Les Dragons et les Veilleurs

Chapitre 5

8314 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 05/05/2017 17:44

Genji se trouvait dans une petite chambre d’un monastère, lieu où il résidait pendant son séjour au Japon. Cela faisait longtemps qu’il avait cessé de vivre de façon permanente dans le pays de ses ancêtres.


La pièce n’était quasiment pas meublée. Tout juste se trouvait sur le sol une natte de paille, avec Genji assis dessus, en tailleur.


A côté de lui se trouvaient quelques documents. Un journal d’abord. « Coup de théâtre en Europe Centrale » annonçaient les titres. « Une intervention d’Overwatch contraint l’armée du général Pranciškus à lever le siège d’Olomouc ».


Juste à côté se trouvait une lettre où étaient écrits les mots suivants :


« Genji,


Je me réjouis que votre frère ait accepté de vous rencontrer. Encore une fois, vous avez tout mon soutien dans votre démarche de réconciliation. Il est admirable que vous choisissiez cette voie envers quelqu’un qui vous a autant blessé. En cela, vous êtes bien plus un exemple que tous les héros d’Overwatch, moi incluse.


De mon côté, j’ai achevé mon travail au Moyen-Orient et me prépare désormais à agir en Europe Centrale. Mais je crains que la situation politique locale n’empêche mes collègues et moi de travailler en toute sécurité. J’hésite à appeler Winston pour lui demander son aide.


Car le but que poursuit notre ancien ami me fait peur. Je ne doute pas de son désir de rendre le monde meilleur. Mais qu’est-ce qu’un monde meilleur exactement ? La définition qu’en a Winston est peut-être différente de celle d’autres. En tentant d’imposer la sienne par la force, il peut être source de morts et de souffrance. C’est cette hypothèse que je redoute le plus parmi les nombreux autres risques qu’une reconstruction d’Overwatch fait peser et dont je vous épargnerai la liste dans cette lettre.


Quoi qu’il en soit, pensez à effectuer régulièrement des vérifications médicales, pour vous assurer que vos implants restent intégrés à votre corps. Cette technologie n’est toujours pas totalement maîtrisée et un rejet tardif reste possible.


Avec tous mes vœux de succès,

Angela »


Après avoir relu la lettre, Genji prit un parchemin, une plume ainsi qu’un flacon d’encre et se mit à rédiger. Il employait cette méthode archaïque car elle exigeait concentration et doigté, ce qui en faisait un bon exercice.


« Angela,


J’ai récemment appris votre association avec Winston ainsi que les conséquences de celle-ci. Nous pouvons donc dire que les résultats ont montré que votre choix était le bon. Mais même cela mis à part, j’approuve votre démarche.


Il y aura toujours des gens pour dire que ce que vous faites est mal, alors que vous-même pensez accomplir le bien. Parfois ils auront raison, parfois non. C’est avant tout à nous-même d’être capable de juger si nos actions sont bonnes ou mauvaises. Puis d’agir en conséquence.


Je ne peux être sûr que Winston aie la clairvoyance nécessaire pour cela. Mais vous, oui. Tous les actes que vous avez accomplis ont toujours débouché sur un plus grand bien. Votre générosité est accompagnée d’une grande sagesse. Je pense que, tant que vous resterez avec Overwatch pour les conseiller, ils seront sur le droit chemin.


De mon côté, je crains que ma rencontre avec mon frère ne se soit pas aussi bien passée que je l’espérais. Il est toujours prisonnier du passé et des codes que le clan lui a inculqués. Mais je ne désespère pas de l’en faire sortir. Quoique la patience n’ait jamais été mon fort, je ferais preuve de celle qu’il faudra envers lui.


Sachez enfin que je suis scrupuleusement vos conseils et me fait examiner par des médecins compétents au moins une fois par mois. Je ne saurais laisser gâcher le travail que vous avez accompli pour me sauver.


Avec toute mon affection,

Genji »


Il posa la lettre sur le côté avant de saisir une autre feuille vierge. Puis, un léger bruit se fit entendre. Une fenêtre s’ouvrait. Doucement, très délicatement, par une personne qui ne voulait pas être entendue et savait s’y prendre. Mais l’ouïe artificiellement augmentée de Genji ne manqua pas ce son.


- Pourquoi donc ne pas toquer à la porte si vous voulez me rencontrer ? demanda le ninja.


Une silhouette musclée s’élança de la fenêtre à une vitesse surhumaine, en plein vers Genji. Ce dernier se dégagea en un élégant saut arrière. Un lourd poing ganté s’abattit à l’endroit où il était assis une seconde plus tôt, pulvérisant le plancher qui s’y trouvait.


- Bonjour cousine, dit Genji. Je t’en prie, laisse tes mots exprimer tes sentiments plutôt que tes poings.


- Tu te souviens donc encore de moi, traître ? lui répondit Sayuri. As-tu aussi en mémoire tous les Shimadas tués par Overwatch ?


La ninja était équipée d’une armure légère, de couleur noire. Des circuits parcouraient cet équipement, particulièrement au niveau des poings et des jambes. C’était sans doute les mécanismes de cette armure qui lui avait permis de se déplacer aussi vite.


- Je crains que non, dit-il, calme et apaisant. Je n’étais pas quelqu’un de très responsable à l’époque et je restais aveugle à ceux qui m’entouraient. C’est quelque chose que je regrette.


Sayuri eut un rictus de colère. Elle arqua les jambes et bondit, tout en armant son poing. Encore une fois son attaque troua le mur, car Genji avait de nouveau esquivé.


- Je ne veux pas te combattre, cousine. Ce conflit est fini. Tu devrais l’accepter.


Pour toute réponse, Sayuri appuya sur une plaque de son armure. Un objet s’en dégagea, qu’elle lança immédiatement sur Genji. C’était un bolas, d’apparence très moderne.


Genji esquiva une fois encore le projectile, se décalant sur sa gauche…en plein vers un second bolas envoyé par Sayuri. Les cordes du projectile s’enroulèrent autours de ses jambes, le faisant trébucher. Il tenta de se dégager, mais le fil était constitué d’un métal moderne, incassable malgré sa force de cyborg.


