiance, sa propre atmosphère. Voilà pourquoi il s’arrêta devant la porte, qu’il hésita à traverser avant de se retourner d’un air énervé.

- (Reptincel) Qui est là ?

Demanda-t-il strictement, en fouillant les alentours du regard.

- (Reptincel) Je sais que vous êtes là, sortez maintenant ou je viendrai vous chercher !

Le silence pesa quelques secondes encore, puis…

- (Pharamp) Eh bien, on ne peut rien te cacher, ah ah !

Le temps qu’il écarquille les yeux par surprise d’entendre cette voix, un puissant éclair s’abattit derrière lui. Il se retourna lentement, faisant étonnement face au plus grand de tous les explorateurs.

- (Reptincel) … Monsieur Pharamp.

- (Pharamp) Oh, je t’en prie, appelle-moi juste Pharamp !

- (Reptincel) Très bien, Pharamp, que voulez-vous ?

- (Pharamp) Reptincel. C’est bien ton nom, je me trompe ?

- (Reptincel) … Non, vous ne vous trompez pas.

- (Pharamp) Ouais, c’est bien ce qu’il me semblait. Carabaffe a gagné le Test RS, il fait désormais partie de l’équipe pendant une année complète. Les autres l’ont déjà accepté parmi nous. Même Mysdibule râle moins que d’habitude, certainement parce qu’elle n’avait pas misée sur lui. Mais moi… *soupir*

- (Reptincel) Je vous demande pardon ? Vous ne pouvez pas lui faire ça.

- (Pharamp) Quoi donc ? L’abandonner à son sort comme le ferait un vieil ami ?

Le type feu ferma les poings.

- (Pharamp) Ça va, c’est bon, je rigole !

- (Reptincel) Vous nous avez espionné !

- (Pharamp) Oui… partiellement.

- (Reptincel) Et alors quoi, vous croyez que ça m’amuse, de partir sans me retourner ? Je ne suis pas responsable de ce qu’il a fait, je l’avais même prévenu ! Et désormais, je serais occupé. Trop pour lui apporter mon aide, alors pourquoi lui mentir ?

- (Pharamp) Hum…

Le grand explorateur dévia son regard sur le bar.

- (Pharamp) Tu vis ici ?

- (Reptincel) Chez un ami, oui. Je comptais me prendre un logement dans les quartiers pauvres.

- (Pharamp) T’enfoncer encore plus là-dedans ?

Demanda-t-il, en pointant du regard les ruelles sombrant dans l’obscurité auxquelles il faisait face.

- (Reptincel) Oui.

- (Pharamp) En tant qu’explorateur, c’est risqué.

- (Reptincel) C’est là-bas que je veux opérer.

- (Pharamp) Pourquoi ?

- (Reptincel) Pour faire ce que vous n’avez jamais osé faire, aidez les pauvres !

Clama-t-il sèchement. Pharamp soupira, avant de s’abaisser poliment à son niveau.

- (Pharamp) … Merci.

Son interlocuteur se montra surpris, il ne s’attendait pas à cette réaction.

- (Pharamp) J’en suis sûr et certain, désormais. Oui, il faut que je le fasse…

- (Reptincel) Quoi donc ?

- (Pharamp) J’ai… une offre à te faire.

- (Reptincel) … Ça fait peur à entendre.

- (Pharamp) Ah ah, ne t’en fais pas, ça n’a rien à voir avec Carabaffe ou l’équipe RS ! En fait, je… cherche quelqu’un depuis longtemps, très longtemps. Pour en avoir parlé une fois avec Mysdibule, elle m’a traité d’idéaliste à en mourir avant de m’envoyer chier, comme à son habitude. Cela fait des années que je garde ça pour moi, à mettre ça dans un recoin de ma tête sans ne jamais rouvrir ce tiroir à bonne idée, enfin je suis sûr que c’est un tiroir à b… !

- (Reptincel) Arrêtez de tourner autour du pot.

- (Pharamp) Oui, pardon… ! Disons que c’est intimidant, ah ah… ! Tu sais pourquoi je suis devenu explorateur ? Je voulais réparer les injustices, et à l’époque comme aujourd’hui, ceux qui en souffraient le plus étaient les pauvres. Mais la notoriété, l’influence et le pouvoir obtenu avec mon rôle me clouèrent paradoxalement au sommet de la ville, dans cette fichue fondation qui aujourd’hui me sert de maison ! Les riches se sont servis de mon image pour se créer des problèmes, et les pauvres ont commencé à m’en vouloir. Ils ne m’acceptaient plus dans leurs quartiers. Si j’ose m’y enfoncer, encore aujourd’hui… je me ferai lapider sur le champ !

