Overwatch : Recall

Chapitre 8 : Engagement

5794 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 29/05/2020 20:39

Chapitre 7 ; Engagement 


Précédemment : Jack, Ana et Amset se sont retrouvés autour d’un apéro dans la soirée pour discuter ce qui s’était passé pour eux depuis la chute d’Overwatch en attendant Lindhölm Torbjörn  


Amset avait été le premier à se lever, suivie d’Ana. Cette dernière, bien qu’elle ait voulu suivre son homme hors du lit malgré qu’il l’ait exhorté à se reposer, était maintenant emmitouflée dans un plaid, devant la cheminée allumée, les paupière lourdes. Amset, dos à la vitre qu’il avait ouverte, la regardait avec un sourire désabusé en prenant une tasse de chocolat au lait. Jack dormait encore et se réveillerait sûrement avec la gueule de bois, en témoignait le total de bouteilles vides faramineux sur la table ronde pourtant petite autour duquel ils s’étaient assis la veille. La télé passait la météo qui semblait être bonne pour la journée, et le quartier était encore calme. En bref, c’était une bonne matinée en perspective, mais c’était sans compter sur une venue inattendue.    

C’est le bruit qui aiguilla d’abord Amset. Perplexe, il se retourna et se pencha à la fenêtre. Il était curieux de voir ce qui faisait ce bruit de moteur alors qu’on n'avait pas la place de faire rouler une voiture dans la rue pavée contiguë à sa maison. Lorsqu’il eut la réponse à sa question, il poussa le plus gros hurlement de sa vie en lâchant sa tasse qui s’écrasa au-dehors sans qu’il la considère une seule seconde. Il rentra la tête dans le salon, pétrifié d’horreur et ferma maladroitement les fenêtres avec un empressement qui aurait été comique dans d’autres circonstances. Sa vue était déformée comme s’il était en proie à des hallucinations. Plus rien d’autre n’existait que ce qu’il venait de voir au-dehors, et qui provoquait chez les autres neufs milliards d’êtres humains la même réaction. Ana, en réponse à ses cris, se releva si brusquement qu’elle en eut une douleur au cou, et demanda ce qu’il se passait en calquant le ton d’Amset. 


— Un aut... un auto... un auto... balbutiait-il en se dirigeant vers la porte pour la verrouiller. 

— Oto... ?  

— Un automate de combat, réussit-il à cracher, le visage écarlate. Vite, monte à l’étage ! 

— Quoi ? s'exclama-t-elle en ramenant la couette à elle, effarée. 

Amset prit une arme à feux dans une armoire à glace. Par réflexe, elle voulut se diriger vers la fenêtre et regarder à son tour, mais Amset la toisa l’air interdit et l’attrapa par les épaules pour la faire se tourner vers les escaliers. 

— On va se cacher, lui ordonna-t-il. Et reste silencieuse. Avec un peu de chance... 


La fin de sa phrase s’arrêta dans sa gorge nouée, en même temps qu’Ana se figeait sur place. Le bruit de moteur s’était arrêté juste devant leur maison. Ils tournèrent tout deux lentement le visage vers la porte, mais s’arrêtèrent avant d’y arriver : A la fenêtre, l’automate de combat les regardait avec une avidité malsaine, une espèce de colibri présent sur son épaule. Alors que le couple n’avait eu le temps que d’écarquiller les yeux d’épouvante, le robot leur fit un salut mécanique de la main. Le médecin ne réfléchit pas à deux fois, et malgré le cri de terreur qui explosa dans sa gorge, il leva tout de même le bras pour tirer sur la machine de guerre. Ana, à qui il restait de beaux restes de sa vie de combattante comme l’avait souligné Jack la veille, attrapa Amset à la taille au moment où le robot levait le bras, de peur qu’il tire, et bascula par terre avec lui pour être protégé du canapé.  


— Ne me dis pas que tu as tiré sur lui ? lâcha-t-elle avec une grimace de douleur. 

— Fallait pas ? 