Sayuri attaqua de nouveau. Genji dégaina son sabre court et dévia le coup de poing. Mais au moment où la lame entrait en contact avec le gantelet, une décharge électrique parcourut ce dernier et se répandit dans le corps cybernétique du ninja. Genji hurla de douleur.


Profitant de son avantage, Sayuri frappa de nouveau. Cette fois elle plaça un coup direct. Genji fut projeté en l’air, son corps défonçant le mur pour atterrir dans la pièce d’à côté, interrompant la méditation du moine omnic qui s’y trouvait, un humanoïde de métal vêtue d’une toge rouge.


Mais Sayruri avait fait une erreur en s’éloignant de son adversaire. Le temps qu’elle prépare un nouveau saut, Genji avait tiré un trio de shuriken qu’il venait de dégager de son avant-bras droit. Ce dernier, entièrement mécanique, était creux, ce qui lui permettais de contenir une réserve de projectiles.


Les shuriken s’élancèrent et coupèrent certains des circuits de l’armure de Sayuri. Cela endommagea l’appareil et lorsque la ninja sauta, elle ne put que parcourir la moitié de la distance qui la séparait de Genji.


Le cyborg en profita pour envoyer une nouvelle volée de shuriken, qui coupèrent les derniers circuits de l’armure, avant de trancher de son sabre les fils qui l’entravaient. Puis, rapide comme le vent, il chargea Sayuri.


Un combat au corps au corps s’engagea, sabre contre poings gantés. Il était clair que Genji était le plus rapide. Le plat de sa lame s’abattit une première fois sur la tête de Sayuri, étourdissant cette dernière. Un coup à la jambe la fit chanceler et un autre au ventre la fit tomber au sol.


La pointe du sabre de Genji se positionna sur la gorge de sa cousine.


- Vas-y ! dit Sayuri. Achève donc la tâche que tes maîtres t’ont assignée, chien de traître ! J’aurais au moins la fierté d’être restée fidèle à celle que j’étais et de mourir en tentant de venger mon père !


Genji resta silencieux. Le casque qui recouvrait son visage fixait sa cousine tandis que le sabre restait immobile.


- Masaru a plus donné au clan que toi, Hanzo et ton stupide père réunis, poursuivit Sayuri. Et tu l’as tué ! Je sais que c’est toi ! Tu étais présent le jour où s’est arrivé !


- Je n’ai pas tué Masaru, dit Genji.


Il baissa son sabre.


- Mais c’est tout comme, ajouta-t-il, mélancolique.


*Il y a treize ans*


Genji s'arrêta et observa une fois encore ce qu’il était devenu.


Quasiment tout son corps était désormais constitué de plastique ou de métal. Ne restait d’humain que son bras gauche, et le haut de son visage, autour des yeux.


Le beau garçon qu'il était autrefois avait totalement disparu. Une partie de lui était horrifiée par cette transformation. Mais elle était actuellement annihilée par la colère et le désir de revanche. Son nouveau corps l'avait fait devenir plus rapide et plus fort. Il avait passé des semaines à s'entraîner pour s'y habituer. Maintenant, il était prêt au combat. Et il attendait ce dernier avec impatience.


Genji poussa une porte devant lui et entra dans la salle de briefing. C'était une large pièce, qui lui rappelait un petit cinéma : il y avait un grand écran tout au fond et à l'opposé se trouvaient de nombreux siège. Près du coin inférieur gauche de l'écran se trouvait un bureau avec un ordinateur, sur lequel était en train de travailler Gérard Lacroix.


- Bonjour Genji, dit-il. Vous êtes très en avance.


- Vous aussi.


- En réalité, je suis resté dans cette salle après le passage de la dernière escouade. Avec tout ce travail, je préfère économiser le temps.


Gérard était en charge des opérations contre l'ancienne famille de Genji. Les personnes ayant davantage de responsabilité à Overwatch se comptaient sur les doigts d'une main.


- Comment se déroule votre plan ?


- Très bien, dit le français avec ravissement. Environ la moitié des petits criminels qui travaillaient pour les Shimada ont accepté notre offre d'amnistie. Combiné à nos précédentes actions, j'estime que nous avons mis hors-service les deux tiers de leur organisation.


- J'ai manqué les principaux combats, dit Genji, frustré.


- Il reste encore beaucoup à faire. Et puis nous n'aurions pas atteint de tels résultats sans les informations que vous avez apportées.


Genji ne s'était jamais beaucoup intéressé aux affaires des Shimada. Mais il connaissait les principaux chefs, sa proche famille, le nom des entreprises légales qui servaient de couverture, celles qui lui donnaient de l'argent, et les lieux d'activités du clan, les endroits où se rendaient son père pour « travailler ». Il aurait fallu à Overwatch des mois, voire des années, pour obtenir toutes ces informations.

Mais parler bien à l’abri, ce n'était pas la même chose que se battre. On ne ressentait pas la même chose. Et Genji avait besoin de combattre pour apaiser la rage qui l'animait. De se battre contre une personne bien précise.


- Toujours pas de trace de mon frère ? demanda-t-il.


- Non. Vous ne croyez pas qu'il s'est exilé comme le disent tous les Shimadas que nous avons capturés ?


Ce n'était pas que Genji n'y croyait pas. Quand il y réfléchissait un peu, c'était même tout à fait possible. Hanzo, si droit, si honorable, si respectueux des traditions. Tout à fait son genre de s'exiler s’il estimait avoir commis une faute.

Le problème était que Genji ne voulait pas qu'il en soit ainsi. Car Overwatch ne localiserait pas Hanzo si ce dernier ne représentait pas une menace. Et sans l'aide de l'organisation, Genji ne pouvait le retrouver. Admettre que son frère avait quitté le clan, c'était donc admettre qu'il ne pourrait pas prendre sa revanche contre lui. Contre celui qui avait autant mutilé son corps.


