Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 20 : Déchéance psychologique

6444 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 27/02/2021 14:18

Sa photo avait été distribuée dans toutes les boites aux lettres. Absolument tous les habitants de Bourg-Tranquille et seulement eux avaient reçu, en cette matinée du 1er Juin 231, la photographie d’un Salamèche apeuré, yeux bandés et attaché sur la chaise froide et métallique par la DDR. Ils ne s’étaient ni montré, et n’avaient ni signé leur œuvre. Leur objectif avait juste consisté à envoyer un dernier souvenir de celui qu’ils avaient rejetés, histoire de les dégouter définitivement de leur antipathie.

La plupart des habitants s’étaient regroupés sur la place du village pour parler de cette affaire. Beaucoup doutaient, peu restaient sur leur idée que tout ce qui lui arrivait depuis qu’il était fugitif était sa faute, et Rapasdepic renforça cette façon de penser. Elle avait réussi à le faire haïr par la majorité, il fallait maintenir cette vision du village, leur prouver qu’elle avait raison d’agir ainsi et les convaincre de la maintenir au pouvoir pour poursuivre ces décisions radicales. Mais tout cela semblait fonctionner de moitié seulement.

Du côté des enfants du village, une angoisse profonde s’ancra en Germignon, en Riolu et même en Arcko, quand ils virent l’état de leur ami. Eux qui lui avaient souhaité qu’il s’en sorte où qu’il soit la semaine dernière, tout en récupérant le nombre de points suffisants pour que la Dream Team s’inscrive à la guilde, ils étaient complètement brisés. Germignon baissa la tête, emplie de remords.

- (Germignon) Il… il faut faire quelque chose.

- (Arcko) On ne peut pas partir à leur recherche, nous n’avons aucune idée d’où ils sont.

- (Germignon) Et alors, il… il faut chercher, ou au moins forcer les autres à le faire !! Bon sang, comment peuvent-ils ne pas remettre en question les décisions de la maire, après ça !?

- (Riolu) Ils le font, Germignon, mais il faut leur laisser le temps…

- (Germignon) Un temps durant lequel Salamèche se fera torturer, un temps qu’il prendra pour se demander si nous ne l’avons pas lâchement abandonné !!

- (Arcko) Et qu’est-ce que tu proposes, exactement !?

- (Germignon) Il faut prouver au village les réelles intentions de l’équipe Chaotique, ça me parait évident ! Si on arrive à prouver que ce ne sont que des salopards de profiteurs, alors Rapasdepic tombera avec eux !

- (Riolu) … C’est vrai qu’elle les a fermement soutenus. Ce coup-là lui fera assurément perdre les prochaines élections.

- (Arcko) On s’en tape des prochaines élections, je croyais que le but était de sauver Salamèche et Pikachu le plus rapidement possible ! C’est bien beau d’explorer dans le vent, mais jamais nous ne les retrouverons s’ils ont bel et bien été capturés par les vrais dangers du monde extérieur ! Je vous l’avais dit, ils n’avaient aucune chance face à eux, et nous n’en avons aucune non-plus !

- (Germignon) Et donc quoi, tu penses qu’il ne faut rien faire !?

- (Arcko) Honnêtement… ouais. On finira juste dans la même merde qu’eux, ou alors on salira définitivement le nom de l’équipe qu’ils ont battis. Mais il est évident que nous ne sommes pas à la hauteur.

- (Riolu) Je… suis relativement d’accord.

- (Carapuce) …

Le type eau était là depuis le début, il écoutait juste silencieusement le débat de ses partenaires d’équipe. Un silence se créa, avant que Germignon ne se lève sans dire le moindre mot. Elle se retourna, hésita un instant… puis s’en alla vers le centre du village. Les autres la regardèrent partir, eux aussi hésitants à l’arrêter. Tout le monde doutait, aujourd’hui.

Sur le chemin, elle rencontra Pifeuil, qui semblait fermer à clé sa maison, prêt à partir loin du village. Il avait un grand sac de voyage et un imposant manteau marron foncé le rendant presque méconnaissable. Elle s’approcha.

- (Germignon) Monsieur Pifeuil…

- (Pifeuil) Désolé, ma p’tite, j’n’ai vraiment pas l’temps.

Il passa sa clôture, prenant le large vers les Petits Bois. Il avait un air aussi déterminé qu’inquiet, et la jeune secouriste se montra désolée.

- (Germignon) Vous avez vu la photo, n’est-ce pas ?

L’adulte s’arrêta.

- (Germignon) Il faut faire quelque chose.

- (Pifeuil) Je sais, et j’m’en occupe.

- (Germignon) Quoi ? Où allez-vous, je peux vous aider ?

- (Pifeuil) … Non, reste au village, c’est trop dangereux.

