Une courte immortalité

Chapitre 9

Catégorie: T

Dernière mise à jour 29/04/2012 14:09

Within Temptation – A demon's fate : http://www.youtube.com/watch?v=SV7h0v5LEvM

 

Le vent ne soufflait ni trop fort ni trop peu, le bateau avançait à une allure convenable. La présence de quelques mouettes indiquait qu'une île se trouvait non loin. Tout était de bon augure. Il ne pouvait pas s'être trompé de chemin. Il se dirigeait forcément vers le bon endroit. Son instinct lui assurait qu'il faisait bonne route. S'il ne s'agissait pas de l'œuvre de la Providence, alors tout ceci n'était qu'un rêve. Il se laissait tout simplement guider selon la volonté de Dieu.

La Espuma del mar filait sans rencontrer le moindre obstacle. À son commandement, le général Jamirez jeta un coup d'œil sur l'horizon. Depuis maintenant deux mois qu'il était à sa recherche, il avait finalement décidé de retourner là où tout avait commencé. Il était persuadé qu'elle s'y trouvait, comme s'il s'agissait d'un retour aux sources.

Il se souvenait parfaitement de l'emplacement de cette île sur laquelle il l'avait trouvée deux années plus tôt. Maintenant encore, il se demandait comment elle s'y était retrouvée. Sparrow l'y avait sûrement laissée, puisqu'il avait été avec elle à la Fontaine de Jouvence. Qui d'autre aurait pu ? D'ailleurs, était-il son libérateur ?

Sa fuite de la prison souterraine de Valence les avait fait complètement paniquer : comment était-ce possible ? Où avait-elle trouvé la force de s'échapper, après tous ces mauvais traitements ? Ils étaient pourtant certains de l'avoir rendue inoffensive...

Néanmoins, la libération des autres pirates voulait dire une chose bien claire : elle avait été aidée. Son sauveur s'était retrouvé en possession des clés et avait libéré les autres pirates en guise de distraction. Ceux-ci avaient réussi, pour la plupart, à s'enfuir. Certains avaient été abattus par les gardes tandis que le reste avait été à nouveau capturé. Quelle honte pour la garde royale espagnole.

Une majorité des pirates capturés ne savait même pas comment les cellules s'étaient ouvertes. Peu d'entre eux affirmèrent avoir vu un homme à l'allure plutôt étrange arriver avec une clé. De plus, il portait une femme sur son dos. Ce détail avait tout de suite alerté Armando et confirmé sa théorie : elle avait été secourue.

Si cet homme l'avait portée, cela signifiait qu'elle était incapable de marcher. Elle avait probablement été libérée à son insu. Mais qui était cet homme ? Comment l'avait-il retrouvée ? Y avait-il un espion, ou bien était-ce juste de la chance ? En tout cas, les informations fournies par les pirates ne leur évitèrent pas la potence.

Il était urgent de la ramener en Espagne à présent. Les six mois étaient écoulés. Il était temps de mettre fin à cette maladie qui les terrassait tous. Le prêtre qui était devenu l'évêque Flavio Acosta avait dirigé leurs opérations dès sa découverte. Il avait affirmé qu'il fallait d'abord tester son immortalité : le général Jamirez s'y était donné à cœur joie ; il s'agissait là d'un moyen efficace de se venger : la faire souffrir. Il ne la considérait pas comme un être humain, ce qui l'aidait à conserver la conscience tranquille.

Si, au départ, ils n'avait pas vraiment remarqué de changements, ils s'étaient rendus compte de certains aspects : tout d'abord, ses blessures guérissaient un peu plus vite que le commun des mortels. Ce n'était pas flagrant, néanmoins il s'agissait là d'un élément majeur : s'il fallait trois jours pour une personne normale, cette impie n'en avait besoin que de deux.

Un autre point les avait frappés : sa sensibilité exacerbée. À la moindre égratignure, on aurait dit qu'on lui avait arraché la peau avec violence ou bien le plus lentement possible afin de lui faire sentir au mieux la douleur. Ce détail l'avait fasciné et lui avait parmi de faire une autre découverte.

Jamirez avait fait des coupures partout sur son corps, et même des assez profondes. Le sang avait coulé en abondance durant deux jours entiers sans s'arrêter. Elle ne paraissait même pas se vider de son sang. En reprenant ce qu'indiquait la prophétie de Flavio concernant la distribution du remède aux Espagnols, il comprenait à présent.

