Persona 5 The novel.
Les lèvres de la femme resplendissaient dans la nuit. Elle ouvrait et fermait la bouche comme un poisson hors de l'eau. Je la voyais se débattre, tentant d'échapper à une menace déjà trop proche pour être esquivée.
À sa droite était garée une voiture aux phares avants allumés. Sur le trottoir s'approchait un grand homme aux cheveux blonds mais presque invisible à cause de leur taille. L'individu se montra très agressif. Il tâtait les épaules de l'inconnue et lui criait dessus.
Les évènements ne me vinrent pas en tête dans l'ordre mais j'eu le souvenir que des voitures de police s'étaient ramenées et j'étais intervenu dans toute cette histoire.
Je revenais peu à peu à la réalité. Me réveillant de ma plongée, j'effectuais un petit rictus aussi imprévu que naturel.
J'étais assis dans une des nombreuses places disposées dans le métro de ville.
J'ai encore rêvé ? Ou est-ce mon nouveau départ qui me surprend ?
La vérité était bien plus simple que tout ça. Mon arrivée dans cette nouvelle ville me rappelait les évènements étranges qui m'avaient poussés à partir de chez moi.
9 Avril (Samedi)
Attendant mon arrêt comme toutes les personnes m'entourant, je regardais le ciel gris à travers les vitres du train.
Mes lunettes noires se dissimulant entre mes crins de la même couleur, je remarquais après plusieurs heures que mon nouvel uniforme se mariait à la perfection avec les deux autres attributs.
Il était constitué d'une sorte de grosse chemise noire dont l'emblème de l'école était dessiné en blanc et la fente qui faisait apercevoir mon habit blanc remontant jusqu'à la pomme d'Adam était reliée par quelques boutons rouges accrochés au niveau de mon ventre.
Mon pantalon était sobre et simple tandis que mes chaussures étaient aussi noires que le crépuscule.
Sortant de ma bulle, j'observais les choses à côté de moi.
À ma gauche était aussi sur le siège adjacent un homme à casquette écoutant de la musique sur deux écouteurs dissimulés dans ses oreilles.
Plus haut, je découvrais la présence de panneau rempli de caractères. Il y était écrit : « Délinquance en hausse ».
Le simple fait de citer la « délinquance » me rappela ce jour où, au centre de l'attention du tribunal, le juge avait énoncé qu'il faudrait me changer d'établissement.
Ce jour là, ils n'avaient même pas daigné m'écouter.
-Akechi a trop la classe ! M'interrompit une jeune fille à peu près de mon âge.
Encore une fois, je sortais de mes pensées et écoutais la conversation.
-Il est détective et lycéen, on ne vit pas dans le même monde ! continua-t-elle.
Elle se tenait à quelques mètres de moi et parlait à une de ses copines en face d'elle. Dans ses mains étaient agrippées un téléphone portable affichant le visage d'un bien étrange personnage. Je discernais une longue touffe de cheveux bruns reflétant parfaitement la lumière ainsi que des yeux marrons.
Voyant au passage les nombreux micros tenus devant ses lèvres, j'en déduisais qu'il était en pleine interview.
Une petite voix dans le téléphone expliqua :
-« Akechi Gorô, qui a résolu l'affaire est surnommé « le prince détective » de par sa ressemblance à Shirogane Naoto... »
Interrompu dans mon écoute, je relevais les yeux et remarquais que les deux lycéennes m'épiaient et pour cause, j'écoutais depuis tout à l'heure leurs dires.
Pris par une gène insurmontable, je me remettais en position d'origine et attendais mon arrêt comme tout le monde.
M'y voilà...
Je sors des derniers escaliers à franchir et découvre pour la première fois le quartier de Shibuya. À peine suis-je sorti du train que des foules de personnes divaguent dans les couloirs du métro. J'y vois des personnes de tous âges.
Puis, afin de m'aérer et de trouver mon chemin, je sors de ses sous-terrains labyrinthiques et rentre à l'essence même de Shibuya.
Là, le dépaysement est total. Une foule encore plus grosse que celle des trains envahit par tous les côtés l'immense place.
Des gens divaguent partout. Il faut dire qu'à chaque coin est disposé un stand de nourriture ou un magasin de vêtements par exemple.