- (Germignon) Non, il est hors de question que je reste passive, face à tout ce qui arrive !

- (Pifeuil) Et pourtant il le faut. Beaucoup d’choses vous dépassent, Dream Team, et vous n’êtes pas encore prêts à confronter les vraies menaces de c’monde. Aurevoir.

Il s’en alla sur ses mots, semblant partit pour un long moment. Germignon ne comprenait pas ce que tout cela signifiait, et en réalité, elle soupçonnait Pifeuil de cacher des choses depuis longtemps. Mais pour elle, la vraie menace n’était pas forcément ceux qui retenaient prisonnier ses amis. Elle fonça dans l’autre direction, droit vers la maison d’Ectoplasma, dont elle avait appris la position grâce à leur nouvelle influence.

Elle toqua à répétition, jusqu’à ce que le secouriste de type spectre daigne lui ouvrir. Il semblait sortir de son lit, et l’accueillit en baillant.

- (Ectoplasma) C’est bon, c’est bon, j’suis toujours là pour un auto… hein ? Toi ? Qu’est-ce que tu veux, gamine ?

Elle lui répondit simplement en lui montrant la photo de Salamèche. Ectoplasma la récupéra, prenant quelques secondes pour parfaitement bien la discerner.

- (Germignon) Voilà ce que vous avez fait, équipe d’ordures ! Pour de misérables histoires de concurrence, vous avez jeté un pauvre enfant dans un gouffre gigantesque et terrifiant.

Mais l’adulte pouffa soudainement de rire.

- (Germignon) Ça te fait rire ?

- (Ectoplasma) Ouais, un peu. Je voulais juste qu’il crève, pas qu’on lui accorde autant d’importance.

Prit d’une rage soudaine, Germignon l’attrapa par le col et le plaqua contre le mur le plus proche. Ectoplasma fut choqué, il se laissa tout d’abord faire.

- (Ectoplasma) Wow, quand as-tu appris à agresser des villageois ?

- (Germignon) Depuis que je fais ton travail, secouriste de merde ! Bon sang, tu es sensé SAUVER DES VIES, pas en détruire !! Comment peux-tu rire face aux conséquences de tes actes, le village attend tes excuses !!

- (Ectoplasma) Mes excuses ? Je crois que tu n’as pas bien comprit qui avait le dessus.

Soudainement, une aura violette s’éjecta du sol et frappa brutalement Germignon au menton. Elle se fit envoyer valser à plusieurs mètres, pendant que le type spectre, de son côté, rentra tranquillement chez lui.

- (Ectoplasma) Je n’ai aucune raison de m’excuser, parce que je suis un héros, ici. Toi, en revanche, tu auras de gros problèmes si tu reviens ici. Peut-être que tu finiras par rejoindre tes amis, qui sait ? Allez, dégage de mon plancher.

Il lui ferma la porte au nez sur ces mots, laissant l’enfant seule, enragée par la situation. Elle ne comptait pas en rester là…


Salamèche rouvrit les yeux. Aujourd’hui était un jour important, il le savait et il était prêt. Simiabraz vint le chercher au moment où il réveilla tout le monde pour une nouvelle journée, tandis que lui fut mené à l’étage, dans la salle du chef. Il emporta le livre qu’il lui avait été confié, il avait à peine eu le temps de tout lire. Le soldat toqua, le chef l’invita à faire entrer le petit seulement, et ce dernier vint s’installer sur la chaise lui étant réservé sans même qu’on ne lui ordonne. Ainsi, Roitiflam comprit immédiatement que cette première semaine l’avait radicalement déjà changé.

- (Roitiflam) Bien le bonjour, Salamèche.

- (Salamèche) Bonjour, monsieur.

- (Roitiflam) Alors, dis-moi tout… comment était le début de ta nouvelle vie ?

- (Salamèche) … Horrible. Mais heureusement, ce livre m’a beaucoup aidé à le supporter.

Disait-il, en lui tendant le roman. Le chef le récupéra et le déposa sur son bureau.

- (Roitiflam) Tu as tout lu ?

- (Salamèche) Oui, enfin… tout, sauf le chapitre vingt-cinq.

- (Roitiflam) Pourquoi ?

- (Salamèche) Parce qu’il n’existe plus.

Le chef ouvrit le bouquin à la bonne page, pour finalement se rendre compte que tout le fameux chapitre vingt-cinq avait été sauvagement arraché. Il afficha un regard pesant à son interlocuteur.

- (Roitiflam) Qui a fait ça ?

Demanda-t-il sur un ton autoritaire, pensant que le petit n’allait pas tout de suite lui répondre. Mais il fut surpris par sa sérénité.

- (Salamèche) Le sujet A130.

- (Roitiflam) Oh… ? Tu as appris à tous les connaître ?