Un gobelet par malade et quelques gouttes pour les autres, afin de les immuniser. Il avait stipulé que ce traitement prendrait presque deux ans : plus d'un an de tests d'immortalité, puis il fallait six mois à compter de la date d'infection. Elle s'était montrée résistante à toutes les maladies, sauf une, tout comme l'indiquait l'envoyé de Dieu.

Tout concordait parfaitement avec ses paroles. Ils allaient tous guérir, et, d'ici quelques mois, cette histoire ne serait qu'un vague souvenir. Ils enverraient des tonneaux à toute l'Espagne et revendraient ce remède à prix d'or aux autres royaumes touchés. Tous les Espagnols pourraient toutefois en boire librement, qu'ils fussent nobles ou bien paysans. Sans ces derniers, les premiers n'auraient rien à manger.

Ce serait l'âge d'or de l'Espagne : les paysans seraient reconnaissants au roi de leur avoir accordé ce remède gratuit et travailleraient plus durement, au profit des plus riches qui resteraient fidèles plus que jamais au roi.

Il n'était pas encore trop tard : s'il la retrouvait maintenant, ils seraient encore dans les temps pour le rituel. Le général sortit de ses pensées lorsqu'un de ses marins cria qu'il apercevait une terre. Armando sortit sa longue-vue puis regarda de plus près cette île. Il ne pouvait pas s'être trompé, il avait parfaitement noté les coordonnées la dernière fois.

Son visage s'illumina au moment où il aperçut un bateau amarré là-bas. Dieu l'avait guidé, il n'y avait absolument pas d'autre explication. Il touchait au but. Il se vengeait de Natalia Arcandiaz et sauvait les Espagnols en même temps. Que demander de plus ? Refermant la longue-vue, il donna des ordres à ses subalternes puis fixa l'île.

Bientôt, tout serait fini. Bientôt...

 

Filant dans la forêt, Angelica ne se retournait pas. Elle avait avoué son secret. Elle ne lui avait, certes, pas tout dit, or elle lui avait parlé de cette maladie qu'elle portait, et qui bientôt l'emporterait. Aucune maladie ne l'avait atteinte jusque là, pourtant celle-là l'avait contaminée et ne cessait de gagner du terrain. Les crachements de sang ainsi que son évanouissement de la veille le prouvaient.

Jack ne savait cependant pas qu'elle n'avait pas attrapé ce mal par hasard. Les Espagnols la lui avaient donnée. Ils l'avaient mise en contact avec énormément de malades, puis, au bout de plusieurs semaines, les premiers symptômes avaient finalement fait leur apparition, à leur grande satisfaction.

Sparrow ne savait pas non plus que les Espagnols entendaient la récupérer afin de se servir de son sang comme remède, conformément à ce soit-disant rêve. La saigner ne la tuerait pas, elle le sentait, cependant elle avait le sentiment que la maladie l'emporterait tôt ou tard. Malgré ses années supplémentaires, elle mourrait bien jeune. Quelle ironie.

Elle aurait dû échanger les calices ce jour-là, se douter que Jack les avait trompés. Son père aurait survécu. Mais peut-être pas le capitaine Sparrow. Barbe Noire se serait débarrassé de lui juste après, elle le sentait. L'idée qu'il fût tué l'effrayait. De toute façon, il serait capable d'aller de l'avant après sa mort. Il n'était pas homme à se morfondre. Néanmoins, au fond d'elle-même, elle aurait désiré qu'il fût un peu triste...

Angelica entendait Jack essayer de la rattraper, or ses deux tonneaux le ralentissaient. Elle-même n'en portait qu'un seul. Au moins, ils auraient suffisamment d'eau pour un moment. Ils devraient se passer de rhum pendant encore quelques temps, jusqu'au prochain port. Angelica en était capable, mais pas Jack, qui avait oublié que l'eau était la principale boisson désaltérante.

D'ailleurs, c'était lui qui lui fait goûter le rhum en Espagne, lors de leur rencontre. Avant de mourir, elle aimerait toutefois connaître la raison de son départ. S'était-il désintéressé d'elle ? Les quelques mois ensemble avaient été magiques, elle regrettait cette époque tranquille. Et Jack ?

Une fois arrivée à la plage, Angelica s'arrêta net. Elle laissa tomber le tonneau au sol, incapable de bouger. Jack la rejoignit et s'apprêta à lui demander ce qui n'allait pas lorsqu'il vit à son tour la scène. Au loin, un majestueux vaisseau avait jeté l'ancre, et deux chaloupes se trouvaient sur la plage. Cinq matelots ainsi qu'un homme mieux vêtu, assurément le capitaine, semblaient les attendre. L'un d'entre eux tenait monsieur Gibbs en joue. Ce dernier était à genoux, les mains derrière la tête, et ne pouvait absolument rien faire.