Étrangement, aucun véritable bruit de foule ne m'insupportait. J'entendaiss comme un vague brouhaha mais tout est presque homogène et pas du tout désagréable comme m'avait dit mes amis de la « campagne » avant que je ne parte.
Finalement, dès ma première rencontre avec le monde urbain, j'étais déjà charmé par ses nombreux avantages.
Alors que je recherchais mon chemin entre les gens, un petit son m'interpella.
Automatiquement, je sortais mon smartphone et observais la notification en forme d'œil illuminé. Le logos était rouge et noir et l'iris de cet étrange œil était dessiné en étoile.
La notification s'agrandit jusqu'à prendre la moitié de l'écran et soudain, le monde se teinta d'un magnifique vermeil.
Je le décris comme magnifique mais le changement brutal de couleur m'intrigua au premier abord.
Quand le monde vira au rouge, j'avais comme l'impression que les nuages couvrant les immeubles avaient juste changés de teinture, ce qui expliquerait pourquoi tout devenait si différent.
Je levais les yeux et analysais les alentours. Avec stupéfaction, je découvrais que les gens autours de moi s'étaient figés. Ils étaient tous stoppés dans leurs mouvements et chacun avait sa pose spécifique. Certains marchaient, d'autre entraient dans des boutiques alors que quelques personnes tombaient au loin.
Tout ça devenait de plus en plus étrange et malsain.
La seule chose qui se mit à bouger fut une sorte de flamme bleue qui brulait à une dizaine de mètres de moi.
Elle fut d'abord de la même taille qu'un humain normal et, sans raison, s'élargit brutalement vers le ciel, créant une sorte d'immeuble de feu juste à côté de plusieurs groupes de citoyens.
Enfin, la longe barre de feu se métamorphosa en une grande ombre à l'imposante carrure. Je discernais sans problème ses longs bras et sa longue tête étirée en hauteur.
De longues ailes apparurent dans son dos et se déployèrent. Elle faisaient à peu près sa taille en longueur. Et pour finir, un regard perçant et un sourire rouge se dessinèrent sur ce qui semblait être le visage de l'ombre.
Après ces évènements, tout revenu à la normale. Les nuages redevinrent blancs, les foules recommencèrent leur marche et l'ombre bleue disparut.
Mon regard se porta à nouveau sur mon téléphone. Étrangement, la petite icône n'était pas une notification mais bien une application que je décidais de supprimer sur le champ. Dans un cliquetis sonore, l'icône disparut à son tour de mon écran.
Je fus ensuite redirigé à Yongen Jaya, la petite rue où habitait le dénommé « Sojiro Sakura ». Je suivais les indications de la carte affichée sur mon téléphone et arrivais au bout de quelques minutes de recherche en face d'une grande maison ressemblant comme deux gouttes d'eau à un immeuble.
Je fus conseillé par un livreur se trouvant à côté de moi. Effectivement, en journée Sojiro Sakura n'était pas chez lui et travaillait dans un café à quelques pâtés de maisons.
Le jeune homme me donna la nouvelle adresse et voilà comment je me suis retrouvé au café « Leblanc ».
À l'extérieur était installé une petite pancarte donnant les prix des boissons ainsi que l'essentiel de la carte. Une petite lampe était collée au mur beige et une porte en bois constituée d'une plaque avec écrit « Ouvert » dessus. Enfin, un store au nom du café était levé, permettant de se protéger de la pluie et du soleil lorsque quelqu'un sortait.
Aucun doute, je faisais face au bon café.
D'un pas décisif, j'entrais dans la pièce principale. Le comptoir était aligné par rapport au mur et à l'opposé se tenait une série de tables et de chaises sur laquelle deux vieilles personnes étaient assises. Une télévision était attachée à un mur, permettant aux clients de s'informer en direct.
-« Le bus a roulé à contresens avec des passagers, » expliqua l'homme dans la boite lumineuse.
Il pointait par une petite perche un tableau où était écrit des phrases.
-Ça fait peur... déclara le vieil homme aux cheveux presque blancs.
-Ça n'arrête pas en ce moment, rajouta sa femme aux mèches de couleur brunes.
Elle se teintait les cheveux pour sûr.