- (Reptincel) C’est vrai… ?

Il hocha honteusement la tête.

- (Pharamp) C’est ma faute, je n’aurais jamais dû laisser le monde interpréter mes actions comme telles. Le fait est que les criminels ont commencé à se réfugier dans les quartiers pauvres, parce qu’ils savaient que je ne pouvais y accéder. Et si l’on additionne à cela les pauvres qui ne peuvent qu’être dans l’illégalité pour survivre… alors forcément, les chiffres tirent une conclusion atroce. Non seulement je ne peux rien y faire, mais pire, mon titre renforce cet état des faits. Voilà… pourquoi je cherche quelqu’un. J’ai besoin d’un explorateur à la mentalité de ce que JE considère être explorateur, c’est-à-dire quelqu’un qui agit pour aider avant tout. J’ai besoin de quelqu’un comme ça et qui, inévitablement, est invisible aux yeux des médias pour accomplir ce que je ne peux plus espérer tenter. Et ce quelqu’un… je veux que ce soit toi !

Exclama-t-il, en touchant la poitrine du jeune adulte d’un doigt ferme. Ce dernier resta immobile, bouche bée face à tout ce qu’il venait d’apprendre. Lui qui s’était demandé ce que l’équipe RS faisait, dans toute sa désillusion… presque tout était clair, maintenant.

- (Reptincel) Je ne comprends pas, pourquoi… cette règle ? « Être le dernier debout », pourquoi chercher à mettre en avant une mentalité opposée à ce que vous vouliez réellement ? Pourquoi ne pas prôner le sauvetage ou l’entraide ?

- (Pharamp) … Parce que j’ai oublié.

- (Reptincel) … C’est aussi bête que ça ?

- (Pharamp) C’est tragique, en réalité. À force d’en voir de partout, on commence à adopter la mentalité adverse sans s’en rendre compte. Je… pensais bien faire, j’en étais encore convaincu ce matin. Mais à cause des règles, à cause de l’absence de restrictions dans le processus d’inscription, un gamin s’est fait torturer sous nos yeux, et je n’ai rien fait. Sans toi, sans tes héroïques interventions remarquées de personne, je serais encore bercé de conneries !

- (Reptincel) Vous n’êtes pas personne.

- (Pharamp) Si, parce que je suis connu de tous. Mais toi, ton anonymat peut encore tout changer ! Aucun journaliste n’habite les quartiers pauvres, c’est également pour cela que n’importes quelles rumeurs circulent à leurs sujets. Si tu agis là-bas uniquement, si à toi seul tu fais peu de bruits pour ne pas trop attirer l’attention, mais suffisamment tout de même pour faire diminuer cette fichue stat… ! Alors tu aideras bien plus de Pokémon que tu ne puisses l’imaginer !

- (Reptincel) Très bien… ? Je ne comprends pas l’offre, vous me parlez de quelque-chose que je comptais déjà faire.

- (Pharamp) Eh bien… tout d’abord, je veux que tu te fasses oublier de tous. Absolument tous. En d’autres termes… ton téléphone, je ne veux que mon numéro à l’intérieur. Supprime et bloque tous les autres, il faut les protéger coûte que coûte des esprits les plus malfaisants qui se cachent là-dedans.

- (Reptincel) … Je comprends.

- (Pharamp) Ensuite, une fois de l’autre côté… je ne veux plus que tu en sortes. Tu ne dois plus mettre le moindre pied hors de ces quartiers, tu ne dois jamais laisser supposer à qui que ce soit que tu viens d’ailleurs !

- (Reptincel) Je viens bien de quelque part.

- (Pharamp) Oui, d’une famille pauvre de Bourg-Tranquille venue vivre ici par obligation, ce qui n’est pas forcément faux. Tu dois être des leurs, si tu veux survivre à leurs côtés. Pour la communication extérieure, nous nous donnerons rendez-vous… disons ici, non, attends…

Il leva la tête vers les cieux.

- (Pharamp) Sur le toit de ce bar ! Personne ne doit nous savoir lié, alors évidemment, ne me renomme pas « Pharamp » ou « explorateur numéro un » dans tes contacts. La fréquence des rendez-vous… ? Pour commencer, une fois par semaine. Ensuite, on avisera selon ce qu’il s’y passera.