- (Salamèche) À les détester, surtout. Ils m’ont torturé physiquement et psychologiquement.

Ce n’était pas faux, mais Salamèche semblait surtout avoir oublié que le principal fautif se trouvait en face de lui. À vrai dire, son dernier moment de « réconfort » avait été à ses côtés, alors il ne chercha plus à faire la part des choses.

- (Roitiflam) Et… tu voudrais te venger ?

- (Salamèche) … Je ne sais pas.

- (Roitiflam) Tu n’as vraiment pas envie de leur rendre l’appareil ?

Insista-t-il.

- (Salamèche) Euh… je…

Il hésita un instant.

- (Salamèche) Je l’ai techniquement déjà fait, lors des entraînements.

- (Roitiflam) Oui, mais la douleur est encore là, pas vrai ? Ne t’inquiète pas, je vais t’apprendre à l’éliminer définitivement.

- (Salamèche) …

Il ne savait pas quoi en penser. Une once de doutes le comblait encore, mais le chef ne lui laissa pas le temps de réfléchir.

- (Roitiflam) Et le livre, alors ? As-tu appris quelque chose qui te semblait pertinent ?

- (Salamèche) Oui, bien sûr. Je ne connaissais rien à ce monde, avant ça, alors forcément. Mais… euh…

- (Roitiflam) … Je t’écoute.

- (Salamèche) Est-ce que tout est vrai ? Je veux dire… les explorateurs sont assez diabolisés, dans ces écrits.

Roitiflam soupira, avant de s’enfoncer dans son siège.

- (Roitiflam) Rien n’est objectif, sache-le. Ce livre fut écrit par quelqu’un qui, comme moi, est né et a vécu dans les quartiers pauvres de Loliloville. Il a vu le domaine se démocratiser, et aborde seulement sa vision du métier, que ce soit à travers toutes les décisions politiques vis-à-vis de ses quartiers, de la non-construction de postes d’explorateurs dans ces « poubelles » comme disait le maire de l’époque, ou simplement le désintérêt des secouristes à travailler dans ce genre de secteur à cause du peu de récompenses que cela aurait engendré.

- (Salamèche) Je vois. Dans le chapitre treize, il est fait mention d’un de ses amis d’enfance qui l’aurait abandonné pour devenir explorateur.

- (Roitiflam) Ouais, son fameux pote s’est barré dans des quartiers plus riches parce qu’il en avait les moyens. Dans les années 200, à l’époque où la guilde n’était pas encore obligatoire, il était si simple pour eux de se remplir les poches. La première génération d’explorateurs fut plein de vices, hein ?

- (Salamèche) Oui, ça n’a rien à voir avec l’image que j’avais du domaine. Si j’ai bien compris, la première génération date de la création du métier, c’est-à-dire environ en 185 jusqu’à sa furieuse démocratisation en 212, lorsque Pharamp le rendit « cool » et « tendance » pour les jeunes. La deuxième génération commence avec l’obligation pour tous les secouristes de passer l’examen de la guilde, en 213, et elle dure encore de nos jours.

- (Roitiflam) Exactement.

- (Salamèche) Ça veut dire que Pharamp aurait aussi profité du système ?

- (Roitiflam) Probablement, mais ne lui jette pas la première pierre, tout le monde le faisait.

- (Salamèche) Hum… L’auteur expliquait le voir passer sous forme d’éclair, parfois, en levant la tête vers le ciel étoilé.

- (Roitiflam) Oui, il était une lueur d’espoir pour ces gens. Personnellement je n’attendais plus rien de lui, mais certains espéraient encore pouvoir sortir de la pauvreté grâce à son fameux sourire transmissible. Mais un seul Pokémon ne peut pas tout faire, comme il le prétendait si bien.

- (Salamèche) …

- (Roitiflam) Bref, maintenant que tu en connais plus sur l’histoire de cette ville, il est temps de t’inculquer une culture politique plus approfondie. Je vais te donner un autre bouquin à lire pour la semaine prochaine.

- (Salamèche) Attendez…

Un silence se créa, le chef regarda droit dans les yeux le petit type feu.

- (Salamèche) Je n’en peux plus, des séances d’hypnoses. Je… je craque, c’est affreusement douloureux et ça dure des heures !

- (Roitiflam) Nous en avons besoin pour connaître ton ancienne vie.

- (Salamèche) Pourquoi ?

- (Roitiflam) … Parce que nous devons en apprendre plus sur les humains. Il est évident qu’ils détenaient une technologie bien plus avancée que la nôtre. Les scientifiques de nos jours commencent à peine à recréer une des matières qui constituaient un des nombreux éléments leur permettant de se téléporter à volonté, c’est dire à quel point nous sommes en retard. Si nous arrivons à en apprendre plus sur leur technologie, sur leur façon de vivre, leur façon d’être, nous prendrions une avance folle.