Comprenant qu'il me faudrait engager la conversation, je m'avançais vers le comptoir et y découvri un homme aux cheveux noir plaqués contre son crâne et à la barbichette relevée vers le plafond. Regardant son petit cahier, il murmura :
-Mot vertical, « coquillage utilisé pour la perliculture »...
Je compris instantanément l'envers des choses.
Il joue aux mots croisés ?
Il releva la tête et me remarqua.
-J'oubliais que tu venais aujourd'hui, lâcha-t-il. Je ne me rappelle que des belles femmes.
Il se gratta doucement le crâne histoire de me montrer qu'il était quelque peu gêné.
-Euh... dis-je sans avoir le temps d'en placer une.
Le vieil homme se ramena en face du comptoir, paya en y mettant son argent et clôtura :
-Au moins, il n'y aura pas de véhicule fou dans cette ruelle.
Puis, il se redirigea vers la porte tandis que l'inconnu aux cheveux noirs marmonna :
-De quoi ?
-Ça fait la une en ce moment, certifia le grand père.
-Je ne regarde pas...
Le vieil homme rigola légèrement et ouvrit la porte dans un tintement dû à la petite cloche installée.
-À bientôt.
Puis, il referma l'imposante planche en bois et s'échappa dans l'allée.
L'homme du comptoir contourna ce dernier et s'avança vers moi en soupirant doucement.
-4 heures pour un simple café...
Il attendit un instant et poursuivit :
-C'est toi le fameux...
Je sentais qu'il me faudrait dire quelque chose. Au moins me présenter pour qu'il puisse reconnaitre ma voix.
-Amamiya Ren, oui. Merci de m'accueillir.
Je m'inclinais légèrement en face de lui et revenais en position initiale. Il m'analysa, son index et son pouce caressant légèrement sa barbichette.
-Je m'attendais à un délinquant pur et dur. Je suis Sakura Sojiro. Un de mes clients connaît tes parents... Mais bon, peu importe.
Sojiro se tourna vers la télévision et m'indiqua :
-Suis moi.
Il me montra les escaliers situés derrière le mur portant la télévision.
Arrivé en haut, il me fit entrer dans une grande pièce sale, mal rangée et ressemblant plus à un grenier qu'à autre chose.
-Voilà ta chambre, annonça-t-il.
Je regardais les nombreux livres aux mille couvertures entassées sur le sol et les étagères remplies de poussière. Il n'était pas rare de croiser des toiles d'araignées dans les coins ou même sur les objets posés ici comme des vélos ou du linge sale.
-Je te laisse des draps pour ton lit.
Il s'approcha de mon matelas situé au fin fond de la pièce à côté des fenêtre vertes.
-À toi de ranger cette chambre.
Sojiro effectua quelques mouvements précis avec les toiles sur mon lit. Il fut si doué avec ces dernières que j'hésitais à lui demander s'il était une femme de ménage, mais malheureusement, s'il en était vraiment une, la pièce ne serait pas aussi désastreuse.
-On m'a expliqué ta situation, dit-il de sa voix très grave.
Elle me faisait pensé à celle d'une personne ayant passé des années à fumer toutes sortes de cigarettes. Elle était grave et imposante mais ne faisait pas pour autant peur, je la trouvais même réconfortante.
-Arrêté pour agression, hein ?
Il piqua un petit bouquin à la couverture verte et en observa le synopsis. Je remarquais qu'il portait sur lui une chemise rose très claire ainsi qu'un tablier noir à traits verticaux blancs. Un long pantalon beige emprisonnait ses jambes.
Il ouvrit le petit roman et contempla l'intérieur.
-On ne dirait pas.
Comprenant qu'il se trompait sur l'affaire, je décidais de corriger le tir même si ça pouvait sembler impoli :
-Non, en fait, j'ai juste...
-Je me fiche de ta version. Je ne veux pas être mêlé à tout ça.
Il feuilleta un autre livre et continua :
-Tu t'es retrouvé avec un casier, puis ton lycée t'a expulsé. La justice t'a fait changer de lycée, et tes parents ont accepté. En gros, on m'a refilé la patate chaude.
Il marqua une pause puis reprit :
-Garde ça pour toi, je ne veux pas faire fuir mes clients.
Il se retourna vers moi.