- (Reptincel) Ça me va.

- (Pharamp) Et dernièrement… je veux que tu me promettes, que tu me jures du plus profond de ton âme que tu ne perdras jamais, au grand jamais ton objectif de vue ! Rappelle-toi de tes motivations, tout le temps, tous les jours !

- (Reptincel) Je vous le jure, Pharamp.

- (Pharamp) *soupir* Bien. Si nous la jouons comme cela…

Il se redressa, l’air sérieux, fier et déterminé.

- (Pharamp) Alors nous nous donnerons tous les deux à fond. Une fois par semaine, donc, je t’enseignerai tout ce que je sais dans l’art de l’exploration, du sauvetage et de la confrontation. Autrement dit, je ferai de mon mieux pour te permettre de devenir… non pas mon successeur, mais quelqu’un de bien plus accompli encore. Je veux que ce soit toi, le prochain numéro un ! Je veux… te donner le plus de chances possibles d’accomplir ton objectif qui – tu le découvriras à tes dépends – signifie tellement plus que de sauver une partie de Loliloville.

Sur ces mots, il enleva son gant et lui tendit une main.

- (Pharamp) Je n’attends plus que ton accord, et une toute nouvelle aventure commencera !

- (Reptincel) … À une condition.

- (Pharamp) J’écoute.

- (Reptincel) … Ne laissez pas tomber Carabaffe.

Reptincel tendit sa main à son tour, et c’est Pharamp qui la lui serra fermement.

- (Pharamp) Évidemment.

- (Reptincel) Alors je suis tout aussi partant !

Voilà ce qu’il se passa réellement, le jour du Test RS. Reptincel et Carabaffe y participèrent, le type eau l’emporta mais c’est le chef de la Dream Team qui trouva son compte. Rien de ce qui allait désormais lui arriver ne s’annonçait simple. Au contraire, cette nouvelle vie, cette identité qu’il accepta d’engager auprès de celui qui l’avait inspiré à trouver sa place en ce monde l’engageait par-dessus tout à un chemin aussi instable qu’effrayant. Il ne savait plus sur quoi il marchait, à partir de maintenant. C’était le risque à prendre pour se rendre vraiment utile à la société. Reptincel le savait parfaitement, et c’est bien pour cela qu’il avait accepté.

La fin du mois de Septembre ne fut donc d’aucun repos. En une semaine, il trouva, visita et loua un studio dans les quartiers pauvres pour la modique somme de cent-trente-cinq Pokés par mois. Il récupéra ensuite ses affaires au bar Limaspeed, prêt à le quitter pour de bon et sous le regard troublé de ses gérants.

- (Raichu) Attends, tu te barres vraiment, là !?

- (Reptincel) Je t’avais dit que ce n’était que temporaire.

- (Raichu) Mais… pourquoi ne pas m’avoir parlé de ton départ plus tôt !? Où est-ce que tu vas habiter ?

- (Reptincel) Je te dirai tout par message, là je n’ai pas le temps.

Bien entendu, il ne comptait rien lui dire.

- (Raichu) Mec, c’est dangereux… ! Ne t’enfonce pas plus profondément dans ces quartiers, ne t’y isole pas seul, je… !

- (Reptincel) Tu t’inquiètes un peu tard, Raichu.

Le type électrique écarquilla les yeux, mais son interlocuteur tourna son attention vers le vrai dirigeant des lieux.

- (Reptincel) Monsieur Limaspeed, merci pour tout. M’avoir accueilli alors que vous ne viviez pas une situation confortable, c’est plus que reconnaissable. J’aurai aimé vous rendre encore un peu plus service…

- (Limaspeed) Tu en as déjà assez fait comme cela. Pour un explorateur… je tiens à dire que tu fus agréablement inaccoutumé pour cette ville. Nous avons eu un différend sur le principe du métier, mais… j’espère que tu me prouveras que j’ai tort.

Il lui hocha la tête, avant d’enfin quitter les lieux. En sortant, il soupira une dernière fois en dévisageant la forte lumière qui peinait à entrer les rebords de la ruelle, celle qui menait chez les riches. Lui… s’en alla de l’autre côté, vers l’obscurité la plus profonde.