Le bruit que fit l’automate de combat au-dehors leur flanqua une chair de poule dont ils se rappelleraient encore longtemps. Aucun d’eux ne parlait le robot, mais ce bruit-là n’annonçait rien de bon, ils le savaient. C’était un cri mécanique à deux notes, l’une aiguë, l’autre plus grave. Il donna un coup de poing dans la vitre qui se brisa. L’unique led rectangulaire sur son visage était passée du bleu au rouge, et le colibri s’en était allé. L’impact de la balle pouvait se voir au niveau de son cou, mais manifestement, l’automate ne souffrait d’aucun dégât majeur. Alors que le robot traversait la vitre et se reversant comme un gros sac de patates dans le salon, Ana et Amset rampèrent jusqu’à la cuisine où ils trouvèrent refuge. A peine étaient-ils rentrés qu’ils entendirent une salve de tirs éclater le silence matinal et arracher le tissu du canapé derrière lequel ils se trouvaient.  


— On l’a échappé belle, soupira Amset dont le cœur battait la chamade, alors qu’il essuyait un mince rideau de sueur apparut sur son front. Tu penses que le gouvernement vous a retrouvé ? 

— Ils n’iraient pas jusqu’à envoyer un automate, répondit-il sèchement, bien que sa question instillât le doute dans son esprit.  


Elle entendit alors de lourds pas, comme des bottes tapant le sol, et comprit que Jack s’était réveillé. Le bruit caractéristique de son fusil à impulsion résonna dans le salon et leurs boîte crânienne à peine réveillée. C’est alors qu’au milieu de cet échange de coups de feu, une voix hargneuse s’élevait qui ordonnait aux combattants de se calmer avec autorité.  


— Torbie ?! s'exclama Jack. 

— Torbie ? répéta Amset à voix basse, perplexe. 

— Lindhölm ? s'enquit-elle, les yeux écarquillés de stupeur. 


Sous le regard stupéfait d’Amset, elle se redressa, trop vite pour qu’il la rattrape, et revint dans le salon. La scène était irréelle : Un nain sur le dos d’un automate de combat avec un oiseau jaune lui tournant au-dessus de la tête comme une auréole faisaient face à un vieil homme emmitouflé dans un peignoir avec un casque d’aide à la visée sombre devant les yeux. La vitre derrière Torbjörn était brisée, et des pans de murs étaient tombés dans la maison. La porte d’entrée avait été défoncée, probablement par le suédois. Amset la rejoint et resta bouche bée devant ce spectacle, alors qu’un sourire illuminait son visage. 

— Lindhölm ! répéta-t-elle, au comble de la surprise. Mais où étais-tu passé ? 

— J’ai dormi dehors, grogna-t-il en posant pied à terre, ce qui constituait, du fait de sa petite taille, à sauter dans le vide. Alors, c’est comme ça qu’on accueille ses amis ? ajouta-t-il en levant les bras, un rictus moqueur sous sa grosse moustache blonde. 

— Nos amis, non. Mais ne t’attends pas à d’autre réaction en amenant cette chose avec toi, Torby ! 


En effet, de la même façon que la plupart des êtres humains avaient contractée des peurs innées contre les serpents, les araignées ou les crocodiles à cause de la préhistoire, la crise des Omniums avait introduit une nouvelle phobie à l’ordre mondiale contre les automates de combats de type E comme celui devant eux. 

La “chose” en question était trouée de toutes parts par les tirs de Jack et semblait mal en point. Des circuits se retrouvaient à l’air libre et crépitaient, et grosse led bleu sur sa tête rectangulaire qui représentait ses yeux était nettement plus faible.  


— A cause de toi, je vais devoir me coltiner pleins de réparations !  

— J’vous le fais pas dire ! Regardez le mobilier !  

Torbjörn tourna la tête vers Amset et le regarda momentanément avant de pivoter la tête vers Ana. 

— C’est qui lui ? lâcha-t-il d’un ton hautain en haussant un sourcil. 

— Lui, c’est le propriétaire des lieux, et il n’est pas très content ! répliqua Amset, qui ne mine de rien gardait toujours un pied dans la cuisine et une main agrippée au poignet d’Ana, au cas où la led de la “chose” redevenait rouge. 

