Le Masque Noir
2.
L’homme arpenta les rues de Tortugas. Il trouva l’adresse qu’il cherchait et entra dans la résidence du père Montas. Il retrouva celui-ci effondré sur sa chaise, une bouteille dans chaque main, la langue sortie et la tête renversée sur sa poitrine poilu. L’homme arracha les bouteilles des mains du père Montas et il en versa le contenu partout dans la pièce. Il ouvrit les armoires, trouva d’autres bouteilles et leur réserva le même sort. Il monta par la suite à l’étage s’assurer qu’il n’avait oublié personne et redescendit trainer le père Montas en dehors de la maison. Il l’abandonna sur les pavés, plaça son petit baril de poudre devant la porte, s’éloigna et ouvrit le feu. Le moment que le toit, soufflé par le souffle de l’explosion s’arrache du reste de la maison et l’homme s’était déjà évanoui dans la nuit.
Les voisins, pour la plupart encore éméché de leur soirée, accourraient pour se réjouir du gâchis.
Partout, le même murmure franchissait les lèvres des hommes, sans que personne n’ose le crier, de peur d’être le prochain sur la liste.
Le Masque Noir avait encore frappé.
***
- Nous n’avons que deux nouveaux hommes, capitaine.
Sparrow se retourna et regarda le marin qui lui faisait face.
- Qui êtes-vous?
- Vot… votre recruteur.
- Hum… Il n’était pas si petit.
Il colla une bouteille contre son œil, puis la renversa sur le sol. Rien n’en sortit.
- Pourquoi le rhum est-il toujours vide ici?
Il lança la bouteille par-dessus son épaule.
- Pardonnez-moi mon ami, vous disiez?
- Nous n’avons que deux recrues.
- Pourquoi?
- Il y a eu une bagarre à la taverne, hier. À cause de votre nom.
- Mon nom?
- Certains semblaient vouloir votre peau.
Jack sortit sur le pont de la Perle Noire et regarda la ville de sa longue vue. Il se retourna vers l’homme du recrutement.
- Gibbs, où sont les recrues?
- Sur le quai capitaine.
- Faites-les monter. Et réveille les autres. On part.
- Quand capitaine?
- Maintenant.
Jack jeta un œil à l’horizon et sortit son compas.
- Au nord, toujours au nord, grommela-t-il dans sa barbe.
- Capitaine?
Gibbs lui présenta les deux hommes en question. Un aveugle et un édenté.
- Gibbs, rassurez-moi, c’est une blague.
- Non, capitaine. Ce sont les seuls qui se sont présentés…
- C’est faux, fit une voix dans son dos.
Gibbs se retourna en sursaut et découvrit avec agacement le jeune homme de la veille.
- Mais votre second n’a pas voulu de moi.
- C’est lui qui a déclenché…
Jack le fit taire d’un geste.
- Il n’est pas mon second.
Il se pencha vers le nouveau venu et le renifla.
- Drôle d’odeur…
Il se redressa brusquement et regarda, soupçonneux, le jeune homme.
- Pourquoi devrais-je accepter un gamin?
- Je ne suis pas…
- C’est exactement ce que je disais, en profita Gibbs. Allez ouste! Retourne voir ta mère.
Sparrow fit son caractéristique geste de la main avant de tourner les talons et de se rediriger vers sa cabine.
- Écoute le monsieur.
- J’ai entendu que vous cherchiez le trésor de Calypso, c’est vrai?
Jack, sans se retourner, se figea et attendit la suite.
- Et si je vous disais que je sais où le trouver?
Cette fois, Sparrow fit volte face.
- Prouve-le.
Le jeune homme sortit une vieille carte de son manteau et la balança sous le nez du capitaine.
- J’ai ceci.
- Un vieux bout de parchemin…
Il tendit les doigts.
- Montre-moi!
La carte retrouva sa place sous le manteau en moins d’une seconde.
- Vous connaissez ma condition…
Jack grimaça.
- Bienvenu à bord, mon vieux!
Le jeune homme sourit.
- Vous pouvez m’appeler Tom.
Et il dépassa le capitaine sans lui remettre la carte tant désirée. Sparrow referma les doigts dans le vide et grimaça à nouveau. Puis, sans se départir de sa superbe, il pivota et hurla ses ordres. Tout de suite, son équipage déferla sur le pont et la Perle Noire bondit, toutes voiles dehors, avec son capitaine une main tenant la barre, l’autre son éternel compas.
- Au nord, toujours au nord.