Le capitaine fit quelques pas vers les nouveaux arrivants, sans cacher son air satisfait. Il avait décroché le gros lot. Alors que cet homme avançait, Angelica reculait. Le capitaine Sparrow remarqua en conséquence son visage terrorisé. Elle n'avait jamais paru aussi effrayée lorsqu'il l'avait trouvée à Valence. Elle le regardait comme on regarderait la mort. Sans doute était-ce ce qui l'attendait si elle le suivait.

Jack lâcha l'un de ses tonneaux puis porta sa main à sa ceinture, pour se rendre compte qu'il avait laissé ses armes à bord. Et mince ! Ce n'était pas le moment. Angelica se retrouva dos à un arbre et ne put reculer davantage.

« Eh bien, Angelica, sais-tu à quel point je t'ai cherchée ? Ce n'était pas très gentil de ta part de t'être enfuie alors que tu vas devenir l'espoir des Espagnols. »

Jack comprenait l'espagnol, contrairement à Joshamee, pourtant il ne saisissait pas ce qu'il voulait dire par « espoir des Espagnols ». Quelle utilité lui avaient-ils trouvée ? Savaient-ils au moins qu'elle allait bientôt mourir ? Jack voulut se mettre entre Angelica et cet homme dans le but de la protéger, or un pistolet pointé sur sa tête le coupa dans son élan.

Quatre armes se retrouvaient braquées sur lui. Il avait l'habitude des situations dangereuses, or, s'il agissait, monsieur Gibbs risquait de se prendre une balle dans la tête, ce qui serait bien dommage. De plus, il n'était pas en possession d'armes pour riposter. En clair, il était mal placé.

« Je vois que tu te portes mieux. Ça tombe bien, les six mois sont écoulés. Tu sais ce que cela signifie, n'est-ce pas ? »

Le capitaine porta l'une de ses mèches de ses longs cheveux bruns à ses lèvres tandis qu'elle fermait fort les yeux. Pas besoin d'être futé pour deviner que cet homme la traumatisait. Qu'avait-il bien pu lui faire ? Jack envisagea le pire, et les paroles de monsieur Gibbs résonnèrent dans sa tête.

« Quelqu'un vous la prendra. »

Il ne laisserait certainement pas un type pareil la toucher. Il s'élança vers eux jusqu'à ce que cet homme pointa à son tour un pistolet sur son front. Les deux hommes se regardèrent yeux dans les yeux, l'Espagnol tenait toujours l'une des mèches d'Angelica dans sa main. Prenant son air détaché et enjoué, tout en agitant les mains, Jack voulut la lui faire lâcher.

« Ce n'est pas très galant de toucher les cheveux d'une femme sans son accord. Ou bien il s'agit d'une coutume espagnole ? »

L'homme lâcha les cheveux d'Angelica qui poussa un soupir de soulagement tandis qu'il faisait quelques pas en direction de Jack. Son air se fit plus sérieux, d'autant plus que Jack avait parlé en espagnol, qu'il n'avait pas pratiqué la moindre fois en quinze ans. Il espérait ne pas être trop rouillé, surtout au niveau de l'accent. L'Angelica adolescente lui avait appris à ne plus en avoir, se fondant dans la masse.

Le capitaine d'une soixantaine d'années esquissa un sourire qui ne lui disait rien qui vaille, tout en le tenant en joue, puis prit à son tour la parole.

« Jack Sparrow.

- Capitaine Jack Sparrow.

- Je savais bien que quelqu'un avait aidé cette complice de Satan à s'échapper. Qui aurait cru que ce serait le même homme qui l'a apparemment laissée sur cette même île où nous nous trouvons en ce moment. Dîtes-moi, pourquoi ce changement d'avis ?

- Vous voyez, général, si j'en juge par vos médailles, c'est bien cruel de séparer un pirate de la mer pour le mettre dans une cellule sous terre. Je n'ai fait que l'emmener là où elle est destinée à vivre. »

Angelica eut un pincement au cœur à cette dernière phrase. Depuis le début, il avait l'intention de la déposer sur cette île et de la laisser toute seule. Et elle avait cru le contraire. Comment pouvait-il utiliser une voix comme celle de tout à l'heure, à la source, en étant aussi hypocrite ? Elle aurait dû se méfier dès le début. Jack changeait constamment de camp selon le profit qu'il pouvait en tirer, et elle ne lui apportait aucun avantage, après tout.