— Amset, je te présente Lindhölm Torbjörn, dont je t’ai parlé ! s'empressa de dire Ana, voyant que le suédois allait répliquer. Lindhölm, c’est Amset, un médecin qui m’a recueilli il y a huit ans alors que tout le monde me croyait morte. Nous sommes ensemble. 


L’ingénieur cligna trois fois des yeux puis soupira, manifestement fatigué, avant de s’étirer en faisant craquer ses os et grimacer Ana. 


— Dis-moi Lindhölm, commença-t-elle, qu’est-ce que tu fais avec ce truc, nom de nom ? 

— Ce truc s’appelle Bastion ! répliqua-t-il avant de bailler à s’en décrocher la mâchoire. Et je l’ai trouvé en Allemagne.  

— Je ne t’ai pas demandé où tu l’as trouvé ! s'exclama Ana, avant de se mordre les lèvres pour éviter de provoquer une dispute inutile. Ecoute, tu sais très bien ce que représente cette chose dans l’inconscient collectif. La plupart des êtres humains en ont une phobie ! 

— C’est pour ça que l’autre gars fait la statue depuis tout à l’heure, hein ? Comment s’appelle-t-il, déjà ? 

— Ne change pas de sujet ! éluda-t-elle fermement, avant de jeter un coup d’œil conciliant à la statue en question. 

— Bref, fit-il en hochant la tête. J’ai dormi dehors, mais j’ai mal dormi... ! Et j’ai faim comme un loup.  

— On va faire le petit-déj, décida-t-elle alors que Jack éclatait de rire en hochant la tête, désabusé. Lin, remets-moi la porte en place, il fait froid. Et tu peux aller t’habiller, Jack. 

— T’as vraiment un sacré toupet, Torby ! s'exclama ce dernier avant de retourner dans sa chambre.  

— Viens m’aider à remettre cette porte en place au lieu de rire comme un vaurien ! grommela le suédois, de mauvaise humeur. 


Mais le rire de Jack ne faiblit pas alors qu’il se dirigeait vers ses appartements malgré la toux qui l’avait laissé tranquille la veille et qui revenait brûler ses poumons ce matin. Ana força Amset à rentrer dans la cuisine, sentant bien qu’il allait se lancer dans une tirade qui n’allait apporter que des tensions, et entreprit de le calmer le plus possible alors qu’ils préparaient le petit-déjeuner, essayant de lui faire oublier qu’ils auraient pu mourir ce matin sur un malentendu...  

Le petit-déjeuner fut rapidement prêt, mais Torbjörn était allé encore plus vite. Après avoir refixé la porte, il était allé se laver sur les conseils de Jack et en était ressortie avec une unique chemise trop grande pour lui qui balayait le sol. On pouvait encore voir les trous dans le canapé du salon et la télé percée en son centre par une balle perdue lorsqu’il remplirent la table à manger de mets chaud. Malgré les quelques regards tendus entre lui et Amset, ils mangèrent tranquillement. Jack avait repris son qamis qu’il semblait apprécier de plus en plus, et son regard était plus doux, sa voix plus posée, malgré la toux qui ne cessait de le prendre. Cela se voyait qu’il n’avait pas eu droit à une bonne nuit depuis longtemps. Alors que le petit-déjeuner était bien entamé, Ana reposa sa question initiale qui était “qu’est-ce que tu fais avec ce truc ?”. 


— Ce truc à un nom, répliqua-t-il en sirotant son thé tel une diva. Il s’appelle Bastion, et ils allaient le descendre. C’était en Allemagne, dans la Forêt Noire. Au début, ça ne m’a pas tant posé problème que ça, mais je me suis rendu compte d’une chose : Bastion a dépassé son programme de base. La preuve, c’est qu’il n’a toujours pas criblé de balles le piaf qui l’accompagne tout le temps. Des fois, il l’aide même à construire son nid.  


Ana regarda Bastion avec méfiance, un sourcil levé. Le robot pivota très légèrement la tête entre Torbjörn et la tireuse d’élite avec ce qui ressemblait à de la curiosité, sentiment accentuée par sa tête rectangulaire qu’il basculait d’un côté ou de l’autre, comme pris dans une intense réflexion pour comprendre la conversion. Quelques fois, il lâchait un son robotique aiguë que tous deux ignoraient, mais qui rappelait la confusion dont était emplie la voix d’un enfant quand il voulait savoir pourquoi le ciel était bleu. Un gros oiseau jaune voletait et se reposait de temps en temps sur son épaule. 