- (Salamèche) Et… pourquoi est-ce que vous ne me traitez pas comme un Rattata de laboratoire en or ? Pourquoi je me fais torturer physiquement alors que mon cerveau devrait être contenu dans un coffre blindé, si j’ai bien compris ?

Roitiflam explosa de rire.

- (Roitiflam) Tu te plains d’encore exister, non mais je rêve ! Enfin, mon grand, parce que je veux que tu me remplaces ! Tu peux être un atout majeur pour notre monde, autant intellectuellement grâce aux informations que tu nous apportes que physiquement, grâce au redoutable Dracaufeu que tu deviendras !

- (Salamèche) …

- (Roitiflam) Navré de l’indiscrétion, mais Hypnomade est obligé de me faire un rapport sur chacune de ses séances. Il m’a confié ta peur d’être perdu, d’être constamment remis en question sur ta place en ce monde. Mais la voilà, mon grand, tu n’as plus à chercher plus loin ! Chef de la DDR, chef d’une organisation, certes agissant illégalement, mais terriblement puissante et qui met tout en œuvre pour faire évoluer notre monde, pour nous faire voyager bien-au-delà de toutes les limites qui nous entoure ! N’est-ce pas merveilleux ?

- (Salamèche) Si…

- (Roitiflam) Alors qu’attends-tu ?

- (Salamèche) Je ne sais pas, je… j’ai peur de causer trop de torts autour de moi.

- (Roitiflam) … Tu en causeras, c’est certain. Je veux être honnête, d’accord, je ne veux pas te faire croire que tout sera magiquement réglé en claquant des doigts. Il faudra mener des guerres, causer bon nombre de dégâts qui resteront à jamais gravés dans l’esprit de ceux qui ne veulent pas changer, mais c’est nécessaire. Et tout cela aura des conséquences bien plus merveilleuses que ce que pourra au grand maximum faire un quelconque explorateur, même Pharamp, et tu l’as bien lu.

Disait-il, en pointant du regard le livre. Salamèche resta silencieux un instant, il repensa à ses tous premiers objectifs : se trouver une place dans ce monde. Sa vocation était d’aider les gens, et à nouveau, un grand Pokémon impressionnant lui tendait une perche. Mais celle-ci lui semblait bien plus accessible, alors sans penser à ceux qui avaient fait de lui un très bon secouriste, il leva fermement la tête et exprima de tout cœur.

- (Salamèche) D’accord.

- (Roitiflam) …

- (Salamèche) Je vais vous remplacer.

Roitiflam… non, la DDR tout entière avait gagné. Elle venait de convaincre un pauvre enfant manipulé et rejeté de tous, elle avait parfaitement bien réussi son coup. Le chef se leva simplement, s’avança vers le petit, et lui tendit une main.

- (Roitiflam) Parfait. Avançons ensemble, dans ce cas.

Salamèche la lui serra, c’était un nouveau départ pour lui. Le chef lui promit que les séances à l’infirmerie dureraient moins longtemps, et que désormais, ses entraînements matinaux seraient remplacés par des entraînements privés. Simiabraz le récupéra, le ramenant dans sa cellule avec un nouveau livre en main. Ce qui était sûr, c’est qu’il n’aurait jamais plus à se confronter aux autres prisonniers, et cela le rassura immédiatement. Il devait cependant encore partager la même cellule, les mêmes douches, toilettes et réfectoire qu’eux, ce qui lui permit de se prendre de nouvelles réflexions, le soir-même, de ces mêmes prisonniers qui l’insultaient pour son absence aux entraînements, le traitant de lâche et de froussard. Mais il s’en moquait, et concentra ses efforts sur la suite du programme.

Le lendemain, il se réveilla en même temps que tout le monde. Mais au lieu de suivre le groupe à l’entraînement matinal, lui fut emmené à l’étage, où Roitiflam l’attendait. Ce dernier le mena dans sa salle d’entraînement privée, à côté de son bureau. Elle était beaucoup plus propre et sécurisée que celle des prisonniers. Il lui présenta une armoire remplie de matériel de haut niveau pour la musculation et les entraînements cardiovasculaires, puis lui sortit un kimono blanc et vert, comme celui du dojo Makuhita mais version DDR. Salamèche l’enfila, se sentant enfin confortable hors de ces infâmes accoutrements de prisonnier. Il n’avait plus l’impression d’en être un, et la manipulation continua.

Le chef également, enfila un de ces kimonos. Il se présenta sur le tatami, Salamèche en fit de même, et en ce jour du 2 Juin 231, il devint l’élève de Roitiflam.