Son nouvel appartement était à l’étage unique d’un petit immeuble délabré, à cinq minutes du bar Limaspeed. Mais lui ne transitionnait rien, il faisait bel et bien partie des quartiers pauvres. La rue était petite, il n’avait jamais rien entendu en la visitant la première fois, et ce fut encore le cas maintenant. Il récupéra les clés auprès du gardien, puis monta ouvrir sa porte grinçante. L’intérieur était minuscule, deux cubes dont une salle de bain de quatre mètres carrés avec toilettes, lavabo et bain comprit. Dans la pièce principale se trouvait un congélateur, un radiateur cassé, un matelas face contre terre jaunit et une seule grande fenêtre aux vitres si crades que l’on ne voyait l’extérieur. De la moisissure comblait les recoins de murs, tandis que le parquet grinçait terriblement à chacun de ses pas. De l’eau s’égouttait lentement proche de l’entrée, là où un porte-manteau dévissé lui faisait face.

En d’autres termes, ce fut le début de tout un tas de problèmes qui ne concernaient même pas son objectif. Mais il ne rechigna pas, déposa ses cartons sur son congélateur et se retroussa les manches en songeant déjà à un nettoyage intense. Il devait s’adapter, pas le choix.

Mais avant cela, il sortit son téléphone. Il alla dans ses contacts, repensa à ce que Raichu lui avait demandé… et fit tout l’inverse. Raichu ? Bloqué et supprimé. Lucario ? Bloqué et supprimé. Carabaffe ? Bloqué et supprimé. Macronium ? Bloquée et supprimée. Pifeuil… ?

… Il l’appela tout de même une dernière fois.

- (Pifeuil) Mon grand ?

- (Reptincel) *soupir* Bonsoir, Pifeuil…

- (Pifeuil) Enfin ! Tu as tant tardé à m’appeler, l’bon vieux gars commençait à s’demander si tu l’avais oublié !

- (Reptincel) Non, non… jamais de la vie. Votre voix… me rassure tellement. J’aurais dû vous appeler plutôt, je sais.

- (Pifeuil) Bah ! L’essentiel est qu’on s’parle maintenant, non ? Alors, ces deux premières semaines à Loliloville ?

- (Reptincel) Compliquées.

- (Pifeuil) Mais encore ? Tu sais qu’tu peux tout m’dire, hein ?

Il en mourrait d’envie. Jamais il ne s’était tant senti à l’aise qu’auprès de son père. Qui plus est, il fut bien le seul à ne pas avoir changé en trois ans. Lui raconter toutes ses mésaventures lui ferait un grand bien, alors il se dévoua. Il lui conta tout, absolument toutes ses rencontres, craintes et projet d’avenir. Et étonnement…

- (Pifeuil) J’comprends.

- (Reptincel) Vraiment ? Les risques encourus en valent-ils vraiment la peine ?

- (Pifeuil) J’pense que oui. Tu n’as jamais lâché d’un pouce ton objectif de devenir explorateur, et regarde où ça t’a mené !

- (Reptincel) Dans un appartement miteux ?

- (Pifeuil) T’as sauvé l’monde ! Ce n’sont des de pitoyables hors-la-loi qui vont t’effrayer, si ?

- (Reptincel) Oui, enfin je n’étais pas seul, à l’époque.

- (Pifeuil) Tu n’l’es pas ici non plus, mon grand ! Pharamp est avec toi, JE suis avec toi !

- (Reptincel) … Hum…

Marmonna-t-il, en sachant qu’il allait devoir le bloquer aussi. Ce fut bien la seule chose qu’il lui avait caché.

- (Pifeuil) Hé… ! Je s’rai toujours là pour toi, tu m’entends ? Si quelque chose ne va pas, si tu veux m’parler de quoique ce soit, sache que j’serai toujours à l’écoute. Jamais je n’te jugerai, et ce serait déplacé après tout c’que t’as accompli. Tu m’as prouvé il y a bien longtemps maintenant que t’avais choisi la bonne voie, et j’suis si fier de voir jusqu’où t’es allé avec ce choix. Alors n’abandonne pas, parce que le plus grand des héros compte sur toi… ! Et moi… j’sais que tu peux faire bien plus que réaliser sa demande. Tu peux l’surprendre, tu peux accomplir l’impossible !

- (Reptincel) … Merci, Pifeuil. Je vous aime…

- (Pifeuil) Moi aussi, mon grand bébé !

Il raccrocha peu après, et resta fixé de longues minutes sur le numéro de son père. Devait-il vraiment le bloquer et le supprimer ? Il procrastina, préférant y penser plus tard, au vu de tout ce qu’il avait à faire.

Il devait organiser son appartement, se créer un entourage, trouver du travail et bien entendu aider cette partie de la population dont il faisait désormais partie. Il avait hâte de commencer !