— Il l’aide à faire son nid... ? répéta-t-elle, abasourdie.  

— Exact ! Il montre des signes d’empathie et de gentillesse alors qu’il est censé tuer toute chose organique ! Et je crois même l’avoir aperçu essayer de communiquer avec le piaf ! 


L’égyptienne en avait des étoiles dans les yeux. Si elle avait entendu ça pendant ces années à Overwatch, elle n’aurait même pas cherché à écouter, mais là, cela ne lui semblait pas si fou que ça, voire plausible. Elle regarda derrière elle pour voir le mur criblé de balles et grimaça légèrement.  


— Tu es sûr que c’est totalement inoffensif ? Insista-t-elle en croquant dans un croissant. 

— IL est totalement inoffensif, oui, rectifia-t-il. Mais, il ne faut pas le menacer avec une arme, ou bien faire des mouvements trop brusques. Et ne pas le toucher, de préférence. Et ne pas toucher le piaf non plus, on ne sait jamais. Et aussi... 

— Bon, on va faire simple, le coupa Ana en fermant momentanément les yeux avec un hochement de tête condescendant, si tu veux qu’il reste avec nous, enlève-lui son arme principale. Ou bien, code quelque chose pour qu’il ait deux modes : Un mode tueur, et un mode bisounours. 

— J’étais en train de travailler sur la deuxième option. Mais, il n’a jamais posé problème... se sentit-il obligé d’ajouter pour le défendre. 

— Ah, donc chez vous aussi, ça lui arrive de trouer les murs de temps en temps ? railla Amset avec un rictus moqueur. 

— Je ne sais pas, j’ai jamais eu la bêtise de tirer sur un automate de combat avec un pétard de mauvaise qualité ! ricana l’ingénieur avec un sourire las. 

— Je ne sais pas quel est le comportement le plus bête, se défendre contre un automate, ou le sauver parce qu’on pense pouvoir en tirer un peu d’humanité ! rétorqua-t-il du tac-au-tac. 

— Ok, les gars, trancha-t-elle. La discussion avait l’air de devenir intéressante, vraiment, mais pourquoi pas garder ça pour demain ?  


Le suédois, qui s’était redressé tel un serpent prêt à frapper, s’affala sur sa chaise et continua de siroter bruyamment son thé en fixant Amset. Ce dernier soutenait son regard en arrachant avec rage un bout de pain, manquant de renverser le contenu de son bol de lait au passage. Ana souffla avant de lancer un regard las à Jack qui lui rendit un sourire rieur et reporta son attention sur Amset. 


— Je t’avais dit que je t’en dirai plus sur ce que j’ai fait ces derniers jours la nuit dernière, se rappela-t-elle. Chose promise, chose due. C’est simple, depuis tout ce temps, j’essayais activement d’arrêter Hakim, un dealer d’armes que je soupçonne d’alimenter le conflit armé dans le centre-ville entre les trois partis politiques qui se disputent le pouvoir. Jack et Lindhölm étaient sur le coup aussi.  

— Et hier ? 

— On les as suivi jusqu’à leur Q.G mais c’était un piège. D’une manière ou d’une autre, ils savaient qu’on allait être là, et ils ont déguerpis aussi vite que possible. On a aussi vu des agents de La Griffe, dont je t’ai parlé. 

— Il y a aussi un gars que j’ai aperçu avant de voir Jack, intervint Torbjörn. Un gars en retard sur Halloween avec un asque pas piqué des hannetons... ! 

— C’était Gabriel, répondit-elle. Gabriel Reyes.  

— L’ancien commandant-en-chef d’Overwatch ? Se rappela Amset avec une moue pensive.  

— Lui-même, répondit Jack. Je ne sais pas ce que transporte Hakim, mais j’ai l’intuition que ce ne sont pas que des cageots d’AK47...  