- Je ne sais pas, répondit-il donc.


Gérard lui sourit aimablement et retourna à son travail. Genji s’assit sur une chaise et attendit, exercice difficile tant le tourmentait sa rage.


Quelques minutes plus tard ce fut la docteure Ziegler qui entra dans la pièce. Elle avait revêtu son armure walkyrie, même si elle n'était pas équipée de son bâton caducée et de son arme de poing.


- Bonjour Angela, dit aimablement Gérard. Toi aussi, tu es en avance.


- Bonjour. Je souhaitais parler à Genji avant la mission.


- Il est tout à toi, alors. Le briefing ne commence que dans dix minutes.


Et il se remit son travail tandis que Mercy s'approchait du ninja.


- Bonjour docteur Ziegler, dit aimablement ce dernier.


- Bonjour Genji. Comment allez-vous ? demanda-t-elle d'une voix douce et triste.


Ce ton le surprit.


- Bien, dit-il mécaniquement.


- Vous mentez très mal, Genji.


- Et vous, pourquoi êtes-vous si triste ? réagit-il, sur la défensive. Quel est votre problème ?


Elle le regarda de haut en bas, son visage devenant plus malheureux alors qu'elle l’observait.


- Ce qu'ils ont fait de vous, voilà ce qui me pose problème. Ce corps cybernétique devait vous permettre de marcher à nouveau. Mais à la place on vous a transformé en arme vivante. Aucun humain ne devrait subir cela.


La tristesse du docteur émut Genji qui perdit de son agressivité.


- J'ai demandé qu'il en soit ainsi, dit-il, apaisant. Je veux être le plus efficace possible dans ce conflit.


- Et si c'était une décision prise rapidement sous le coup de l'émotion, du genre que vous regretterez plus tard ?


- Je suis concentré sur le présent, docteur. Et pour le présent, ma décision me convient.


- J'espère que cela restera le cas.


Son ton attristé faisait comprendre qu'elle pensait que ça n’arriverait pas. Genji se sentait mal à l’aise devant le chagrin de cette personne qui l'avait sauvé des griffes de la mort.


- Merci de penser à moi, docteur, dit-il avec respect. Cela me touche beaucoup.


Cela réussit à rendre le sourire à Angela. Elle le salua poliment puis se mit à bavarder avec Gérard.


Le reste de l'escouade arriva petit à petit. Le prochain à entrer fut immédiatement remarqué par Genji : c'était un gigantesque gorille parlant, équipé d'une imposante armure. Mais le détail le plus troublant était les discrètes lunettes qu'il portait.


Malgré son air imposant, le gorille, dénommé Winston, se montra particulièrement amical et curieux, bien que maladroit dans ses prises de paroles. Il salua chaudement Gérard et Angela, puis se dirigea vers Genji, qu'il bombarda de questions.


Le ninja se laissa prendre au jeu, ayant lui-même de la curiosité devant cette singulière créature. Mais son désir de solitude finit par l'emporter et il mit fin à la conversation. Winston n'en fut absolument pas fâché. Il commença à parler avec Mercy, s’engageant dans une discussion scientifique dont le cyborg perdit rapidement le fil.


Ensuite, une femme entra. Elle était bien plus âgée que Genji, devant approcher de la cinquantaine. Un insigne de lieutenant était visible sur son uniforme d’Overwatch, qu’elle portait par-dessus un gilet pare-balle. Ses cheveux roux parsemés de gris étaient coupés à la militaire, tandis que sa peau était d'un blanc très clair. Son attitude était celle d'une vieille combattante qui ne pouvait s'empêcher d'être toujours sur ses gardes.


Elle salua tout le monde d'un « 'jour » amical avant de s'approcher de Genji.


- Salut bleusaille, dit-elle en lui tendant la main.


Son anglais avait un fort accent d’Europe de l'est. Polonais sûrement.


- Salutations, je suis Genji, dit-il en serrant la main tendue.


- Jagna.


Elle le détailla d'un air neutre.


- Notre maître espion…


Son menton fit un bref mouvement en direction de Gérard, occupé à tapoter le clavier de son ordinateur.


- ...ne nous a pas tout dit. Mais on sait que c'est les types qu'on va combattre qui t'ont blessé au point que tu sois obligé d'être comme ça. Sois sûr qu'on a déjà fait payer ces salopards. Et qu'on le leur fera encore plus.


- J'y compte bien, dit-il avec un ton féroce.


Jagna sourit.


- Voilà le genre de chose que j'aime entendre.


Ceci dit, elle alla s’asseoir, à l’écart. Comme Genji, Jagna semblait avoir besoin de solitude.


Deux minutes plus tard, un autre individu entra dans la salle. Genji ne vit pas tout de suite son visage car il portait un chapeau à large bord. À cela s’ajoutait un poncho court de couleur rouge, par-dessus un plastron pare-balle. Le bras gauche de l’homme était un implant cybernétique. À sa ceinture se trouvait un pistolet à six-coups. L’ensemble semblait tout droit sorti d'un film de western.


Ce nouvel arrivant s’affala nonchalamment dans un siège juste à côté de Genji, calant ses jambes contre celui d'en face. Puis il se tourna vers le ninja.


- Salut l’ami. Joli look, dit-il du ton de la plaisanterie.


- Toi aussi, répliqua Genji du même ton. Pas peur de paraître déplacé au Japon ?


- Ha, ha. Ça leur fera un spectacle original au moins.


- C'est sûr, confirma Genji en riant lui-même.


Il se sentait tout de suite plus détendu. Depuis combien de temps n'avait-il pas pu échanger des blagues anodines avec quelqu'un de sympathique ? Cela lui manquait.


- Tu ne portes pas l'uniforme ? demanda-t-il tandis que le cow-boy allumait un cigare.


- Eh bien...toi non plus, répondit-il tout en mettant le cigare à ses lèvres.


- Ce serait difficile vu ma situation.


Le cow-boy tira une bouffé, retira le cigare et dit :


- Hum...ils auraient toujours pu peindre le métal en bleu.