- (Roitiflam) Bien, on va commencer simplement. Amène-toi, montre-moi tout ce que tu sais faire, quitte à violemment me blesser.

- (Salamèche) Vous êtes sûr ?

- (Roitiflam) Mais oui, ne t’en fais pas, je ne crains rien.

- (Salamèche) … Bien.

Confiant, le petit s’exécuta et se donna à fond pour tenter d’impressionner son maître. Il mit en œuvre toutes les techniques, toute l’expérience qu’il avait acquise jusqu’à présent pour cet affrontement, et son maître le comprit. Sans surprise, il bloqua chacun de ses coups, chacune de ses capacités ou tentatives de le surprendre. Il se faisait surpasser en tous points, mais le chef ne semblait pas spécialement déçu. Il l’envoya valser à l’autre bout du tatami, puis soupira en regardant ses mains.

- (Roitiflam) Bon sang, j’ai perdu la main…

- (Salamèche) Q… *souffle* quoi !?

Le petit se releva, l’air choqué.

- (Salamèche) Vous êtes redoutables !

- (Roitiflam) Le chef de la DDR doit l’être, que crois-tu ? Disons que gérer des futures recrues pendant des décennies n’a pas arrangé mon style, qui semble s’être furieusement détérioré depuis mon âge d’or. Mais qu’importe, puisque tu n’es pas si loin de me rattraper !

Un silence se créa.

- (Salamèche) Ah bon… ? J’avais plutôt l’impression d’être complètement maîtrisé.

- (Roitiflam) Oui, évidemment, comme tous ceux qui se retrouvent face à moi. Mais toi… tu sembles déjà avoir trouvé ton style de combat. C’est assez surprenant, pour un élève de Makuhita.

- (Salamèche) Vous connaissez Makuhita ?

- (Roitiflam) Beaucoup de soldats de la DDR avaient payés pour ses entraînements, à l’époque où il vivait à Loliloville. Et personnellement, je les trouvais tous minables, c’est à peine s’ils savaient maîtriser les bases.

- (Salamèche) Hum, je vois…

- (Roitiflam) Toujours est-il que ton style est défensif. Tu préfères attendre et prévoir plutôt que de foncer et d’anticiper. Et… c’est malheureusement en totale contradiction avec mon style, qui lui est très offensif.

- (Salamèche) Ce n’est pas grave, je peux m’adapter !

- (Roitiflam) Non, ton style ne te quittera jamais, c’est une règle à ne jamais oublier. Ceci-dit, il m’apparait évident que tu n’iras pas bien loin, sans quelques techniques offensives dans ton arsenal. *soupir* Si un ancien membre de la DDR ne m’avait pas trahi, j’aurais pu le contacter pour le faire venir t’enseigner sa plus redoutable technique, qui à toi te conviendrai parfaitement, j’en suis certain. Mais peu importe, on va faire avec ce que l’on a.

Il resserra sa ceinture.

- (Roitiflam) Je vais te renforcer, mon grand ! Voilà le programme que je te propose : six heures d’entraînements tous les jours, de huit à douze, puis de quatorze à seize. Les deux dernières, tu devras malheureusement les passer auprès d’Hypnomade pour ses séances d’hypnoses.

- (Salamèche) Ça me va.

Répondit-il immédiatement.

- (Roitiflam) Vraiment ?

- (Salamèche) Oui, vous avez divisé par deux les séances d’hypnoses, et j’en suis très reconnaissant. Pour le reste, je ferai de mon mieux pour suivre à la lettre vos enseignements.

Le chef lui sourit.

- (Roitiflam) Parfait. Dans ce cas, commençons le long programme qui nous attend. Cela me permettra aussi de reprendre du poil de la bête !

Salamèche se mit en garde.

- (Salamèche) Je suis prêt.

- (Roitiflam) Aujourd’hui, je vais t’enseigner une première technique offensive, qui t’ouvrira une ouverture sans faille face à ceux qui ne savent pas se battre !

Et les nouveaux enseignements de Salamèche débutèrent. Chaque jour, il se renforçait ardument auprès du chef de la DDR. Chaque jour, il surpassait ses limites, se blessait parfois brutalement, crachait du sang et parfois bien plus, mais chaque jour, il se sentait progresser. Il n’avait plus qu’une seule idée en tête : devenir le plus fort. Il ne pensait à rien d’autre, oubliant tout ce qui l’entourait ou tout ce qui l’avait entouré à l’époque. Roitiflam avait du mal à y croire : c’était un changement radical en peu de temps, même pour un enfant entièrement manipulé.