« Très bien, Angelica. Soit tu viens gentiment avec moi, soit je tue ces deux hommes. »

A cette proposition, l'intéressée écarquilla les yeux et se rendit finalement compte des pistolets braqués sur monsieur Gibbs, et surtout Jack. Elle regarda tour à tour le général Jamirez ainsi que Jack, dont elle ne parvenait pas à dire ce à quoi il pensait. Même si elle refusait, ils la captureraient tôt ou tard. Elle n'avait nul endroit où s'enfuir. Et l'idée d'être responsable de la mort des deux hommes avec qui elle avait voyagé et qui l'avaient sauvée la tuerait.

Jetant un nouveau d’œil à Jack, elle remarqua qu'il lui indiquait en fait de ne rien faire de stupide. Elle ne savait pas ce qu'il qualifiait de stupide, néanmoins elle ne le laisserait pas mourir. Il ne lui restait pas longtemps à vivre, et ce ne seraient pas les Espagnols qui l'achèveraient, mais la maladie. Peu importait son choix, son destin ne changerait pas.

Angelica fit quelques pas en direction de la mer, plus précisément des chaloupes, signe qu'elle se rendait. Elle ne remarquait pas Jack qui murmurait des non. Sa décision était prise. Elle acceptait de retourner en Espagne avec eux, pourvu qu'ils les laissassent en paix. L'idée de la saignée l'effrayait, elle en frémissait d'avance, toutefois cela ne suffirait pas à la tuer.

Sa mort serait lente et douloureuse, comme tous les contaminés, or elle ne pouvait pas y échapper. Il lui avait fallu plus de temps que les autres pour être infectée, de même le processus était plus lent, signe que les années de son père se battaient du mieux qu'elles le pouvaient. Étrangement, elle n'avait pas l'air d'être contagieuse, étant donné que Jack et Gibbs se portaient à merveille.

L'un des matelots la conduisit jusqu'à la chaloupe où elle s'installa, en ignorant le regard horrifié de Jack. Elle déchanta bien vite au moment où le général Jamirez ordonna d'embarquer les deux pirates à bord du bateau. Qu'avait-il l'intention de faire ? Elle se releva afin de s'opposer à cet ordre lorsque le marin l'en dissuada à l'aide d'un pistolet. Mourrait-elle s'il tirait ? Elle ne souhaita tout de même pas tenter l'expérience. Elle ne pouvait rien faire.

« Vous avez dit que vous ne leur feriez aucun mal !

- Ces hommes doivent être jugés pour piraterie et ils sont responsables de la fuite de dizaines de pirates. »

Angelica voulut protester, or on ligota ses poignets, ce qui révolta Jack, lequel souhaitait avoir son épée ainsi que son pistolet, dans le but de se débarrasser de ces maudits Espagnols. Le capitaine Sparrow de même que son second suivirent sans se révolter, conscients qu'ils ne se trouvaient pas en position de force. Ils trouveraient bien un moyen de changer la donne sur le bateau.

Angelica n'avait pas eu le choix dans cette histoire, ils ne pouvaient pas lui en vouloir. Jack ne pourrait jamais lui en vouloir. Les deux hommes furent mis dans l'autre chaloupe, les poings liés eux aussi afin de limiter les dégâts, quand bien même les trois pirates étaient capables de se défaire de leurs liens.

Ils furent jetés sans ménagement sur le bateau qui leva l'ancre et fila vers l'horizon. Leur navire était resté sur l'île, avec toutes leurs affaires. Quel gâchis. Jack réfléchissait, cherchant un moyen d'y retourner. Il pourrait sauter puis nager jusqu'à l'île, néanmoins il ne nagerait pas assez vite pour éviter les balles. De plus, ils possédaient un moyen de pression idéal : Angelica.

Sparrow ne savait pas ce qu'ils manigançaient, ni ce qu'elle persistait à lui cacher, cependant elle ne s'en sortirait pas indemne. Qu'entendait-il par les six mois écoulés ? Qu'est-ce qui l'attendait, une fois en Espagne ? Y retourner la terrorisait, il s'en rendait bien compte. Il essaya de parler à Angelica qui persistait dans son silence.

Le soleil brûlant les assoiffait. Les trois pirates auraient volontiers demandé de l'eau si les marins leur en avaient donné sans hésitation. Jack respirait longuement et profondément. Il allait mourir déshydraté et brûlé, à ce rythme-là. Et Angelica ? Son traitement n'était pas bien différent du leur. Cela signifiait une chose : elle possédait encore ses années. Sinon, ils tâcheraient de la garder en vie.

Cette découverte le soulagea, mais le stupéfia en même temps : pourquoi affirmait-elle qu'elle mourrait bientôt ? Cette maladie était-elle si fatale ? Ou bien les Espagnols l'abattraient-ils ?