Ils rirent de nouveau.


- Non, en vrai, j’ai un uniforme, dit McCree. Mais on m’a pas demandé de le mettre pour cette mission.


Genji s’apprêta à répondre, mais il vit alors le prochain membre de l'escouade arriver. Il la reconnut de suite. C'était la légende vivante Ana Amari.


Elle salua tout le monde dans la salle avant de se diriger vers le chef d'opération. L’ouïe artificiellement améliorée de Genji lui permit d'entendre leur conversation.


- Vous étiez déjà là hier, avant-hier et tous les autres jours de la semaine. Est-ce que vous dormez dans cette salle, Gérard ? demanda-t-elle, mi-plaisantant, mi-sérieuse.


- Non, je vais au dortoir des installations. J'ai des goûts de luxe : il me faut un lit.


- A quand date la dernière fois où vous êtes rentré chez vous ?


Il soupira.


- Je ne peux me permettre de perdre les heures de voyage entre le Japon et la France. Pas avec toute les choses que j'ai à faire.


- Vous travaillez trop, Gérard, dit-elle, très sérieusement. Vous devriez déléguer un peu et prendre le temps de voir votre famille.


- C'est l'opération la plus importante que l'on m'ait confiée. Elle doit se dérouler parfaitement. Comme ça, ni vous ni Morrison ne pourrez me reprocher quoi que ce soit, finit-il, sur le ton de la plaisanterie.


A la surprise de Genji, la docteur Ziegler se leva, abandonnant au passage sa conversation avec Winston, pour intervenir :


- Ana a raison, Gérard, dit-elle, d’une voix très gentille. Passer toute tes journées à travailler ne va pas rendre cette opération parfaite. Tu fais juste cela pour avoir l'impression de contrôler les choses. Mais tu as besoin de prendre le temps de te détendre, ajouta-t-elle.


Le français afficha pendant quelques secondes un air surpris. Puis il partit sur un léger rire :


- D'accord Angela, tu marques un point. Je prendrais une journée de repos demain.


La docteur Ziegler gratifia le français d'un sourire heureux avant de retourner s’asseoir. Ana elle-même se dirigea vers une chaise tout en disant à la suisse :


- Je suis contente que, toi au moins, tu arrives à le raisonner.


Peu de temps après entra un autre homme, qui devait avoir cinq ou six ans de plus que Genji. Il portait le même équipement que Jagna. Mais ce n'était pas ce qu'on remarquait au premier abord chez lui.

Car il était très beau, avec sa peau légèrement cuivrée, ses beaux yeux bleus et ses cheveux noirs mi-longs qui encadraient un visage carré. L'attitude charmeuse qu'il affichait ne faisait que renforcer l'ensemble. Genji ne put s'empêcher de sentir de la jalousie devant cette personne qui possédait une beauté que lui-même avait perdu.


Le ninja remarqua que l'homme faisait des efforts pour paraître amical. Mais Genji ressentait bien que, sous ce masque, l'homme était dégoûté par le corps robotique de Genji et par la nature de Winston, ce qui le faisait se tenir à l’écart de ces deux-là. Il se tenait également éloigné de Gérard, maintenu à distance par de la gêne et une certaine peur.


En voyant le nouvel arrivant, le français eut l’air amusé. Il se leva et s’approcha de l’autre homme. Ce dernier afficha un sourire de façade mais Genji sentit que sa nervosité augmentait.


- Caporal Adelardo, commença Gérard. Vous savez décidément vous mettre en valeur : le commandant Morrison en personne vous a recommandé pour cette mission.


- Oh ? Très aimable de sa part, répondit le dénommé Adelardo.


- Oui. Cependant… J'avais quelques raisons qui auraient pu me pousser à ne pas être en accord avec cela...poursuivit Gérard.


Cette phrase interrompit les autres conversations dans la salle et provoqua quelques regards surpris. Il était difficile de savoir si le français plaisantait ou non. Mais l’inquiétude d'Adelardo devint cette fois clairement visible.


- Mais refuser de vous affecter à cette escouade pour ces raisons aurait été contre les idéaux de notre organisation, enchaîna Gérard, cette fois d’un ton plus léger. Vous devriez être tranquille de ce côté-là.


Il fit un clin d’œil à l'autre homme, qui paraissait toujours aussi inquiet, avant de se positionner devant l’écran.


- Mesdames, messieurs, dit Gérard. Il est temps de commencer ce briefing.


Cela fixa définitivement l’attention sur lui, créant un silence dans la salle. Gérard prit alors une manette et appuya sur un de ses bouton, faisant apparaître une image à l'écran. C'était une photo représentant un quai maritime, sur lequel était construit un large entrepôt.


- Cet endroit est une installation des Shimadas, d'où ils reçoivent et expédient leurs cargaisons de produits illégaux à travers le monde. Armes, drogues, êtres humains…


Genji ne put retenir un mouvement de surprise. Des êtres humains ? Sa famille trempait-elle réellement dans quelques chose d'aussi malfaisant que l'esclavage ?


- D’après nos informations, la place serait lourdement gardée. Au début nous avons donc préféré y aller en douceur. Bianca et une de ses équipes ont mis en place une surveillance permanente de la zone, il y a quelques jours de cela.


- Qui est Bianca ? demanda discrètement Genji au cow-boy.


- Pas lu les memos, hein ? commença-t-il, légèrement moqueur. Elle est à la tête de la section Renseignement d'Overwatch. Ce qui fait aussi d’elle l'ancienne boss du français. Une dame sympa.


- Mais récemment, ces observateurs ont aperçu un convoi transportant au moins deux cent personnes à l'intérieur de l'entrepôt, poursuivit Gérard. Juste après qu'une vague de disparitions ait secoué le Japon.


Un murmure d'indignation traversa la salle. Genji lui, se sentait assailli par la honte. Ce sentiment alimenta aussitôt sa colère.