Mais en réalité, tout cela était à cause des séances d’hypnoses d’Hypnomade. Chaque jour, alors qu’il fouillait dans l’esprit de l’enfant, il en profitait pour petit à petit lui effacer la mémoire. Comme Roitiflam lui avait interdit, il le faisait de manière très discrète et légère, ne lui effaçant que les bons souvenirs qui composaient son ancienne vie, car Hypnomade n’avait pas confiance en son chef sur ce sujet. Il était persuadé que Salamèche avait un cœur trop pur pour rejoindre la DDR sans être manipulé mentalement, et il exprima sa vision à Simiabraz, un soir dans leur réfectoire privé.

- (Simiabraz) Quoi !? S’il venait à apprendre ça…

- (Hypnomade) Je sais, c’est bien pour cela que tu dois également jouer le jeu ! J’ai dû abstenir la puissance de mes capacités pour que ce ne soit pas trop flagrant, mais les conséquences sont que le petit pourrait bien retrouver toute la mémoire, si un ancien souvenir trop important pour lui, lui revenait d’un coup brusque et inattendu !

- (Simiabraz) D’accord, il faut vraiment éviter de lui rappeler un élément de son ancienne vie, c’est noté. Toujours est-il que si le chef venait à découvrir ton plan…

- (Hypnomade) Oui… il semble s’être vraiment attaché au petit.

Le soldat soupira.

- (Simiabraz) Il va finir par obtenir un grade égal au miens, si ce n’est plus élevé encore.

- (Hypnomade) Il est de toute façon destiné à devenir le chef de la DDR.

- (Simiabraz) Pourquoi c’est à lui qu’il confie ce rôle ? Qu’est-ce que je vaux, pour lui, exactement ? C’est affreusement humiliant, je déteste ce gosse…

- (Hypnomade) Moi non plus, il ne me plaît pas. Pour découvrir chaque jour toutes les secondes de sa misérable vie de paysan, je peux t’assurer que je finis écœuré après chaque séance. Un gamin aussi naïf et crédule en tant que chef, c’est insensé. Mais, tu sais… vous serez un jour amenés à partir en mission ensembles.

- (Simiabraz) Tu penses ?

Le type psy hocha la tête.

- (Hypnomade) Tout peut arriver, pendant ce genre de mission. Si un jour un accident survient parce que, je ne sais pas… la folie l’emporte et t’attaque, et que par légitime défense tu te retrouves dans l’obligation de l’éliminer, alors tout irait mieux pour nous deux, tu ne crois pas ?

Simiabraz rigola.

- (Simiabraz) Je vois… ce serait marrant, en effet.

Ils terminèrent de diner sur ces mots.

Les semaines passaient. Salamèche, lui, ne sentait pas le temps s’écouler, il ne pensait qu’à devenir plus fort, et tous ses efforts payaient. Durant la matinée du 17 Juin, il blessa brusquement Roitiflam au visage, le surprenant et se surprenant lui-même. Le chef saigna abondamment, le le petit s’arrêta immédiatement de combattre.

- (Salamèche) N… non ! Je suis désolé, je… !

Mais son maître le surprit, en lui assignant un puissant coup de poing dans le ventre. Le petit s’écrasa à terre, achevé en une simple attaque. Il souffrit au sol, pendant que Roitiflam essuya le sang qui coulait de son visage.

- (Roitiflam) Qu’est-ce que tu fous, le combat n’était pas terminé !

- (Salamèche) Mais… vous saigniez !

- (Roitiflam) Dans un combat à mort, tu vas attendre que ton adversaire te dise qu’il aille bien, avant de le frapper à nouveau !?

Salamèche se tut, baissant simplement la tête de honte.

- (Salamèche) Je suis désolé, ça n’arrivera plus.

Et Roitiflam soupira. Il s’approcha et s’abaissa vers son élève.

- (Roitiflam) Ce n’est pas grave. Après tout, ce n’était une erreur d’inattention, bien au contraire. Malgré tous les réflexes que je t’ai enseignés, ton empathie ressort par-dessus tout, c’est impressionnant.

- (Salamèche) Je ne devrais plus l’être. Le chef de la DDR ne doit pas ressentir d’empathie pour ses adversaires.

- (Roitiflam) Non, mais il peut en ressentir pour ceux qui lui sont cher.

Disait-il, en tendant une main au jeune type feu. Ce dernier le regarda avec surprise, avant de l’attraper et de se faire relever.

- (Salamèche) Bon, je suis prêt à reprendre.

- (Roitiflam) Non, nous allons faire une pause pour aujourd’hui. J’aimerai qu’on aborde une autre partie du programme : tes pouvoirs.

- (Salamèche) …

- (Roitiflam) Tu ne les maîtrises pas, je me trompe ?

- (Salamèche) En réalité, je ne sais faire que deux choses seulement. La flamme au bout de ma queue ne brûle rien, mais j’ai appris à activer sa puissance, que je peux désormais gérer à volonté.