-Ta probation sera levée dans un an si tu te tiens bien.
-Ma probation ?
-Tu es sous ma responsabilité jusqu'au printemps prochain. C'est pour ça que tu restes ici un an. On ira à Shûjin demain.
Il épia mon visage qui transpirait l'incompréhension et m'expliqua :
-L'académie Shûjin est ton lycée. On va rencontrer tes profs.
Il retourna vers les escaliers menant en bas et dit :
-Trouver un lycée qui veut bien de toi a été compliqué.
Il s'arrêta à ma droite sûrement dans l'espoir que je réagisse un peu.
-Oui, me contentais-je d'affirmer.
Je remarquais dans son approche vers moi la présence de lunettes en demi-cercle sur son nez. Puis il reprit sa course et marcha lentement vers la sortie.
-Je vais fermer et rentrer chez moi. Tu es seul la nuit, mais pas de bêtises. Sinon, je te virerai aussi sec, annonça-t-il en descendant au rez-de-chaussée.
Le bruit de la porte se refermant résonna entre les murs du café dont j'étais désormais le seul maître.
La soirée passa à la vitesse de la lumière. Je mangeais les nouilles instantanées laissées par Sojiro et allais directement me coucher.
Avant de dormir, je m'autorisais une petite pause car la journée avait été chargée. Je lisais un livre embarqué dans mes affaires mais je sentais que mes yeux lisaient sans que mon esprit ne suive, en d'autre terme, j'étais retourné dans mes pensées.
-Il cherchait « huitre perlière » ? marmonnais-je en repensant aux mots croisés de Sojiro.
Aussi inattendu que la première fois, mon téléphone bipa.
Allongé de la même manière que moi sur le lit, je l'attrapais, posais mon livre et redécouvrais avec stupéfaction le logos à l'œil rouge.
Je croyais l'avoir supprimé...
Il recouvrit une nouvelle fois l'écran mais disparut plus vite que prévu.
Et comme si un puissant coup de fatigue m'avait frappé, je refermais les yeux et plongeais dans mes rêves.
Le réveil fut désagréable. J'étais posé sur une sorte de table en fer ayant pour seul habit un tissu blanc à rayures noir.
À la simple ouverture de mes paupières, je compris que quelque chose clochait. J'avais été réveillé dans une chambre à barreaux dans laquelle était posées des toilettes et une planche servant de lit.
Surpris par ce changement brutal, je me redressais et m'accroupissais sur mon lit. À mon pied était accroché une chaine reliée à une boule aussi grosse qu'une pastèque.
En me levant, je découvrais que des barreaux ainsi qu'un cadenas retenant le tout m'empêchaient de sortir de ma cellule et d'accéder à la salle en forme de rond qui reliait toutes les autres prisons. Mes mains aussi étaient piégées, ce qui me fit perdre encore plus la raison. Je m'approchais des barrières lorsque mes pieds se mélangèrent et me firent tomber lamentablement sur le sol froid et caverneux. Je regardais à travers la porte trouée et remarquais qu'au centre de la salle ronde se trouvait une table en bois régie par un bien étrange personnage au long nez fin et aux yeux globuleux. Il était habillé d'un costar et de gants blancs. Le haut de son crâne était dénué de cheveux mais c'est à partir de ses oreilles pointues que de longs poils blancs et gris se mirent à tomber sur son costume.
Sur son bureau était installée une lampe de chevet en or, une sorte de forme étrange, un micro identique à ceux trouvables dans les collèges et une plume posée à la verticale.
La petite créature rit doucement;
-Bienvenue dans la Velvet Room.
C'est à ces mots que je constatais que deux enfants se tenaient dos aux barreaux et observaient comme moi le petit monstre. Ils étaient habillés d'un uniforme bleu horizon et d'une casquette de la même couleur. Celui de droite avait une longue queue de cheval tressée qui tombait jusqu'au bas du dos alors que celui à droite possédait deux grosses roues qui cachaient ses petites oreilles.
-Elle se trouve entre rêve et réalité, entre l'esprit et la matière, continua le Gobelin à la peau pâle. Je suis Igor, le maître des lieux. Souviens-t'en. Cela dit, je suis surpris. L'apparence de cette pièce est le reflet de ton cœur, et ne s'agit ni plus ni moins d'une prison.