— Peut-être une arme massive, renchérit Torbjörn. On a placé un traceur sur le camion de toute façon, non ? Ajouta-t-il. 


Jack hocha de la tête avant de remplir sa bouche d’une grosse bouchée de pain au chocolat. 


— Et Frida ? demanda soudainement Ana. Et les enfants ? 


Le visage de Torbjörn s’assombrit momentanément.  


— Ils vont bien, lâcha-t-il d’un bloc avant de continuer à manger. 


Ana, Amset et Jack se regardèrent d’un air entendu. L’ingénieur s’en aperçu et poussa un soupir qui venait du fin fond de son âme.  


— Lorsque je suis partie de la maison, Brigitte voulait partir avec moi. Je n’ai pas voulu et on a eu une grosse dispute. Frida a été plutôt compréhensive, mais elle souffre aussi de mes sorties répétées.  

— Pourquoi ne pas avoir profité de ces années pour rester un peu avec ta femme et enfants ? demanda l’égyptienne, troublée. 

— Parce que le monde n’allait pas bien, et que c’était à cause d’armes que j’avais créé que des organisations étaient en mesure de faire souffrir des innocents. J’ai une grosse responsabilité dans l’armement des groupes anarchistes et terroristes ces dernières années. Beaucoup de gens ont récupérés mes plans et les ont vendus au plus offrant.  

— Tu n’avais pas créé ce deck pour faire le mal, tu... 

— Peut-être, coupa-t-il sèchement. Mais j’ai un devoir de rédemption. Je n’arrêterai pas tant que je n’aurai pas fini. 


Ana n’insista pas, voyant qu’il était tendu et dirigea la conversation vers la situation politique du pays, thème auxquels Jack et Lindhölm étaient moins attaché émotionnellement, et qui ne troublerait pas le calme relatif qui s’était installé depuis qu’ils réquisitionnaient la demeure d’Amset. Le petit-déjeuner se termina bientôt, et Torbjörn descendit au sous-sol avec Jack pour s’occuper de Bastion, tandis qu’Amset nettoyait le salon, et qu’Ana débarrassait la table.  

 

 

— Si je comprends bien, tu n’as jamais vraiment quitté le navire, hein ? s'enquit Jack. 

— Comme toi, non ? 

— Ouais, mais moi, j’étais plus discret. Qu’est-ce qui as fait que les autorités américaines te laissent tranquilles ? 

— J’ai une famille, répondit-t-il simplement. Ils n’avaient pas besoin de me dire que je devais me tenir à carreaux pour l’être, mais ils ont quand même tenu à me faire quelques... visites de courtoisie, pour me rappeler ma position.  


Jack aurait bien aimé souligner l’évidence en appuyant sur le fait qu’ils étaient de véritables ordures, mais il se mit à tousser, si fort qu’il se sentit exploser comme exploser.

Un long moment, la toux le tint hors de la discussion, et il se retrouva même cassé en deux, les mains sur les genoux. 


— Tu tousses comme un camion depuis qu’on s’est rencontré... A chaque fois, je suis surpris de ne pas voir du sang sortir de ta bouche. 


Jack ne répondit rien et recommença à respirer par petites bouffées pour calmer l’incendie interne qui le faisait grimacer de douleur. Après quelques secondes de recueillement, il put se redresser en poussant un gros soupir. 


— T’as attrapé ça dans quel patelin, soldat ? 

— Ça n’a aucune importance, trancha Jack.  

— Certes. Mais si ça te prend sur le champ de batailles, je ne donne pas cher de ta peau... ! 


Torbjörn venait de matérialiser en une phrase tous les cauchemars que lui avait fait faire cette toux du diable qu’il avait contracté il y a quelques mois, maintenant. Il n’avait toujours pas la réponse à cette question, et préféra botter en touche. 