Disait-il, en pointant du regard la flamme scintillante au bout de sa queue. Elle avait légèrement augmenté, depuis qu’il avait été kidnappé.

- (Salamèche) Et la deuxième chose est le pouvoir d’absorption. Je sais absorber, et donc réduire voire éliminer définitivement un feu en activité et propagation.

- (Roitiflam) Intéressant, le pouvoir d’absorption n’est pas à la portée de tous. Mais c’est étrange que tu ne saches pas au moins cracher des flammes, pour un type feu de ton âge.

- (Salamèche) Cracher du feu… ?

- (Roitiflam) Tu n’y as jamais songé ?

- (Salamèche) Non, en fait… mon corps a un problème, un problème qui m’a quelque peu traumatisé à l’idée que je puisse un jour apprendre à maîtriser mes pouvoirs.

- (Roitiflam) Je t’écoute.

- (Salamèche) Je pense que vous le montrer sera plus efficace.

Disait-il, comme il avait dit à Makuhita il y a des mois. Il fit exactement la même chose, enleva le haut de son kimono, se concentra, et enveloppa soudainement ses deux bras de puissantes flammes destructrices. Roitiflam était bouche bée.

- (Roitiflam) Wow… !

- (Salamèche) Ça faisait longtemps que je ne l’avais pas fait… et ça m’épuise rapidement.

Il éteignit tout de suite après ces mêmes flammes puis se laissa tomber sur les fesses, essoufflé.

- (Salamèche) Au moindre contact avec quoique ce soit, tout explose, et le membre enroulé de flamme se brise violemment, se noircis furieusement et je perds abondamment du sang. Bref, je ne contrôle rien.

- (Roitiflam) C’est extrêmement impressionnant, et… ça va à l’encontre de toutes les lois sur le corps Pokémon ! C’est comme si… tu avais les capacités d’un Dracaufeu dans le corps d’un Salamèche.

- (Salamèche) Makuhita penchait plutôt pour cette théorie, oui. Il me manquerait les gènes qui brides les pouvoirs de n’importe quel enfant et qui s’adapte à son corps et sa morphologie.

- (Roitiflam) De toute évidence, ce handicap disparaîtra lorsque tu deviendras un Dracaufeu. Peut-être même qu’en tant que Reptincel, tu arriveras à te créer tes propres bridements.

- (Salamèche) Vous pensez ?

- (Roitiflam) Avec le corps préparé que tu auras, j’en suis certain. En attendant, cette corpulence d’enfant te bloque furieusement dans l’apprentissage de tes pouvoirs, je le conçois. Voilà pourquoi nous allons nous concentrer sur mon idée de base : t’apprendre à cracher du feu. En fait… je pourrais même t’apprendre l’attaque flammèche, une base pour les Pokémon avec une partie de leur corps enflammée. Ainsi, tu pourras envoyer de petites flammes avec ta queue.

- (Salamèche) Très bien, je vous suis !

Et l’entraînement reprit sur ces mots. Pour cette deuxième partie du mois, le jeune type feu allait apprendre à maîtriser une infime partie de ses pouvoirs. Il se voyait enfin capable d’attaquer à distance, ce qui lui ouvrit un champ des possibilités incroyable pour ses techniques au corps-à-corps. Il avait besoin de prendre des notes, beaucoup de notes, et Roitiflam lui donna beaucoup de feuilles et un stylo. Il comprit que l’analyse était le mot clé qui représentait le style défensif de Salamèche, tandis que ce dernier écrivit des pages entières sur lui, ses compétences, ses limites et ses faiblesses. Comme à l’époque où il avait son rappelle-tout, ses précisions étaient chirurgicales.

Le mois de Juin toucha lentement à sa fin, et la température n’avait cessé d’augmenter. Les pièces du centre devinrent toutes plus humides, et la moisissure, elle, se répandait encore dans les salles les moins entretenues comme les douches ou la salle d’entraînement des soldats. Mais le type feu n’allait plus dans la deuxième depuis un long moment, alors il s’en moqua royalement. Dans leur cellule, cela faisait longtemps qu’il n’adressait plus la parole à personne. Il passait son temps à lire les livres que Roitiflam lui donnait, et à l’inverse, plus personne n’osa l’approcher. Tout le monde le sentait de plus en plus différent, de plus en plus confiant, de plus en plus redoutable. Seul le Pokémon poilu, le sujet A130 continuait de faire le malin. Mais cela n’allait plus durer bien longtemps.