Lui aussi laissa une pause et reprit de sa voix étrangement grave mais pas rassurante :
-Tu es prisonnier de ton destin, et voué à une mort certaine dans un avenir proche.
Cette phrase me glaça le sang, si bien qu'un petit gémissement sorti de ma bouche lorsque je me relevais pour m'approcher des barreaux.
Immédiatement, l'enfant de droite asséna un coup par son bâton de fer aux barres, ce qui créa au passage quelques petites étincelles.
-Silence, détenu !
Son apparence avait changé. Elle n'était plus un petit garçon mais une petite fille toute mignonne certes mais aux traits très adultes et autoritaires. La couleur jaune se dégageant de ses iris m'étonna. Jamais je n'en avais vu comme ça.
L'enfant de gauche continua la tirade de sa camarade et s'avéra elle aussi être une fille aux yeux jaunes.
Elles sont identiques !
-Tu es en présence du maître, dit-elle.
Igor ria encore une fois et reprit la parole :
-Inutile de paniquer. Il reste un seul et unique moyen d'échapper à ton sort.
Soudain, un coup de jus me traversa le corps et me fit perdre toute l'énergie de mon corps. Je sentais mes forces me quitter à la vitesse de la lumière.
-Nous nous reverrons bientôt, conclu la voix grave pendant que je m'agenouillais de douleur. En attendant, tu peux retourner dans ton monde.
Ma vision se brouilla et mon esprit quitta l'enveloppe de ma chair.
****
Les chants des oiseaux me firent rouvrir les yeux. Les fenêtres qui semblaient être vertes hier soir reflétèrent désormais parfaitement bien la lumière angélique du soleil.
Je levais mon torse et réfléchissais un instant.
Un rêve ?
J'agrippais mon smartphone et désinstallais une nouvelle fois l'icône à l'œil rouge et noir.
-Évite de faire des vagues, on y va juste pour se présenter, m'indiqua Sojiro.
Il s'était aujourd'hui habillé comme un homme d'affaire et il faut dire que son costume et son chapeau blanc tombant sur son front lui allaient plutôt bien.
Nous avions suivi le chemin indiqué et étions finalement arrivés dans une petite salle totalement fermée où était assis en face d'un bureau un homme aux habits marrons clairs. Il portait sur son torse dodu une petite cravate rouge. Son crâne, aussi vide qu'un désert, renvoyait la lumière pourtant très peu présente de la salle.
Son bureau était rempli d'objets en tout genre. Des stylos, des crayons et surtout des piles entières de feuilles y étaient disposées. À sa gauche attendait une jeune dame au pull jaune. Ses cheveux étaient marrons et frisés. Une petite jupe en jean la rendait encore plus belle.
Le menton du proviseur commença à bouger dans tous les sens tant il était rempli de graisse.
-Tu seras expulsé si tu causes des problèmes, commença-t-il.
Jamais je n'avais vu personne plus grosse. La rondeur proéminente de son ventre le rendait encore plus impressionnant. Il était si dodu que le col de son haut faisait remonter une bague de graisse qui lui entourait totalement le coup.
-À vrai dire, j'ai hésité à accepter quelqu'un comme toi, mais les circonstances m'y poussent.
La pièce était décorée de centaines de trophées en tous genres. Ils étaient tous regroupés dans des placards dont les portes étaient en verre afin de pouvoir les contempler.
La femme à droite du professeur de mon point de vue m'adressa la parole :
-Je suis Kawakami, ta professeure principale. Voilà ta carte d'élève, dit-elle en cherchant dans sa poche un petit objet.
En voulant le faire sortir, elle fit accidentellement tomber un petite papier rose qui flotta jusqu'au sol.
Sur ce dernier était dessiné une jeune femme habillée en femme de ménage et était écrit au dessus du dessin « Victoria ». La professeure s'empressa de ramasser le bout de papier et le rangea. Puis elle me tendit la vraie carte et m'expliqua sur un ton gêné :
-Viens en salle des profs avant les cours, je te montrerai ta classe.
Je m'approchais d'elle, récupérais la carte et reculais afin d'être à nouveau en parallèle par rapport à Sojiro.