— Ça devrait bientôt se calmer. Mais dis-moi, tu as dit avoir trouvé cet automate en Allemagne, non ? Alors comment tu t’es retrouvé en Égypte par la suite ? C’est dû à une expédition encore plus ancienne que ça en Ukraine, vers 2074, chez les Ironhead, un groupe anarchiste [1]. J'ai eu envie de savoir d’où ils avaient leurs armes, et c’est la première fois que j’ai vu le nom Hakim. Mais ça m’a pris énormément de temps d’investigation. Finalement, la piste m’a envoyé jusqu’en Espagne, à Cadix, dans le sud. J’y suis allé deux semaines après l’Allemagne, et devine ce que j’ai trouvé ? 

— Rien ? 

— Presque. Une entreprise de conditionnements des fruits et légumes. Apparemment, fin de la chasse à l’homme pour moi, mais je n’étais pas tombée sur rien. Là aussi, j’ai pris mon temps, mais j’ai retrouvé Hakim dans l’organigramme de l’entreprise, sous un nom différent. La plupart de leurs marchandises partaient en Afrique du Sud, et j’ai eu l’intuition que les camions n’étaient pas tous remplies d’abricots et de tomates. Alors, je suis allé faire ma petite infiltration la nuit venue. 

— Et t’as mis la main sur deux trois fruits ? railla Jack. 

— Ça et l’intrus parmi la liste de camions qui devait partir. L’un d’eux était vide et devait sûrement être rempli plus tard avec des armes. 


Jack acquiesça de la tête, avant de tousser, plus doucement cette fois.  


— L’air du sous-sol ne me fait pas du bien, en conclut-il. Concernant Hakim, j’ai le pressentiment que ce gars n’est qu’un leurre. Il est seul depuis le début, mais son entreprise est mondiale. C’est sûrement une marionnette qui cache des protagonistes plus gros derrière. 

— Ils continuent leur voyage plus bas vers l’Afrique de l’ouest. 

— Alors, nous les suivrons. 

— Ana aussi ? 


Jack haussa les épaules en faisant la moue, signe qu’on verrait bien, et fit mine de sortir de la pièce, avant de se rétracter. 


— Tu as repris contact avec Winston, depuis ? 

— J’ai pas pu. J’espère qu’il n’a pas perdu espoir, depuis.  

— C’est pas le moment, sourit Jack. C’est bientôt Noël après tout ! Je vais aller demander à Ana. 


Ana, justement, était dans sa chambre, dans l’un des qamis d’Amset, assise sur leur lit. Dans ses mains, elle tenait un boîtier de communication holographique [2]. C’était avec a qu’elle était entrée en contact avec Winston il y a quelques semaines. Depuis, elle les avait régulièrement appelés en catimini pour prendre des nouvelles. Lui et Léna étaient encore caché à Numbani mais avaient trouvé une bonne planque. La nuit dernière avec Amset, ils avaient très peu parlé, mais il semblait la comprendre. Elle tapota sur le boîtier du bout de ses doigts avec nervosité, avant de finalement composer le numéro secret. Elle n’attendit pas longtemps avant de voir devant elle l’hologramme d’un énorme gorille génétiquement modifié avec de petites lunettes rectangles. 


— Hey, Ana ! s'exclama-t-il. Ça fait longtemps ! 

— Salut Winston ! Vous allez bien ?  

— Moi ça va. Mais comme tu pouvais le prédire, Léna commence à en avoir assez d’être piégé entre quatre murs à appeler des agents aux quatre coins du monde... ! Elle est encore sortie là, je ne sais quand est-ce qu’elle rentrera... 

— Dis-lui d’attendre encore quelques jours. On va bientôt vous rejoindre. 

— Comment ça ? s'exclama-t-il de sa voix grave et bourrue, surpris. Je pensais que tu serais un agent dormant. 

— Jack m’a convaincu. Il est en Egypte, avec Lindhölm. Et je compte bien vous revoir. 

— Génial ! cria-t-il avec une grosse voix en frappant sa poitrine. Les anciens commandants montrent l’exemple.  

— Fais passer le message, acquiesça-t-elle avec un sourire. On est bel et bien de retour, et il y a déjà du pain sur la planche !  

— La Griffe ? s'enquit-il, redevenant sérieux en une fraction de secondes. 

— Peut-être. Tu sais, le Hakim dont je t’avais parlé ? Eh bien, il semble que Jack et Lindhölm aient été aussi dessus pendant un bon bout de temps. Hier, on a vu des agents de La Griffe avec lui. Peut-être qu’Hakim est en mission pour eux, mais nous ne sommes pas sûrs... 