Le 29 Juin, alors que Salamèche pensait poursuivre l’apprentissage de ses pouvoirs, Roitiflam le mena finalement dans les sous-sols du centre de formation d’enfants soldats. Il ouvrit une pièce qui lui était encore inconnue, et fut assez surpris de voir le corps du sujet A130 attaché sur la même chaise froide et métallique que lui, lors de sa première venue en ces lieux. Sa bouche était bandée, il transpirait et semblait moins faire le malin. De nombreux fils étaient attachés à lui, que ce soit à son crâne, son ventre, ses bras, ses jambes ou ses pieds, des fils reliés à une machine de laquelle Roitiflam et son élève s’approchèrent après avoir fermés la porte à clé.

- (Roitiflam) Voici notre salle d’interrogatoire. Tu reconnais le sujet A130, et voilà une panneau de commande. Il contient tout un tas de boutons, de quoi t’embrouiller rapidement l’esprit. Mais l’idée est simple : chacun d’entre eux envoient une décharge électrique à un nombre de volts différents, et à une partie différente du corps à notre partenaire de jeu du jour.

- (Salamèche) Et… que voulez-vous que je fasse ?

- (Roitiflam) Que tu t’imposes. En tant que prochain chef de la DDR, tu dois imposer le respect, où plutôt récupérer celui qui te revient de droit.

Un silence se créa. Salamèche tourna silencieusement le regard vers son maître.

- (Salamèche) … Vous voulez que je le torture ?

- (Roitiflam) J’appellerai plutôt ça une reprise en main de la situation. Tu voulais te venger, n’est-ce pas ? Toi qui m’exprimais d’un air enfouis mais enragé la haine que tu éprouvais envers lui, envers celui qui t’aura humilié plus que tout dans ta nouvelle vie, dans ton nouvel objectif de devenir le plus fort… tu as enfin l’occasion de lui montrer ce que tu vaux. Alors je t’en prie, presse l’un de ces boutons.

Salamèche resta silencieux un instant, regardant d’un air incertain le panneau de commande. Il posa doucement sa main vers le bouton envoyant la plus petite décharge électrique, et la redirigea vers les pieds de sa cible. Perplexe, il appuya, et le sujet A130 sursauta soudainement. Mais il semblait rire, un rire nerveux et forcé.

- (Roitiflam) C’est tout ce que tu sais faire, chatouiller l’adversité ?

- (Salamèche) …

- (Roitiflam) Ne t’a-t ’il pas tabassé dans les douches ? N’a-t ‘il pas arraché les pages d’un livre que tu lisais pourtant avec passion pour ta culture personnelle, pour être certain de mettre toutes les chances de ton côtés dans le but d’atteindre ton objectif !?

- (Salamèche) … !

- (Roitiflam) N’a-t ‘il pas entravé ton chemin !? N’a-t ‘il pas essayé de t’empêcher de trouver ta place en ce monde !? Et ce type, cette menace, ce salopard qui n’hésitera pas à te trancher la gorge quand il sera libéré de ces liens, tout ce que tu trouves à faire, c’est lui chatouiller les pieds !?

Frustré par cette réalité, Salamèche pressa immédiatement le bouton envoyant une décharge plus élevée, tout en le redirigeant vers le crâne adverse. Et immédiatement après, le sujet A130 hurla de douleur. Sa bouche étant bandée, les deux types feux n’entendirent qu’un cri étouffé, et cela fit simplement baisser la tête de Salamèche. Il ne recula pas de dégout ou d’angoisse, comme il l’aurait assurément fait avant son kidnapping. Ici, il se contenta simplement d’éviter du regard celui du Pokémon qu’il torturait, se doutant que son regard était horrifié, terrorisé, tétanisé et dégageant une affreuse pitié qu’il ne devait pas regarder. Non, il devait poursuivre malgré tout, parce que c’est ce que le chef de la DDR ferait. Alors il se motiva en repensant à tout ce qu’il avait vécu auprès de ce Pokémon, c’est-à-dite que des mauvais souvenirs. Cela lui trouva une excuse : il arriva à appuyer sur le bouton du cran d’au-dessus, se persuadant qu’il le méritait. La salle d’interrogation resta seulement alimentée par les hurlements de douleur et de peur du pauvre prisonnier.

Le mois de Juin se termina ainsi. Salamèche n’avait pas dit le moindre mot, en sortant de la salle. Le soir, dans la cellule, le sujet A130 n’avait pas l’intention d’en rester là. Il pleurait désespérément, toujours traumatisé par ce qui lui était arrivé. Dès que le type feu arriva, il tenta de lui sauter dessus et de l’égorger vif… mais son adversaire n’était plus le même. Cette fois-ci, le combat n’était plus serré du tout, car un mois d’entraînements intensifs s’était écoulé pour Salamèche. En quelques coups seulement, il assomma brutalement celui qui voulait le tuer. Il le regarda avec dédain, pendant que les autres le regardaient avec terreur… puis il partit se coucher.

Les choses avaient cruellement changé, en ce mois de Juin 231.

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