Le Poids de nos Erreurs
Un des journalistes, ou plutôt pseudo-journaliste, s’était levé en sortant un pistolet, avant de tirer sur Gérard.
Mais Reinhard avait activé sa barrière, protégeant le français du tir. Ana répliqua immédiatement et l’assaillant s’effondra au sol, un point rouge sur la tête.
Cet homme avait-il des amis ? De la famille ? Des enfants peut être ? Que deviendraient-ils sans lui ?
Ces questions tourmentaient Ana comme un essaim d’abeilles. Mais elle les chassa de son esprit. Pour l’instant, seul comptait la survie de ceux placés sous sa responsabilité.
Gérard était resté parfaitement calme durant l’échange de tir. Il arborait même un grand sourire.
- Je dois reconnaître une chose à Talon, dit-il. Ses membres sont très persévérants.
- Arrêtes de faire le beau devant les caméras et retourne au véhicule ! ordonna Ana via son communicateur.
Déjà, d’autres spectateurs sortaient des armes. Ana comprit qu’ils avaient sacrifié l’un des leurs pour découvrir sa position. De fait, plusieurs tirs partirent dans sa direction, l’obligeant à reculer en toute hâte.
Près de l’estrade, les membres d’Overwatch avaient débutés le combat contre les agents de Talon, excepté Reinhard, qui maintenait prudemment son bouclier devant Gérard. C’est alors que surgit du local technique un autre imposteur, déguisé en agent d’entretien, pointant son arme vers le français.
Agissant à une vitesse incroyable, Assistant dégaina son arme, un imposant pistolet au design épuré, et tira. Une décharge électrique envoya l’imposteur dans l’inconscient.
- Merci, Assistant, dit Gérard en se retournant.
- A votre service, monsieur. Je vous recommande de regarder plus souvent derrière au cas où un groupe de meurtrier psychopathe aurait juré de vous tuer. Ce qui est actuellement le cas.
Ana atteignit le sol à ce moment-là et vu tout de suite que le local technique était devenu le théâtre d’une bataille entre son équipe et les agents de Talon.
- Pas par-là, dit-elle. Nous allons prendre une porte de la salle principale, Reinhard, couvre-nous !
- Bien capitaine ! s’exclama le vétéran.
Protégé par le bouclier du croisé, il se dirigèrent vers une des sorties latérales du centre de conférence. Malheureusement, ils devaient avancer lentement, Reinhard étant ralenti par l’usage de son champ de force.
- Ça va être juste, dit Ana à Gérard. Cours vers le transport et retournes au QG, je te couvre !
- Oui maman ! dit le français en obéissant, tandis que Reinhard se joignait aux combats de la salle principale.
Gérard et Assistant se dirigèrent rapidement vers le parking.
- Danger à six heure ! cria soudainement Ana.
Par réflexe, Gérard se mit à couvert. À raison. Un duo d’agent de Talon, pleinement équipé, se mit à faire feux vers lui. Juste à côté, le français pu voir une bouche d’égout ouverte. Il était facile de deviner comment l’ennemi était arrivés ici.
Il y eu une détonation et un des agents s’effondra. L’autre fut électrocuté par un tir d’Assistant.
- Fonces ! dit Ana.
Gérard se remit à courir vers le parking.
Mais c’était trop tard. Il y eu un fort bruit de moteur et le transport de Talon apparut au-dessus du centre de conférence. À sa vue, Gérard et Assistant se cachèrent immédiatement. Les portes de l’appareil s’ouvrirent, laissant voir plusieurs autres terroristes, qui se mirent immédiatement à tirer vers Ana. La capitaine dût se retirer précipitamment.
Les membres de Talon descendirent.
- Trouvez et éliminez Lacroix ! cria leur chef.
Ils se dispersèrent par paire pour chercher le français. Puis, Assistant sortie de sa cachette, et toucha coup sur coup deux terroriste, les envoyant dans l’inconscient. Les autres pointèrent immédiatement leurs armes dans sa direction. Profitant de cette diversion, Gérard surgit derrière une autre paire, et mit à terre un des agents, l’assommant sur le coup. Le deuxième se retourna en toute hâte, seulement pour tomber d’un balayage, avant d’être assommé à son tour.