— Je vois. De notre côté, on a établi contact avec Mei ! Elle est sur un gros pétrolier russe et elle m’a dit pouvoir être au Brésil dans quelques jours. 

— Elle pourra rejoindre quelqu’un là-bas ?  

— Je sais qu’Echo est au Nouveau-Mexique et attend mes instructions. Elle ne peut pas se déplacer trop librement vu qu’elle est très reconnaissable par ceux qui la convoitent. Elle pourrait la rejoindre au Brésil. J’ai aussi eu Mcree, mais il m’a dit qu’il lui restait un truc à faire avant qu’il puisse reprendre les armes. Il a à faire avec un gang du Nouveau Mexique aussi.  

— Et Reinhardt ?  

— Je l’ai eu dans la journée ! s'exclama Winston, la voix gonflée d’excitation. Il m’a dit avoir un ami pilote qui pourrait l’amener à Numbani dans quelques jours, mais je ne sais pas si c’est une bonne idée de tous se retrouver là... L’endroit n’est pas sûr. 

— Certes, mais on n’a pas d’autre choix. Et puis, il y a notre vieil ami là-bas qui pourrait nous donner un coup de main... 

— Il pense venir avec Brigitte. 

— Que... Quoi ? S'exclama-t-elle d’une voix forte. 

— Que se passe-t-il, Ana ? s'enquit Amset, aurez-de-chaussée. 

— Heu... ce n'est rien chéri, je n'arrive juste pas à retrouver une paire de chaussettes !  


Elle se concentra se nouveau sur l’image holographique de Winston, les yeux exorbités de stupeur.  


— Tu en es sûr ? 

— Certain. Je lui ai même parlé. Qu’est-ce qu’elle a grandi Ana, tu ne t’imagineras jamais... ! 

— C’est très mauvais... 

— Hein ?  

—Je ne pense pas que Torbjörn soit au courant... ! 

— Ah oui, mince... Tu vas le prévenir.  

— Non, surtout pas pour l’instant. Il faut qu’on rester concentré de notre côté. Essaye de gagner du temps du côté de Rein. Il ne faut pas qu’il descende, pas pour le moment.  

— Compris. 

— Et Sojourn, elle ne répond toujours pas ?  

— Non. Mais j’ai eu Liao. Et tu ne devineras jamais la nouvelle... ! 

— Quoi donc ?  

— Il est en infiltration en ce moment chez La Griffe. Lui non plus n’a jamais déposé les armes ! 

— Oh... !  


Ana se retint de pousser un cri de joie en plaquant sa main contre sa bouche. C’était inespéré... ! Alors qu’ils se sentaient épiés par La Griffe qui semblait voir tous leurs mouvements en avance, ils avaient enfin un moyen de contre-attaquer ! 


— C’est une info sûre ?  

— Je l’ai eu en appel vidéo, acquiesça Winston. J’ai tout vérifié, structure faciale, timbre de voix, posture. C’est lui à 200%, capitaine !  

— C’est absolument génial. Si tu rentres de nouveau en contact avec lui, parle-lui d’Hakim et de sa marchandise mystérieuse. S’il connaît le point de destination, on peut avoir un temps d’avance sur eux. Nous attendrons ta réponse pour décider ce que nous ferons ici par la suite.  

— Entendu. J’ai hâte de tous vous revoir ! 

— Moi aussi, Winston. Moi aussi. A bientôt ! 


Elle déposa le boîtier, le cœur empli de joie et d’excitation, quoique mêlé d’appréhension. Les “et si” pleuvaient de moins en moins dans sa tête, mais venait toujours troubler son jugement. Et si Winston et Léna étaient capturés, et si la Griffe avait un espion dans leurs rangs, et si... Elle décida d’ignorer toute cette question, et se leva les poings fermés, résolue. Elle avait pris son choix.  

Pendant ce temps, Jack était monté du garage vers le salon, et avait croisé Amset qui passait le balai devant l’escalier menant au premier étage.  