Mais revenons-en au soir du Test RS.

Alors que tous les participants rentrèrent bredouilles de l’examen, Machoc, lui, était souriant. Il emprunta une ruelle et disparut des quartiers riches de la ville. Son corps frêle lui permit de se faufiler à travers des raccourcis que seul lui pouvait prendre, à un point où il descendit dans les profondeurs des quartiers pauvres bien plus rapidement que n’importe qui.

Le quart d’heure d’après, il était devant son appartement. Il passa la porte d’entrée cassée, grimpa les escaliers jusqu’au premier et unique étage puis toqua à la seule porte blindée du lieu. Plusieurs secondes s’écoulèrent, avant que de multiples verrous ne se fassent entendre grincer. Finalement, quelqu’un l’ouvrit de l’autre côté. Le petit leva haut la tête pour le saluer.

- (Machoc) Bonjour, tonton !

- … Où étais-tu ?

Demanda-t-il d’une voix extrêmement grave, prononcée… et peut-être un peu enrhumée.

- (Machoc) Euh… je… je voulais participer au Test RS.

Le silence régna, avant que son oncle, d’une corpulence bien quinze fois supérieure à la sienne, ne s’abaisse d’un genou.

- Je te demande pardon ?

- (Machoc) Oui, je… *soupir* je suis désolé, je sais que je n’avais pas le droit d’aller dans ce genre d’endroit. J’ai eu de la chance parce que ça aurait pu très, vraiment très mal se passer. Je ne recommencerai plus, promis !

- … Et les bandages ?

- (Machoc) Ça… ? Trois grands messieurs ont voulu m’éliminer de l’examen…

- Je veux leur nom.

- (Machoc) Je… ne les connais pas.

- Alors leurs visages, leurs expressions. Dis-moi tout ce que tu sais d’eux.

- (Machoc) Euh… d’accord ? Tu ne vas pas leur faire de mal, quand même ?

- Oh, mais bien sûr que non…

Il se redressa, ouvrant la porte à son petit qui entra enfin chez lui. En la refermant, le vieil homme se retourna, le sourire aux lèvres. Hélas, sa peau rouge, ses flammes débordantes de son cou, son groin immense accentuant sa respiration, ses deux gigantesques dents pointues de chaque côté de sa bouche, ses sourcils noirs débordants de son crâne mais par-dessus tout son imposante, malgré l’âge, carrure de monstre ne trompèrent aucun lecteur avisé. La différence se faisait aux rides sur le front et aux poils blancs qui lui poussaient sous les bras et dans les sourcils. Car oui, il s’agissait bel et bien de Roitiflam.

- (Roitiflam) Jamais je n’oserai, voyons !

- (Machoc) De toute façon, ça sert à rien d’en vouloir à qui que ce soit !

Exclama le petit en enlevant ses lourds vêtements.

- (Machoc) Monsieur Reptincel m’a sauvé, il a tout fait pour m’aider à sortir de là, quitte à perdre l’examen pour ma sécurité !

- (Roitiflam) Qui ça ?

- (Machoc) Reptincel ! Ça te dit quelque chose ?

- (Roitiflam) … Peut-être bien que oui, je vérifierai par moi-même.

- (Machoc) Hé, prends pas cette voix… il est gentil, lui !

- (Roitiflam) Bien sûr, il doit être explorateur.

- (Machoc) Je suis sérieux !! Sans lui, je…

Il se tint les bras en baissant honteusement la tête.

- (Machoc) Je crois que je n’aurai même pas eu le courage de revenir…

L’immense monsieur le regarda silencieusement, avant de lui tapoter tendrement le crâne.

- (Roitiflam) Très bien, je prends note. Allez, allons manger… ATCHOUM !!

Son puissant souffle involontaire renversa tout ce qui se trouvait dans l’entrée.

- (Machoc) Wow, trop cool !

- (Roitiflam) Non… *snif* pas cool, non !

Bref, le contexte est placé.

Ce fut une introduction intense et compliquée pour Reptincel, qui découvrit et redécouvrit sous un angle hélas plus adulte le monde civil. Mais désormais, il avait un objectif : sauver les quartiers pauvres. Il était déterminé à y parvenir, tout comme il fut déterminé à devenir explorateur en étant enfant, ou déterminé à sauver le monde lors de son adolescence.

La différence est qu’à partir d’aujourd’hui… personne ne sera là pour le sortir du pétrin.

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