Plusieurs heures s'étaient probablement écoulées depuis leur départ de l'île. Ils ne sauraient dire. En tout cas, le soleil les privait de leurs forces. Un nouvel ordre d'Armando les ramena cependant brutalement à la réalité. Un peu trop, sans doute. Jack et Joshamee furent mis sur pieds puis on leur ôta leurs liens avant de les conduire vers un endroit du bateau qu'ils venaient de rajouter : la planche.

Les deux hommes se regardèrent, surpris. Depuis quand la marine espagnole utilisait-elle de tels moyens ? Angelica, assoupie, retrouva ses esprit plus vite que prévu lorsqu'elle réalisa ce qui était en train de se produire. Elle voulut se lever, les rejoindre, or la petite foule de matelots la repoussa. Le général Jamirez se tenait près de la planche et regardait les deux pirates d'un air méprisant.

« La potence est une mort trop douce pour vous, pirates. Et je crois que c'est ce que vous faites lorsque vous n'aimez pas la compagnie de quelqu'un à bord.

- Oui, répliqua Jack, mais on fait toujours en sorte d'être près d'une île déserte. Là, il n'y a rien aux alentours. En plus, on donne un pistolet avec une balle à chaque personne.

- Ne croyez pas que je vais vous mâcher le travail. Soyez heureux que je vous aie ôté vos liens. Au lieu d'une mort rapide, vous allez souffrir durant des heures avant de couler et de sentir vos poumons se remplir d'eau. Voilà ce que vous méritez, pirates. »

Monsieur Gibbs fut poussé le premier sur la planche. Il regarda l'eau d'un bleu profond avant de jeter un coup d’œil vers son capitaine qui lui fit un signe de tête. Il tourna alors le dos à l'équipage puis sauta. Angelica hurla un non tandis que les Espagnols se réjouissaient et poussaient Jack à son tour. Les yeux de la femme s'emplirent de terreur : non. Pas lui. Elle refusait de croire qu'elle le voyait pour la dernière fois. Ils n'avaient pas le droit de faire cela.

Une planche. Quelle ironie. Barbossa l'avait condamné deux fois à aller sur cette maudite île déserte, à dix années d'intervalle. La première fois, il y était resté trois jours, puis des marchands d'alcool l'avaient conduit en Espagne où il avait fait la connaissance d'Angelica.

Angelica.

Il tourna la tête. Derrière l'équipage qui le poussait à sauter, elle le regardait, désespérée. Pensait-elle qu'elle ne le reverrait plus ? Le sous-estimait-elle ? Comme si le capitaine Jack Sparrow pouvait mourir aussi bêtement. Il lui fit un sourire puis mit deux doigts au niveau du front en signe d'au revoir avant de se laisser tomber en arrière, tandis qu'il l'entendait crier son nom.

 

Jack faisait la planche, silencieux, tout en regardant le ciel bleu azur sans nuages. Et maintenant ? Comment comptait-il s'en sortir ? Il avait toujours son compas sur lui, mais c'était tout. Son bateau se trouvait à plusieurs de navigation, il n'y parviendrait jamais à la nage, il se noierait avant. Il avait toujours compté sur sa bonne étoile qui lui avait permis de survivre jusqu'à maintenant, et même de resurgir de l'antre de Davy Jones. Que lui réservait-elle encore, cette fois ? Il n'aperçut pas Gibbs qui s'approchait de lui à la nage.

« Capitaine, vous comptez faire comme lorsque vous vous êtes échappé de l'île en faisant la planche plusieurs jours et en utilisant ensuite un couple de tortues ?

- Monsieur Gibbs.

- Oui ?

- Tais-toi. »

Nager ne servait strictement à rien. Et rester là sans rien faire non plus. Au moins, toutefois, en faisant la planche, ils se fatigueraient moins. Ils pouvaient attendre que le courant les emmenât quelque part, n'importe où. Il fallait bien commencer par quelque part.

« Comment vous êtes-vous retrouvé là, Jack ? »

Jack ferma les yeux quelques minutes, jusqu'à ce qu'il entendît une voix familière qui n'appartenait pas à monsieur Gibbs. Il chercha dans sa mémoire, en conservant les yeux fermés. Où avait-il bien entendu cette voix ? Il ne parvenait pas à mettre le doigt sur un visage, ni même un nom. Frustré de ne pas trouver, il finit par ouvrir les yeux. Ces deux personnes... Mais bien sûr, pourquoi n'y avait-il pas songé avant ?

« Philipp, Syrena... »

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