- Je ne pense pas avoir besoin de vous expliquer les raisons morales motivant le sauvetage de ces personnes, enchaîna Gérard. Il y a aussi des raisons stratégiques : nous avons asséché les finances des Shimadas. Mais s’ils réussissaient à vendre ces gens, ils obtiendraient suffisamment d'argent pour relancer nombre de leurs activités. Ces deux facteurs réunis justifient une opération.


Il marqua une pause avant de continuer :


- Vos objectifs sont, par ordre de priorité : sauver les personnes enlevées, survivre et, en tout dernier, arrêter d'éventuels membres du clan Shimada. Vos vies, et celles d’innocents, sont plus importantes que le fait d'avoir un criminel en geôle.


Il sembla à Genji que Gérard le regardait particulièrement tandis qu'il disait cela.


- C'est une opération de police, faites un usage raisonné de la force et limitez au maximum le nombre de morts, poursuivit le français, très sérieux.


Puis soudainement il afficha un grand sourire et se mit à parler d'un ton ironique :


- Vous devez donc entrer dans un lieu inconnu, lourdement gardé et bourré d'otages potentiels, tout en essayent de ne tuer personne. Cela fait très mission impossible, dit comme cela.


Son sourire s'élargit :


- Mais vous allez y arriver. Parce que vous êtes parmi les meilleurs dans tout Overwatch. Les deuxièmes meilleurs, très exactement. Il y a parmi vous plusieurs de nos recrues au plus haut potentielles.


Tout en parlant, il se mit en face d'Ana.


- Vous aurez donc l'immense honneur d'être maternés par la capitaine Amari, enchaîna le français, du ton de la gentille plaisanterie. Soyez sages, sinon elle le saura !


À cette phrase, il y eut quelques rires dans la salle.


- Je crains que la plaisanterie ne m'échappe, murmura Genji au cow-boy


- La capitaine Amari a une fois laissé échapper qu'elle considérait chaque membre de son équipe comme faisant partie de sa famille, expliqua celui-ci. Depuis Gérard la chambre sur ça à chaque occasion, finit-il, amusé.


Que l'on se moque ainsi d'une légende vivante surprenait Genji. Mais vu la réaction de la salle, cela devait être normal ici. Ce n'était pas les mêmes traditions que ce à quoi il était habitué.


- Gérard...réagit pour sa part Amari, mi-amusée, mi-excédée.


- Oui, maman ? répondit-il, toujours moqueur.


- Je vous ferai payer ça un jour, dit-elle, pas trop sérieuse.


Gérard sourit, amusé, avant de retourner devant l’écran.


- La lieutenant Jagna assurera le commandement en second de cette opération, dit-il. Elle, évitez de la prendre pour votre mère. Ou vous serez très déçu.


- Je vous retiens Lacroix, répondit l’intéressée, tandis que de nouveaux rires se faisant entendre.


-Je sais, je suis inoubliable, dit joyeusement le français, en retournant s’asseoir.


La capitaine Amari se leva alors, avant de se positionner devant l’écran, tout en prenant une expression sérieuse. Il était clair que la minute plaisanterie était terminée.


- Comme l'a souligné Gérard avant moi, cette mission sera particulièrement délicate. Nous procéderons donc prudemment. D'abord, une reconnaissance rapide sera effectuée. Bianca a eu l’amabilité de rester sur place pour nous aider, Genji ira la rejoindre et les deux infiltrerons le bâtiment.


A cette annonce Genji sentit l'excitation monter en lui. Enfin une mission digne de ses compétences ! Enfin il allait pouvoir faire ses preuves !


- Winston et Angela se tiendront en réserve, poursuivit la capitaine. Jagna prendra avec elle Adelardo et McCree pour établir une ligne de surveillance à l'entrée du bâtiment. Moi je vous surveillerai depuis cette position.


Tout en parlant elle montrait divers points sur une carte à l'écran. De son côté, le cow-boy, que Genji devina être McCree, commenta :


- Oh non...je vais devoir aller avec ce blanc-bec. Tu as de la chance de l'éviter, crois-moi.


- Le plan est simple, poursuivit Amari. D'abord repérer les personnes enlevées. Ensuite prendre contrôle le plus vite possible du lieu où elles sont détenues. Et après, quand les otages seront saufs, là nous verrons si on peut capturer quelques criminels. Le reste des détails, nous l'adapterons en fonction de la situation. Des questions ?


Il n'y en avait pas. La capitaine déclara que la mission commencerait dans une heure et qu'ils devaient être prêts d'ici là. Puis ils sortirent de la salle.


- De quoi Gérard parlait-il lorsqu’il évoquait ses « raisons » ? demanda d'un ton curieux Ana à Adelardo, une fois qu’ils furent hors de la salle.


Celui-ci prit un air gêné :


- Oh, mais rien du tout. Il plaisantait. Vous plus que quiconque savez que c'est un farceur.


Cette explication ne paraissait pas très crédible à Genji. Mais il s'en fichait : seule la mission occupait ses pensées.

Il passa plusieurs dizaines de minutes à s'entraîner, voulant s'assurer qu'il s'était bien totalement habitué à son nouveau corps. C'était le cas.


Juste avant la mission, Genji se dirigea vers le hangar. L’armurerie se trouvait sur le chemin. Il y récupéra ses deux sabres, tandis que des shurikens étaient stockés dans certaines partie mécaniques de son corps. Il camoufla aussi son visage avec une visière.


- Des épées ? commenta McCree en le voyant arriver. Eh bien, toi au moins, tu ne paraîtras pas déplacé.


- Attends de voir de quoi je suis capable avec, répliqua Genji.


- Eh bien...ce sera intéressant, répondit le cow-boy en souriant.


Ils embarquèrent avec le reste de l'escouade dans un avion de transport. Le voyage se passa en conversation badine. Ce fut pour Genji l'occasion de mieux comprendre l'origine de la plaisanterie de Gérard. La capitaine Amari prit le temps de discuter avec chaque membre de l'escouade. Elle leur demandait d'abord comment ils se sentaient et s’ils avaient des craintes à exprimer sur la mission. Et il y en avait.