Les deux derniers agents de Talon tirèrent, mais le français et son drone s’étaient déjà mis à couvert. Gérard sortie de ses manches deux petit disque métallique et les lança vers les terroristes. Ces projectiles devaient contenir un aimant car ils dévièrent de leur trajectoire pour s’accrocher aux armes des sbires de Talon. Au contact, il y eu une explosion électrique, et les deux fusils d’assauts cessèrent de fonctionner.
Le chef ennemi s’avança alors vers Gérard, tout en veillant à rester hors de vu d’Assistant. Maintenant que le français pouvait le voir de plus près, il remarqua que son armure était de meilleure qualité que celle des autres sbires de l’organisation, pourtant eux même très bien équipés. Il y avait aussi quelques étranges flux d’énergie blanc qui la parcourait.
- Hum, vous n’êtes pas n’importe qui, commenta le français. Agent 49, c’est bien cela ?
- Je suis celui qui va vous tuer, traitre ! répondit l’homme.
Il dégaina une arme de poing tout en fonçant. En une seconde, il se retrouva face à Gérard…qui lui jeta immédiatement un autre disque, neutralisant le pistolet.
- Vous pensiez vraiment que je n’en aurais pas d’autre ? se moqua le français.
Le chef ennemi se mit pressamment à couvert, évitant au passage un tir d’Assistant.
- Je n’ai pas besoin d’armes ! cria-il ensuite.
Il se leva et tendis son bras vers Gérard. Un fort bourdonnement se fit entendre, tandis que les lignes blanches de son armure luisaient intensément. Puis le français fut projeté du sol par une force invisible et allât s’écraser contre un mur.
Assistant pointa son arme mais l’Agent 49 tendis son bras vers lui. Le drone subit le même sort que son maître. L’agent de Talon semblait devoir utiliser toute sa concentration pour employer se pouvoir, l’obligeant à rester immobile. Mais cela n’en était pas moins terriblement efficace.
Il pointa sa main vers le mur derrière Gérard et le béton s’effondra. Le français roula sur lui-même pour esquiver l’attaque.
- Arrêtez de bouger ! cria Agent 49 en repointant sa main vers le français.
Puis une détonation se fit entendre et le chef ennemi s’effondra au sol.
Le transport de Talon fit alors un piqué vers le sol, masquant le corps de l’Agent 49. Le dernier terroriste, resté caché depuis tout ce temps, en profita pour sortir de son couvert. Il ramassa le corps de son supérieur et grimpa dans l’appareil. Ce dernier quitta immédiatement les lieux, tandis qu’au loin apparaissait une escadrille de chasseurs d’Overwatch.
Ana ne tarda pas à rejoindre la position de Gérard.
- Tu vas bien ? demanda-t-elle immédiatement.
- Aie…dit ce dernier se relevant. J’aurais sans doute quelques bleus mais rien de pire, grâce à toi. Merci Ana.
- Bon sang, il faisait quoi ce type ?
- De la télékinésie. Je ne sais pas si c’est dû à son équipement ou à une modification biologique. Peut-être un mélange des deux ? C’était plutôt efficace, mais rien que tu ne puisses gérer apparemment. Bref, quelle est la situation à l’intérieur ?
- Nous avons repris le contrôle du centre. Tous les ennemis sont morts ou capturés. Cinq blessés légers de notre côté.
- Il semble que c’est une victoire de plus pour nous, dit Gérard avec un grand sourire. Talon doit être vraiment désespérée pour lancer une opération aussi risquée.
- Ce qui m’inquiète, c’est qu’ils ont pu infiltrer autant de monde juste sous notre nez. Tu n’étais pas sensé empêcher ça, monsieur le spécialiste du renseignement ?
- Aucun agent de Talon n’a jamais infiltré Overwatch et avec moi aux commandes, cela n’arrivera pas. Mais je n’ai pas les ressources pour leur interdire d’agir dans toute la Suisse. J’ai donc préféré me concentrer sur le fait d’empêcher Talon d’acheminer de l’armement et des explosifs jusqu’ici. Ainsi leurs infiltrés n’ont que des armes de poing, incapable de transpercer nos gilets pare-balle. Et comme ça nous n’avons que des blessés légers à la fin d’une fusillade, finit-il avec un clin d’œil.
Ana ne répondit pas. Elle ne voulait pas augmenter le sentiment de satisfaction du français en lui disant qu’elle approuvait ses choix.
