Donjon Mystère - Dream Team

Chapitre 1 : "Tous en place !"

1544 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 25/07/2021 05:02

Chapitre 1 : « Tous en place ! »


Une voix s’écriait faiblement, comme si elle ne souhaitait pas être entendue.


Alors qu’une douce et fraiche brise lui parcourait le corps, alors que le bruit des feuilles se remuant au gré du vent animait la petite forêt chatoyante qui, ce soir-là, était d’une atmosphère orangée et chaleureuse ; il ouvrait pour la première fois les yeux.

Qui donc ? Un petit lézard bipède, vêtu d’une longue cape marron, éreintée et humide, qui se relevait d’un somme avec pour premier réflexe d’aller plonger la tête dans cette rivière au teint si bleu, pur et paisible qu’elle fit envier sa gorge desséchée. D’ailleurs, ce fut si agréable de s’hydrater qu’il y plongea le corps entier. Ou alors était-ce par sursaut, à la découverte de son reflet dans l’eau ? Le fait est qu’une fois ressaisi, il se dévisagea d’un air troublé.

Il était haut comme trois pommes, mesurant peut-être un peu plus de cinquante centimètres. Sa peau était écailleuse, orange avec des teintes de beige sur le ventre, le creux de ses pieds et la partie arrière de sa queue. L’autre, celle qu’il était certain de ne jamais avoir eu avant ce jour. À vrai dire, il était incapable de se rappeler quoi que ce soit. Il s’en rendit compte en fixant, pensif, l’embout de cette queue sur laquelle s’étincelait une petite flammèche, qu’il tenta d’éteindre à plusieurs reprises en la plongeant dans l’eau. Mais rien à faire, elle se rallumait à chaque fois. Cela-dit, ni elle se propageait, ni elle le brûlait.

En sortant de la rivière, il distingua trois étranges figures approcher. Ils flottaient à quelques centimètres des plus hautes herbes environnantes. Tous les trois étaient identiques, gris de peau avec pour crâne un immense cylindre peint d’étranges marques noires. Le regard semblait être plus bas, d’un globe oculaire rouge sang. Cependant, ils accoutraient chacun une cape usée similaire à la sienne.

— Excusez-moi… marmonna-t-il pour les interpeller.

Il écarquilla les yeux. Sa voix était timide et tremblante, c’était celle d’un jouvenceau. Les trois autres créatures ne réagissaient pas, alors l’enfant — appelons-le ainsi — se mouvementa de quelques gestes pour se faire comprendre.

— Je… je suis perdu…

Toujours rien. Il recula d’un pas en avalant sa salive, lorsque le mouvement brusque de l’un de ses interlocuteurs le percuta. Il s’écrasa dos sur l’herbe, se redressa les larmes aux yeux et déguerpit le plus vite possible. Il ne réfléchissait plus, il n’y arrivait plus. L’adrénaline s’était emparée de lui et ne cessait d’intensifier ses craintes, à l’entente des étranges marmonnements qui le poursuivaient.

— Au secours ! hurlait-il de ses faibles forces.

Il ne souhaitait qu’une chose : que quelqu’un lui vienne en aide. Ce n’était pas un cauchemar, la douleur lui en assurait. Son endurance le perdait et bientôt, il serait rattrapé. Il ferma les yeux en espérant plus que tout obtenir de l’aide, n’importe laquelle. C’est alors qu’à l’intersection d’un arbre, quelqu’un se cogna à lui. Pensant s’être fait prendre en embuscade, le jeune reptile ferma les yeux, baissa la tête, crispa les dents et s’avoua vaincu. Mais tout ce qu’il eut…

— Boudiou ! Regarde un peu où tu marches mon gars !

… ne fut qu’une franche engueulade. La voix d’un trentenaire rouspéta. Il rouvrit les yeux et dévisagea une peau verte, douce et composée de plantes. Le bonhomme mesurait bien un mètre. Son nez était long, fin et pointu, ses yeux aux irises noires étaient triangulaires tandis que sur sa tête se mouvementait une feuille d’un vert éclatant. Il portait une chemisette délavée, un sarouel défraîchi et deux grosses bottes boueuses.

— Hein… ? Tout va bien, p’tit gars ? Qu’est-ce qu’un pas bien grand comme toi fiche en plein milieu d’un bois ? À cette heure, en plus ! Et c’est quoi c’te cape toute moisie, là ? Ne m’dis pas que tu portes rien en-dessous ?!

Il l’assiégeait de questions à n’en plus finir, laissant le temps aux trois agressives créatures de le rattraper. En les apercevant, il soupira.

— Ah, j’ai eu peur ! Pendant un p’tit instant, j’ai cru que c’petiot était tout seul ! Faites gaffes, quand même, il a failli s’faire quelques bobos !