Angela redoutait que leur intervention ne mène à une exécution des personnes qu'ils venaient sauver. Winston avait peur de ne pas se contrôler et de tuer quelqu'un par accident. Jagna craignait qu'une approche trop prudente laisse des bandits s'enfuir. Adelardo avoua à demi-mot qu'il redoutait qu'un échec de cette mission, particulièrement ardue, mettent en difficulté sa carrière.


Elle les rassura un à un, patiemment et avec des arguments raisonnables.


McCree dit que tout allait bien et Ana le crut. Mais quand Genji dit la même chose, elle eut une réaction différente :


- Ou plutôt vous ne voulez pas confier vos peurs à une étrangère. Je comprends, la confiance prend du temps pour se mettre en place.


Elle discutait aussi de détails de moindre importance, demandant des nouvelles de proches ou de la famille. Mais là aussi Genji n'avait rien à dire. Même échanger d'autres plaisanteries avec le cow-boy ne l’intéressait pas. Il était concentré sur la mission à venir.


Leur transport se positionna à une demi-heure de marche de leur cible, plus près, le bruit d’atterrissage aurait attiré l'attention. Au fur et à mesure qu'ils avançaient, les membres de l'escouade se séparèrent pour prendre leurs positions respectives. La capitaine partit en premier, puis ensuite ce fut le tour de Mercy et Winston. En dernier, Jagna, Adelardo et McCree se séparèrent de Genji et ce dernier se retrouva seul.


Il marcha pendant quelques temps dans les ruelles sombres qui composaient cette zone industrielle et portuaire. Son prochain objectif était le point de rendez-vous avec Bianca.


Soudain, Genji entendit quelques choses bouger derrière lui. Il se retourna brusquement, dégainant à moitié sa lame courte.


- Mince, j'aurais aimé te faire « bouh », plaisanta une voix féminine, .


La personne qui lui faisait face portait une armure pare-balle d'un noir sombre et un casque à visière qui masquait entièrement ses traits et son corps. Il était tout de même possible de voir qu’elle avait un physique de soldate aguerrie. Son armement consistait en un fusil lourd, très sophistiqué, complété d'une arme de poing et d'un couteau.


- Bianca ? demanda le ninja d'un air méfiant.


- Elle-même. Et toi tu dois être Genji. Hum...ce corps cybernétique est encore plus impressionnant vu de près, dit-elle.


Sa tête effectua un léger mouvement vers le bas, ce qui fit penser à Genji qu'elle le détaillait.


- Vous ne ressemblez pas à une espionne, dit pour sa part le ninja.


- C’est parce que je n’en suis pas une. Je viens des forces spéciales italiennes, unité d’éclaireurs.


Genji resta silencieux.


- Bien, allons faire cette reconnaissance, dit finalement Bianca.


Les deux confirmèrent leurs jonctions à Ana et reprirent leur avancée.


- Mon équipe et moi on observe cet entrepôt depuis des jours, murmura l’italienne tandis qu'ils avançaient. Mais tes petits copains sont sacrément discrets, je dois le reconnaître. J'espère que cette approche donnera plus de résultat.


- « Mes petits copains » ?


- Allons Genji…Pas à moi. Je dirige la section Renseignement. Je sais qui tu es.


Il ne répondit rien et la progression continua dans le silence. Bientôt l'entrepôt fut en vue. Bianca sortit une paire de jumelles.


- Couvre moi, il y a des patrouilles qui passent par ici.


Elle s’allongea et commença à observer le bâtiment. Genji se positionna dos à elle.


Entre le moment où Genji entendit le bruit et celui où il réagit, il s'était passé moins d'une seconde. Son poing s’abattit dans le ventre de l'homme qui approchait tandis que sa main couvrait la bouche pour empêcher l’individu de crier. L'homme se plia en deux dans le silence. Un second coup au ventre acheva de le plonger dans l'inconscience. Le tout avait duré à peine deux secondes.


Bianca se releva pour voir ce qui s'était passé.


- Impressionnant, commenta-t-elle. Ces implants valent bien leur coût.


L'homme que Genji venait d’assommer était un criminel de petit niveau. Le genre de brute à louer ses services de gros bras au plus offrant. Il était vêtu de vêtements de cuir noir et d'un bracelet à pointe, qui aurait pu le rendre intimidant s’il n'avait été piteusement étalé à terre.


- Et en plus il est vivant, poursuivit Bianca. Cela va faire plaisir à Gérard. Il est tellement sensible que ça en est mignon.


Elle retira un pistolet au bandit qu'elle démonta en trois mouvements parfaitement maîtrisés. Ensuite elle le ligota et le bâillonna avant de signaler à Ana ce qui s'était passé.


- Vous avez pu voir quelque chose ? demanda Genji.


- Ouais. Ces fous furieux ont mis une putain de mitrailleuse en face de la porte principale. On va éviter de passer par là, d'accord ?


- Je peux gérer ça.


- Cool, ça fait un plan B. Restons sur le plan A en attendant. Ok, terreur ?


Genji hocha la tête affirmativement. Une fois que Bianca eut communiqué ses découvertes à Ana, elle et Genji firent le tour du bâtiment. Le ninja aperçut une large fenêtre sur le mur est de l'entrepôt, au deuxième étage. Les vitres étaient cassées, créant de larges ouvertures.


- Je pourrais entrer par-là, dit-il en montrant l'endroit à Bianca.


- Et comment tu franchis la distance qui sépare cette fenêtre du sol, terreur ?


- Je suis capable de grimper sur les murs.


- Hum, ça vaut le coup d'au moins jeter un coup d’œil. Vas-y terreur, je te couvre.


Elle prévint Ana de leur manœuvre tandis que Genji commençait son escalade. La surface était parfaitement lisse mais son entraînement passé, associé à quelques pièces d’équipement adaptées, lui permettait tout de même de grimper. Il avait parcouru la moitié de la distance quand il entendit un bruit mat derrière lui. Il se retourna et vit Bianca qui surplombait le corps d’un autre criminel. Un coup de crosse l'avait plongé dans l'inconscience. La femme leva le pouce vers Genji avant de retourner à sa garde.