- Bon, il va y avoir beaucoup de travail pour gérer les conséquences de cette attaque, dit Gérard. Autant nous y mettre tout de suite. Je ne voudrais pas rentrer chez moi en retard. Ma femme me tuerait.
**
*
Amélie descendit de la voiture en arborant un large sourire. Elle revenait d’une réception à l’ambassade française, qui c’était très bien passé. Bien sûr, elle avait eu un moment de frayeur lorsque la nouvelle de l’attaque lui était parvenu. Amélie avait beau savoir que c’était stupide et inutile, elle ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter. Encore plus maintenant qu’elle avait elle-même été victime de Talon.
Fort heureusement, la nouvelle de la victoire d’Overwatch était arrivé au bout de quelques minutes. L’événement avait fait d’elle le centre d’attention de la réception, ce qui était particulièrement agréable.
Amélie eu un sourire suffisant. Lorsqu’elle avait épousé Gérard, certaines de ses connaissances l’avaient envié de s’être marié avec l’homme qu’elle voulait, et non un présenté par ses parents. Mais il y en avait eu beaucoup d’autres pour rire dans son dos. Ils disaient que son caractère avait fait fuir tous les prétendants valides, l’obligeant à se rabattre sur un intellectuel issu des classes moyennes.
Plus personnes ne riaient maintenant. Amélie aurait déjà pu humilier ces personnes. Il aurait suffi de quelques phrases bien placées lors d’une soirée. Mais elle attendait que son mari remplace le vieux Morrison. Là, elle pourra obtenir la vengeance parfaite.
Alors qu’elle approchait de sa maison, un des gardes d’Overwatch s’approcha d’elle.
- Amélie, eh, je veux dire, madame Lacroix, commença-t-il.
- Bonsoir Adelardo, dit-elle d’une voix suave.
À ses paroles, le lieutenant arbora un air gêné en rougissant légèrement. Elle le regarda dans les yeux et il détourna son visage, ce qui amusa grandement Amélie. C’était tellement facile.
- Eh, il y a un problème avec un objet que tu as…que vous avez commandé.
Elle ne répondit pas.
- C’est le somnifère, poursuivit Adelardo. Il s’agit vraiment d’un médicament très puissant. Si vous le prenez, quasiment rien ne pourra vous réveiller. La maison pourrait être attaquée que vous dormiriez encore.
Pourquoi diable avait-elle commandé ce somnifère ? Amélie n’avait aucun problème pour s’endormir. Pourtant, elle avait l’intime conviction d’en avoir absolument besoin, sans qu’elle puisse dire d’où lui venait ce sentiment.
- Allons Adelardo, j’ai été kidnappée et retenue par Talon. Tu dois bien comprendre qu’après cela, j’ai du mal à trouver le sommeil.
Elle approcha sa main du visage du lieutenant, sans le toucher, tout en fixant ses yeux dans les siens.
- Tu veux bien le laisser passer, pour moi ?
Cette fois il ne détourna pas son regard. Mais son visage devient encore plus confus.
- Oui, bien sûr, Amélie.
C’était décidément beaucoup trop facile.
Il sortit une pochette plastique, qui contenait à l’intérieur le flacon du somnifère. Et la lui remit.
- Merci, dit-elle avec un petit sourire satisfait. Et bonne soirée.
- Bonne soirée Amé…eh, madame Lacroix.
Elle entra dans la villa. Les drones domestiques avaient déjà préparé le repas et mit la table.
Prise d’une impulsion soudaine, Amélie ouvrit la bouteille de somnifère et en versa quelques gouttes dans le verre de vin de Gérard. Mais pourquoi faisait-elle ça ? C’était ridicule ! Elle voulut prendre le verre et jeter le vin dans l’évier. Mais elle ne parvient pas à agir, retenu par… elle ne savait quoi.
D’ailleurs, pourquoi voulait-elle jeter ce verre de fin déjà ? C’était un Bordeaux de 2039, un cru particulièrement rare. Il ne fallait pas le gâcher.
Amélie lut en écoutant de la musique pendant une dizaine de minute. Puis quelqu’un entra dans la maison et elle se leva pour l’accueillir.
- Bonsoir Amélie, dit Gérard, de bonne humeur.
Il était seul, Assistant était resté monter la garde avec les agents d’Overwatch.
- Bonsoir, dit-elle en souriant.