Le directeur reprit :
-Monsieur Sakura, gardez un œil sur lui pour qu'il ne cause pas d'ennuis.
Sojiro hocha la tête une dernière fois.
-« Je répète... Suite à un accident de métro, les lignes centrales sont perturbées et... » cita la voix de radio.
Les mains sur le volant Sojiro éteignit la petite boite bruyante.
-Encore un accident ? Eh bien, ça n'arrête pas.
Un silence s'installa, nous laissant écouter le bruit des moteurs des voitures à l'arrêt autour de nous. Contre notre volonté, nous étions piégés dans les bouchons.
Je décidais de briser le silence :
-Pourquoi m'avez-vous accueilli ?
-Pardon ? « Pourquoi ? »
L'adulte, offusqué par ma manière de poser la question expliqua :
-On me l'a demandé, et j'ai accepté comme ça. Et puis... j'ai déjà été payé.
Et comme s'il devait revenir à ses responsabilités de nouveau papa, il continua :
-Quoiqu'il en soit, ne cause pas de problème. Ne joue pas les rebelles et occupe toi juste de tes affaires. Compris ?
Je me sentais particulièrement mal dans cette voiture. J'avais l'impression que l'on me prenait pour un bébé malgré les actions que j'avais fais auparavant qui prouvaient que j'étais adulte. Me réduire à si peu à cause d'un mal entendu m'énerva profondément.
Je serrai mon poing et acceptais :
-Oui.
****
Les douleurs à ma tête ne disparaissaient pas. Je continuais de tenter de les calmer par ma main droite mais ce fut encore une fois un échec car elle même souffrait autant que mon visage.
La femme au cheveux gris avait sorti des photos des faits et continuait de m'interroger. Sur l'une d'entres elles, je pouvais discerner un métro totalement déraillé qui était bon pour la casse.
-L'accident de ce jour là...
Les souvenirs semblaient très frais dans mon esprit, peut-être était-ce grâce au papillon uppercut il y a quelques instants.
-Oui, je m'en souviens très bien.
-Tout le monde me parlait, et quelqu'un de Shûjin figurait parmi les victimes. L'académie Shûjin... Un lycée comme tant d'autres à Tokyo. Mais peu après ton arrivée, voilà ce qui y a circulé.
Elle fit glisser avec ses doigts une petite carte rouge dont les phrases étaient écrites avec des caractères pris de différents magasines.
-Tous ont d'abord cru à une blague, mais il n'en était rien. C'est la première carte des Phantoms Thieves.
Elle me passa sous le nez une nouvelle photo bien différente des dernières. Sur celle-ci, j'y voyais Kamoshida, un horrible monstre.
-Elle visait l'ancien élève médaillé d'or devenu professeur de sport, Kamoshida Suguru.
Revoir son visage allongé me fichu la chair de poule. Ses cheveux noir bouclés qui partaient à gauche et à droite me rappelèrent ses yeux noirs ainsi que ses bras gonflés à bloc.
-Qu'est-il arrivé au lycée à ce moment-là ? Dis moi toute la vérité.
****
11 Avril (Lundi)
C'est donc par un jour de pluie que débuta l'année. Caché en dessous de mon parapluie, je sortais mon téléphone et apercevais à nouveau le satané logo rouge et noir. À croire que cet œil m'observait jour et nuit.
Sans faire exprès, j'avais ouvert cette application de malheur.
-On a quoi en premier ? demanda une jeune fille.
-J'en sais rien ! lui répondit son amie.
Beaucoup de personnes se rendaient au lycée par le même chemin que moi.
Un petit bruit à ma droite m'intrigua. En recherchant sa provenance, je découvris qu'une fille aux couettes blondes attendait de la même manière que moi au même endroit.
Étant un chouilla plus petite que moi, je pouvais observer en profondeur ses cheveux et je remarquais qu'une petite barrette jaune ornait le tout.
Deux magnifiques yeux bleus faisaient partie intégrante de son visage aux traits fins et délicats.
Elle tourna la tête dans ma direction et m'observa un instant.
-Tu as un truc, dit-elle en fixant quelque chose aux dessus de mes lunettes.
Elle approcha sa main et tenta d'attraper la chose. Surpris, je reculais légèrement la tête mais elle attrapa quand même le petit objet.