Le cyborg acheva son escalade et jeta un coup d’œil par la fenêtre. L'étage était désert.


- Rien à signaler, dit-il dans son communicateur intégré. Autorisation de continuer ?


- Accordé, lui répondit la voix d’Ana.


Il avança un peu avant de trouver une trappe, l’entrouvrit prudemment et jeta un coup d’œil à l'intérieur. Cela lui permit d'acquérir une vue sur la salle principale de l'entrepôt. Malheureusement, elle était remplie de caisses de toute sorte qui limitaient considérablement sa visibilité.

Mais pas au point de l'empêcher de voir la gigantesque cage, à l'intérieur duquel se trouvaient plus de deux cents personnes.


Autour se trouvait une demi-douzaine de gardes. Ce n'était pas des criminels ordinaires. Ils étaient vêtus de vêtements traditionnels et leurs seules armes visibles étaient des sabres. Des Shimadas. Genji reconnaissait l'un d'eux.


- J'ai trouvé les personnes enlevées. Elles sont entourées par six gardes. L'un d'eux est Masaru Shimada.


- Un des anciens du clan, commença Ana. Hum…, il doit être en charge de leur opération ici, réfléchit-elle.


Mais pour Genji ce n'était pas n'importe quel ancien. C'était celui qui avait exigé qu’il prenne plus de responsabilités dans le clan, menant à sa confrontation avec Hanzo. Masaru était directement responsable des mutilations qu’il avait subies.


- Je peux me charger de lui et des cinq autres dès maintenant, dit le cyborg, avec une voix remplie de haine.


- Négatif, répondit Ana d'un ton ferme. Finissez de localiser toutes les personnes présentes dans le bâtiment, ainsi que les entrées potentielles.


- Reçu, dit Genji, une pointe de regret dans la voix.


Il ouvrit la trappe un peu plus grand et se laissa tomber silencieusement sur une pile de caisses. Il sauta discrètement sur une autre pile un peu plus loin, dans le but de pouvoir voir le fond de l'entrepôt.


- Il y a une double-porte à l'arrière, communiqua-t-il. Pas de gardes, mais elle est barrée par des chaînes et reliée à une alarme.


- Ça fera l'affaire, déclara Ana, satisfaite. Très bien, Bianca, tu neutralises l'alarme de l'extérieur. Adelardo, McCree et Jagna vous passerez par la porte de derrière. Au moment où vous entrerez, Winston, Mercy et moi lancerons une attaque de diversion par la porte principale. Genji, tu restes en observation près des civils et tu interviens pour les protéger s’ils sont menacés. Bien reçu, tout le monde ?


L'ensemble de l'escouade confirma et Genji se résigna à attendre. Il revint à son premier poste d'observation, contemplant les personnes emprisonnées par sa famille. Ils étaient terrifiés et affamés. Certains portaient des traces de coups, voire de blessures plus graves.


Et à côté de ça, Masaru se tenait à les surveiller, imperturbable. Il ne semblait accorder aucune importance à la souffrance des captifs devant lui.

Comment pouvait-on se montrer aussi froid et cruel ? Était-ce là le vrai visage de sa famille ? Des monstres.

Genji sentit la haine grandir en lui. Il n’entendit que d'une oreille discrète Bianca signaler que l'alarme avait été désactivée.


Alors qu’il observait, le regard de Genji fut attiré par quelque chose. Un des captifs était parvenu à sortir de la cage. C'était un tout jeune enfant, qui devait avoir à peine cinq ou six ans. Sa petite taille lui avait permis de se glisser à travers les barreaux.

Il commença à avancer discrètement vers la sortie. Mais soudainement, Masaru le remarqua. Il cria au gamin de s'arrêter. Mais ce dernier, paniqué, n'obéit pas. A la place, il se mit à courir à toute vitesse.

Masaru envoya un unique shuriken. Qui se planta dans la nuque du garçon. L'enfant s'effondra au sol, mort.


- Monstre ! cria Genji dans sa langue natale, tout en sautant.


Il envoya une volée de shuriken vers Masaru mais son oncle l'esquiva facilement. Les gardes dégainèrent leurs sabres.


Alors que Genji retombait au sol, il fut assailli d'un coup à la taille. Il para l’attaque de son sabre court avant de répliquer, frappant tout en se projetant en avant vers un prochain adversaire. Une tache sombre apparut sur le torse du garde, alors que le sang s'écoulait de sa blessure.


Mais la seconde d'après, ce furent trois gardes qui se précipitèrent sur Genji qui dut utiliser toute sa concentration et sa vitesse pour parer leurs attaques. Cela suffit pendant quelques secondes.


Puis Genji sentit la froide morsure d'une lame qui blessait son dos, traversant la carapace de métal pour atteindre la chair.


- Tu vas payer ta stupidité de ta vie ! énonça froidement Masaru.


- Non. C'est vous qui allez payer pour les crimes que vous avez commis !


Utilisant toute la puissance de son corps, Genji sauta dans l'air, se mettant hors de portée de ses assaillants. Ce faisant, il dégaina son sabre long.


- Goûtez à la lame du dragon ! incanta-t-il.


L'antique puissance de sa famille se mit à couler en lui et son épée, accroissant le tranchant de sa lame et la vitesse de son corps.


Alors qu'il retombait sur le sol, Genji frappa. Un sabre tenta de parer le coup, mais il fut brisé, sans interrompre la course de la lame du dragon. Cette dernière alla droit au cœur, tuant le garde sur le coup.


- C'est impossible ! s'exclama Masaru d'une voix stupéfaite.


Lui et les trois autres survivants se remirent à attaquer Genji. L'habilité de ce dernier ne fut pas suffisant pour esquiver ou parer autant d'adversaires et il fut touché par deux fois, un coup à la jambe et un autre sur le bras. Ces blessures successives commençaient à le ralentir, mais pas au point de l'empêcher d’abattre une autre de ses ennemis, d'un coup à la gorge.