Il lui prit délicatement le poignet, avant de lui faire un baise main. Elle s’approcha alors soudainement, le saisit par la nuque et l’embrassa avec fougue. Gérard eu une seconde de surprise, avant de lui rendre le baiser. Ils restèrent ainsi quelque seconde, puis elle recula.
- Tu es pleine d’énergie ce soir, commenta Gérard.
- Ou peut être que ton expression est hilarante lorsque tu es surprit, répondit-elle, ce qui le fit rigoler.
Ou peut-être avait-elle peur de le perdre à chaque attaque et voulait-elle en profiter quand il revenait vivant. Mais Amélie ne l’avouerait jamais.
Ils avancèrent vers la salle à manger et se mirent à table. Amélie afficha tout de suite une expression sérieuse.
- Donc, dit-elle. Talon a encore essayé de te tuer. Comment te sens tu ?
Un drone domestique leur servit une salade constitué d’un mélange de champignon de Paris, de betterave, de haricot et d’échalotte. Ce plat fût annoncé comme étant une assiette printanière.
- Bien. C’est presque une routine maintenant, répondit Gérard, avec un sourire confiant. En fait, cela m’inquièterait même plus qu’ils arrêtent leurs tentatives. Cela voudrait dire que Talon serait passé à un autre plan.
Il prit une gorgée de son verre de vin avant d’attaquer la salade.
- Bien sur je reste prudent. J’ai un autre projet d’auto-défense en préparation, histoire de garder une longueur d’avance. Mieux vaut prévenir que guérir.
Amélie n’insista pas. Elle détestait qu’on la couve. La moindre des choses était de ne pas faire pareil.
- Tu étais superbe lors de cette conférence…commença-t-elle.
- Merci.
- …jusque à ce que tu te mettes à fanfaronner devant les balles. C’était aussi stupide qu’inutile. Et je ne parle même pas du fait que tu es préféré affronter les forces de Talon au lieu de t’enfuir.
Gérard eut un petit soupir. Il finit son verre de vin avant de répondre :
- Ce genre de bravade est nécessaire pour me faire apprécier des agents et du public, dit-il, juste avant de bailler très légèrement.
Amélie, prit aussi une gorgée de vin.
- Tu n’en as pas besoin, dit-elle ensuite. Les puissants te préfèrent déjà à Morrison.
Amélie le savait bien : elle avait passé les derniers mois à sonder ses contacts pour connaître l’opinions des hautes castes. Et le résultat n’était pas en faveur du vieux commandant : Morrison était trop honorable, trop droit, trop respectueux des règles.
Il ne pardonnait pas la moindre transgression et punissait chaque contrevenant, peu importe leur puissance. Ce faisant, il s’était attiré la colère de nombre de multinationales et politiciens puissant. Son immense popularité l’avait préservé jusque-là. Mais les récentes bavures d’Overwatch commençaient à lui retirer cette protection.
À l’opposé, Gérard apparaissait comme bien moins dangereux. Ce qui était faux mais elle n’allait pas le crier sur les toits. Et il était bien plus accessible…via elle. L’ascension de son mari donnait à Amélie une place prépondérante dans l’écheveau politique autour d’Overwatch. Et elle adorait ça.
- A la fin se sont eux qui choisissent, poursuivit-t-elle. Les agents devront obéir aux ordres tandis que le public ne pourra que regarder. C’est le principe d’un public. Tu vas donc renoncer à ces petites lubies.
Gérard rit légèrement tandis qu’on leur apportait la suite du repas : une daurade en filet, accompagné d’un lit de légume et d’un assortiment de céréale.
- Et c’est toi qui me dit ça. Veux-tu que je te rappel la fois où tu as ridiculisé ce diplomate anglais sous prétexte que, je cite, « c’était un snob prétentieux et que cela m’amusait » ?
- Je suis au sommet de mon domaine, dit Amélie en découpant sa daurade. J’ai le droit de m’offrir de petits caprices.
Elle plaça un morceau de poisson dans sa bouche puis le mangea, juste avant d’ajouter :
- Toi, tu as encore une marche à grimper.
Gérard finit d’avaler sa boucher, puis reprit la parole :
- Ce n’est pas qu’une lubie, dit-il, très sérieux. Gagner en popularité est utile.
- Mais pas indispensable.