C'était une pétale rose qui s'était déposé sur mes mèches.
-Fichue pluie...
Je fus presque hypnotisé par la beauté sublime de la fille à l'uniforme semblable au mien.
-Elle gâche ces fleurs qui avaient enfin éclos.
La fille contempla le pétale mais se fit interrompre par un bruit de vitrine qui se lève.
Nous regardions ensemble la voiture qui s'était arrêtée à quelques mètres de nous. Dedans était installé un homme musclé habillé d'une tenue de sport.
-Tu vas être en retard. Je te dépose, Takamaki ?
Il n'avait pas l'air dangereux ou machiavélique au premier abord. À vrai dire c'était tout le contraire. Il arborait un doux sourire et son regard transpirait la joie et la bonne humeur.
La fille s'avança vers le véhicule et confirma :
-Oui, merci beaucoup.
L'homme me pointa du regard et me questionna :
-Je te dépose aussi ?
Sa demande ne m'aurait pas beaucoup gênée mais je préférais ne pas déranger.
-Non, ça ira.
C'est étrange mais j'avais toujours du mal à accepter ce qu'on me donnait.
-Ok, j'y vais alors.
Sincèrement, j'étais plutôt serein de laisser la nommée Takamaki avec cet homme. Il n'avait pas l'air si dangereux.
Seulement, lorsque Takamaki fut assise à côté de lui, il releva les yeux et constata la présence de quelqu'un derrière moi. Aussitôt, il reprit la route et s'échappa. Mais une seconde avant qu'il ne disparaisse de ma vision, j'observais une dernière fois le visage miraculeux de Takamaki et remarquais qu'elle n'était pas du tout à l'aise, voire même qu'elle avait peur.
-Enfoiré de Kamoshida... commenta une voix qui m'était pour l'instant inconnue.
Elle appartenait à un jeune homme blond dont la crinière était totalement ébouriffée. Il possédait le même uniforme que moi mais avait laissé les boutons rouges ouverts et portait en dessous de celui ci un T-shirt jaune.
-Qui ça ? lui demandais-je.
-C'était la voiture de Kamoshida, non ? Il se croit tout permis.
Je ressentais la profonde haine que vouait ce jeune homme à Kamoshida. C'est comme si je pouvais percevoir des éclairs dans les iris marrons de l'élève au look très rebelle.
-Un vrai roi dans son château, continua-t-il. Tu trouves pas ?
Il attendit une réponse mais rien ne sortit de ma bouche.
-T'es pas un bavard, toi. T'es de Shûjin, non ?
-L'académie Shûjin ? répétais-je.
Il m'examina et en déduisit quelque chose :
-T'es en première comme moi ? Je t'ai jamais vu... t'es en première quoi ?
-Je l'ignore encore, dis-je en tentant de rester le plus poli possible.
-Hein ?
Il recula doucement tant la surprise était intense.
-Ah, c'est toi le fameux nouvel élève ?
-Oui.
-Tu peux pas savoir alors. Cela dit... C'est donc toi...
-Que veux tu dire ?
Il jeta un œil à son téléphone.
-Mince, on va être à la bourre. Il pleut pas tant que ça, allons-y.
Il engagea la marche. Et comme si une vibration se fit ressentir dans mes mains, j'eus l'impression de ne plus faire entièrement partie de ce monde.
Nous marchâmes à peu près sept bonnes minutes avant de trouver le chemin adéquat.
Arrivés à l'endroit parfait, nous continuions notre course dans une ruelle où les gouttes avaient plus de mal pour nous trouver.
Mais au bout d'un moment, nous fûmes redirigés par le chemin dans un plus petit endroit.
Le jeune blond avançant devant moi, j'étais sûr qu'il trouverait tout avant moi. Et c'est en sortant des chemins resserrés que mon camarade s'arrêta de surprise.
Je mis plus de temps à percevoir le problème mais lorsque je le vis enfin, une puissant sentiment de stress s'empara de moi.
Contrairement à ce que nous pensions trouver, ce n'était pas le lycée qui nous fit face mais un immense château ressemblant comme deux gouttes d'eau à ceux visibles en Europe. Un pont en bois ainsi que des grilles à pointes ouvertes faisaient partie du paysage.
-C'est quoi ça ?