- Vous vous rappelez de moi, mon oncle ? lança-t-il.


- Genji ? demanda celui-ci, toujours stupéfait.


Nouvelle passe d'arme. Le sabre de Genji transperça le ventre d'un autre garde mais pas avant que celui-ci n'ait pu toucher le cyborg à l'épaule.


- Tu refuses d'obéir au clan et maintenant tu t'en prends à ta propre famille ?! déclara Masaru, la stupéfaction laissant place à de la colère. Traître ! cria-t-il en frappant.


Son coup toucha le cyborg sur le torse, transperçant un circuit électrique. Les blessures successives réduisaient considérablement les capacités de Genji, qui se mouvait de plus en plus lentement.


- Vous êtes des criminels ! cria Genji. Des monstres ! C'est avec plaisir que je vous combats !


Sa rage lui permit de porter un ultime coup, son sabre tranchant la gorge de la dernière garde. Mais son oncle en profita alors pour transpercer de son arme la jambe du cyborg. Un autre circuit fut perforé.


Au moment même où l'énergie du dragon quitta Genji, celui-ci tomba à genoux, brisé par les multiples blessures qu'il venait de subir.


- Alors combats-nous. Et meurt, déclare froidement Masaru en se préparant à donner le coup fatal.


Un coup de feu retentit alors. Un point rouge apparut sur la tête de l'oncle de Genji, juste avant qu'il ne s'effondre au sol.


Le ninja tourna la tête dans la direction du tir et aperçu McCree, son six-coups en main, le canon fumant. Le cow-boy fit un clin d’œil avant de se diriger vers lui. Non loin, se trouvait Adelardo et Jagna, avançant dans la salle d'un œil vigilant.


- Merci...dit faiblement Genji.


- De rien, l’ami. Si je peux me permettre, tu as une tronche horrible.


Il activa son oreillette et ajouta.


- Ici McCree, Genji est devant moi et il aurait bien besoin d'un doc.


- Ici Mercy, j'arrive au plus vite.


Des bruits de combat se faisaient entendre à l'avant de l'entrepôt. Winston et Ana étaient sans doute en train de s'occuper des gardes de la porte principale.


- Bon dieu, regardez-moi ce carnage, dit Adelardo d'un ton désespéré, en voyant les corps des gardes.


Il enchaîna vers Genji :


- Tu te souviens du moment où Gérard parlait de mission de police où il fallait éviter de tuer ? Qu'est-ce qui t'a pris d'engager le combat sans autorisation, bon sang ! Que va-t-on dire à Ana ? Et aux journalistes ?

 

McCree soupira :


- Voilà pourquoi je n'aime pas les missions officielles.


De son côté, Jagna porte son regard sur l'enfant mort. Ses yeux revinrent ensuite vers Genji et il sembla à ce dernier qu'elle comprenait ce qui était arrivé. La lieutenante s'approcha de lui à grand pas.


- Écoute-moi bien. Voilà ce qui s’est passé : tu t'es fait repérer alors que tu étais en observation et ces cinq-là t'ont attaqué. Tu ne voulais pas les tuer, mais vu la situation tu n'avais pas le choix. Compris, bleusaille ?


- Oui…dit-il d’une voix faible.


- Lieutenante, bon dieu ! Il y a deux cent témoins juste à côté de nous, signala Adelardo d'un ton plaintif.


- Tu penses vraiment que, serrés dans cette cage comme ils sont, tous ces types-là ont pu apercevoir ce combat ? Sans doute un quart l'a pu. Ceux-là ont vu un héro venu les sauver de leurs ravisseurs. Donc je pense que si on leur demande de donner notre version, ils accepteront. Y'en aura sans doute un ou deux qui balanceront. Mais ce sera leur parole contre celle de tous les autres, plus la nôtre.


- D’accord, ça peut marcher, admit Adelardo.


- Ça va marcher, affirma Jagna.


Elle tourna les yeux vers Genji :


- T'inquiète pas, bleusaille. On te laissera pas tomber.


Les bruits de combat à l'avant de l'entrepôt cessèrent tandis qu’un bruissement d'ailes se faisait entendre, signe de l'arrivée du docteur Ziegler. Cette mission était maintenant terminée.


Genji avait pu assouvir sa soif de vengeance. Il avait combattu, tué et vu un de ses bourreaux mourir.

Mais pourtant il ne se sentait pas satisfait. Juste...vide. Toute sa colère était partie. Mais elle n’avait rien laissé à la place.


*Aujourd’hui*


A la stupéfaction de Sayuri, Genji rengaina son sabre.


- Je n’appréciais pas Masaru. Mais je n’ai jamais pris le temps de bien le connaître. Si autrefois, j’avais agi avec plus de retenue et de sagesse, cela aurait été possible, dit-il, triste.


Il recula légèrement. Juste à côté, le moine omnic observait la scène, impassible.


- A la place, je me suis laissé dominer par la haine. Et des gens sont morts. Pour cela Sayuri, je te demande pardon.


Sa cousine se releva péniblement, stupéfaite par ce qu’elle entendait.


- Tu me demandes pardon ?


Genji hocha la tête.


- Comment oses-tu ?! Tes actes ont causé la mort de la moitié de notre famille et la perte de tous ses biens ! Il ne peut y avoir de pardon pour cela !


Le cyborg baissa tristement la tête et ne répondit pas. Le silence régna dans la salle pendant une minute.


- Pourquoi ne m’achèves-tu donc pas ? demanda finalement Sayuri.


- J’ai renoncé à cette voie, dit simplement Genji.


- Je reviendrai te traquer, dit sa cousine.


Dans sa voix, on pouvait percevoir un soupçon d’excuse, comme si elle se sentait gênée de rester aussi agressive face à la pitié de Genji.


- J’ai espoir qu’un jour, tu sortiras de ce cycle de haine, déclara ce dernier.


Lentement, Sayuri quitta le temple. Après avoir parcouru quelques mètres, elle ne put s’empêcher de regarder en arrière.

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