Elle le fixa dans les yeux avant d’ajouter :
- La vérité, Gérard, c’est que tu te sens coupable de les « déposséder » de leur cher Morrison et que tu voudrais compenser cela en te faisant aimer d’eux.
Il baissa légèrement le regard en prenant un air soucieux.
- Ça me ressemble, admit-il.
Amélie eu un petit sourire. Elle trouvait toujours les bons mots avec lui. Elle mangea un autre morceau de poisson avant de reprendre la parole :
- Tu laisses encore tes émotions prendre le dessus. C’est comme lorsque j’ai été enlevée. La capitaine Amari m’a dit que tu es venu la voir en larme, la supplier d’accepter l’offre de Talon.
Les terroristes avaient à l’époque proposé un marché très simple : ils libéreraient Amélie, si Gérard se livrait à eux.
Il posa brusquement sa fourchette tandis que son visage affichait un mélange de honte et de tristesse.
- L’idée que tu meures à cause de moi…cela m’était insupportable.
- Et j’en suis très touchée, Gérard. Mais Overwatch m’a retrouvée en deux jours à peine. Qui sait ce qui serait arrivé s’ils avaient agi comme tu le voulais ?
En vérité on lui avait dit que cela faisait deux jours mais elle n’avait gardé le souvenir que de quelques heures. Non pas que cela la dérange. La sensation de perte de contrôle qu’elle avait ressentie lors de cet enlèvement lui était déplaisante au plus haut point.
- C’est aussi parce que tu as cette sensibilité que je t’aime, Gérard, reprit-elle. Mais elle ne doit pas te faire agir stupidement, d’accord ?
Les drones desservirent les plats avant de leur apporter le désert : un plateau de fromage accompagné d’une salade de fruit. Puis, Gérard releva la tête et fit un mince sourire.
- D’accord. Heureusement que tu es là pour me garder sur le bon chemin.
Tout en parlant, il se fit une tartine de fromage. Il voulut la croquer mais fut interrompu par un large bâillement, qu’il étouffa très élégamment.
- Ne t’inquiète pas, dit Amélie avec un grand sourire. Nous allons faire de toi le deuxième commandant d’Overwatch et notre célébrité n’aura alors plus de limite.
Mais alors qu’elle disait ces mots, un frisson glacial lui parcourut le dos. Amélie avait comme un très mauvais pressentiment, qui lui venait d’elle ne savait où. C’était très désagréable. Elle finit son verre de vin en une gorgée. La saveur du breuvage et la chaleur de l’alcool eurent tôt fait de de chasser cette mauvaise impression.
- Assez parlé de moi, dit Gérard, en prenant une pomme. Comment avance la préparation de ton prochain spectacle ?
- Bien, dit-elle d’une voix un peu ennuyée. Tout le monde me félicite sur mes performances, comme d’habitude.
Cela faisait longtemps qu’Amélie n’était plus enthousiasmé par la danse. Bien sûr, elle aimait toujours en faire. Ces moments où, sur la piste, son corps était en harmonie avec la musique et rayonnait de grâce, étaient très agréable. Mais cela ne motivait plus sa vie. Elle avait atteint le sommet depuis trop longtemps, sans nouveau défi à accomplir. Sauf dans les cours qu’elle donnait. Il y avait une certaine exaltation à trouver une étincelle d’énergie chez un élève, puis à la transformer en flambeau.
Mais cela lui était interdit désormais. Elle soupira doucement.
- Amélie, pour tes cours…commença Gérard, comme s’il lisait ses pensées. Tu sais que si c’était possible, nous te laisserions y aller. Mais garantir ta sécurité dans ce type de quartier…
- Gérard, est-ce que tu veux vraiment que je me lève pour te bâillonner ?
Elle le regarda avec un air de défi. Allait-il tenter le diable ? Elle avait bien envie de pratiquer ce genre de jeu ce soir. Mais il leva ses mains dans un signe d’excuse.
- Désolé Amélie, j’ai encore parlé trop vite.
Elle lui fit un sourire moqueur, auquel il répondit par une expression charmante. Il leur fallut une minute pour finir le repas.
En se levant, Gérard ne put s’empêcher de bailler de nouveau, encore plus fort que les fois précédentes.
- Tu sembles fatigué, dit Amélie.
- Oui. C’est étrange. Je suis plus en forme à cette heure-ci d’habitude.