— Heu, Morisson, attendez ! Je voulais vous dire quelque chose ! 

— Appelez-moi Jack, répondit l’intéressé en se retournant, perplexe. 

— Vous savez hier, quand vous m’avez parlé de votre projet de renaissance... Je vous avais dit que je ne me sentais pas capable d’être en arrière, d’attendre qu’elle rentre sain et sauf à la maison sans savoir si elle rentrerait un jour.  

— Oui, en effet, acquiesça-t-il pour l’encourager.  

— J’ai refondé une famille avec elle, et je refuse de la briser à nouveau. 


Jack hocha doucement la tête, acceptant sa défaite. Soudain, un cri éclata à l’étage.  


— Que se passe-t-il, Ana ? s'enquit Amset. 

— Heu... ce n'est rien chéri, répondit-elle vaguement à l’étage. Je n'arrive juste pas à retrouver une paire de chaussettes ! 


Les deux hommes se regardèrent avec un sourire. 


—Elle a toujours eu le sang un peu chaud quand il s’agit de faire le linge, sourit narquoisement Amset. 

— Ouais, ricana Jack avec douceur. En tout cas, je comprends, mon vieux. Ce que je vous demandais est un effort surhumain après tout ce que vous avez vécu. Vous avez droit à la tranquillité, maintenant. 


Le soldat tapota son épaule avec un sourire qu’il voulait amical, mais Amset le regardait, troublé.  


— Heu... non, vous ne comprenez pas, l’arrêta-t-il avec un froncement de sourcil. Ce que je veux dire, c’est que je refuse de rester les bras ballants ! Prenez-moi avec vous !

Je suis médecin, et Ana n’est pas la seule que j’ai opéré en temps de guerre.  

— Quoi ? Impossible, vous n’êtes pas formé ! 

— Vous avez-vous-même dit que mon expérience faisait de moi quelqu’un capable de tout encaisser, et j’ai l’intime conviction que c’est vrai. Je ne peux laisser Ana aller sur le champ de batailles et rester derrière à prier pour son retour. De toute façon, la guerre va éclater et ceux qui n’auront pas pris les armes seront des victimes désignées. 

— Certes, mais... fit Jack, dépassé. 

— Vous aviez raison, hier, renchérit Amset. Nous sommes tous des soldats, désormais.  

— Certes, répéta le soldat.  


Il n’aurait jamais pensé que ses arguments de la veille seraient si puissants qu’il amènerait Amset à s’engager.  


— Et vos enfants ?  

— Mon fils se bat déjà, et ma fille fait le tour du monde avec son amant. Je suis en fait le seul dans la famille qui suis encore inactif, et cela va changer dès ce soir ! 

Jack le regarda, impressionné. Il l’avait vanté la nuit dernière pour le flatter, mais ses louanges contenaient du vrai : Amset était un homme courageux et volontaire.  

—Je vois... 

— Oh, les garçons, vous êtes là...  


Ils levèrent tous les deux les yeux vers le haut de la cage d’escalier. Ana les descendit deux par deux avec l’excitation d’un enfant qui sort juste du lit pour déballer ses cadeaux de Noël.  


— Écoutez, commença-t-elle après avoir pris une grande inspiration. J’ai quelques choses à vous dire. 

— Moi aussi, renchérit Amset.  

— Oh... ! 

— Bon, eh bien je vais vous laisser... glissa Jack en repartant vers le garage, cachant difficilement son sourire.  


Il n’avait même pas encore atteint la porte qu’il entendit les exclamations de surprise étouffées d’Ana. Il n’avait pas besoin d’entendre leur conversation pour savoir comment elle allait se finir. Il avait lu la détermination dans les yeux d’Amset. Indépendamment du choix d’Ana, le médecin avait décidé de reprendre du service auprès des agents d’Overwatch qui allaient risquer leur vie. Lorsque Torbjörn le vit rentrer de nouveau dans la pièce, il leva subrepticement le regard vers lui avant de se concentrer sur l’articulation du coude de son Bastion.  


— Alors ? 

— Elle vient, assura Jack avec un soupir de soulagement. Le vice-capitaine est de retour... ! 

 

 

 

 

 

 


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