Cependant, la sentence ne fut pas unique. À son tour, il encaissa une charge de plein fouet.

— Aïe ! cria-t-il. Ça va pas ou quoi ?!

— Arrêtez… ! grommela l’enfant en tentant d’intervenir.

Mais il était faible, trop faible. À nouveau, il se fit bousculer.

— Ça suffit ! exclama le bonhomme vert en se redressant.

Il accourut vers le lézard, l’agrippa par le ventre et l’emporta dans sa fuite. Il était plus rapide, plus agile, plus malin. Il sema ses ravisseurs en un rien de temps. Le petit était en larmes, se laissant porter à bout de bras par quelqu’un qui, comme il l’avait souhaité plus que tout, lui apporta son aide.

Dix minutes s’étaient écoulées. Alors agenouillé sur l’herbe, le jeune homme régurgita. Il tremblait comme une feuille et pourtant, il n’avait pas froid. L’adulte lui tapota le dos tout en scrutant les alentours.

— Je crois qu’on est bon, on les a semés. Sacrée journée, en tout cas !

Le fixant d’un air effrayé, le jeune garçon reculait en rampant.

— Je vais pas t’manger, tu sais ?

Il lui tendit la patte, mais il continuait de reculer.

— Hé, ça va aller. Tout va bien, ne t’en fais pas. Mon nom est Pifeuil, et je ne te ferais aucun mal, au grand jamais !

— Pifeuil… ?

— Ah donc tu sais parler ! plaisanta-t-il d’un rire communicatif. Ouaip, Pifeuil, c’est mon nom ! Je ne suis qu’un brave boulanger qui habite Bourg-Tranquille depuis un peu plus de deux semaines. Rien d’plus, rien d’moins !

En guise de réponse, le petit cligna deux fois des yeux.

— Tu… connais pas Bourg-Tranquille ? Boudiou ! D’où sors-tu, au juste ?!

À cette question, il fronça les sourcils. Il dévisagea ses deux petites pattes griffues, zieuta cette maudite flammèche qui animait le bout de sa queue, puis répondit d’un simple mouvement de tête.

— T’en sais rien ? Vraiment, tu te souviens de rien du tout ? Pas même un nom, une tête, un objectif… que dalle ?!

Il se gratta l’arrière du crâne, profondément troublé.

— Je suis désolé… murmura l’enfant.

— Pourquoi tu t’excuses ? P’tit gars, tu n’y es pas pour grand-chose…

Il tourna en rond, ruminant dans sa feuille d’un air pensif.

— Une amnésie, une amnésie… avait-elle dit quoi que ce soit, sur une potentielle amnésie ? Hm… entre ça et la secousse, la situation a complètement dégénéré. Qu’est-ce que j’fais, maintenant… ?

Il se tourna vers le garçon assis dans l’herbe, seul et apeuré.

— De toute évidence, je peux pas te laisser pourrir tout seul ici, mon gars. Viens avec moi, j’vais t’offrir un toit le temps qu’on te trouve de l’aide.

— Vraiment… ?

— Bah oui, andouille ! Pour qui j’passe, moi, si je t’abandonne comme ça ?! T’as besoin de te couvrir, de te débarbouiller, de manger et surtout de roupiller ! Allons à Bourg-Tranquille ! Ce soir, tu dors à la maison ! Demain, je me renseignerai sur ton cas, en espérant que la mémoire te revienne vite.

Il approcha et lui tendit la patte. Le jouvenceau ne reculait plus.

— Allez, debout !

Les deux personnages se dévisagèrent un court instant. Mais le doute s’était dissipé.

— Merci, lui confia-il en attrapant sa patte. Merci beaucoup.

— Pas de soucis, mon p’tit… euh… c’est quoi ton nom ?

Il haussa les épaules.

— Évidemment. Quoiqu’un lézard orange avec une flamette pareille, y en a pas cent-cinquante-et-un non plus ! Je crois bien que t’es un Salamèche !

— Salamèche… ?

— Ouaip, c’est le nom de ton espèce ! C’est comme ça qu’on s’appelle, ici. Tu t’y feras, je te le promets !

— Salamèche… répéta-t-il d’un air curieux.

Petit à petit, sa peur se transformait en curiosité.

— Allez, lui sourit Pifeuil en pointant l’horizon, en route mauvaise troupe !

— Oui !

Et ainsi débuta le voyage d’un jeune garçon amnésique que l’on appelait Salamèche. Le brave Pifeuil, aussi enthousiaste qu’il le laissait paraître, le guida jusqu’à la sortie des bois, en direction de Bourg-Tranquille.

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