- Nous devrions aller dormir.
Mais pourquoi disait-elle cela ? En ce moment, leur passion était d’une rare intensité, démultipliée par l’excitation du danger, associé au frisson d’un succès à portée de main. Elle n’avait pas envie de s’en priver.
- Je ne voudrais pas gâcher ta soirée, répondit Gérard.
- Ce n’est pas le cas. Je suis fatigué moi aussi.
C’était faux ! Mais qu’est-ce qui lui arrivait ?
- À ta guise alors.
Ils se rendirent dans leur chambre à coucher. L’endroit était comme le reste de la maison : d’un luxe discret et confortable. Quelques photos d’eux deux décoraient l’endroit, ainsi que des récompenses reçues par l’un ou l’autre, plus quelques peintures.
Gérard prit une petite bouteille d’huile dans une boite, sur une étagère. Mais Amélie interrompit son geste.
- Ce n’est pas la peine.
- Je te fais toujours un massage avant que nous allions dormir, répondit-il d’une voix légèrement empâtée.
- Tu es bien trop fatigué ce soir. Cela sera pour une autre fois.
Il hésita un peu. Mais la fatigue se lisait clairement sur son visage, aussi n’insista-il pas. Les deux se déshabillèrent avant de se coucher. Gérard sombra bien vite dans un sommeil de plomb. Le somnifère était effectivement très efficace.
Pourquoi l’avait-elle mis dans son verre de vin ? Pourquoi avait-elle oublié l’avoir fait ? Qu’était-il en train de se passer bon sang ?
Amélie agrippa soudainement sa tête de ces deux mains tout en gémissant de douleur. Elle avait l’impression que son crane brulait, tandis que mille aiguilles étaient enfoncées dedans.
Puis soudainement, cela s’arrêta. Toutes pensées et émotions avaient disparu de son esprit, remplacé par un seul impératif : servir Talon.
Amélie se saisit d’un cousin et le plaqua sur la tête de Gérard.
Le somnifère joua son rôle et son mari resta endormis alors même que ses poumons étaient lentement privés d’oxygènes. Amélie resta ainsi de longue minute. Puis elle retira le cousin, avant de vérifier le pouls de Gérard. Plus aucun battement. Il était mort.
Cette pensée fit naitre un incroyable frisson en elle. Amélie avait vu s’éteindre l’étincelle d’énergie d’un être vivant, par ses actes. C’était si bon.
Ressentir un plaisir aussi intense fit revenir ses émotions…et ses perceptions. Le regard d’Amélie passa alors du ravissement à l’horreur.
- Gérard ? demanda-t-elle en saisissant son corps.
Mais il n’y eu aucune réponse.
- Gérard ! Gérard ! insista-elle en le secouant.
Rien.
- Non…non !
Elle se mit à pleurer.
- Mais qu’ai-je fait ?!
La douleur lui vrilla de nouveau le crâne. Toutes ses émotions disparurent encore une fois. La mission, elle devait s’en tenir à la mission.
Amélie s’habilla d’une tenue de sport, noire comme la nuit, avant de se mettre à attendre.
Une heure passa. Puis des coups de feu se firent entendre. Amélie sortie par la fenêtre et se précipita dans la nuit. Trop occupés à repousser l’attaque, les agents d’Overwatch ne la virent même pas. Elle n’eut aucun mal à atteindre sa destination.
Un transport de Talon l’y attendait, protégé par une dizaine de sbire de l’organisation, menés par l’Agent 49.
- Au rapport, dit-il à Amélie.
- La cible est éliminé, répondit-elle d’une voix froide comme la glace.
Il soupira de soulagement.
- Alors ça y est…Lacroix est mort. Enfin. Il ne menacera plus jamais notre vision.
- Chef, intervient un des sbires. Ça veut dire que l’attaque de cette après-midi…étais juste un leurre ?
- Oui. Lacroix se serait douté de quelques chose si nous étions restés inactif trop longtemps.
- Mais on a perdu plus d’une douzaine des nôtres là-bas !
- La cause, répondit Agent 49, justifie tous les sacrifices.
Une passion rare se lisait dans sa voix. Il tourna son regard vers Amélie.
- Et elle justifie n’importe quelles actions. Même les plus cruelles.
- Servir Talon est tout ce qui importe, confirma Amélie.